Diogo do couto

Diogo do couto

Diogo do Couto

Diogo do Couto, de l'édition des Décades de 1778

Diogo do Couto (prononciation : Diògou dou Côtou) (Lisbonne 1542 - Goa 10 décembre 1616) est un fidalgo portugais, écrivain et historien[1]. Ce noble voyageur est aussi considéré, avec João de Lucena professeur à l'Université de Evora, comme un des premiers indianistes européens[2].

Sommaire

Biographie

Naissance

Fils de Gaspar do Couto et d'Isabel Serrão de Calvos[3], Diogo do Couto naît à Lisbonne en 1542 d'une famille de petite noblesse.

Adolescence

Il étudie le latin et la rhétorique au Collège de Santo Antão puis la philosophie au Couvent de Benfica.

Par la mort de son père, puis par celle de son protecteur l'Infant D. Luís Duc de Beja en 1555, « le cours de ses espérances »[4] est rompu, à l'intérieur du royaume de Portugal en tout cas, raison pour laquelle il émigre aux Indes.

Voyages aux Indes

En 1556[5], Diogo do Couto écrit : « le capitaine général embarqua sur la nef Flor de la Mar (...) sur laquelle j'étais moi-même passé en ces contrées, adolescent de quinze ans »[6].

En 1563 le voici au Gujarat, précisément à Baroche (Bharuch), ville dont le capitaine est un maure érudit versé dans les belles-lettres . Il lit avec lui l'Arioste, Pétrarque, Dante, Bembo, et d'autres poètes italiens. Diogo do Couto écrit lui-même en italien, en langue latine, ainsi que « dans la nôtre vulgaire[7], en quoi il eut une grâce particulière, toutes œuvres lyriques et pastorales, desquelles il laissa un grand tome d'élégies, églogues, chansons, sonnets, et gloses... »[8].

En 1569 il revient au Portugal, ne s'y attarde guère et repart bientôt pour n'y plus jamais revenir. À son passage dans l'île de Mozambique cette même année 1569 il rencontre, endetté et sans argent pour le voyage de retour, son ami intime le grand poète Luis Vaz de Camões . Diogo do Couto et d'autres amis lui offrent leur aide afin de pouvoir rentrer ensemble à Lisbonne.

En avril 1570 leur nef Santa Clara arrive à Cascais où d'autres « nefs au mouillage attendaient que Diogo do Couto revienne d'Almeirim, où il était allé solliciter au roi son entrée dans le Tage, parce que Lisbonne était fermée à cause de la peste. Dès que l'ordre vînt la Santa Clara entra dans la barre »[9].

Ce retour permet la publication en 1572 de l'œuvre majeure de Camões, Os Lusiadas (Les Lusiades), dont Diogo do Couto fera, à la demande du grand poète, un Commentaire non achevé et aujourd'hui perdu[10].

En 1570 Diogo do Couto retourne en Orient et s'y marie, puis obtient la charge d'employé au Magasin des Provisions de Goa. À cette époque il est déjà connu au Portugal pour ses Commentaires des Lusiades, ses Poésies portugaises, latines et italiennes aujourd'hui perdues, et sa première version du Soldado Prático (Le Soldat Expérimenté) qui lui fut dérobée, puis imprimée et lue à son insus.

Directeur Principal des Archives de Goa

Le 20 novembre 1589, Diogo do Couto adresse une lettre à Philippe 1er (Philippe II d'Espagne), lui demandant de l'autoriser à créer une "Torre do Tombo", Maison des Archives, à Goa, dont il s'occuperait en écrivant les Chroniques de l'histoire des portugais en Inde : " J'ai trouvé qu'en aucune chose je ne pourrais mieux accomplir ma volonté (de servir le roi), qu'en écrivant et mettant en chronique les actes accomplis par les Portugais en ces contrées depuis qu'en elles Votre Majesté fut élevé en qualité de vrai roi et seigneur..."

Par lettre du 28 février 1595, en réponse à une autre lettre de même teneur de Couto, le roi le nomme Guarda-Mor do Tombo de Goa et lui accorde la création et l'organisation des dites Archives de Goa.

Quant à sa Chronique Générale des Indes, qui au départ ne devait s'occuper que de la partie contemporaine, (à partir de ce premier monarque espagnol qu'est Philippe, accédé au trône du Portugal en 1580), il reçoit au contraire par cette même lettre, la mission enviée (car beaucoup en avaient fait la demande) de continuer les Décadas de João de Barros, mort en 1570 : à savoir l'Histoire des Portugais en Orient (et en Afrique), à partir de la fin de 1526.

Œuvres

D. Paulo de Lima, Nau S. Thomé na terra dos Fumes, 1598, por Diogo do Couto.jpg

Diogo do Couto écrit les « Décades de l'Asie » (Décadas da Ásia) de la quatrième terminée en 1596, à la douzième, le « Récit du naufrage de la nef de St Thomas dans la terre des fumées en l'an 1589 et des grands travaux exécutés par D. Paulo de Lima dans les terres des Cafres jusqu'à sa mort » (Relação do Naufragio da Nao S.Thomé na terra dos Fumos no anno de 1589 e dos grandes trabalhos que passou D. Paulo de Lima Nas terras da Cafraria athé sua morte) écrit en 1611, le « Soldat Expérimenté » (Soldado Prático), une « Vie de Paulo de Lima » tirée de sa 10ème Décade et de ce qui restait de la 11ème, une « Réfutation de la Relation d'Éthiopie de Luis de Urreta », « Angkor », et le « Traité des hauts-faits de Vasco de Gama et de ses fils en Inde » (Tratado dos feitos de Vasco da Gama e seus filhos na Índia). Ces ouvrages sont repris ci-après dans l'ordre des dates de leur respective édition.

Récit du naufrage de la nef de St Thomas

En 1736 ce récit fut publié dans les « Histoires tragico-maritimes de Bernardo Gomes de Brito ». Le long titre de cet ouvrage écrit en 1611, « Récit du naufrage de la nef de St Thomas dans la terre des fumées en l'an 1589 et des grands travaux exécutés par D. Paulo de Lima dans les terres des Cafres jusqu'à sa mort » traduit le titre en portugais (Relação do Naufragio da Nao S.Thomé na terra dos Fumos no anno de 1589 e dos grandes trabalhos que passou D. Paulo de Lima Nas terras da Cafraria athé sua morte).

Décades de l'Asie

En 1777 et 1778 les trois premières Décades de l'Asie (Décadas da Ásia) rédigées par João de Barros, complétées par celles écrites par Diogo do Couto, sont pour la première fois publiées dans leur intégralité en vingt-quatre volumes dont l'ensemble contient la première édition de la dixième Décade, et l'assemblage d'une onzième Décade à partir de récits de différents auteurs de l'époque.

L'amour intransigeant du Guarda-Mor da Torre do Tombo de Goa pour la vérité lui crée beaucoup d'ennemis parmi les puissants descendants des « héros » d'une histoire encore toute récente. Il critique la corruption et les violences de cette société de portugais expatriés en Asie. Sa protestation ouverte contre les abus de ses contemporains lui valent une série de déboires qui accompagnent la publication successive de chacune des Décadas dont il est l'auteur.

Década IV : la quatrième Décade, initialement rédigée par João de Barros et considérée comme perdue est retrouvée ap´`s que Diogo do Couto l'eut réécrite etièrement. fut terminée au début de 1596, On peut donc aujourd'hui confronter les deux versions assez différentes d'une même période (1527 - 1537).

Década V : l'autorisation de publication de la cinquième Décade, écrite entre 1596 et 1597, dura dix ans (de 1602 à 1612).

Década VI : quand se termina l'impression de la sixième Décade, écrite et peut-être même achevée en 1597, envoyée au royaume en 1599, l'imprimerie brûla avec la majeure partie des volumes.

Década VII : lorsque la septième Décade partit au Royaume pour publication, elle tomba avec le bateau aux mains de corsaires anglais en 1601, et se perdit, Couto devant la réécrire en 1603.

Décadas VIII & IX : Les manuscrits des huitième et neuvième Décades lui furent volés chez lui, les voleurs profitant du fait qu'il était malade. Une fois rétabli, Couto en fit un résumé en 1616.

Década X : la dixième Décade, envoyée au royaume en 1600, fut perdue et retrouvée au XVIIIéme siècle seulement.

Década XI : la onzième Décade lui fut dérobée au Portugal où il l'avait envoyée pour publication. Elle traitait du Vice-roi Matias de Albuquerque, qui exerçait sa charge au moment où Couto devait commencer ses chroniques et qui lui refusa les papiers nécessaires. Le voyage de retour au Portugal de Matias de Albuquerque se solda par un naufrage, où toutes ses richesses accumulées pendant plus de trente années passées en Inde, se perdirent. Couto s'exclama alors, citant la bible : "Vous l'avez donné, vous l'avez repris. Soyez Seigneur, loué pour toujours!" (12ème Décade, livre I, chapitre 9). Cette 11ème décade ne fut jamais retrouvée. "Et le pire, dit António Coimbra Martins, c'est qu'aucun autre volume, au moins du même auteur, ne vint suppléer à ce manque... sinon peut-être une chronique, anonyme et copieuse, de Matias de Albuquerque, qui dort aujourd'hui encore inédite à la Bibliothèque Municipale d'Évora."

Década XII : de la douzième Décade il ne reste aujourd'huique cinq livres.

Le Soldat Expérimenté

1ère édition du Soldado prático, Lisbonne, 1790

De 1790 date la première édition du Soldado Prático.

Il réécrivit le Soldado Prático, (Soldat Expérimenté), son œuvre la plus célèbre dont une première version lui fut aussi dérobée, et qui contient une critique mordante de l'administration de l'Inde portugaise : c'est encore aujourd'hui une œuvre très intéressante, par la critique qu'elle fait du fonctionnement de l'administration portugaise en Orient, dès les échelons plus élevés (vice-rois) jusqu'aux plus bas. Ses observations prennent appui sur la connaissance personnelle de quelqu'un qui a vu en situation les faits dont il parle. L'œuvre traduit, de ce fait, le point de vue des Portugais d'humble condition, installés depuis longtemps en Orient, et témoins des abus de leurs supérieurs, exercés sur les indigènes et aussi sur eux-mêmes. La perspective adoptée par Couto est très semblable à cet autre grand chroniqueur qu'est Gaspar Correia, dans ses "Lendas da India" (fables d'Asie). L'œuvre est écrite sous forme de dialogue, et par les interventions des interlocuteurs ( un vieux soldat de l'Inde portugaise, un aristocrate, ancien Gouverneur, et un émissaire du Roi) nous prenons connaissance des nombreux vices qui rongeaient l'administration portugaise dans cette partie du monde : l'ambition, l'amour du luxe, le mépris de l'honneur, l'oppression des humbles, la déloyauté vis-à-vis du roi, tout ce que enfin, l'on est en droit d'attendre d'un projet d'exploration coloniale et que déjà, un siècle plus tôt Gil Vicente, dès le début, sans être jamais sorti du Portugal, dénonçait dans son Auto da Índia :

"Nous sommes allés à la Mecque

Nous avons guerroyé et volé"

Voici un extrait : - Le Fidalgo : "Paix à nos âmes; j'avance que nous avions raison de gagner beaucoup d'argent; car si un fidalgo revient au Royaume respirant la pauvreté, tout le monde lui tournera le dos; ce qui est bon, c'est de devenir riche, parce qu'alors on vousfait des ronds-de-jambe, comme on dit; vous trouvez tout aisé, on vous demande à tout propos, et vous, vous ne demandez rien, et l'on précède tous vos désirs; car l'argent a cette qualité, avec beaucoup d'autres que je passe sous silence... Bref, il est vraiment bon de devenir riche!"

Angkor

Angkor-Vat

Charles Boxer étudie les manuscrits de Diogo do Couto en 1947-1948 puis en 1953 dans les archives de la Torre do Tombo. Il y découvre une description de Angkor qu'il donne à connaître dans une communication au XXIII Congrès International des Orientalistes réalisé à Cambridge en Août 1954[11].

Ce texte manuscrit découvert par Charles Boxer, transcrit en français par Bernard Philippe Groslier, recèle l’anecdote de la découverte d’Angkor par le roi « de Camboja » parti en chasse à l’éléphant dans la forêt et qui butte sur des constructions imposantes envahies par la jungle. Le roi fut tellement frappé par la majesté de la ville ancienne qu’il la fit dégager et décida d’y transférer sa capitale...

Traité des Gama

En 1998 seulement ce traité, dont une copie manuscrite en mauvais état se trouve à la Bibliothèque Nationale de Lisbonne, fut publié.

Auteur aussi d'une commande de D. Francisco da Gama, Vice-Roi et arrière-petit-fils du "découvreur" : le Tratado dos feitos de Vasco da Gama e seus filhos na Índia (traité des actions de Vasco de Gama et de ses fils en Inde), qui raconte les trois voyages de Vasco de Gama, Comte de Vidigueira, en Inde, et les actions orientales de ses fils Estevão, Paulo, Cristóvão, Pedro da Silva et Álvaro de Ataíde. Travaillant d'après des sources orales et écrites, le Chroniqueur, n'en fit pas un panégyrique mais émit plutôt des avis critiques défendant ainsi la vérité historique et sa probité morale, déclarant que ce traité connu comme "Des Gama", fut utilisé comme "catéchisme" (Cartilha) par les héritiers de la Maison de Vidigueira.

Indianiste précurseur

Diogo do Couto et son contemporain le jésuite João de Lucena sont les précurseurs de l'Indologie. L'éminent orientaliste Jan Gonda les citent comme fournisseurs de premiers renseignements très fragmentaires concernant l'existence du Véda. L'étude scientifique du védisme démarre en France sous l'impulsion ultérieure de Eugène Burnouf au dix-neuvième siècle.

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Bibliographie

  • M. Rodrigues Lapa, préface de O Soldado Prático, Éditions Sá da Costa, 1980.
  • António Coimbra Martins, Sobre a génese da obra de Couto (1569-1600), uma carta inédita, Arquivos do Centro Cultural Português - VIII - separata - Fundação Calouste Gulbenkian, Paris 1974.
  • Jan Gonda, Die Religionen Indiens, Band 1: Veda und älterer Hinduismus, 1960, traduction italienne de Carlo Danna sous le titre Le religioni dell'India : Veda e antico induismo, 514 pages, Jaca Book, Milano, 1980 ISBN
  • Jan Gonda, Védisme et hindouisme ancien. Traduit de l'allemand par L. Jospin, 432 pages, Payot, Paris 1962, ISBN (épuisé).

Notes et références

  1. Sources :
    • M. Rodrigues Lapa, préface de O Soldado Prático chez Sá da Costa; voir bibliographie.
    • António Coimbra Martins, Sobre a génese da obra de Couto (1569-1600), lettre inédite dans les Archives du Centre Culturel Portugais de la Fondation Calouste Gulbenkian; voir bibliographie.
    • Jan Gonda, Le religioni dell'India : Veda e antico induismo; voir bibliographie.
  2. Jan Gonda, opus citatum, page 43.
  3. selon d'autres sources [réf. nécessaire], fils d'Afonso do Couto et d'Isabel da França, Gaspar et Isabel seraient en ce cas ses grands-parents.
  4. selon Severim de Faria, son biographe portugais.
  5. ou en 1559.
  6. Diogo do Couto, manuscrit de la Década 7, de la Livraria da Graça.
  7. le portugais.
  8. rapporté par Severim de Faria, son biographe.
  9. Oliveira Martins, historien.
  10. une recherche dans les années 1970 en la bibliothèque de la maison des ducs de Lafões, dernière destination connue du manuscrit, s'avère infructifère.
  11. Charles Boxer, Angkor et le Cambodje au XVI Siècle d'après les sources portugaises et espagnoles, au chapitre III, Les textes Portugais et Espagnols sur Angkor.
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