Emma Livry

Emma Livry
Portrait d´Emma Livry, lithographie. Paris, BNF

Emma Livry (de son vrai nom Emma-Marie Emarot) est une danseuse française née à Paris le 24 septembre 1842 et décédée à Neuilly-sur-Seine le 26 juillet 1863.

Sommaire

Biographie

Débuts

Emma-Marie Emarot est la fille de Célestine Emarot, qui avait elle-même dansé brièvement à l'Opéra de Paris[1]. Cette dernière avait eu Emma suite à une relation avec le baron Charles de Chassiron[2].

Emma Livry est l'élève de la première grande danseuse romantique Marie Taglioni. Bien qu'elle ne soit physiquement pas très belle, ses qualités de danseuse sont très vite remarquées puisqu'elle est engagée à l'Opéra de Paris en 1858 et qu'elle y restera jusqu'en 1862. Son physique a par ailleurs été commenté par ses contemporains. Alexis Dureau a par exemple écrit qu' elle avait une bouche un peu trop grande, et était trop maigre[3] L'opposition entre le physique rond de sa mère, et sa minceur donnèrent lieu aux vers suivants dans un court quatrain qui parut dans les journaux aux débuts de la jeune ballerine :

Se peut-il qu'un rat si maigre
Soit la fille d'un chat si rond?


Emma Livry est certainement la dernière « ballerine romantique » de l'époque qui a vu naître ce qualificatif et qui a vu rayonner des grands noms du ballet romantique, tels que Marie Taglioni, Fanny Cerrito, Fanny Elssler ou Carlotta Grisi. Sa majestueuse interprétation de La Sylphide fit d'elle la danseuse la plus appréciée du public parisien de l'époque à l'Opéra de Paris. Dans son ouvrage Deux siècles à l'Opéra (1669-1868), Nérée Désarbres dit d'elle qu'elle était la vraie représentante de l'école française de danse[4].

Marie Taglioni fut si impressionnée par son talent qu'elle créa son unique ballet Le Papillon pour Emma Livry en 1860.

La tragédie

Emma Livry dans Le Papillon, gravure de Jacotin (1860). Paris, BNF
Emma Livry dans La Sylphide (1858). Paris, BNF

Le 15 novembre 1862 lors d'une répétition de l'opéra La Muette de Portici, Emma Livry agita par mégarde son tutu de gaze au-dessus de la herse éclairante. Celui-ci s'enflamma et le feu l'enveloppa très vite. Affolée, elle traversa trois fois la scène avant qu'un pompier n'ait le temps de se précipiter sur elle. S'apercevant qu'elle allait être nue, Emma Livry ramassa de ses mains les morceaux de l'étoffe enflammée pour s'en couvrir, aggravant de ce fait ses brûlures. Ce qui restait de son costume tenait au creux de sa main. Elle mourut après 8 mois d'une longue agonie, emportant avec elle une époque qui aura marqué l'histoire du ballet romantique. Elle n'était âgée que de 21 ans. On ne peut éviter de penser à la mort identique de la danseuse Clara Webster lorsqu'on pense à ce terrible accident.

Une partie de sa ceinture et un lambeau de tissu sont conservés dans les vitrines du musée de l'Opéra.

L'éclairage scénique de l'époque n'était bien évidemment pas électrique. Les artistes devaient alors asperger les costumes d'un produit non inflammable pour prévenir les accidents. Les danseuses préféraient toutefois ne pas y recourir car le produit décolorait les tissus blancs du tutu, lui conférant une couleur jaunâtre peu esthétique.

Chronique de l'enterrement

Le 2 août 1863, Théophile Gautier chroniqua l'enterrement d'Emma Livry dans Le Moniteur :

Emma Livry avait vingt et un ans à peine. Dès ses débuts dans le pas d’Herculanum, elle s’était révélée danseuse de premier ordre, et l’attention publique ne l’avait plus quittée. Elle appartenait à cette chaste école de Taglioni, qui fait de la danse un art presque immatériel à force de grâce pudique, de réserve décente et de virginale diaphanéité. A l’entrevoir à travers les transparences de ses voiles dont son pied ne faisait que soulever le bord, on eût dit une ombre heureuse, une apparition élyséenne jouant dans un rayon bleuâtre ; elle en avait la légèreté impondérable et son vol silencieux traversait l’espace sans qu’on entendît le frisson de l’air. Dans le ballet, le seul qu’elle ait créé, hélas ! elle faisait le rôle d’un papillon, et ce n’était pas là une banale galanterie chorégraphique. Elle pouvait imiter ce vol fantasque et charmant qui se pose sur les fleurs et ne les courbe pas. Elle ressemblait trop au papillon : ainsi que lui, elle a brûlé ses ailes à la flamme, et comme s’ils voulaient escorter le convoi d’une sœur, deux papillons blancs n’ont cessé de voltiger au-dessus du blanc cercueil pendant le trajet de l’église au cimetière. Ce détail où la Grèce eût vu un poétique symbole, a été remarqué par des milliers de personnes, car une foule immense accompagnait le char funèbre. Sur la simple tombe de la jeune danseuse, quelle épitaphe écrire, sinon celle trouvée par un poète de l’Anthologie pour une Emma Livry de l’antiquité : « O terre, sois-moi légère ; j’ai si peu pesé sur toi ! » Certes, dans cet intérêt si vif et si tendre de toute une population, le talent, la jeunesse, la mort fatale de la victime et sa longue souffrance étaient pour beaucoup ; mais il y avait encore une autre raison : on voulait honorer cette vie pure dans une carrière facile aux entraînements, cette vertu modeste devant laquelle se taisait la médisance, cet amour de l’art et du travail, qui ne demandait de séductions qu’à la danse seule; on voulait montrer qu’on respecte l’artiste qui sait se respecter lui-même. Si quelque chose peut consoler les regrets d’une mère, c’est ce convoi si grave, si attendri, d’un recueillement si religieux, que suivaient dans une voiture de deuil, parmi les célébrités de l’Opéra, les deux sœurs de Charité qui avaient soigné la méritoire et chrétienne agonie de la pauvre fille.

Adaptations

  • La vie d'Emma Livry a servi de personnage central à La Danseuse papillon, un conte fantastique publié aux éditions Soleil en novembre 2010, avec Luky au dessin et Audrey Alwett au texte. Un important dossier, consécutif au conte, regroupe les biographies d'Emma Livry, de Théophile Gautier (qui chroniqua son enterrement), mais aussi le livret du ballet Le Papillon et plusieurs extraits de journaux d'époque chroniquant la mort de la célèbre ballerine.
  • François Marie Adolphe Aulagnier lui consacre des poèmes dans son ouvrage "Fleurs de pensée: poésies intimes", notamment les poèmes A la Sylphide, Emma Livry et Le papillon [5]
  • Théodore de Banville lui consacra également un poème, A mademoiselle Emma Livry[6]
  • Une courte biographie romancée d'Emma Livry paraît dans l'ouvrage "Ces demoiselles de l'opéra", paru en 1887[1]

Galerie

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Notes et références

  1. a et b Ces demoiselles de l'opéra, Ed. Tresse et Stock (Paris), 1887, Notice n° : FRBNF33291315 à la BNF
  2. Biographie d'Emma Livry sur le site web Les chaussons verts
  3. Alexis Dureau, Notes pour servir à l'histoire du théâtre et de la musique en France (périodique), 1860, Paris, p.85, Notice n° : FRBNF32824774 à la BNF
  4. Nérée Désarbres, Deux siècles à l'Opéra (1669-1868), chronique anecdotique, artistique, excentrique, pittoresque et galante..., Ed. Dentu (Paris), 1868, Notice n° : FRBNF30327574 à la BNF
  5. F.M. Adolphe Aulagnier, Fleurs de pensée: poésies intimes, Ed. A. Ghio, 1882, Notice n° : FRBNF30039552 à la BNF
  6. Théodore de Banville, A mademoiselle Emma Livry, consultable dans La Petite revue, ed. René Pincebourde, Paris, 7ème trimestre, 13 mai au 12 août 1865, p.90

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