- Esthétique analytique
-
L’esthétique analytique est un courant philosophique de l'esthétique contemporaine, apparu dans les années 1950. C'est l'un des deux courants majeurs de la philosophie de l'art anglo-saxonne avec la French Theory.
Issu conjointement de l'empirisme logique et du pragmatisme, ce courant adopte comme méthodes d'analyse de l'art et de la littérature les instruments logiques et philosophiques établis par la philosophie analytique. Ses principaux représentants sont Goodman, Danto et Dickie. Les premiers travaux importants d'esthétique analytique font suite à la publication posthume des Investigations philosophiques (1953) de Wittgenstein, autour de la théorie des jeux de langage.
Sommaire
Une nouvelle esthétique
Principaux thèmes
L'esthétique analytique est en dialogue constant avec les œuvres d'avant-garde de l'art contemporain, notamment celles de Duchamp et de Warhol. Ses travaux abordent notamment : l'ontologie de l'œuvre d'art[1] ; l'indéfinissabilité de l'art[2] ; l'institutionnalisation de l'art[3] ; le « monde de l'art » (Dickie, Danto) ; l'identification de l'œuvre d'art[4] ; l'expérience esthétique, l'art comme symbole[5].
Rapport à la tradition
L'esthétique analytique est constituée d'un ensemble de théories pas toujours homogènes. Ces théories apparaissent comme indépendantes de l'esthétique traditionnelle (par exemple, l’ancienne question du Beau, ou l'étude de l'histoire de l'esthétique). Pour Dominique Chateau, « l'esthétique analytique prétend être une nouvelle version de l'esthétique, une façon de la concevoir qui la coupe de sa tradition, comme une langue inédite que l'on prétendrait substituer à la langue commune et dans laquelle elle serait difficilement traduisible »[6].
Histoire
L'apport de Wittgenstein
Wittgenstein peut être considéré comme l'un des fondateurs de l'esthétique analytique, ses prédécesseurs au sein de la philosophie analytique ayant négligé les recherches sur l'art. En effet, Frege réduit la poésie à un simple ornement dans les Écrits logiques et philosophiques[7] ; quant à G. E. Moore et Russell, et après eux le Cercle de Vienne, ils n'ont pas remis en cause cette réduction du langage artistique et poétique à un langage quasiment dénué de sens et sans rôle cognitif.
Le premier Wittgenstein excluait lui aussi le langage figuré et littéraire du champ du connaissable (Tractatus logico-philosophicus) ; c'est à partir des Investigations philosophiques qu'il ouvre sa théorie logique du sens et y inclut à la fois le langage ordinaire et le langage poétique.
Autres approches analytiques
Karl Popper propose les prémisses d'une philosophie de la musique dans son autobiographie, La quête inachevée.
Umberto Eco fonde sa théorie de l'interprétation et de la littérature essentiellement sur des conceptions héritées de Peirce, notamment la théorie de l'abduction[8].
Gérard Genette fait figure de précurseur en questionnant le point de vue des auteurs de la tradition analytique intéressés aux enjeux ontologiques dans L'Œuvre de l'art, tome 1 [9]. Il critique notamment la théorie de Nelson Goodman fondée sur la distinction entre les œuvres autographiques et allographiques.
Rapport à la philosophie continentale
L'esthétique analytique est très différente, dans sa méthode, son objet et sa façon de poser les problèmes esthétiques, de l'esthétique postmoderniste. Ricœur se propose d'analyser chacune de ces deux esthétiques et de les mettre en relation dans la Métaphore vive (1975). La partie VII (« Métaphore et référence ») expose et discute les thèses élaborées par Goodman sur la question des référents (dénotations) des œuvres d'art. La partie VIII (« Métaphore et discours philosophique »), quant à elle, expose et discute les thèses de la déconstruction (Heidegger et Derrida). L'approche en apparence iréniste de Ricœur est en réalité tranchée : le philosophe n'opte ni pour l'approche analytique de Goodman, ni pour l'approche « postmoderne » de Derrida, il choisit finalement de placer son herméneutique (ou théorie de l'interprétation) dans la continuité de la phénoménologie d'inspiration husserlienne.
Notes et références
- Roger Pouivet, Ontologie de l'œuvre d'art, une introduction, Jacqueline Chambon, 2000.
- Weitz, « Le rôle de la théorie en esthétique », 1956.
- Dickie, Art and the Aesthetic. An Institutional Analysis, 1974.
- Danto, La transfiguration du banal, 1981.
- Goodman, Langages de l'art, 1968.
- Dominique Chateau, La Question de la question de l'art : Note sur l'esthétique analytique (Danto, Goodman et quelques autres), P.U.V., 1994, p. 8.
- Cf. notamment l'article Recherches logiques, partie 1 : « la pensée », qui cherche à démontrer que la science et l'art s'excluent, seule la première étant dotée de sens et susceptible de recevoir une dénotation.
- Eco, Les Limites de l'interprétation, 1990.
- Genette, L'Œuvre de l'art, tome 1.
Bibliographie
- The Oxford handbook of aesthetics, sous la dir. de Jerrold Levinson, Oxford, 2003 (ISBN 0-19-825025-8) (voir aussi cet article).
Voir aussi
Liens internes
Liens externes
Catégories :- Esthétique
- Analyse artistique
Wikimedia Foundation. 2010.