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Forêt de guerre
On a appelé Forêts de guerre les forêts restaurées ou recréées en France sur d'anciennes forêts, ou sur des champs ou villages détruits par la Première Guerre mondiale, essentiellement sur la Zone rouge. Elles sont principalement situées dans le département de la Meuse et moindrement dans le Pas-de-Calais (Forêt de Vimy) et la Somme. Ces zones ont après la guerre été préemptées par l'État avec dédommagement des propriétaires ou de leurs ayant-droit.
L'expression désigne plutôt les forêts publiques domaniales, mais des forêts communales ou privées ont également été concernées.
Plus largement, la notion de forêt de guerre évoque aussi le bois déprécié qui en a été tiré durant la période de restauration 1918-1930, et le bois mitraillé qu'on y trouve encore, ou qu'on trouve dans d'autres forêts (de l'ancienne "zone jaune") qui exige des précautions d'exploitation et un matériel de scierie adaptés.
Les bois mitraillés provenant de certaines de ces forêts sont dépréciés car pouvant contenir des objets métalliques gênants ou dangereux pour les scieries, qui pour certaines utilisent alors des détecteurs de métaux. Le bois pourrait aussi parfois contenir certains polluants liés aux séquelles de guerre.
Sommaire
Exemple meusien
Le département de la Meuse (France) regroupe en cinq zones 15.672 ha de forêts de guerre, parmi lesquels seuls 5.700 hectares (soit environ 1/3 de la superficie) étaient boisés en 1914. En fait, ce sont d'après les évaluations officielles de l'époque environ 20.000 ha qui auraient du être (re)boisés dans la Meuse tant les sols y avaient été dégradés par les combats, mais la Loi du 24 avril 1923 a imposé une révision du parcellaire à exproprier afin d'encourager le retour de l’agriculture (ou pour réduire les coûts de restauration ?), ce qui a réduit d’environ 5.500 ha l’effort de création de forêts de guerre dans ce département. Il a fallu plusieurs décennies pour planter ces forêts (là où la régénération naturelle n'a pas été encouragée ou acceptée). La plupart de ces arbres n'ont pas 90 ans et ne sont donc pas encore exploités, hormis par des coupes d'entretien ou d'éclaircies.
Tourisme
Ces forêts, et celle de Verdun (Meuse) tout particulièrement, font partie des haut-lieux du tourisme de mémoire. Certaines zones ne sont ouvertes ni au public ni à l'exploitation, n'ayant pas été suffisamment déminées - à Vimy (Pas-de-Calais) par exemple - ou sont conservées à usage de camp militaire.
Environnement
La Première Guerre mondiale a généré de nombreux impacts environnementaux, physiques et/ou écologiques, directs et/ou indirects, immédiats et/ou différés sur l'eau, l'air, les sols et les écosystèmes. Une des séquelles majeures pour les forêts de guerre est la présence encore massive dans ces forêts de munitions "conventionnelles" ou "chimiques" non-explosées, perdues, stockées ou parfois immergées, source constante de risque et de danger de pollution induite par les munitions. Ces pollutions viendraient alors s'ajouter aux retombées anciennes des combats de 1914-1918 qui ont dispersé dans l'environnement et notamment dans l'atmosphère de gigantesques quantités de plomb, de mercure, d'arsenic et de gaz toxiques de combat dont on sait peu ce qu'ils sont devenus. Ces toxiques sont souvent non-dégradables et parfois bioaccumulables. Le mercure et d'autres métaux lourds peuvent affecter la santé, y compris la santé reproductive de nombreux animaux, et celle des humains qui les consomment.
Avec le réchauffement climatique, on peut craindre une augmentation du risque d'incendie dont les conséquences peuvent être très aggravées dans ces forêts.
En Allemagne, pour reboiser avec peu de moyens (suite aux deux guerres), une école originale de sylviculture a été créée, basée sur l'imitation des processus de résilience forestière.[1]
Enjeux, prospective
Pour sa composante végétale, la jeune forêt reconstituée après guerre a montré une étonnante capacité de résilience sur les sols les plus bouleversés, constituant des faciès nouveaux, nommés « polémosylvofaciès » par Jean-Paul Amat qui les a étudiés en France dans le cadre de sa thèse (CNRS). La plupart des espèces animales ne semblent pas avoir fortement souffert des séquelles chimiques de la guerre, mais on ne dispose pas d'état écotoxicologique des lieux, ni d'études de prospective publiées sur le devenir dans l'environnement des munitions conventionnelles (et chimiques) et des déchets de guerre dont le statut juridique n'est pas clair, et qui peuvent pour longtemps (siècles et millénaires) polluer les sites, sols et sédiments de ces régions ou des lieux où ils ont été transportés ou traités. Or, ce n'est - d'après les experts - qu'au XXIe siècle que les obus immergés et enterrés, rongés par la corrosion devraient commencer à libérer leurs contenus toxiques. Les impacts de ces fuites ne semblent pas avoir été étudiés expérimentalement ni même modélisés.
Les détecteurs de métaux n'étant pas disponibles dans les années 1920, le désobusage n'a été que superficiel. Dans les sols des forêts de guerre, il reste des millions d'obus et de petites munitions et des milliards de billes de shrapnels, qui sont maintenant souvent sous les racines des arbres, inaccessibles. Ces forêts subiront donc encore longtemps les séquelles physiques de la guerre, qui sans affecter leur valeur patrimoniale (sites de la mémoire), pourraient à terme affecter leur valeur économique. Ces polluants, s'ils ont encore peu d’impacts visibles sur la flore (sauf très localement et à des doses très élevées), sont néanmoins toxiques pour la faune et l'homme (à très faible dose pour certains). Ils peuvent être bioaccumulés par la chaîne alimentaire, mais on ne semble pas avoir clairement cherché s'ils sont accumulés par les arbres, dans le bois, les feuilles, fruits, écorces, etc. ou de quelle manière ils circulent ou non dans le réseau trophique et les écosystèmes.
Les produits animaux et végétaux, les champignons ou le sol issus des forêts de guerre sont potentiellement pollués par le plomb, l’arsenic, le mercure, ou d'autres métaux ainsi que par divers composés chimiques.
Aujourd'hui ou dans le futur, la consommation de champignons, de gibier ou peut-être d'aliments cuits au feu de bois (avec bois ayant absorbé par exemple du plomb) pourrait être source d’intoxication. Une des origines du taux élevé de plomb des vins (première source de plomb dans l'alimentation des français selon la conférence de consensus sur le saturnisme de Lille, en 2003) reste mal expliquée. Le plomb désorbé du bois des tonneaux de chêne, pour partie provenant des retombées des guerres pourrait-il être en cause ?
Voir aussi
Articles connexes
- Forêt
- Bataille de Verdun • Bataille de la Somme
- Séquelle de guerre
- Munition non explosée • Désobusage
- Toxicité des munitions • Pollution induite par les munitions
- Zone rouge (séquelles de guerre)
- Villages-Mémoire
- Reconstruction en France et en Belgique après la Première Guerre mondiale
- Dommage de guerre
- Devoir de mémoire
Références
Liens externes
- (fr)(en) Ex de déminage en zone rouge de séquelle de guerre 14-18.
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