Etre et Temps

Etre et Temps

Être et Temps

Être et Temps (Sein und Zeit, 1927) est une œuvre du philosophe allemand Martin Heidegger.

Cette œuvre est conçue comme une première partie d'un projet qui ne fut pas mené à terme. Elle marque un tournant important de la philosophie continentale. Emmanuel Lévinasqui s'opposa pourtant à luiconsidéra à la lecture de cette œuvre que Heidegger était l'un des plus grands philosophes de l'histoire occidentale. C'est en partie sous son influence que se développent l'existentialisme et la déconstruction.

Cette œuvre pose la question du sens de l'être, question fondamentale de l'ontologie, définie par Aristote comme étant la question de l'être en tant qu'être.

Pour Heidegger, cette question, qui est tombée dans l'oubli et la trivialité (la tradition philosophique qu'il faudra détruire - ou, suivant les traductions - déconstuire), doit être reposée à la lumière du Dasein, étant privilégié parmi les étants.

Sommaire

Résumé de lœuvre

Généralités

Martin Heidegger a un style décriture qui lui est propre, un style décriture étrange, très technique, qui apparaît d'abord souvent fort abscons, qui exige de la part du lecteur un redoublement defforts pour semparer dun commencement de compréhension. Mais Heidegger a sans doute opté pour ce style afin de nous forcer à enlever tout préjugé sur la réflexion menée, sur les termes utilisés et ainsi mieux maîtriser ce quil veut dire en nous plongeant dans son style inhabituel qui requiert toute notre attention et notre patience pour mener à bien la lecture. Heidegger se justifie en évoquant l'effet barbare qu'à produire la langue très technique d'Aristote dans sa Métaphysique aux oreilles grecques. L'arrachement à l'oubli de l'être ne peut se produire dans le langage de cet oubli.

Sein und Zeittente de répondre à la question du sens de 'être' pris comme tel. Mais cette entreprise reste inachevée, la troisième section, 'Temps et être' n'ayant jamais été publiée. On en trouve cependant une élaboration dans les dernières pages des Problèmes fondamentaux de la phénoménologie, cours professé par Heidegger à Marbourg durant le semestre d'été 1927. Ce livre, qui expose et explicite en toute rigueur des concepts aussi fondamentaux que lexistence, le monde, la réalité, la vérité, la mort, la conscience, lhistoire et bien sûr le temps, ne traite finalement que du sens de l'être du Dasein, létant fondamental, sans effectuer encore le tournant dans la question de l'être pris comme tel.

La question est donc celle du sens de l'être du Dasein. Heidegger écrit surtout sur la déchéance du Dasein et comment sortir de l'identification auOn’, la manière impropre d'exister, état initial, inévitable dans lequel se trouve le Dasein de prime abord et le plus souvent, au quotidien. Ainsi la phénoménologie dHeidegger, loin dêtre une simple philosophie qui ne cherche quà explorer le royaume éthéré de la pensée, révèle ces buts pratiques et par son véritable intérêt. ‘Sein und Zeit’, est lexposition rigoureuse de lexistence et des idées pragmatiques pour sextraire de la déchéance

Place maintenant au résumé détaillé du livre qui va tenter dexpliciter et surtout daller au-delà du caractère a priori hermétique et abscons dune des plus grandes œuvres philosophiques du XXe siècle dans le domaine de la phénoménologie.

Tout ce qui va suivre utilisera la terminologie heideggérienne employée dansSein und Zeit’ (en français et allemand) et y ajoutera éventuellement une reformulation en termes un peu moins techniques pour essayer daider à la compréhension.

Introduction de la problématique

Sein und Zeitdébute par une citation du Sophiste de Platon : « Car manifestement, vous êtes bel et bien depuis longtemps familiers de ce que vous visez à proprement parler lorsque vous employez lexpressionétant”; mais pour nous, si nous croyions certes auparavant le comprendre, voici que nous sommes tombés dans lembarras ». La question de lêtre (sein) que sétaient posé, sans réel succès, Platon et Aristote il y a fort longtemps est tombée en désuétude, maintenant balayée dun simple revers de main soit parce quelle est trop « évidente », soit parce quelle ne sert à rien ou parce que, comme le disait Pascal, tenter de définirêtreest impossible car la définition nécessiterait le verbe êtreCependant cet oubli est plus que regrettable dixit Heidegger et il est franchement temps et nécessaire de reposer cette question de lêtre, répétition dont il souligne lintérêt au cours des premiers chapitres.

Dans les premières pages de cet ouvrage, Heidegger nous expose en profondeur la méthode quil va suivre pour construire correctement la réponse à cette question. Il délimite donc le sujet : létant (Seiende ; ce qui est) à questionner en priorité sera le Dasein, « terme intraduisible » quHeidegger choisit pour signifier « létant que je suis à chaque fois moi-même » (Nous verrons plus bas pourquoi Heidegger nutilise pas le termemoipour exprimerDasein’, terme qui semblerait a priori plus approprié ; en guise de traduction du motDasein’, Heidegger a proposé « dans un français sans doute impossible » lexpressionêtre-le-’, dans la mesure Dasein signifie être l'ouverture). Linterrogé principal sera le Dasein car cest un étant insigne, ayant la primauté ontique (ontische ; qui concerne létant) car je le suis à chaque fois moi-même, la primauté ontologique (ontologische) car le Dasein est un étant qui peut sinterroger sur lêtre. Mais aussi et surtout le Dasein sinterrogera lui-même pour répondre à la question de lêtre car il contient en lui-même une précompréhension de lêtre, une « entente de être » (le terme decompréhensionsera développé rigoureusement plus bas). Être, il n'y a que par la compréhension de l'être. Seul le Dasein s'ouvre à de l'étant compris en tant que tel, comme étant, et il ne le peut que parce qu'il comprend toujours déjà l'être. Comprendre, cependant, ne signifie pas encore concevoir, et c'est à l'ontologie fondamentale heideggerienne d'élaborer explicitement cette compréhension préontologique.

Ensuite Heidegger met en lumière la différence entre cette recherche du sens deêtreet dautres disciplines tel que lanthropologie, la psychologie et la biologie, disciplines des « sciences positives » (la science moderne quoi) qui neffectuent leur recherches sur létant qu'à partir dune entente préalable qui est la leur sur lêtre, autrement dit leurs recherches sont construites en ayant pour base une « axiomatique implicite » loin dêtre bien explicitée. Pour lontologie fondamentale, il ne doit pas y avoir daxiomatique implicite.

Il exprime aussi le fait quil ne considèrera pas pour acquis ce que dautres ont fait avant lui, préférant « tout reconstruire par lui-même », annonçant même la tâche de déconstruire (Destruktion) la métaphysique traditionnelle (la déconstruction de lhistoire de lontologie) afin de mener à bien la question de lêtre. En ce sens, ‘Sein und Zeitest un livre qui se suffit à lui-même ie sa lecture ne nécessite a priori pas la connaissance dautres œuvres littéraires ou philosophiques. Cependant, Martin Heidegger ne rédigera pas ces chapitres sur la déconstruction de la métaphysique, chapitres qui étaient pourtant annoncés au début de louvrage. Cependant, la déconstruction d'Aristote et de Kant a été élaborée dans ses cours à l'université de Marbourg durant les années d'élaboration deSein und Zeit’.

Il présente ensuite la démarche choisie pour la recherche : la recherche sera menée par la méthode phénoménologique. Pour cela, il définit les deux termes composant le mot, à savoirphénomèneet λόγος, revenant à leur racine grecque, puis le termephénoménologiedans son entier. Unphénomèneest « ce qui se montre à même lui-même ». Le phénomène montre donc létant tel il est. Quant au λόγος, il sagit du discours qui « fait voir quelque chose comme quelque chose », qui montre (« …lextraire de sa retraite et le faire voir comme sans retrait »). Le λόγος a donc pour vocation de révéler létant tel quil est, révélation qui nest rien dautre que le concept grec présocratique dάλήθεια (ouvert-sans-retrait, vérité). Ainsi nous dit Heidegger, lαίσθησις (la sensation) est originellement bien plus proche de lάλήθεια (la vérité) que le λόγος(le discours). Ceci est un point important dansSein und Zeit’, nous verrons plus loin pourquoi. Et la phénoménologie alors ? La phénoménologie peut être définie par cette phrase : « ce qui se montre, tel quil se montre de lui-même, le faire voir à partir de lui-même. ». Et « lontologie nest possible que comme phénoménologie » nous dit Heidegger.

La partie méthode de la recherche est dès lors terminée. La recherche à proprement parler va pouvoir enfin commencer.

Dasein et être-au-monde

Lanalyse existentiale

Le Dasein (étant qui permettra de répondre à la question du sens de « être ») existe et est le seul à « exister ». Ainsi larbre, Dieu, le chat « sont » mais n’« existent » pas. Simple emploi technique de terme. Lexistence (Existenz) est le rapport particulier quentretient le Dasein avec son être, car même si le Dasein a la même « texture » que tout autre étant quil est amené à rencontrer, pour lui, il est évident quil est un étant insigne. (A ce sujet, dans Sein und Zeit il y a la fameuse phrase « “lessencedu Dasein tient dans son existence », phrase signifiant que le Dasein est un étant insigne pour qui « en son être, il y va de cet étant de cet être », que le Dasein est cet étant obligé à souvrir (le « ex » de existence), à soutenir son être. Cette phrase célèbre a été mal interprétée par des existentialistes tel Sartre qui semblait voir ici que « lexistence précède lessence » dans un sens totalement différent à ce quHeidegger a voulu signifier.)

De lexistence, Heidegger définit 2 autres termes : « existential » (Existenzial ; à rapprocher dontologie ; qui se rapporte à lêtre de létant qui existe, le Dasein) et « existentiel » (Existenziell ; à rapprocher dontique ; qui se rapporte à létant qui existe). Les structures dêtre du Dasein sont appelées les « existentiaux ». Pour répondre à la question de lêtre, Heidegger va mener « lanalyse existentiale » du Dasein et ainsi déterminer quels sont les existentiaux. Avec cette signification pour le terme « existence », Heidegger se détache de lexistentia scolastique qui ne traite que ce que Heidegger nomme lêtre--devant (Vorhandenheit), létant se présentant « aux yeux de tous », qui correspond à l'ontologie traditionnelle de la substantialité. Lexistence soppose à lexistentia au sens lexistence qui est ouverture du Dasein vers son «  », nest pas seulement de lordre de létant -devant.

Etudions le Dasein dans sa quotidienneté (Alltäglichkeit), tel quil est à chaque fois lui-même, de prime abord et le plus souvent. Quotidiennement le Dasein se caractérise par son être-au-monde (In-der-Welt-sein). Comme nous lavons dit précédemment, le Dasein est un étant obligé à souvrir, obligé à être son «  ». Le Dasein est au monde. Mais quest le monde ? Et quest ce que signifie pour le Dasein « être son  », lêtre-au ? Finalement que signifie lexpression « être-au-monde » dans sa globalité ? Cest ce sur quoi va porter la première partie de lanalyse existentiale.

Le monde

Lamondanéité’ (Weltlichkeit) du monde est ce qui fait quontologiquement le monde est monde. Après moult subtils raisonnements, Heidegger finit par nous dire que le 'monde', loin dêtre un ensemble détants, de « choses » incluses dans un machin dans lequel le Dasein ne serait quune « chose » parmi dautres (la vision classique et cartésienne du monde…), doit être compris commeouverture en projetdu Dasein, ‘projet dexister’ (certains traduisent plutôtouvertudenous verrons pourquoi cest peut être mieux quouverture…). Le Dasein est toujours sonet ceest lemonde’, louverture pour leprojet dexister’. Le Dasein est quoiquil advienne toujours au monde, il est toujours être-au-monde. Il nest pas quelque chose qui peut être ou ne pas être au monde, au choix selon son « bon vouloir » : le monde est l'horizon hérméneutique de la compréhension de l'étant, il est ce à partir de quoi l'étant est compris comme ce qu'il est. Un marteau, par exemple, n'est jamais ce qu'il est si on le prend abstraitement, tout seul. Le marteau renvoi au clou, le manche renvoi à la main... Le marteau est pour quelque chose, pour quelqu'un, avec lui, il retourne de faire quelque chose (marteler), autrement dit il est signifiant, et ne l'est que pris dans ce contexte qu'est le monde ambiant.

De plus, le Dasein esten vue de soi’. Lemonde’, qui estprojet dexister’, est donc toujoursprojet en vue de soi-même’. Et je le comprends, cemonde’, par ce projet en vue de moi-même. De provient lensemble des significations, des renvois dans lequel se meut le Dasein, lamondanéité’. Lamondanéitéest la significativité (Bedeutsamkeit), lensemble des significations toujours-déjà ouvertes, lensemble des renvois. Et tout étant « intramondain » se donne au Dasein à partir de cet ensemble de significations. Lamondanéitéa donc des conséquences directes sur létant que sera amené à goûter le Dasein, il conditionne louverture de son’.

On pourrait reprocher à Heidegger le fait que cemonde’, cedu Dasein découle purement et « subjectivement » de lui puisque il estouverture en tant que projet dexister’. Heidegger réfute cela. Le monde nest rien détant (puisquil est ouverture…), il est à la fois au-delà de létant et condition de possibilité. Le monde est transcendant et lêtre-au-monde est la structure même de la transcendance. En fait, le réel problème ici nous dit Heidegger est de saisir comment le Dasein « sort de lui », saisir cette sortie originelle du’, véritable mystère de lexistence que Heidegger tente de saisir dans les paragraphes traitant de lêtre-au. À noter quHeidegger sest toujours défendu davoir une pensée individualiste. Ceci séclairera peut être dans la partie suivante seront évoquées lipséité du Dasein (le fait dêtre lui-même), limpropriété (Dasein en tant que On) et la propriété du Dasein.

Être-au-monde et préoccupation

Revenons au Dasein en tant quêtre-au-monde. Au quotidien, létant se donne au Dasein dans la préoccupation (Besorge), et non dans la visée théorétique d'un objet de connaissance. L'intentionnalité husserlienne est réinterprétée comme un se-soucier-de l'étant, dont la visée d'un objet de connaissance dérive. Le Dasein utilise létant qui se donne à lui commeutil’ (Zeug, ce qui signifie le "machin", le "truc" dont je me sers pour faire ceci ou cela). Cette relation, plus originaire que la simple relation « sujet-objet » analysée par la tradition philosophique, est caractérisée ontologiquement par la préoccupation pour l'à-portée-de-la-main (Zuhandenheit ; à noter la différence avec lêtre--devant Vorhandenheit, la particuleZuau lieu deVor’), pour l'étant disponible.

Le Dasein qui est au monde, se préoccupe des étants, utils, qui soffrent à lui, étants intramondains déjà inclus dans un monde. En se préoccupant de tel ou tel util, il le met en relief par rapport aux autres étants intramondains. Ainsi dans lutilisation, le Dasein nest pas touché de la même façon par les étants se trouvant a priori dans sa sphère daction. Le Dasein en privilégie certains, en néglige dautres. La préoccupation ou la focalisation sur une partie de létant intramondain, la mise en relief de lutil dans lutilisation

Il convient de relier la préoccupation et la mondanéité. En effet la mondanéité, lensemble des significations, des renvois qua le Dasein lui permet ou justement ne lui permet pas de se préoccuper de tel ou tel util, de privilégier tel ou tel étant à-portée-de-main. On peut donc dire que la mondanéité conditionne létant du Dasein en lui offrant ou non toute une palette dutilisable quil pourrait rencontrer dans sa sphère daction, dans son étant quotidien.

Lipséité : être soi-même ?

Passons maintenant à la question de lipséité du Dasein, réflexion qui va permettre de répondre du choix dHeidegger de nommer létant insigneDaseinet pas plus simplementmoiouJe’. On verra que cette réflexion est un des fils rouges de lœuvre, renvoyant à la tâche pour le Dasein de sortir duOn’, de létant impropre.

Etre soi-même ? Le Dasein est il lui-même ? La réponse peut sembler aller a priori de soi puisquil est écrit que le Dasein est « létant que je suis à chaque fois moi-même ». De plus, on est plus que tenté de dire quà chaque instant que le Dasein est, il se donne comme « moi », il est « moi ». Mais justement répondre ainsi à la question de lipséité du Dasein nous ferait passer au travers de la question.

Mais revenons à cette réponse qui nous est venue directement, cette évidence qui semble impossible à faire taire. Partons de lêtre-avec. Le Dasein est caractérisé par un être-avec (Mitsein) et de ce fait dans sa préoccupation quotidienne, il y a autrui (« les autres font encontre à partir du monde »), que Heidegger fixe sous le terme de Mitdasein. Pour le Dasein, étant que je suis à chaque fois moi-même, autrui est au quotidien vu commece quil fait’, comme util pourrait on dire. Par exemple, je suis dans le train et le contrôleur arrive. Cet étant arrivant à ma rencontre n'st pas compris en son Dasein, mais comme "contrôleur". Le Dasein ne perçoit d'abord autrui que dans le cadre de sa préoccupation.

Cette identification à ce quon fait nous fait tomber dans le travers de limpropriété de lipséité, le Dasein se donnant alors non comme « soi » mais comme son « contraire », comme leOn’, même si le Dasein sera toujours tenté de réfuter cela et de crier sur tous les toits « non, non, je suis toujoursJe’ », celui qui n'est pas lui-même ayant justement la tendance caractéristique consistant à répéter toujours "Moi je, moi je". Absorbé dans sa préoccupation pour létant intramondain, noyé dans la marre de lidentification à ce qu'il fait, le Dasein ne peut être que commeOnest. Les « autres » lui donnent la mesure de tout. Ainsi le Dasein pense commeOnpense, il critique commeOncritique et même « il se sépare de la « masse » commeOnsen sépare ; sindigne de ce dontOnsindigne ». Le Dasein patauge dans un horizon de compréhension moyen, qui simpose à lui tout en restant insoupçonné de lui, dictature silencieuse mais pourtant ô combien effective duOn’. Le Dasein est en un premier temps improprement un être-public. Et cet être-public duOnle décharge du poids de la singularité, de son authentique unicité. Il n'existe pas à partir de lui-même, en propre, mais à partir des autres, de manière non-propre. Et aussi étrange que cela puisse paraître cette décharge qui lempêche pourtant dêtre lui-même en propre, lui complaît, car elle le rassure constamment en le détournant de la vérité mortelle et angoissée de son existence. Ce mode du laisser-aller, mode initial du Dasein, semble tellement « lui aller » quil ne verrait vraiment pas pourquoi il devrait en sortir. Cette idée neffleure même pas son esprit, de sorte que le Dasein est aliéné de la manière la plus extrême, lui qui ne soupçonne pas ce laisser-aller, cette décharge, cette impropriété car baignant dans les fanges, bercé par « ses » habitudes, par les habitudes du 'On'… La tâche du Dasein pour être lui-même en propre sera de sortir de cette fuite première et de rompre avec leOnet sa dictature.

Dasein et être-au

Structure de lêtre-au

Le Dasein existe. Il est ouverture, il est son’. Mais justement comment est-il ce’ ? Cest ce que va tenter de répondre la partie qui suit, traitant de lêtre-au sur le mode de la neutralité ie sans évoquer son caractère propre ou impropre. Heidegger répond à cette question en 3 rounds : le Dasein est sonpar ladisposition’, lecomprendreet lediscourir’.

La 'disposition'

Ladisposition’ (Befindlichkeit) est sans aucun doute une des clés de voûte de louverture dudu Dasein. Distinguons dabord les différents aspects que peut revêtir ladisposition’.

Tout dabord, ladispositionestpré-disposition’, disposition générale au projet dexister, aumonde’. Et cest cette tonalité, lapré-disposition’, cette impression densemble qui augmente ou au contraire rétrécit notre ouverture aumondequi permet au Dasein dêtredisposéà létant intramondain qui fait encontre à lui. ‘Disposé’, le Dasein peut être concerné, il peut être abordé, « affecté » par létant intramondain. En fait, dans lexistence, le Dasein est toujours-déjà abordé par létant. ‘Disposéà létant intramondain, il peut le saisir, luser dans lutilisationpréoccupée’. On voit bien ici la relation intime entredispositionet ouverture du’ ; un Dasein « indisposé » nest tout bonnement pas « vraiment  » car glissant à côté de létant intramondain, de lêtre-à-portée-de-main.

Autre point important, lêtre-jeté. ‘Disposé’, le Dasein fait quotidiennement encontre avec lui-même, souvre à lui-même (Befindlichkeit, la disposition, pris au sens de sich befinden, se trouver, aller à la rencontre de soi-même). Par ladispositionil fait lexpérience du fait de son existence. Cette expérience du fait de soi-même est safacticité’ (Dass). Le Dasein existe facticement, et ce fait il le constate par le sentiment (Stimmung), clameur inhérente au fait dexister. Car sentiment il y a toujours tant que le Dasein existe. Ceci est ce que Martin Heidegger appelle lexpérience sentimentale de lêtre-jeté (Geworfenheit) du Dasein. Je suis jeté au monde. Etre mest à charger et ce devoir est un poids auquel je ne peux me soustraire. Et sur ce coup rien ne peut venir à mon aide, ni croyances, ni « idéaux ». Le Dasein nest pas seulement jeté, nous dit Heidegger, il est toujours-déjà jeté.

Cependant me direz-vous, les sentiments ne se limitent pas à cette seule expérience de lêtre-jeté, sentiment du fardeau de lexistence. La joie, lamour à lopposé de langoisse semblent bien loin de ce sentiment pénible nous écrasant sous son terrible poids. Mais justement ces sentiments sy rapportent, car limpression de « délivrance » quils nous procurent nest rien dautre que lexpérience de la facticité de louverture sous le mode de la refermeture : ces sentiments de « délivrance » nous faisant ainsi fuir le fardeau de lêtre-jeté.

La facticité du Dasein se déployant dans lesentiment’… sans aucun doute une charnière de létant du Dasein : le sentiment de lêtre-jeté, du fardeau de lexistence et le sentiment qui nous donne goût à cette existence, qui la supporte, qui supporte louverture du’…

Le 'comprendre'

Passons maintenant aucomprendre’. Cest avec ce mode douverture duquest lecomprendrequHeidegger tire toutes les conclusions pragmatiques des notions demondeet surtout demondanéitéélaborées précédemment (cf paragraphes précédents).

Heidegger nous dit que lecomprendre’ (verstehen) est « ouverture en projet comme être-au-monde ». Cest un mode dêtre du Dasein déterminé par le possible, le pouvoir-être. Mais reprenons lanalyse à partir des notions demondeet demondanéité’. Le Dasein esten vue de soi’. De ce fait, lemonde’ (‘projet dexister’) est toujoursprojet en vue de soi-même’. Je comprends donc cemondepar ce projet en vue de moi-même. De sinscrit la notion demondanéité’, lensemble des significations, des renvois dans lequel se meut le Dasein. Lecomprendrelui, est ce mode dêtre qui oriente le champ des possibles du Dasein. Absorbé dans lapréoccupationpar le commerce avec létant intramondain, je suis « aspiré » dans un pouvoir-être lié à cettepréoccupation’ ; ainsi un étant se présentant à moi ne fait pas « sens à mes yeux » s'il ne sinscrit pas dans lorientation du pouvoir-être dans lequel je me meus. On voit bien ici le lien entrecomprendreet ouverture du’, ainsi quavec lamondanéité’.

Nous avons dit que lecomprendreétait « ouverture en projet comme être-au-monde ». Dans cette expression, le projet (pro-jet, jeté) est à saisir comme un « tendre vers », « aspiration vers », une perspective qui nous tend à elle. Lecomprendreen tant quorientation du champ des possibles nest autre que la capacité de sorienter, de se « diriger », de « faire des choix » pourrait-on dire, en un sens lidée « classique » ducomprendre’. Lecomprendreheideggérien nest donc pas du seul domaine théorétique, bien que le « comprendre théorétique » dérive de lui, il est d'abord une compréhension existentielle du Dasein par lui-même. Lecomprendreheideggérien est somme toute deux choses : le possible en tant que capacité, connaissance dêtre-au-monde (le « savoir-faire » du Dasein en tant quêtre-au-monde, « tour de main » rendant utilisable létant quon manie, étant qui se dévoile alors tel quil est, dans lutilisation) ; et le possible en tant que perspectives détant (le « savoir-quoi-faire », horizon dans lequel sinscrit la recherche détants possibles pour le Dasein). Heidegger formalise donc lecomprendre’, qui est orientation, « savoir-faire » et « savoir-quoi-faire », comme la « vue » du Dasein (Sicht), sa « lucidité » (Durchsichtigkeit) concernant sa propre existence, sa propre situation. Grâce aucomprendre’, le Dasein sait «  il en est », saisit ce quil fait, et même perce jusquà lêtre : le Dasein a une compréhension implicite (préontologique) de ce quêtre veut dire, un des points de départ quavait pris Heidegger pour qualifier le Dasein d’« étant insigne ».

Nous avons vu que le projet en vue de soi fait voir au Dasein son étant comme possible. Mais évidemment cette possibilité est limitée, le Dasein étant toujours-déjà engagé dans unmondeet dans un ensemble de significations (‘mondanéité’). De plus, cette notion de pouvoir-être est limitée par un autre facteur : la possibilité une fois « choisie » tranche sur les autres possibilités présentes initialement. Ainsi le Dasein est toujours sa possibilité « et rien quelle » (sa possibilité est donc sa plus propre « réalité »), et une fois engagé, une fois jeté dans cette possibilité, il ne peut sy soustraire.

Le Dasein étant initialement improprement lui-même, il se trouve jeté dans uncomprendremoyen, anonyme, impropre. Son pouvoir-être (orientation, « savoir-faire », « savoir-quoi-faire ») est donc on ne peut plus limité. Il va donc falloir quil sarrache de sa compréhension impropre sil veut pouvoir jouir dun pouvoir-être propre, ouverture véritable, thème quon na pas du tout évoqué pour linstant.

Le 'discourir'

Bientôt à venir

LeOnou la déchéance du Dasein

Bientôt à venir

Langoisse et le souci

Bientôt à venir


Réalité et vérité

À rédiger

Être-pour-la-mort

À rédiger

Être en totalité, être en propre

À rédiger

Temporalité

À rédiger

Commentaires surSein und Zeit

Plan de louvrage

INTRODUCTION : LEXPOSITION DE LA QUESTION DU SENS DE LÊTRE

CHAPITRE PREMIER : NECESSITÉ, STRUCTURE ET PRIMAUTÉ DE LA QUESTION DE LÊTRE

§ 1. La nécessité dune répétition expresse de la question de lêtre

§ 2. La structure formelle de la question de lêtre

§ 3. La primauté ontologique de la question de lêtre

§ 4. La primauté ontique de la question de lêtre


CHAPITRE II: LA DOUBLE TÂCHE DE LÉLABORATION DE LA QUESTION DE LÊTRE; MÉTHODE ET PLAN DE LA RECHERCHE

§ 5. Lanalytique ontologique du Dasein comme libération de lhorizon pour une interprétation de lêtre en général

§ 6. La tâche dune destruction de lhistoire de lontologie

§ 7. La méthode phénoménologique de la recherche

- A. Le concept de phénomène

- B. Le concept de logos

- C. Le préconcept de la phénoménologie

§ 8. Plan de louvrage

PREMIÈRE PARTIE LINTERPRÉTATION DU DASEIN PAR RAPPORT À LA TEMPORALITÉ ET LEXPLICATION DU TEMPS COMME HORIZON TRANSCENDANTAL DE LA QUESTION DE LÊTRE

PREMIÈRE SECTION: LANALYSE-FONDAMENTALE PRÉPARATOIRE DU DASEIN

CHAPITRE PREMIER: LEXPOSITION DE LA TÂCHE DUNE ANALYSE PRÉPARATOIRE DU DASEIN

§ 9. Le thème de lanalytique du Dasein

§ 10. Délimitation de lanalytique du Dasein par rapport à lanthropologie, la psychologie et la biologie

§ 11. Lanalytique existentiale et linterprétation du Dasein primitif. les difficultés de lobtention dun « concept naturel du monde »


CHAPITRE II : LÊTRE-AU-MONDE EN GÉNÉRAL COMME CONSTITUTION FONDAMENTALE DU DASEIN

§ 12. Esquisse préparatoire de lêtre-au-monde à partir de lorientation sur lêtre-au comme tel

§ 13. Exemplification de lêtre-au à partir dun mode dérivé : la connaissance du monde


CHAPITRE III : LA MONDANÉITÉ DU MONDE

§ 14. Lidée de la mondanéité du monde en général

A. ANALYSE DE LA MONDANÉITÉ AMBIANTE ET DE LA MONDANÉITÉ EN GÉNÉRAL

§ 15. Lêtre de létant qui fait encontre dans le monde ambiant

§ 16. La mondialité du monde ambiant telle quelle sannonce dans létant intra-mondain

§ 17. Renvoi et signe

§ 18. Tournure et significatiance ; la mondanéité du monde

B. DISSOCIATION DE LANALYSE DE LA MONDANEITÉ PAR RAPPORT A LINTERPRÉTATION CARTÉSIENNE DU MONDE

§ 19. La détermination du « monde » comme res extensa

§ 20. Les fondements de la détermination ontologique du « monde »

§ 21. Discussion herméneutique de lontologie cartésienne du « monde »

C. LAMBIANCE DU MONDE AMBIANT ET LA SPATIALITÉ DU DASEIN

§ 22. La spatialité de là-portée-de-la-main intramondain

§ 23. La spatialité de lêtre-au-monde

§ 24. La spatialité du Dasein et lespace


CHAPITRE IV: LÊTRE-AU-MONDE COMME ÊTRE-AVEC ET ÊTRE-SOI-MÊME. LE « ON »

§ 25. Lamorçage de la question existentiale du qui du Dasein

§ 26. Lêtre--avec des autres et lêtre-avec quotidien

§ 27. Lêtre-Soi-même quotidien et le On

CHAPITRE V: LETRE-AU COMME TEL

§ 28. La tâche dune analyse thématique de lêtre-au

A. LA CONSTITUTION EXISTENTIALE DU LA

§ 29. Le Da-sein comme disposition affective

§ 30. peur comme mode de la disposition affective

§ 31. Le Da-sein comme compréhension

§ 32. Comprendre et explication

§ 33. Lénoncé comme mode second de lexplication

§ 34. Da-sein et discours. La parole

B. LÊTRE QUOTIDIEN DU ET LA DE DU DECHEANCE DU DASEIN

§ 35. La bavardage

§ 36. La curiosité

§ 37. Léquivoque

§ 38. La déchéance et lêtre-jeté


CHAPITRE VI : LE SOUCI COMME ÊTRE DU DASEIN

§ 39. La question de la totalité originaire du tout structurel du Dasein

§ 40. La disposition affectiove fondamentale de langoisse comme ouverture privilégiée du Dasein

§ 41. Lêtre du Dasein comme souci

§ 42. Confirmation de linterprétation existentiale du Dasein comme souci à partir de lauto-explication préontologique du Dasein

§ 43. Dasein, mondanéité et réalité

- a) La réalité comme problème de lêtre et de la démontrabilité du « monde extérieur »

- b) La réalité comme problème ontologique

- c) Réalité et souci

§ 44. Dasein, ouverture et vérité

- a) Le concept traditionnel de la vérité et ses fondements ontologiques

- b) Le phénomène originaire de la vérité et ses fondements ontologiques

- c) Le mode dêtre de la vérité et la présupposition de la vérité

DEUXIÈME SECTION : DASEIN ET TEMPORALITÉ

§ 45. Le résultat de lanalyse-fondamentale préparatoire du Dasein et la tâche dune interprétation existentiale originaire de cet étant

CHAPITRE PREMIER: LÊTRE-TOUT POSSIBLE DU DASEIN ET LÊTRE VERS LA MORT

§ 46. Limpossibilité apparente dune saisie et dune détermination ontologiques de lêtre-tout propre au Dasein

§ 47. Lexpérimentabilité de la mort des autres et la possibilité de saisie dun Dasein en son tout

§ 48. Excédent, fin et totalité

§ 49. Délimitation de lanalyse existentiale de la mort par rapport à dautres interprétations possibles du phénomène

§ 50. Pré-esquisse de la structure ontologico-existentiale de la mort

§ 51. Lêtre vers la mort et la quotidienneté du Dasein

§ 52. Lêtre quotidien pour la fin et le concept existential plein de la mort

§ 53. Projet existential dun être authentique vers la mort

CHAPITRE II : LATTESTATION PAR LE DASEIN DE SON POUVOIR-ÊTRE AUTHENTIQUE ET LA RÉSOLUTION

§ 54. Le problème de lattestation dune possibilité existentielle authentique

§ 55. Les fondements ontologico-existentiaux de la conscience

§ 56. Le caractère dappel de la conscience

§ 57. La conscience comme appel du souci

§ 58. Compréhension de lad-vocation et dette

§ 59. Linterprétation existentiale de la conscience et lexplicitation vulgaire de la conscience

§ 60. La structure existentiale du pouvoir-être authentique attesté dans la conscience

CHAPITRE III : LE POUVOIR-ÊTRE -TOUT AUTHENTIQUE DU DASEIN ET LA TEMPORALITÉ COMME SENS ONTOLOGIQUE DU SOUCI

§ 61. Pré-esquisse du pas méthodique conduisant de la délimitation de lêtre-tout authentique propre au Dasein à la libération phénoménale de la temporalité

§ 62. Le pouvoir-être-tout existentiellement authentique du Dasein comme résolution devançante

§ 63. La situation herméneutique conquise pour une interprétation du sens dêtre du souci et le caractère méthodique de lanalytique existentiale en général

§ 64. Souci et ipséité

§ 65. La temporalité comme sens ontologique du souci

§ 66. La temporalité du Dasein et la tâche quelle impose dune répétition plus originaire de lanalytique existentiale

CHAPITRE IV: TEMPORALITÉ ET QUOTIDIENNETÉ

§ 67. La réalité fondamentale de la constitution existentiale du Dasein et la pré-esquisse de son interprétation temporelle

§ 68. La temporalité de louverture en général

- a) La temporalité de la compréhension

- b) La temporalité de la disposition affective

- c) La temporalité de la déchéance

- d) La temporalité du discours

§ 69. La temporalité de lêtre-au-monde et le problème de la transcendance du monde

- a) La temporalité de la préoccupation circon-specte

- b) Le sens temporel de la modification de la préoccupation circon-specte

en découverte théorique du sous-la-main intramondain

- c) Le problème temporel de la transcendance du monde

§ 70. La temporalité de la spatialité propre au Dasein

§ 71. Le sens temporel de la quotidienneté du Dasein

CHAPITRE V: TEMPORALITÉ ET HISTORIALITÉ

§ 72. Lexposition ontologico-existentiale du problème de lhistoire

§ 73. La compréhension vulgaire de lhistoire et le provenir du Dasein

§ 74. La constitution fondamentale de lhistorialité

§ 75. Lhistorialité du Dasein et lhistoire du monde

§ 76. Lorigine existentiale de lenquête historique à partir de lhistorialité du Dasein

§ 77. La connexion de lexposition précédente du problème de lhistorialité avec les recherches de W. Dilthey et les idées du comte Yorck


CHAPITRE VI - LA TEMPORALITÉ ET LINTRATEMPORALITÉ COMME ORIGINE DU CONCEPT VULGAIRE DE TEMPS

§ 78. Lincomplétude de lanalyse temporelle précédente du Dasein

§ 79. La temporalité du Dasein et la préoccupation du temps

§ 80. Le temps de la préoccupation et lintratemporalité

§ 81. Lintratemporalité et la genèse du concept vulgaire de temps

§ 82. Dissociation de la connexion ontologico-existentiale entre temporalité, Dasein et temps du monde par rapport à la conception hegélienne de la relation entre temps et esprit

- a) Le concept hégélien du temps

- b) Linterprétation hégélienne de la connexion entre temps et esprit

§ 83. Lanalytique temporalo-existentiale du Dasein et la question fondamental-ontologique du sens de lêtre en général

Citations à propos d'Être et temps

  • Philippe Nemo : Quand vous êtes venu à Fribourg pour suivre l'enseignement de Husserl, vous avez découvert un philosophe que vous ne connaissiez pas auparavant, mais qui aura une importance capitale dans l'élaboration de votre pensée : Martin Heidegger.

Emmanuel Levinas : J'ai découvert en effet Sein und Zeit, qu'on lisait autour de moi. J'ai eu très tôt pour ce livre une très grande admiration. C'est un des plus beaux livres de l'histoire de la philosophie - je le dis après plusieurs années de réflexion. Un des plus beaux parmi quatre ou cinq autres...

Philippe Nemo : Lesquels ?

Emmanuel Levinas : Par exemple le Phèdre de Platon, la Critique de la Raison pure de Kant, la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel ; aussi l'Essai sur les données immédiates de la conscience de Bergson.

Février 1981.

  • Emmanuel Levinas : Heidegger est pour moi le plus grand philosophe du siècle, peut-être lun des très grands du millénaire ; mais je suis très peiné de cela, parce que je ne peux jamais oublier ce quil était en 1933, même sil ne létait que pendant une courte période. Ce que jadmire dans son œuvre cest Sein und Zeit. Cest un sommet de la phénoménologie. Les analyses sont géniales(…). Rassurez-vous : je ne suis pas ridicule, je ne saurais méconnaître la grandeur spéculative de Heidegger.

Propos recueillis par R. Fornet et A. Gomez les 3 et 8 octobre 1982.

  • Emmanuel Levinas : La grande chose que j'ai trouvée fut la manière dont la voie de Husserl était prolongée et transfigurée par Heidegger. Pour parler un langage de touriste, j'ai eu l'impression que je suis allé chez Husserl et que j'ai trouvé Heidegger. Je n'oublierai certes jamais Heidegger dans ses rapports à Hitler. Mêmes si ces rapports sont de brève durée, ils sont à jamais... Mais les œuvres de Heidegger, la manière dont il pratiquait la phénoménologie dans Sein und Zeit - j'ai su aussitôt que c'est l'un des plus grands philosophes de l'histoire. Comme Platon, comme Kant, comme Hegel, comme Bergson. J'en ai nommé cinq, peut-être cinq carrefours de la philosophie : l'onto-théologie, la philosophie transcendantale, la raison comme histoire, la durée pure, la phénoménologie de l'être distingué de l'étant. Je ne prends pas au sérieux cette façon de se reconnaître dans l'espace de la pensée, mais quelle qu'elle puisse être, Heidegger n'en sera jamais absent. (...) chez Heidegger, surtout dans Sein und Zeit qui est encore de la phénoménologie, chaque page était nouveauté. (...) tout semblait nouveauté chez Heidegger, les merveilles de son analyse sur l'affectivité, les nouveaux accès au quotidien, la différence entre l'être et l'étant, la fameuse différence ontologique. La rigueur avec laquelle cela était pensé dans l'éclat des formulations, absolument impressionnantes. (...) je ne peux pas renier une partie de ma vie, ni mon étonnement qui aujourd'hui encore me saisit chaque fois que je lis un texte heideggerien, et surtout, que je relis Sein und Zeit je suis pris par la puissance d'analyse dont je vous ai parlé.

Avril 1986.

  • Emmanuel Levinas : Mais je ne saurais oublier lannée , il y a près dun demi-siècle, jétais étudiant à Fribourg et au dernier semestre du professorat de Husserl succédait lenseignement heideggerien, 1933 nétait pas encore pensable et je vécus sous limpression dassister au Jugement dernier de lHistoire de la philosophie en présence de Husserl et de Heidegger (…). Malgré toute lhorreur qui vient un jour sassocier au nom de Heideggeret que rien narrivera à dissiperrien na pu défaire dans mon esprit la conviction que Sein und Zeit de 1927 est imprescriptible, au même titre que quelques autres livres éternels de lhistoire de la philosophiefussent-ils en désaccord entre eux. Rien na pu faire oublier que ses pages auront notamment cherchésous les sentiers brouillés au cours des âges par les marches et les démarches, les allées et venues des professeurs et des étudiantsles originelles voies et intentions de la philosophie et des philosophes, pensée de lOccident ouverte à tous les hommes.

Mars 1987.

  • Emmanuel Levinas : Sein und Zeit reste un des plus grands livres de lHistoire de la philosophie, même pour ceux qui le refusent ou le contestent.

Novembre 1988.

  • Maurice Blanchot : "Grâce à Emmanuel Levinas, sans qui, dès 1927 ou 1928, je n'aurais pu commencer à entendre Sein und Zeit, c'est un véritable choc intellectuel que ce livre provoqua en moi. Un événement de première grandeur venait de se produire : impossible de l'atténuer, même aujourd'hui, même dans mon souvenir." (cité par Christophe Bident, in Maurice Blanchot partenaire invisible, Champ Vallon, Seyssel, 1998, p. 44)

Liens externes

MARTIN HEIDEGGER Être et temps (traduction par Emmanuel Martineau)sur Vox Philosophiae

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