- Décalage vers le rouge
-
Le décalage vers le rouge (redshift en anglais) est un phénomène astronomique de décalage vers les grandes longueurs d'onde des raies spectrales et de l'ensemble du spectre — ce qui se traduit par un décalage vers le rouge pour le spectre visible — observé parmi les objets astronomiques lointains.
Suite aux travaux de Tolman et Hubble c'est un phénomène bien documenté, considéré comme la preuve initiale de l'expansion de l'univers et du modèle cosmologique avec Big Bang.
Le terme est également employé pour la notion plus générale de décalage spectral, soit vers le rouge, soit vers le bleu (blueshift), observé parmi les objets astronomiques selon qu'ils s'éloignent ou se rapprochent, indépendamment du mouvement général d'expansion. Dans cette acception, il est synonyme d'effet Doppler-Fizeau.
Sommaire
Définition et mesure
Le décalage spectral est aisément mesurable car les raies spectrales des atomes sont identifiables et bien connues, par exemple grâce à des mesures en laboratoire. Il est alors aisé de repérer un décalage entre λ0, la longueur d'onde observée en laboratoire (qui doit être celle réellement émise par la source), et λobs celle observée par les instruments astronomiques.
Le décalage spectral est mesuré par
On utilise fréquemment dans les calculs l'expression 1 + z
Ce décalage peut être observé vers le rouge (décalage vers les grandes longueurs d'onde : z positif) ou vers le bleu (resp. les courtes : z négatif).
Dans le cas des objets astronomiques, le décalage est remarquable car il est le même sur l'ensemble du spectre, ce qui implique qu'il s'agit d'une conséquence d'un seul et même phénomène, et non d'un phénomène particulier à un type d'atome.
Histoire
Le décalage spectral du son est bien connu : le même son émis par un objet en mouvement nous semble plus aigu lorsque l'objet s'approche et plus grave lorsqu'il s'éloigne. Le même phénomène pour la lumière fut découvert par Hippolyte Fizeau en 1848 dans le cadre de la mécanique classique. La relativité restreinte d'Albert Einstein (1905) permit de généraliser le calcul du décalage spectral aux sources se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière.
En 1929, après une longue série d'observations, l'astronome Edwin Hubble (en collaboration avec Milton Humason) énonça la loi de Hubble.
Il apparaît que la lumière en provenance des galaxies distantes subit, en moyenne, un décalage vers le rouge proportionnel à leur distance. L'effet s'observe en moyenne : on observe des galaxies dont la lumière est plus ou moins décalée vers le rouge, ou même décalée vers le bleu, comme par exemple la galaxie d'Andromède.
En appliquant l'hypothèse que cela provient d'un mouvement de la source, par effet Doppler, on en a déduit que, en moyenne, les sources s'éloignent de nous d'autant plus vite qu'elles sont déjà plus loin (ce qui n'exclut pas que certaines sources se rapprochent de nous, en raison des mouvements locaux). Cette interprétation s'avère aujourd'hui incorrecte, et l'interprétation moderne se base sur plusieurs autres effets dont la relativité générale, qui introduit un décalage vers le rouge non relié à un effet Doppler.
Causes du décalage spectral
Le décalage vers le rouge peut avoir plusieurs causes :
Le mouvement de la source
Article détaillé : Effet Doppler-Fizeau.L'effet Doppler dû au mouvement de la source est la première idée et encore la plus présente.
Si z > 0, le décalage est vers le rouge, la source s'éloigne ; si z < 0, le décalage est vers le bleu, elle se rapproche.
Quand la vitesse relative de la source projetée le long de la ligne de visée, v, est petite par rapport à la vitesse de la lumière c le décalage vaut :
et, réciproquement, on peut calculer la vitesse de la source lorsque le décalage z est beaucoup plus petit que l'unité :
- .
Lorsque la vitesse de la source n'est pas petite devant celle de la lumière, il vaut utiliser la formule
- .
L'expansion de l'univers
Actuellement, constatant un décalage vers le rouge de la lumière émise par des sources cosmologiques quasi proportionnel à leur distance, les modèles cosmologiques dominants l'interprètent comme un effet de l'expansion de l'univers.
Il ne s'agit donc plus d'un effet Doppler comme on le présente encore parfois aujourd'hui, mais bien d'un effet de Relativité Générale qui se comprend quantitativement en disant que l'Expansion, en "allongeant" l'univers, allonge aussi la longueurs d'onde de tous les photons de l'univers. Il y a "comobilité" des galaxies qui sont entraînées par cette Expansion.
Le décalage vers le rouge dû à l'expansion de l'univers s'écrit alors :
- ,
où a(t) est le facteur d'échelle à l'époque où l'objet a émis la lumière qui nous parvient et a0 la valeur actuelle du facteur d'échelle. En pratique, le facteur d'échelle croît avec le temps car l'univers est en expansion. La quantité est donc supérieure à 1, et z est positif, ce qui correspond comme attendu à un décalage vers le rouge.
Article détaillé : Expansion de l'univers.Article détaillé : Loi de Hubble.L'effet gravitationnel
Article détaillé : Décalage d'Einstein.La théorie de la relativité générale d'Einstein prédit que la lumière se déplaçant dans un champ de gravitation subit un décalage vers le rouge ou vers le bleu. Cet effet est appelé le décalage d'Einstein. Sur Terre, il est faible mais mesurable en utilisant l'effet Mössbauer. À proximité d'un trou noir, cet effet deviendrait significatif au point qu'à l'horizon des événements le décalage serait infini.
Ce décalage gravitationnel fut proposé dans les années 1960 comme explication des grands décalages vers le rouge observés pour les quasars, mais cette théorie n'est guère acceptée aujourd'hui.
L'interaction matière - rayonnements électromagnétiques
Depuis les travaux de Compton (prix Nobel 1925) et Raman (prix Nobel 1930) on sait qu'il y a d'importantes interactions entre la matière et les rayonnements électromagnétiques. En particulier, si ces interactions n'existaient pas, nous n'aurions ni four à micro-ondes ni chalumeau laser : seul le radar serait possible. Sauf en lumière monochromatique, ces phénomènes dits "de puissance" sont difficiles à étudier en laboratoire. L'étude des céphéïdes, dont la lumière est toujours décalée vers le bleu ; "l'effet Pioneer" ou "d'inconpréhensible ralentissement des sondes lointaines" et le décalage spectral général des faisceux lumineux dans les longues fibres optiques ; prouve que, à côté de ces classiques effets de puissance, il existe aussi des effets plus discrets se manifestant, de façon homogène, sur les émissions polychromatiques. Les travaux conduisant à la proposition de l'effet creil sont contestés mais ils ont le mérite d'inciter à une autre réflexion.
La variation de la vitesse de la lumière
La vitesse de la lumière pourrait diminuer avec le temps, des théories supposent même qu'au début de l'Univers (phase d'Inflation) elle aurait pu être infinie. Mais ces théories restent difficilement soutenables même si, présentement, on mesure directement cette vitesse avec une bonne précision aux échelles cosmologiques. Il existe néanmoins de nombreuses mesures indirectes qui font qu'un tel discours, difficile à soutenir, peut s'envisager. Par exemple quand il s'agit d'expliquer l'abondance des éléments fondamentaux ou divers autres effets gravitationnels liés au comportement de la lumière dans un champ gravitationnel.
De plus, la question de la « variation éventuelle de la vitesse de la lumière » est une question bien plus complexe que ce qui est souvent envisagé par les non-spécialistes. On lira avec intérêt les articles de J.-P. Uzan sur ce sujet[1],[2].
Il existe de nombreuses observations supportant avec précision l'idée d'un univers en expansion et, le décalage vers le rouge n'est qu'un élément parmi de nombreux autres. Il est donc nécessaire de garder en tête qu'une variation de la constante c (une fois une telle chose définie proprement[2]) ne changerait probablement que très peu nos idées actuelles sur l'expansion de l'univers et son évolution en dehors des « premiers instants ».
Mesure des distances et des vitesses cosmologiques, application au passé de l'univers
Le décalage vers le rouge appliqué aux galaxies lointaines permet d'en estimer la distance. Cette technique constitue la seule méthode présentement utilisable, parmi les méthodes existantes, pour déterminer la distance des astres les plus éloignés.
Pour cela, on écrit la loi de Hubble comme une relation entre la distance et la vitesse radiale des objets observés, on mesure la vitesse radiale de l'objet (le décalage vers le rouge de raies dont la fréquence est connue) et on en déduit sa distance. Cette méthode ne convient pas pour les objets trop poches, dont le mouvement propre l'emporte sur le mouvement induit par l'expansion de l'univers et elle est parfois contestée pour les objets compacts tel les quasars (voir, en particulier, les travaux de Halton Arp). Son utilisation pour les objets très lointains est également délicate car dépendant du modèle cosmologique que l'on considère. Si l'on se place dans le cadre d'un modèle cosmologique donné, il existe une correspondance entre le décalage vers le rouge et la distance, et l'on exprime parfois les distances en terme du décalage vers le rouge noté z. Par exemple, pour le rayonnement cosmologique de fond on peut estimer que . Compte tenu du nombre important de modèles cosmologiques encore à l'étude, il existe autant de résultats différents aux calculs issus de mesures de distances par cette méthode.
Références
- J.-P. Uzan, « Dimensions et constantes fondamentales » in Le réel et ses dimensions, EDP Sciences, 2003
- 'c' is for the speed of light, isn't it? [gr-qc/0305099] G.F.R. Ellis and J.-P. Uzan, Am. J. Phys. 73 (2005) 240.
Wikimedia Foundation. 2010.