Diphonique

Diphonique

Chant diphonique

Le chant diphonique est un terme générique désignant toute technique vocale permettant à une personne de produire plusieurs notes simultanément et donc de faire du chant polyphonique (à plusieurs voix) au moyen d'un seul organe vocal combinant d'une part divers types de voix (de gorge, de tête, etc.) et d'autre part divers positionnements de la langue ou des lèvres.

Bien que la plupart des techniques d'émissions diphoniques soient fondées sur un agencement ou un usage particulier des cavités bucco-nasales, on distingue aussi le chant de gorge ou encore chant harmonique permettant également de produire plusieurs sons à la fois : un bourdon grave est produit avec la gorge tandis que des harmoniques aiguës sont produites simultanément par résonance.

Ce type de chant est pratiqué depuis longtemps dans diverses musiques traditionnelles du monde, plus particulièrement en Haute-Asie (chez les Mongols, Touvas, Khakashs, Bachkirs, Altaiens, Tibétains notamment), et de manière plus discrète parmi les Sardes d'Italie, les Rajasthanais d'Inde et les Xhosas dAfrique du Sud.

Sommaire

Variétés du chant diphonique

En Asie, chez les Touvas, il existe quatre techniques principales avec bourdon du plus grave au plus aigu selon les styles kargyraa, borbannadyr, ezengileer et sygyt :

  • Dans le style kargyraa le fondamental a un timbre spécial (cor de chasse) avec une fréquence variant entre 55Hz (la 0) et 65Hz (do 1) ; les harmoniques se promènent entre H6, H7, H8, H9, H10 et H12. Chaque harmonique correspond à une voyelle déterminée.
  • Le fondamental dans le style borbannadyr (autour de 110Hz) reste fixe, et a un timbre plus doux que celui du kargyraa. Le chanteur peut produire deux formants harmoniques au-dessus du fondamental. La parenté technique entre kargyraa et borbannadyr permet au chanteur dalterner les deux styles dans la même pièce musicale.
  • Le style sygyt possède un fondamental plus aigu (entre 165Hz-mi2 et 220 Hz-la 2) selon les chanteurs. La mélodie harmonique utilise les harmoniques H9, H10 et H12 (maximum jusquà 2640 Hz).
  • Le style ezengileer est une variante de sygyt, caractérisé par un rythme dynamique particulier, venant de lappui périodique des pieds du cavalier sur les étriers.

Les types de chant diphonique des Touvas sont fondés sur les mêmes principes démission sonore que ceux de la guimbarde. La mélodie est créée par les harmoniques dun fondamental, engendrés par le résonateur dHelmholtz que constitue la cavité buccale humaine dont on modifie les dimensions. Pour la guimbarde, cest la lame vibrante qui attaque le résonateur. Pour le chant diphonique, ce sont les cordes vocales qui seront ajustées sur des hauteurs différentes, ce qui crée plusieurs fondamentaux, donc plusieurs séries dharmoniques.

Dautres techniques secondaires ou moins connues ont été "retrouvées", à savoir sigit moyen, kargiraa de steppe ou kargyraa de montagne, stil oidupa (inspiré du kargyraa et appelé daprès le nom du créateur, est considéré comme le premier style urbain).

Chez les Mongols, il existe 6 techniques différentes de chant diphonique : xamryn xöömi (xöömi nasal), bagalzuuryn xöömi (xöömi pharyngé), tseedznii xöömi (xöömi thoracique), kevliin xöömi (xöömi abdominal), xarkiraa xöömi (xöömi narratif avec un fondamental très grave) et isgerex (la voix de flûte dentale). Les chanteurs D. Sundui et Tserendavaa sont reconnus.

Chez les Khakashs est utilisé le style xaj. Avant la domination russe, les Khakashs avaient des styles de chant diphonique proches de ceux pratiqués par les Touvas, à savoir sygyrtyp (comme le sygyt), kuveder ou kylenge (comme le ezengileer) et kargirar (comme le kargyraa).

Chez les Gorno-Altaiens on trouve un style semblable kaj pour accompagner les chants épiques en plus des styles kiomioi, karkira et sibiski (respectivement ezengileer, kargyraa, sygyt).

Chez les Bachkirs il y a le style uzlau proche du ezengileer.

Chez les Tibétains des monastères Gyütö et Gyüme, le chant des tantras et des mantras use du chant de gorge. Leur tradition remonte à un groupe de maîtres indiens, le plus connu étant le yogin Padmasambhava, qui visitèrent le Tibet au VIIIe siècle et, plus récemment, au fondateur de lun des quatre courants du bouddhisme tibétain, Tsong Khapa (1357-1419) qui aurait introduit le chant diphonique et le style de méditation. Il tenait, dit on, ce type de chant de sa divinité protectrice, Maha Bhairava qui, bien quétant une incarnation du Boddhisatva de la compassion (Avalokiteshvara) possédait un esprit terrifiant. Le visage central de Maha Bhairava est celui dun buffle en colère. Aujourdhui encore, les maîtres de cette école aiment comparer leur chant au beuglement dun taureau.

Il existe plusieurs manières de réciter les prières : la récitation dans un registre grave avec vitesse modérée ou rapide sur des textes sacrés, les chants avec trois styles (ta chanté avec des mots clairement prononcés sur une échelle pentatonique ; gur avec un tempo lent utilisé dans les cérémonies principales et au cours des processions ; yang avec une voix extrêmement grave sur des voyelles produisant leffet harmonique pour communiquer avec les Dieux). Les moines tibétains du monastère Gyüto sortent un bourdon extrêmement grave et un harmonique H10 correspondant à la tierce majeure au-dessus de la 3ème octave du bourdon, tandis que les moines du monastère Gyüme produisent un bourdon grave et un harmonique 12 équivalant la quinte au-dessus de la 3ème octave du bourdon. On dit que le chant des moines Gyutö correspond à lélément Feu et celui des moines Gyüme exprime lélément Eau. Ces moines obtiennent cet effet harmonique en chantant la voyelle O avec la bouche allongée et les lèvres arrondis.

À Formose (Taïwan), les Bununs, une des minorités ethniques, chantent les voyelles dans une voix très tendue et font sortir quelques harmoniques dans un chant à loccasion de la récolte des millets (pasi but but).

En Inde, un Rajasthanais, enregistré en 1967, est arrivé à utiliser la technique du chant diphonique proche du style sygyt pour imiter la guimbarde et la flûte double satara. Cet enregistrement unique représente la seule trace de lexistence du phénomène du chant diphonique au Rajasthan.

En Afrique du Sud, les Xhosas pratiquent le chant diphonique (découvert en 1983), surtout les femmes. Cette technique sappelle umngqokolo ngomqangi imitant larc musical umrhube. Ngomqangi est le nom d'un coléoptère. Selon une chanteuse, cette technique à double voix simultanée est inspirée du bruit du coléoptère placé devant la bouche utilisé comme bourdon en modulant la cavité buccale pour varier les harmoniques produits.

Il faut faire la distinction entre le chant diphonique (chant créant une mélodie dharmoniques) et le chant à résonance harmonique (chant accompagné par moments par des effets harmoniques).

Dans certains types de chants lémission des voyelles est très résonantielle, ce qui permet aux chanteurs de créer un deuxième formant non intentionnel (le chant bouddhique japonais shomyo, certains chants polyphoniques dEurope de lEst), ou intentionnel (le phénomène quintina - la 5ème voix virtuelle, résultant de la fusion des 4 voix produites ensemble - des chants sacrés sardes).

En Italie, chez les Sardes, dans la région de la Barbagia, il existe deux styles de chant polyphonique. Le cuncordu est une forme de musique sacrée et emploie des voix normales. En revanche, le a tenore est une musique profane qui a des caractéristiques de chant diphonique. Le canto a tenore est pratiqué par un groupe de quatre chanteurs dont chacun a un rôle distinct. La oche ou boche ("voix") est la voix soliste qui chante un texte poétique. Elle est accompagnée par un tenore ("choeur") formé par la mesu boche ("demi-voix"), la contra ("contre") et le bassu ("basse"). Ces trois voix se distinguent par la tonalité de plus en plus grave, et elles articulent des séquences de syllabes dépourvues de sens (par ex. bim-bam-bou). Alors que la boche et la mesu boche chantent avec des voix normales, la contra et le bassu emploient une technique gutturale monopolisant le larynx et l'appareil phonateur. Selon la tradition populaire, la mesu boche imite le son du vent, alors que la contra imite le cri de la brebis et le bassu celui de la vache. Les textes exécutés par la oche peuvent être de genre épique, historique, satirique, de protestation ou d'amour. L'exécution du canto a tenore diffère d'un village à l'autre, de telle sorte que le style d'un certain village peut être reconnu d'emblée. Aujourd'hui on ne trouve que des groupes d'hommes, mais on garde la mémoire de groupes de femmes. Le canto a tenore devait être déjà pratiqué à l'époque des nuraghe (1800 av. J-C.). En novembre 2005 l'Unesco a classé le canto a tenore dans le Patrimoine oral intangible de l'humanité [1] Parmi les groupes les plus connus on peut citer les Tenores di Bitti, les Tenores de Orosei, les Tenores di Oniferi et les Tenores di Neoneli.

Aspect acoustique

Plusieurs techniques de chant diphonique existent, telles le kargyraa, qui consiste à faire vibrer certains tissus présents au-dessus des cordes vocales, produisant une note graveune octave en dessous de la note chantéeévoquant certains chants sacrés tibétains ; la technique de gorge est appelée sygyt, etc

Cette voix se caractérise par lémission conjointe de deux sons, lun dit "son fondamental" ou bourdon, qui est tenu à la même hauteur tout le temps dune expiration, pendant que lautre, plus aigu, dit "son harmonique" (qui est lun des harmoniques naturels du son fondamental constituée dun formant qui se déplace dans le spectre pour donner une certaines mélodie) varie au gré du chanteur. Ce son harmonique a un timbre proche à celui de la flûte (voix flûtée) ou à celui de la guimbarde (voix guimbarde).

La mise en évidence du bourdon est relativement facile, grâce aux sonagrammes. Le chant classique se caractérise par un doublement de lécartement des raies harmoniques lorsque le chant passe à loctave. Le chant diphonique présente un écartement égal des raies (ceci est prévisible puisque le bourdon demeure constant) pendant le passage dune octave lon voit le déplacement du formant. En effet, on peut mesurer avec facilité la distance entre les raies pour chaque son émis ; dans ce cas, la perception de la mélodie du chant diphonique se fait par le biais du déplacement du formant dans le spectre sonore. Ceci nest vraiment possible que si le formant se concentre dans laigu. Lénergie sonore est principalement divisée entre le bourdon et la deuxième voix constituée de deux harmoniques, au plus trois harmoniques.

Il a été parfois dit quune troisième voix pouvait être produite avec les techniques touvines, mais il est impossible daffirmer que la troisième voix est contrôlée. On peut établir un parallèle entre chant diphonique et guimbarde. La guimbarde produit comme le chant diphonique plusieurs "voix" différentes : le bourdon, le chant et le contre chant. Cette troisième voix ressemble à un contre chant, peut être délibéré, mais sans doute non contrôlé.

Champ de liberté

Du point de vue du champ de liberté (désignant létendue des performances et comprenant le champ des formes musicales en intensité, en hauteur, en timbre), le chant diphonique équivaut au chant normal sauf en ce qui concerne lambitus. Le temps dexécution dépend évidemment de la cage thoracique du chanteur et de sa respiration, mais également de lintensité sonore en rapport avec le débit dair.

Le champ de liberté concernant lintensité est par contre relativement restreint et le niveau des harmoniques est lié au niveau du bourdon. Le chanteur a intérêt à garder un bourdon dintensité suffisante afin de faire émerger un maximum dharmoniques. Les harmoniques sont dautant plus claires que le formant est étroit et intense.

Il est admis que pour une tonalité judicieuse (en fonction de lexécutant et de la pièce musicale à interpréter), un chanteur peut moduler ou choisir entre les harmoniques 3 et 13. Lambitus est fonction de la tonalité. Si la tonalité est en DO2, la réalisation se fait sur 14 harmoniques du 6ème au 20ème, ceci représentant une octave et une sixte. Si la tonalité est élevée, par exemple DO3, le choix se fait entre les harmoniques 3 et 10 soit 8 harmoniques, représentant également une octave et une sixte.

Lambitus du chant diphonique est plus restreint que celui du chant normal. Si en théorie le chanteur choisit la tonalité quil veut entre DO2 et DO3, en pratique, il réalise instinctivement un compromis entre la clarté de la deuxième voix et lambitus de son chant. Si la tonalité est élevée, par exemple, DO3, le choix des harmoniques se trouve restreint, mais la deuxième voix est alors très claire. Dans le cas dune tonalité en DO2, la deuxième voix est plus confuse, alors que lambitus atteint son maximum. La clarté des sons peut sexpliquer par le fait que dans le premier cas, le chanteur ne peut sélectionner quun harmonique, alors que dans le deuxième cas il peut en sélectionner presque deux. Pour la question de lambitus, la mise en action des résonateurs buccaux est indépendante de la tonalité des sons émis par les cordes vocales ; le chanteur sélectionne toujours les harmoniques dans la même zone du spectre que ceux-ci soient écartés ou resserrés.

Le chanteur choisit la tonalité instinctivement pour avoir à la fois lambitus maximum et le maximum de clarté, le meilleur compromis se trouvant entre DO2 et le LA2 : on peut ainsi produire avec les harmoniques à partir dun son fondamental entre DO2 et LA2 une mélodie couvrant jusquà deux octaves .

Perception de la hauteur des sons

La hauteur des sons tient plus de la psycho-acoustique que de la physique. Le Sona-Graph permet dobtenir limage du son étudié. Les manuels dacoustiques disent que la hauteur des sons harmoniques, comportant un fondamental de fréquence F et une suite dharmoniques F1,F2... multiples de F, est donnée par la fréquence du premier son fondamental. Ceci nest pas tout à fait exact car il est possible de supprimer électroniquement ce fondamental sans pour cela changer la hauteur subjective du son perçu. Si cette théorie était exacte, une chaîne électro-acoustique ne reproduisant pas lextrême grave changerait la hauteur des sons. Il nen est rien car le timbre change mais pas la hauteur. Certains chercheurs proposent une autre théorie plus cohérente : la hauteur des sons est donnée par lécartement des raies harmoniques ou la différence de fréquence entre deux raies harmoniques. Que devient la hauteur des sons dans ce cas pour les spectres sonores dit "à partiels " (les partiels sont les harmoniques qui ne sont pas des multiples entiers du fondamental) ? Dans ce cas, lindividu perçoit une moyenne de lécartement des raies dans la zone qui lintéresse.

On désigne par lexpression "spectre à formant" le renforcement en intensité dun groupe dharmoniques constituant un formant, cest à dire une zone de fréquences lénergie est grande. En rapport avec lexistence de ce formant, une deuxième notion de la perception de hauteur se fait jour. On sest en effet aperçu que la position du formant dans le spectre sonore donnait la perception dune nouvelle hauteur. Dans ce cas, il sagit de la position du formant dans le spectre. Cette théorie doit être nuancée, car des conditions simposent.

La disparition du formant ne change pas la hauteur des sons. La perception de la hauteur par la position du formant nest possible que si celui-ci est très aigu, à savoir que lénergie du formant nest répartie que sur 2 ou 3 harmoniques. Si la densité dénergie du formant est grande, et que le formant est étroit, celui-ci donnera une information de hauteur en plus de la tonalité globale du morceau chanté, ouvrant la possibilité technique du chant diphonique / diplophonique / biformantique.

Mécanismes de production sonore

Un résonateur est une cavité pouvant résonner dans un domaine de fréquences. Le système excitateur - le pharynx et les cordes vocales - émet un spectre harmonique, et les résonateurs amplifient celui-ci. Un bon chanteur est capable de choisir ces fréquences : lorsquun chanteur porte la voix pour se faire entendre dans une grande salle il adopte ses résonateurs (volume de la cavité buccale, de la section de louverture de la bouche et de la de la position des lèvres) pour émettre le maximum dénergie.

Pour un chant diphonique, il faut deux voix : le bourdon, la première, provient du fait que celui-ci est intense à lémission et qu'il ne subit pas le filtrage des résonateurs. Son intensité, supérieure à celle des harmoniques, lui permet de survivre grâce à un rayonnement buccal et nasal. En fermant la cavité nasale, le bourdon diminuait en intensité : dune part une source de rayonnement est fermée, et dautre part le débit dair est réduit de même que lintensité sonore émise au niveau des cordes vocales.

Lintérêt davoir plusieurs cavités est primordial. Seul le couplage entre plusieurs cavités permet davoir un formant aigu tel que lexige le chant diphonique. La tonalité du son monte si la bouche est grande ouverte. Pour mettre en évidence la formation dun formant aigu, on a essayé de produire deux sortes de chant diphonique : lun avec la langue au repos, la bouche devenant une grande et unique cavité, et lautre avec la pointe de la langue remontant et touchant la voûte palatine, divisant ainsi la bouche en deux cavités. Dans le premier cas, les sons ne sont pas clairs. On entend très bien le bourdon mais la deuxième voix est difficile à entendre et la mélodie simpose difficilement à lécoute. Avec une cavité buccale unique, lénergie du formant se disperse sur trois ou quatre harmoniques et la sensation de la deuxième voix devient beaucoup plus faible et leffet diphonique disparaît. Par contre, quand la langue divise la bouche en deux cavités, le formant aigu et intense réapparaît.

Le chant diphonique nécessite un réseau de résonateurs sélectifs qui filtre uniquement les harmoniques désirés par le chanteur. Dans le cas dun couplage serré entre les deux cavités, celles-ci donnent une résonance unique très aiguë. Si le couplage devient lâche, le formant a une intensité moins grande, et on étale lénergie sonore dans le spectre. Si ces cavités se réduisent à une seule cavité, la courbe pointue devient encore plus ronde et on aboutit au premier exemple évoqué, consistant en un chant diphonique très flou (langue en position de "repos").

Réalisation du chant diphonique

On peut produire les deux sons simultanés grâce à trois méthodes distinctes :

  • avec une cavité buccale : la langue peut être à plat, en position de repos, ou la base de la langue légèrement remontée sans jamais toucher la partie molle du palais. Seuls la bouche et les lèvres bougent. Par cette variation de la cavité buccale en prononçant les deux voyelles ü et i liées sans interruption (comme si lon disait "oui" en français), on perçoit une faible mélodie des harmoniques qui ne dépasse guère lharmonique 8.
  • avec deux cavités buccales : on chante avec la voix de gorge, on prononce la lettre "L", dès que la pointe de la langue touche le centre de la voûte palatine, on maintient cette position, on prononce ensuite la voyelle "Ü" avec toujours la pointe de la langue collée fermement contre le point de fixation entre le palais dur et le palais mou, on contracte les muscles du cou et ceux de labdomen pendant le chant comme si on essaie de soulever un objet très lourd, on donne un timbre très nasalisé en lamplifiant à travers les fosses nasales, on prononce ensuite les deux voyelles "I" et "Ü" (ou bien "O" et "A") liées mais alternées lune après lautre en plusieurs fois. Ainsi sont obtenus le bourdon et les harmoniques en pente ascendante et descendante selon le désir du chanteur. On varie la position des lèvres ou celle de la langue pour moduler la mélodie des harmoniques. La forte concentration musculaire augmente la clarté harmonique.
  • avec la base de la langue remontée et mordue par les molaires supérieurs pendant que le son de gorge est produit sur les deux voyelles "I" et "Ü" liées et répétées plusieurs fois pour créer une série dharmoniques descendants et ascendants. Cette série dharmoniques se trouvent dans la zone entre 2KHz et 3,5 KHz. Cette méthode ne permet pas le contrôle de la mélodie formantique et nest quune démonstration expérimentale sur les possibilités de timbre harmonique.

Dans les années 1980, lanalyse comparée des spectogrammes fibroscopiques, stroboscopiques, laryngoscopiques et ceux du Sona-Graph a permis de classer pour la première fois les différents styles de chant diphonique dAsie et dAfrique du Sud en fonction des résonateurs, des contractions musculaires et des ornementations :

  • en mettant en évidence le bourdon harmonique et la mélodie fondamentale, ce qui est le contraire du principe initial du chant diphonique traditionnel ;
  • en croisant les deux mélodies ( fondamentale et harmoniques) et en explorant le chant triphonique ;
  • en mettant en évidence les trois zones harmoniques sur la base dun même son fondamental.

Utilisation thérapeutique du chant diphonique ?

Le Dr Tomatis a développé une théorie selon laquelle il existerait une relation entre harmonie et santé (mentale ou physique). Des musiciens ont voulu faire du chant diphonique un nouvel outil pour des applications thérapeutiques (Trân Quang Hai, Jill Purce, Jonathan Goldman, Dominique Bertrand, Philippe Barraqué, Bernard Dubreuil).

Le pouvoir supposé du chant dépend de la mélodie, des qualités harmoniques de la voix et de la puissance du fondamental. Les principaux objectifs du chant diphonique, quand il est utilisé avec des visées thérapeutiques, est de rétablir la concentration et léquilibre psychologique (voir thérapie vocale). On retrouve ces objectifs dans certaines pratiques chamaniques ou dans le chant des moines tibétains[réfsouhaitée].

Jill Purce (Royaume Uni), par exemple, propose un travail fondé sur la respiration et le chant diphonique auprès de personnes qui bégaient, éprouvent des sensations de blocage dans la gorge, sont effrayées par leur propre voix ou qui souffrent dinhibition, de troubles respiratoires, danxiété, de fatigue[réfnécessaire].

Le chant diphonique a également été utilisé dans le but de diminuer la douleur physique pendant laccouchement. Mais il nexiste aucune étude confirmant léfficacité de cette méthode.

Aspect historique

La découverte et l'étude du chant diphonique remonte au XIXe siècle. M. Rollin, professeur au Conservatoire de Paris, au XIXè siècle, a dit quà la Cour de Charles le Téméraire, un baladin chantait à deux voix simultanées, la deuxième étant à la quinte de la première. Manuel Garcia, dans son Mémoire sur la voix humaine présenté à lAcadémie des Sciences le 16 novembre 1840, a signalé le phénomène à double voix chez les paysans russes. Plusieurs voyageurs ont rapporté dans leurs récits de voyages quau Tibet se pratiquait le dédoublement de la voix pendant certaines récitations de mantras. Mais cette constatation nétait pas prise au sérieux.

En 1934, des chercheurs russes enregistrèrent des disques 78 tours de chant diphonique chez les Touvas ; étudiés par Aksenov, ils sont l'objet d'un article (publié en 1964 en URSS et traduit en allemand en 1967 et en anglais en 1973) considéré comme le premier sur le chant diphonique dune grande valeur scientifique. Depuis, de nombreux chercheurs, acousticiens, ethnomusicologues, ont essayé de "dévoiler" les mystères du chant diphonique. On peut en citer quelques uns : Lajos Vargyas (Hongrie, 1967), Emile Leipp (France, 1971), Gilles Léothaud (France,1971), Roberte Hamayon et Mireille Helffer (France, 1973), Suzanne Borel-Maisonny (France, 1974), Trân Quang Hai (France, 1974), Richard Walcott (Etats-Unis, 1974), Sumi Gunji (Japon, 1980), Roberto Laneri (1983), Lauri Harvilahti (Finlande, 1983), Alain Desjacques (France, 1984), Ted Levin (Etats-Unis,1988), Carole Pegg (Grande Bretagne, 1988), Graziano Tisato (Italie,1988), Hugo Zemp (France, 1989), Mark Van Tongeren (Pays-Bas, 1993).

Des appellations diverses furent proposées par des chercheurs français au cours des trente dernières années : « chant diphonique » (Emile Leipp, Gilles Léothaud en 1971, Trân Quang Hai en 1974), « voix guimbarde » (Roberte Hamayon et Mireille Helffer, 1973), « chant diphonique solo » (Claudie Marcel-Dubois, 1978), « chant diplophonique » (diplo en grec signifiant "deux", la diplophonie, terme dorigine médicale, désigne lexistence simultanée de deux sons de hauteur différente dans le larynx, Trân Quang Hai, 1993) et « chant biformantique » (chant à deux formants, Trân Quang Hai, 1994). Le terme de « chant harmonique » est plus délicat car chaque chant, quel que soit le type de voix, est créé par une série dharmoniques renforcés différemment et sélectionnés suivant la volonté du chanteur pour créer une mélodie.

Des chanteurs ou compositeurs comme Trân Quang Hai (France, 1975), Demetrio Stratos (Italie, 1977), Roberto Laneri (Italie, 1978), David Hykes et son Harmonic Choir (Etats-Unis, 1983), Joan La Barbara (Etats-Unis, 1985), Meredith Monk (Etats-Unis, 1980), Michael Vetter (Allemagne, 1985), Christian Bollmann (Allemagne, 1985), Michael Reimann (Allemagne, 1986), Noah Pikes (Angleterre, 1985), Tamia (France, 1987), Quatuor Nomad (France, 1989), Valentin Clastrier (France, 1990), Bodjo Pinek (Yougoslavie, 1987), Josephine Truman (Australie, 1987), Iegor Reznikoff (France, 1989), Rollin Rachelle (Pays-Bas, 1990), Thomas Clements (France, 1990), Sarah Hopkins (Australie,1990), Mauro Bagella (Italie, 1995), Tuân Hùng (Australie, 1996) ont introduit leffet du chant diphonique dans la musique actuelle (world music, new age, etc.) et dans la musique électro-acoustique.

Des musicothérapeutes, tels que Jill Purce (Royaume Uni), Dominique Bertrand (France), Philippe Barraqué (France) ont utilisé la technique du chant diphonique comme moyen thérapeutique reprenant une tradition chamanique, parfois combiné avec la gymnastique holistique dans le but de soigner les gens par les vibrations harmoniques et les mouvements corporels.

Références

  1. Omar Bandinu, Il canto a tenore, dai nuraghi all'Unesco, Siti, 16(2,3), 2006 http://www.sitiunesco.it/attach/unesco/docs/siti_5_bandinu.pdf

Bibliographie

  • (en)Jonathan Goldman, Healing Sounds: The Power of Harmonics,
  • Philippe Barraqué, À la source du chant sacré, Éditions Diamantel, 1999.
  • Philippe Barraqué, La guérison harmonique (techniques de chant diphonique), Éditions Jouvence, 2004.
  • Ezzu, Alberto, (2009). "Il Canto degli Armonici - Storia e tecniche del canto difonico", Ed. Musica Practica, Torino.

Liens externes

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