- Duche de Naxos
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Duché de Naxos
Pour les articles homonymes, voir Naxos (homonymie).Le Duché de Naxos est un des États croisés fondés après la quatrième croisade sur des territoires byzantins. Il s'étendit sur une partie des Cyclades, îles de la mer Égée en Grèce. Il était centré sur Naxos, conquise en premier par Marco Sanudo. Le Duché, fondé par des Vénitiens se plaça rapidement sous la suzeraineté de l'empereur latin de Constantinople. Le système féodal occidental fut surimposé au système byzantin. Les deux christianismes, catholique et orthodoxe, cohabitèrent ainsi.
Sommaire
La conquête
En 1204, la IVe Croisade s'empara de Constantinople, et les vainqueurs se partagèrent l'Empire byzantin. La souveraineté nominale sur les Cyclades échut aux Vénitiens. Ces derniers annoncèrent alors qu'ils laisseraient la gestion des îles à qui serait capable de s'en emparer pour eux. La Sérénissime ne pouvait en effet faire face aux dépenses d'une nouvelle expédition[1] Cette nouvelle suscita des vocations. De nombreux aventuriers armèrent des flottes à leurs frais, dont un riche Vénitien résidant à Constantinople, Marco Sanudo, neveu du Doge Enrico Dandolo. Il s'empara sans coup férir de Naxos en 1205 et en 1207, il contrôlait les Cyclades avec ses compagnons et parents[1]. Son cousin Marino Dandolo devint seigneur d'Andros ; d'autres de ses parents, les frères Andrea et Geremia Ghisi (ou Ghizzi) devinrent maîtres de Tinos et Mykonos, plus des fiefs sur Kéa et Sériphos ; les Pisani prirent Kéa ; Jaccopo Barozzi eut Santorin ; Anafi échut à Leonardo Foscolo[1],[2] ; Pietro Guistianini et Domenico Michieli se partagèrent Sériphos et eurent des fiefs sur Kéa ; les Quirini gouvernèrent Amorgos[3],[2]. Marco Sanudo fonda le duché de Naxos avec les principales îles comme Naxos, Paros, Antiparos, Milos, Siphnos, Kythnos et Syros[1]. Les Ducs de Naxos devinrent vassaux de l'empereur latin de Constantinople en 1210. Ils imposèrent le système féodal occidental sur les îles qu'ils dominaient. Dans les Cyclades, Sanudo était le suzerain et les autres ses vassaux. Venise ne profitait donc plus directement de cette conquête, même si le duché dépendait nominalement d'elle et qu'il avait été stipulé qu'il ne pouvait être transmis qu'à un Vénitien. Cependant, la République y avait trouvé avantage : l'Archipel avait été débarrassé de ses pirates, mais aussi des Génois et la route commerciale vers Constantinople était sécurisée[1]. Les habitats redescendirent vers les côtes et y furent fortifiés par les seigneurs latins : Paroikia sur Paros, le port sur Naxos ou Antiparos.
La coutume de la Principauté de Morée, les Assizes de Romania devint rapidement la base de la législation dans les îles[4]. En effet, à partir de 1248, le Duc de Naxos devint le vassal de Guillaume II de Villehardouin et donc à partir de 1278 de Charles Ier de Sicile[5]. Le système féodal fut appliqué même pour les plus petites propriétés, ce qui eut pour effet de créer une importante « élite locale ». Les « nobles francs» reproduisirent la vie seigneuriale qu'ils avaient laissée derrière eux : ils se construisirent des « châteaux » où ils entretinrent une cour. Aux liens de vassalité s'ajoutèrent ceux du mariage. Les fiefs circulèrent et se fragmentèrent au fil des dots et des héritages. Ainsi, en 1350, quinze seigneurs dont onze Michieli se partageaient Kéa (120 km² et quelques dizaines de familles alors)[2].
Le système féodal
Cependant, ce système féodal « franc » (comme on appelait tout ce qui venait d'Occident à l'époque) se surimposa au système administratif byzantin, conservé par les nouveaux seigneurs : les taxes et corvées féodales étaient appliquées aux divisions administratives byzantines et l'exploitation des fiefs continuait selon les techniques byzantines[4]. La loi byzantine resta aussi en vigueur pour les mariages et les propriétés pour la population locale d'origine grecque[5]. Il en était de même pour la religion : si la hiérarchie catholique dominait, la hiérarchie orthodoxe subsistait et parfois, lorsque le curé catholique n'était pas disponible, la messe était célébrée par le pope orthodoxe[4]. Les deux cultures se mêlèrent étroitement. On peut le voir dans les motifs des broderies populaires dans les Cyclades : les influences italiennes et vénitiennes y sont très présentes[6].
Les menaces extérieures
Au XIIIe siècle, la tentative de reconquête de l'Égée par Alexis Philanthropenos pour Michel VIII Paléologue, l'Empereur byzantin échoua devant Paros et Naxos[5],[7], mais certaines îles avaient été conquises et gardées par les Byzantins entre 1263 et 1278[8],[9]. En 1292, Roger de Lauria ravagea Andros, Tinos, Mykonos et Kythnos[8], peut-être une conséquence de la guerre qui faisait rage entre Venise et Gênes[9]. Au début du XIVe siècle, les Catalans firent leur apparition dans les îles, peu avant les Turcs[9]. Le déclin des Seldjoukides laissa en effet le champ libre en Asie mineure à un certain nombre de principautés turkmènes dont les plus proches de la mer lancèrent à partir de 1330 des razzias dans l'archipel où les îles furent régulièrement pillées et leurs habitants emmenés en esclavage[9]. Les Cyclades connurent alors un déclin démographique. Même lorsque les Ottomans commencèrent à s'imposer et à unifier l'Anatolie, les expéditions se poursuivirent, jusqu'au milieu du XVe siècle, en partie à cause du conflit entre Venise et les Ottomans[9].
Une nouvelle dynastie
En 1383 la dynastie des Sanudo est renversée et cède la place à celle des Crispo. La conquête ottomane de la Grèce en fait le dernier État latin en Orient. En 1418 le Duc reconnaît comme suzeraine la seigneurie de Venise, qui dirige de facto le Duché.
Le Duché de Naxos passa temporairement sous protection vénitienne en 1499-1500 et 1511-1517[5]. Vers 1520, les anciens fiefs des Ghisi (Tinos et Mykonos) sont passés sous la domination directe de la République de Venise[9].
En 1566 le dernier Duc Jacopo IV Crispio est déposé par le Sultan Selim II qui installe à sa place un marrane portugais, Joseph Nasi. Quelques îles du Duché restèrent vénitiennes jusqu'au début du XVIIIe siècle.
Ducs de Naxos
Famille Sanudo
- Marco I Sanudo (1205 ? -1227 ?) Fondateur de la dynastie
- Angelo Sanudo (1227 ?-1244) Fils du précédent
- Marco II Sanudo (1244-1303) Fils du précédent
- Guglielmo Sanudo (1303-1323) Fils du précédent
- Niccolo Sanudo (1323-1341) Fils du précédent
- Giovanni Sanudo (1341-1362) Frère du précédent
- Fiorenza Sanudo (1362-1371) Fille du précédent avec son second mari et cousin Niccolo Sanudo Spezzabanda
- Niccolo III dalle Carceri (1371-1383) Fils de la précédente
Famille Crispo
- Francesco I Crispo (1383-1397) Assassin du précédent et époux de Fiorenza Sanudo, nièce de Niccolo Sanudo et Giovanni Sanudo
- Giacomo Ier Crispo (1397-1418) Fils du précédent
- Giovanni II Crispo (1419-1437) Frère du précédent
- Giacomo II Crispo (1437-1447) Fils du précédent
- Gian Giacomo Crispo (1447-1453) Fils pas encore né à la mort du précédent. Régence assurée par les oncles du précédent : Niccolo Crispo puis Guglielmo Crispo
- Guglielmo II Crispo (1453-1463) d'abord régent puis Duc
- Francesco II Crispo (1463) Neveu du précédent
- Giacomo III Crispo (1463-1480) Fils du précédent
- Giovanni III Crispo (1480-1494) Frère du précédent
- Régence directe de la République de Venise (1494-1500)
- Francesco III Crispo (1500-1511) Fils du précédent
- Régence directe de la République de Venise (1511-1518)
- Giovanni IV Crispo (1517-1564) Fils du précédent
- Giacomo IV Crispo (1564-1566) Fils du précédent
Sous souveraineté ottomane
- Joseph Nasi (1566-1579)
Arbres généalogiques
Arbre généalogique des Sanudi
Marco Sanudo «Costantinopolitani» Pietro Sanudo Zabarella Dandolo Enrico Dandolo Doge de Venise
Bernardo Sanudo
Lunardo Sanudo
Marco Sanudo
1205 ? -1227 ?Premier mariage avec ?? Second mariage avec une sœur de l'Empereur Baudouin, Empereur latin ou Théodore Lascaris, Empereur de Nicée Une jeune femme de la famille
Saint-MenehouldAngelo Sanudo
1227 ? - 1262 ?Giovanni Sanudo
Installé en EubéePaolo Navigaioso
Seigneur de LemnosUne fille Marino Sanudo
Apanage de Paros et AntiparosMarco II Sanudo
1262 ? - 1303Épouse inconnue Guglielmo Sanudo
1303-1323Francesco Sanudo
Apanage de MilosMarco Sanudo
Apanages en EubéeMarco Sanudo
Apanage de MilosNiccolo Sanudo
1323-1341Giovanni Sanudo
1341-1362Un fils Francesco I Crispo
1383-1397Fiorenza Sanudo 1er mariage avec
Giovanni dalle CarceriFiorenza Sanudo
1362-13712nd mariage avec Niccolo Sanudo Spezzabanda Pétronille Niccolo III dalle Carceri
1371-1383Maria Sanuda Gaspard Sommaripa Giacomo I Crispo
Voir arbre des CrispiFiorenza Sommaripa Arbre généalogique des Crispi
Guglielmo Sanudo
1303-1323Marco Sanudo
Apanage de MilosGiovanni Sanudo
1341-1362Niccolo Sanudo
1323-1341Fiorenza Sanudo Francesco I Crispo
1383-1397Fiorenza Sommaripa
Fille de Maria Sanuda
et Gaspard SommaripaGiacomo I Crispo
1397-1418Giovanni II Crispo
1419-1437Marco Crispo Guiglelmo II Crispo
Régent puis Duc
1453-1463Niccolo Crispo
RégentPétronille Crispo
mariée avec Pietro Zéno
Andros en dotDeux filles Giacomo II Crispo
1437-1447Adrianna Crispo Francesco Crispo Fiorenza Crispo Dominique Crispo Francesco II Crispo
1463Gian Giacomo Crispo
1447-1453Giovanni III Crispo
1480-1494Giacomo III Crispo
1463-1480Francesco III Crispo
1500-1511Giovanni IV Crispo
1517-1564Catherine Crispo Giacomo IV Crispo
1564-1566Thaddea Crispo Notes et références de l'article
Bibliographie
- (en) Articles « Naxos » et « Paros » in Oxford Dictionary of Byzantium., Oxford U.P, 1991. Il n'y a pas de références pour « Cyclades » ou pour les autres îles.
- (en) Charles A. Frazee, The Island Princes of Greece. The Dukes of the Archipelago., Adolf M. Hakkert, Amsterdam, 1988. (ISBN 9025609481)
- (en) Paul Hetherington, The Greek Islands. Guide to the Byzantine and Medieval Buildings and their Art, Londres, 2001. (ISBN 1-8999163-68-9)
- Jean Longnon, L'Empire latin de Constantinople et la Principauté de Morée., Payot, 1949.
- Élisabeth Malamut, Les îles de l'Empire byzantin, VIIIe-XIIe siècles, Byzantina Sorbonensia 8, Paris, 1988. (ISBN 2-85944-164-6)
- (en) George C. Miles, « Byzantium and the Arabs: Relations in Crete and the Aegean Area », in Dumbarton Oaks Papers, Vol. 18., 1964.
- J. Slot, Archipelagus Turbatus. Les Cyclades entre colonisation latine et occupation ottomane. c.1500-1718., Publications de l'Institut historique-archéologique néerlandais de Stamboul, 1982. (ISBN 9062580513)
- Stéphane Yerasimos, « Introduction » à J. Pitton de Tournefort Voyage d'un botaniste., Maspero, 1982. (ISBN 2707113247)
Notes
- ↑ a , b , c , d et e Jean Longnon, L'Empire latin de Constantinople., p.91
- ↑ a , b et c Stéphane Yerasimos, « Introduction », p.9-10.
- ↑ Blue Guide, p.665.
- ↑ a , b et c J. Slot, Archipelagus Turbatus.
- ↑ a , b , c et d « Naxos » in Oxford Dictionary of Byzantium.
- ↑ Louisa F. Pesel, « The Embroideries of the Aegean », The Burlington Magazine for Connoisseurs, Vol. 10, N°. 46, Jan 1907.
- ↑ « Paros » in Oxford Dictionary of Byzantium.
- ↑ a et b Jean Longnon, L'Empire latin de Constantinople., p.319-320.
- ↑ a , b , c , d , e et f Stéphane Yerasimos, « Introduction », p.11-12
Articles connexes
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