Entrevue d'Erfurt

Entrevue d'Erfurt

Convention d'Erfurt

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Napoléon reçoit à Erfurt l’ambassadeur d’Autriche octobre 1808[1], Nicolas Gosse (17871878). (Musée national du Château de Versailles et des Trianons.

Signé 12 octobre 1808
(Erfurt)
Parties
Partie 1 Partie 2
Parties Drapeau de l'Empire français Empire français Flag of Russia.svg Empire russe
Signataires Napoléon Ier Alexandre Ier de Russie

L'entrevue d'Erfurt ou congrès d'Erfurt est une réunion entre l'empereur Napoléon Ier (France) et le tsar Alexandre Ier (Russie), qui se tient à Erfurt, du 27 septembre au 14 octobre 1808, dans le but de réaffirmer l'alliance conclue l'année précédente lors du traité de Tilsit, qui a suivi la fin de la guerre de la quatrième coalition.

Napoléon tente d'intimider et d'éblouir Alexandre par l'évocation de la grandeur de l'Empire français. La réunion devient une grande conférence rassemblant rois, princes, ducs, barons et notables de toute l'Europe. Parmi les participants figurent Talma et la Comédie-Française à son complet, qui présentent seize tragédies françaises au cours du congrès ; l'ambassadeur de France auprès du roi de Saxe Jean-François de Bourgoing ; Goethe est également présent ; Arthur Schopenhauer, âgé de vingt ans, est arrivé en même temps que Goethe. Les réunions se concluent par un accord, la convention d'Erfurt, en quatorze articles, invitant la Grande-Bretagne à cesser sa guerre contre la France, reconnaissant le pouvoir de la Russie en Finlande, et déclarant qu'en cas de guerre avec l'Autriche, la Russie devrait aider la France « au meilleur de ses moyens. » Les deux empereurs retournent dans leurs patries respectives le 14 octobre. Six mois plus tard, en avril 1809, la guerre prévue avec l'Autriche commence, et Alexandre tient à peine les termes de l'accord, aidant peu la France.


Entrevue et négociation

Napoléon et Alexandre, en se séparant à Tilsit, s’étaient promis de se revoir avant la fin de l’ànnée suivante. Les armements de l’Autriche, que cette puissance s’obstinait inutilement à nier ; le règlement des affaires d’Orient, le sort de la Prusse, la paix avec l’Angleterre, tout exigeait cette nouvelle entrevue, d’où Alexandre comptait emporter la satisfaction de tous ses vœux, Napoléon la consolidation de sa puissance. Alexandre ayant paru désirer pour lieu de rendez-vous Weimar ou Erfurt, Napoléon, choisit cette dernière ville, qui était encore tout entière à sa disposition, et il ordonna aussitôt tous les préparatifs nécessaires pour que cette entrevue, qui devait avoir lieu à la fin de septembre 1808, fût entourée de tout l’éclat possible. Ainsi il envoya à Erfurt un bataillon de grenadiers de la garde impériale, un régiment d’infanterie et deux de cavalerie, destinés au service d’honneur des souverains. Les plus riches parties du mobilier de la couronne, furent dirigées sur Erfurt, et les premiers acteurs français, Talma en tête, reçurent ordre de se rendre dans cette ville, afin d’y interpréter dignement les chefs-d’œuvre de la littérature française : Cinna, Andromaque, Mahomet, Œdipe, etc. Alexandre partit de Saint-Petersbourg accompagné de son frère et de quelques aides de camp. M. de .Romanzoff, son ministre, et M. de Caulaincourt, notre ambassadeur, le précédaient. Il arriva le 25 septembre à Weimar. Le 22, Napoléon était parti de Saint-Cloud, emmenant toutes les illustrations de sa cour et de son armée. Enfin, pour que rien ne manquât à la magnificence de cette entrevue, une foule de princes couronnés étaient accourus à Erfurt de tous les points de l’Allemagne pour faire leur cour aux deux plus puissants souverains de l’univers. Napoléon arriva à Erfurt le 27 septembre, jour fixé pour l’entrevue, à dix heures du matin ; puis il se porta à la rencontre d’Alexandre, sur la routé de Weimar. Dès qu’ils se furent abordés, les deux empereurs mirent pied à terre et s’embrassèrent cordialement. Ils rentrèrent alors à cheval dans la ville, marchant l’un à côté de l’autre, et le soir Napoléon, qui faisait tous les frais de cette solennité splendide, offrit à son hôte un festin magnifique auquel prirent part, outre, les empereurs, le grand-duc Constantin, le roi de Saxe, le duc de Weimar, le prince Guillaume de Prusse, et une foule de princes régnants, de personnages titrés, civils ou militaires. Une brillante illumination éclaira la ville tout entière, et le théâtre joua Cinna. Deux souverains seulement n’avaient point été invités à prendre part aux fêtes d’Erfurt : le roi de Prusse et l’empereur d’Autriche. Le premier, toutefois, y était représenté par son frère, le prince Guillaume ; le second, bien qu’irrité qu’on le laissât ainsi à l’écart, dépêcha à Erfurt le baron de Vincent, avec une lettre où il se défendait des intentions hostiles que lui prêtait Napoléon, et où il cherchait à justifier, par les besoins d’une réorganisation intérieure, les armements extraordinaires opérés en ce moment par l’Autriche. Napoléon répondit par une lettre fière et polie, où il ne dissimulait pas son appréhension au sujet de la conduite du gouvernement autrichien, en faisant nettement entendre qu’on le trouverait toujours bien disposé en faveur de la paix, mais toujours prêt à faire la guerre, et qu’il n’était pas homme à s’endormir sur des protestations d’amitié. Le baron de Vincent ne fut admis à aucune conférence, et, malgré tous ses efforts pour pénétrer le secret des résolutions prises entre les deux empereurs, il ne put rien apprendre à son gouvernement. Au reste, toutes les précautions avaient été mises en œuvre contre les indiscrétions, et M. de Talleyrand lui même, bien que Napoléon l’eût amené à Erfurt, en fut réduit pour le moment à des conjectures. Les premières heures consacrées aux fêtes, aux visites, aux présentations, on aborda les questions sérieuses, celles dont la solution formait le véritable objet de cette entrevue. La répugnance de Napoléon à céder Constantinople à la Russie était si grande et si connue que cette question ne fut même pas discutée ; mais sentant la nécessité de s’attacher Alexandre par des avantages positifs, il consentit à ce que la Russie s’emparât des provinces danubiennes, conquête qui allait brouiller inévitablement la Russie avec l’Autriche et l’Angleterre. Alexandre, en retour, s’engageait à ne gêner en rien les projets de Napoléon en Occident. Pendant ces entretiens, qui durèrent plusieurs jours, et qui se continuaient entre M. de Champagny et M. de Romanzoff lorsque les souverains vaquaient à d’autres soins, on accourait à Erfurt de tous les coins de l’Europe. Erfurt, dit M. Thiers, était devenu le rendez-vous de souverains le plus extraordinaire dont l’histoire fasse mention. Aux empereurs de France et de Russie, au grand-duc Constantin, au prince Guillaume de Prusse, au roi de Saxe, s’étaient joints les rois de Bavière et de Wurtemberg, le roi et la reine de Westphalie, le prince-primat, chancelier de la Confédération, la grand-duc, et la grande-duchesse de Bade, les ducs de Hesse-Darmstadt, de Weimar, de Saxe-Gotha, d’Oldenbourg, de Mecklembourg-Strelitz et Mecklembourg-Schwerin, et une foule d’autres qu’il serait trop long d’énumérer, avec leurs chambellans et leurs ministres. Ils dînaient chaque jour chez l’Empereur, assis chacun à son rang. Le soir on allait au spectacle, dans une salle que Napoléon avait fait réparer et décorer pour cette solennité. La soirée s’achevait chez l’empereur de Russie. Napoléon s’étant apérçu qu’Alexandre éprouvait quelque difficultés à entendre, à cause de la faiblesse de son ouïe, avait fait disposé une estrade à la place que l’orchestre occupe dans les théâtres modernes, et là les deux empereurs étaient assis sur deux fauteuils qui les mettaient fort en évidence. A droite, à gauche, étaient rangés des sièges pour les rois. Derrière, c’est-à-dire au parterre, se trouvaient les princes, les ministres, les généraux ; ce qui a donné lieu de dire si souvent qu’à Erfurt il y avait un parterre de rois. On avait représenté Cinna, on représenta Andromaque, Britannicus, Mithridate, Œdipe. A cette dernière représentation, un fait extraordinaire frappa l’auditoire d’étonnement et de satisfaction ; Alexandre, tout plein du nouveau contentement que Napoléon avait eu l’art de lui inspirer, donna à celui-ci une marque de la plus douce, de la plus aimable flatterie. A ce vers d’Œdipe, « L’amitié d’un grand homme est un bienfait des dieux », Alexandre, de manière, à être aperçu de tous les spectateurs, saisit la main de Napoléon et la serra fortement. Cet à-propos causa dans l’assistance un mouvement de surprise et d’adhésion unanime. Le 6 octobre, les deux empereurs, accompagnés des rois de Bavière, de Saxe, de Wurtemberg, et de tous les princes de la Confédération, se rendirent à Weimar, où le grand-duc, les avait conviés à une fête magnifique. Il y eut chasse au cerf, puis banquet, et le soir, sur le théâtre de la cour, représentation de la Mort de César ; la journée se termina par un bal brillant où se trouvaient réunies toutes les illustrations de l’Allemagne.

Napoléon recevant Gœthe en audience.

Napoléon, en apercevant Gœthe et Wieland, emmena les deux illustres écrivains dans un coin du salon, s’entretint longtemps avec eux, leur parla histoire, arts et littérature, les combla de flatteuses attentions et les laissa enthousiasmés de son génie. Tous deux, quelques jours après, reçurent la décoration de la Légion d’honneur. Le lendemain, 7 octobre, une fête d’un nouveau genre, et dont il était seul le héros, fut donnée à Napoléon. Cette fête eut lieu sur le champ de bataille même d’Iéna, sur le propre terrain où le grand-duc de Saxe-Weimar, qui faisait les honneurs de cette excursion triomphale, avait été battu à la tête d’une division prussienne. Il était difficile de pousser plus loin l’oubli de sa dignité, et il est douteux que Napoléon en ait conçu plus d’estime et d’amitié pour son hôte. De retour à Erfurt, les pourparlers recommencèrent avec plus d’activité, car le moment de se séparer était arrivé, et il fallait d’ailleurs s’occuper de la Prusse, dont l’évacuation par nos troupes avait été stipulée le 8 septembre, sauf trois places de sûreté, Stettin, Custrin, Glogau, et moyennant 140 millions payables en deux ans ; cette contribution, bien faible comparée à nos cinq milliards, Napoléon, à la prière d’Alexandre, consentît à la réduire de 20 millions et à étendre à trois années les délais de payement. Un autre point, d’une extrême délicatesse, restait à aborder. Napoléon, dont le divorce avec Joséphine était déjà arrêté dans sa pensée, avait songé à offrir le trône de France à une sœur d’Alexandre ; mais, ne voulant pas s’expliquer directement avec ce prince, il chargea de cette négociation difficile M. de Talleyrand, à l’esprit fin et délié, auquel elle convenait mieux qu’à tout autre. L’empereur Alexandre répondit qu’il n’avait aucune difficulté personnelle à élever contre cette union, mais qu’elle rencontrerait sans doute de grands obstacles auprès de sa mère, qui avait toutes les prétentions du vieux parti russe ; qu’au reste il promettait de ne rien négliger pour arriver au résultat que désirait son ami l’empereur Napoléon. Après cette assurance, l’entrevue d’Erfurt n’avait plus de raison de se prolonger puisqu’on était d’accord sur les autres points. En conséquence, MM. de Romanzoff et de Champagny reçurent l’autorisation de conclure, et, le 12 octobre, ils rédigèrent une convention que M. Thiers analyse ainsi : Les empereurs de France ; et de Russie renouvelaient leur alliance d’une manière solennelle, et s’engageaient à faire en commun soit la paix, soit la guerre. Toute ouverture parvenue à l’un des deux devait être Communiquée sur-le-champ à l’autre, et ne recevait qu’une réponse commune et concertée. Les deux empereurs convenaient d’adresser à l’Angleterre une proposition solennelle de paix, proposition immédiate, publique, et aussi éclatante que possible, afin de rendre le refus plus difficile au cabinet britannique. La base des négociations devait être l’utipossidetis. La France ne devait consentir qu’à une paix qui assurerait à la Russie la Finlande, la Valachie et la Moldavie. La Russie ne devait consentir qu’à une paix qui assurerait à la France, indépendamment de tout ce qu’elle possédait, la couronne d’Espagne sur la tête du roi Joseph. Immédiatement après la signature de la convention, la Russie pourrait commencer auprès de la Porte les démarches nécessaires pour obtenir, par la paix ou par la guerre, les deux provinces-du Danube ; mais les plénipotentiaires et agents des deux puissances s’entendraient sur le langage à tenir, afin de ne pas compromettre l’amitié existant entre la France et la Porte. De plus, si l’Autriche déclarait la guerre à l’une ou à l’autre des deux puissances, la France et la Russie uniraient leurs armées Enfin, si la guerre et non la paix venait à sortir de la conférence d’Erfurt, les deux empereurs promettaient de se révoir dans l’espace d’une année. Telle fut cette célèbre convention d’Erfurt, signée le 12 octobre 1808. Le 14, les deux souverains se quittèrent sur la route de Weimar[2].

Notes et références

  1. On voit derrière la table Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, à droite du tableau Alexandre Ier de Russie.
  2. Dictionnaire Larousse XIXème siècle

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