- Affaire Arcelor-Mittal
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Depuis le début des années 1970, l'État français s'était dépensé sans compter pour Arcelor et le secteur sidérurgique français. Principal propriétaire de l'une de ses deux grandes composantes, Sacilor, la famille de Wendel a ainsi largement bénéficié de la générosité de l'État. Dès 1978, alors qu'Usinor-Sacilor licenciait 22 000 salariés, l'État reprenait à son compte 22 milliards de francs de dettes du groupe. Le président français, Valéry Giscard d'Estaing, qui autorisait cette intervention, était également apparenté, par son épouse, à la famille de Wendel.
Des subventions par centaines de milliards
L'alternance politique ne devait pas modifier cette ligne de conduite : la nationalisation du groupe, entre 1978 et 1982, devait effacer le reliquat des dettes des « maîtres de forge » (et notamment du groupe Wendel) au détriment des finances publiques. Entre 1975 et 1987, le secteur sidérurgique enregistra 80 milliards de francs de pertes (couvertes par l'État pour l'essentiel) et engloutit plus de 100 milliards de subventions publiques.
Les « plans acier » de 1977 et 1982 auront, de manière remarquable mais aux prix d'investissements financiers publics colossaux et de massives suppressions d'emplois (130 milliards de francs et 100 000 suppressions de postes en vingt ans), restauré la rentabilité de la sidérurgie en apurant son passif et en multipliant par trois sa productivité. Ce, pour le plus grand bénéfice du secteur privé.
En effet, le groupe est privatisé à bas prix (à peine dix milliards de francs) dès 1995 par Alain Juppé, non sans que l'État n'eût préalablement pris à sa charge le reliquat de ses dettes. Les actions sont en grande partie acquises par des fonds de pension (plus de 30 % de l'ensemble).
Les grands actionnaires (les petits porteurs ont tout perdu lors de la recapitalisation du groupe par Alain Madelin en 1986) ont donc généré des fortunes considérables à trois reprises : lors de la nationalisation du groupe, puis lors de sa privatisation, quinze ans plus tard, et enfin lors du rachat par Mittal après dix ans de consolidation. Ce, bien évidemment, sans tenir compte des bénéfices secondaires pour les chantres de cette privatisation (ainsi des 325 000 stock options liquidées par Francis Mer, PDG du groupe).
Un cadeau pour Mittal
Le rachat du groupe Arcelor par Mittal est emblématique : pour moins de 27 milliards d'euros, le groupe indien devient le numéro un mondial de l'acier et s'offre le produit de 20 milliards d'euros d'investissements de fonds publics français. Des investissements que les actionnaires privés se sont avérés incapables de protéger contre une OPA hostile d'un industriel étranger. Peut-être la valorisation de leurs portefeuilles d'action (valeur doublée en cinq mois, plus de 4 millions d'euros de stock options pour le seul PDG du groupe, Guy Dollé) n'est-elle pas totalement étrangère à cette incapacité.
Un intéressant symbole de notre temps en effet que celui d'un secteur industriel « sauvé » d'une crise catastrophique pour un coût faramineux, assumé presque intégralement par le contribuable français, sans que les salariés en bénéficient à aucun moment (75 % des emplois du secteur ont disparu) et donc pour le seul bénéfice des principaux actionnaires. Chaque salarié de la sidérurgie licencié aura coûté à l'État français plus d'un million de francs.
Catégorie :- Affaire financière
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