- Affaire de la tour de nesle
-
Affaire de la tour de Nesle
L'affaire de la tour de Nesle est à la fois le nom donné à une affaire d'État au XIVe siècle, mettant aux prises la fille et les belles-filles de Philippe le Bel, et une légende du XVe siècle siècle selon laquelle une reine de France aurait fait de cette tour un lieu de débauche, où elle aurait couché avec ses amants avant de les jeter à la Seine, cousus dans un sac.
Sommaire
La Tour
La Tour de Nesle, nommée à l'origine Tour Hamelin, est élevée sur la rive gauche de la Seine, faisant face à la Tour du Louvre. Toutes deux font partie des quatre grandes tours de l'enceinte que Philippe Auguste a fait construire à partir de 1214 pour protéger Paris. Ronde et massive, cette tour de près de 25 mètres de hauteur prend rapidement son nom de sa proximité de l'hôtel de Nesle.
L'affaire
Une légende du XVe siècle (vers 1471) s'attache à cette tour : jusqu'en 1314, une reine de France s'y serait livrée à la débauche, avant de faire jeter ses amants à la Seine, cousus dans un sac. Un professeur d'université nommé Buridan serait parvenu à s'échapper et ses indiscrétions auraient tissé la trame de ce vaudeville. Le nom de la reine n'est pas précisé, mais la légende y verrait bien Jeanne de Bourgogne, l'une des brus de Philippe le Bel. D'autres y ont placé les débauches de ses autres brus, Blanche et Marguerite.
Cette légende, dont aucun témoignage de l'époque ne permet de confirmer l'existence, s'appuie sur un fait historique avéré : l'infidélité des brus de Philippe le Bel.
Les infidélités des princesses
Philippe le Bel a quatre enfants, dont trois vont lui succéder au trône de France, respectivement Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles IV le Bel, qu'il marie avec trois princesses. Louis épouse Marguerite, la fille du duc de Bourgogne; Philippe épouse Jeanne, la fille de Mahaut d'Artois en 1306; enfin, Charles épouse Blanche de Bourgogne en 1308.
Très liées entre elles, les princesses font souffler un vent de gaieté et de charme sur la cour austère du Roi. Leur élégance et leur coquetterie font bientôt naître une rumeur destructrice. Elles sont soupçonnées de recevoir des jeunes gens. Toutefois, aucune preuve ne vient étayer ces accusations et les princesses poursuivent leur joyeuse vie.
La visite à Paris du roi d'Angleterre Edouard II et de sa femme Isabelle, fille de Philippe le Bel, sonne le glas de leurs beaux jours. Philippe le Bel donne plusieurs fêtes en l'honneur de ses hôtes. Au cours de l'une d'elles, Isabelle remarque que deux chevaliers portent à la ceinture des aumônières semblables à celles qu'elle a offertes personnellement quelques mois plus tôt à deux de ses belles-sœurs, Marguerite et Blanche. Elle s'empresse de signaler les frères Gauthier et Philippe d’Aunay à son père. Le roi ordonne une enquête qui confirme les faits. Philippe d'Aulnay est l'amant de Marguerite et son frère Gauthier est l'amant de Blanche. On ne connaît aucun amant à Jeanne, mais elle est au moins coupable d'avoir couvert les débordements de ses belles-sœurs. Arrêtés, les frères d'Aunay résistent à la question, puis ils finissent par avouer, suivis de Marguerite et de Blanche.
Philippe le Bel, pieux s'il en est, n'a aucune pitié pour ses brus adultères. Marguerite et Blanche sont tondues, habillées de bure et jetées au cachot des Andelys. Après la mort de Philippe le Bel, Marguerite est enfermée à Château-Gaillard et étouffée entre deux matelas, vraisemblablement sur l'ordre de son mari, devenu Louis X. Blanche accepte l'annulation de son mariage et se retire à l'abbaye de Maubuisson, où elle meurt peu après. Jugée, Jeanne est acquittée, faute de preuves. Philippe envisage de la répudier mais il devrait alors rendre la Franche-Comté qu'elle a apportée en dot. Il calcule alors que son « honneur conjugal » ne vaut pas cette perte. Les frères d'Aulnay sont émasculés, torturés et traînés par des chevaux avant d'être décapités le 19 avril 1314 puis pendus par les aisselles à des gibets.
En 1316, Philippe V le Long accède au trône après le court règne de Jean Ier le Posthume. Jeanne devient donc reine de France. Philippe lui offre la tour et l'hôtel de Nesle en 1319, soit cinq ans après l'affaire. Après la mort de Philippe V en 1322, elle y installe définitivement sa résidence. Dans son testament, Jeanne de Bourgogne demande que l'hôtel de Nesle soit vendu et devienne un collège.
La légende
D'après la légende, l'une des reines infidèles, voire plusieurs, aurait utilisé la Tour de Nesle comme lieu de débauche, tuant ses amants au lever du jour. Un maître de philosophie, nommé Buridan, aurait échappé à son funeste sort, soit en étant repêché par ses élèves, soit en se laissant tomber dans un bateau de foin que ses étudiants ont amené.
Deux faits avérés contredisent encore cette version :
- Buridan est connu pour être le recteur de l'université de Paris en 1327. Né en 1300, il est trop jeune pour être professeur de philosophie et avoir participé aux prétendus événements de la tour de Nesle (il n'a que 14 ans lors du procès en 1314).
- Le tracé de la Seine à cette époque ne permet en aucune manière l'accostage ou même l'approche suffisante du fameux bateau de foin pour sauver Buridan.
En 1832, Alexandre Dumas et Frédéric Gaillardet publient La Tour de Nesle, un drame historique en cinq actes qui met en scène Marguerite de Bourgogne, Buridan et les frères d'Aulnay.
Entre 1913 et 1914, Michel Zévaco publie Buridan, Le Héros de la Tour de Nesle et La Reine sanglante, Marguerite de Bourgogne.
- Portail du Moyen Âge central
Catégorie : Histoire de France au Moyen Âge
Wikimedia Foundation. 2010.