Deinococcus radiodurans

Deinococcus radiodurans

Deinococcus radiodurans

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Deinococcus radiodurans
 Deinococcus radiodurans
Deinococcus radiodurans
Classification classique
Règne Bacteria
Division Deinococcus-Thermus
Classe Deinococci
Ordre Deinococcales
Genre Deinococcus
Nom binominal
Deinococcus radiodurans
Brooks et Murray, 1981
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Deinococcus radiodurans est une bactérie polyextrémophile et l'organisme le plus radiorésistant connu au monde. Cette bactérie présente une résistance impressionnante, notamment aux UV, aux radiations ionisantes, au peroxyde d'hydrogène, au vide, à l'acide, aux températures extrêmes, au dessèchement, au froid et à la famine. Cette capacité de résistance est due à sa structure cellulaire particulière et à son système très perfectionné de réparation de l'ADN, qui lui permet même de « ressusciter » quelques heures après sa mort.

En raison de son extraordinaire résistance, elle a été affublée de surnoms tels que « Conan la bactérie » ou bien « la bactérie la plus résistante au monde ».
Sa haute résistance a intéressé les scientifiques[1] et aussi les industriels qui voudraient produire des bactéries génétiquement modifiées résistantes aux sols très pollués ou radioactifs pour y dégrader les solvants ou hydrocarbures notamment. Certains souhaitent créer des bactéries transgéniques rendues plus résistantes (par intégration de gènes de D. radiodurans )pour produire du méthane ou des « biocarburants de seconde génération »[2]. En 2008, un brevet était déjà déposé pour la production de « biocarburants » (à partir de déchets agricoles et sylvicoles) et un autre visant des usages médicaux.

Sommaire

Découverte et historique

Deinococcus radiodurans a été découverte pour la première fois en 1956 par A.W. Anderson, de l'Oregon Agricultural Experiment Station, à Corvallis dans l'Oregon, lors d'expériences réalisées pour déterminer si des boîtes de conserve pouvaient être stérilisées par de grandes doses de rayons gamma. Une boîte de viande en conserve fut exposée à une dose de radiation supposée tuer toute forme de vie connue, mais à la surprise générale le processus de décomposition ne s'interrompit pas.

Une bactérie est rapidement isolée et étudiée sous toutes les coutures. Elle se révèle résistante à un grand nombre de situations extrêmes, comme l'exposition aux produits chimiques génotoxiques, aux dommages de l'oxydation, aux rayonnements ionisants et ultraviolets, et à la déshydratation.

D'abord appelée Deinobacter radiodurans, la bactérie fut ensuite renommée Deinococcus radiodurans.

Milieu de vie

Depuis l'épisode de la boite de conserve, il a été retrouvé un peu partout dans le monde, ses qualités le rendant ubiquiste. Il vit aussi bien dans des zones riches en aliments comme les sols ou les matières fécales animales que dans des zones très pauvres en substances nutritives, comme la surface de certains granites désagrégés des vallées de l'Antarctique ou les instruments chirurgicaux irradiés.

Résistances

Résistance à la radioactivité

Aucun organisme vivant au monde n'a la résistance de Deinococcus radiodurans à la radioactivité. Elle résiste à des niveaux de radiation allant jusqu'à cinq millions de rads, soit 5 000 fois la dose mortelle de 1 000 rads (10 Gy) susceptible de tuer un homme. Exposée à 1,5 million de rads, Deinococcus radiodurans répare son ADN en seulement quelques heures et sans perte de viabilité. Elle supporte jusqu'à 150 cassures du double brin par chromosome sans effet mutagène alors qu'Escherichia coli n'en supporte que 2 ou 3 maximum et subit des mutations délétères.

Résistance aux UV

Deinococcus radiodurans est également le seul organisme connu qui résiste aux rayonnements ultra-violets. Il peut tolérer 10 000 fois la dose mortelle de rayonnement UV tolérée par les organismes eucaryotes et 100 fois la dose mortelle pour la plupart des organismes procaryotes.

Chimie génotoxique

Deinococcus radiodurans résiste aux attaques de bains acides.

Déshydratation

Deinococcus radiodurans résiste bien à la déshydratation complète ou dessiccation. Une fois totalement déshydratée, elle résiste encore mieux aux rayonnements et aux températures extrêmes.

Températures extrêmes

Une température de -45 °C inactive Deinococcus radiodurans mais ne l'endommage pas.

Mécanismes de défense

De nombreuses équipes ont rapidement tenté de comprendre d'où vient cette formidable résistance.

L'irradiation gamma à de fortes doses ou une longue période de dessiccation entraînent de très nombreuses cassures double-brins du génome. Or D. radiodurans est capable de réparer ces cassures en quelques heures en milieu riche.

Le génome de D. radiodurans a été entièrement séquencé et analysé[3]. Le bagage héréditaire de la bactérie est contenu dans quatre molécules circulaires dont deux chromosomes (de 2 648 615 et 412 340 paires de bases), un mégaplasmide (177 466 paires de bases) et un plasmide (45 702 paires de bases).

Les chercheurs ont découvert que son extrême résistance était due à la conjugaison de stratégies variées :

  • prévention - des dégâts cellulaires provoqués par les radicaux libres ;
  • réparation - des cassures chromosomiques grâce à un arsenal très complet ;
  • expulsion - des nombreux déchets produits lors de la réparation et dangereux pour sa survie.

Prévention

Aucune coquille protectrice ne pouvant stopper les rayons gamma – des photons de très haute énergie – et les empêcher d'abîmer les chromosomes, Deinococcus radiodurans doit en subir les conséquences.

D'importants dégâts cellulaires sont provoqués par l'apparition de radicaux libres d'oxygène suite à la dessiccation ou à l'exposition aux rayons UV et gamma. Deinococcus radiodurans est doté de toute une série d'enzymes - catalases et superoxyde dismutases (SOD) - spécialisées dans la destruction de ces radicaux libres et beaucoup plus sensibles aux radiations ionisantes que celles d'autres organismes.

Des travaux sur des bactéries mutantes ont démontré que la résistance de ces bactéries diminuait si ces divers gènes ne s'expriment plus.

Réparation

La première phase consiste à rassembler dans l'ordre correct tous les fragments en une chaîne linéaire ; tous les morceaux seront utilisés comme modèle pour initier la synthèse d’ADN et allonger la chaîne par simple brin. La deuxième phase de recombinaison génétique consiste à reconstituer les chromosomes circulaires de la cellule par « crossing over ». Une fois le génome restauré à l'identique, la synthèse des protéines est à nouveau opérationnelle : la cellule est vivante alors qu’on pouvait la considérer comme « cliniquement morte ».

Expulsion

La réparation des chromosomes engendre de nombreux déchets - fragments d'ADN découpés voire mutés - dangereux pour la bactérie car ces morceaux abîmés peuvent être réincorporés au génome. Deinococcus radiodurans possède un système de nettoyage unique permettant le transport et l'expulsion des nucléotides endommagés à l'extérieur de la cellule.

Une fois le ménage réalisé, Deinococcus radiodurans peut commencer un nouveau cycle de division cellulaire.

Défenses supplémentaires

Deinococcus radiodurans améliore également sa survie en étant capable d'augmenter sa synthèse en précurseurs pour créer de nouvelles molécules et en fournissant des sources d'énergie alternatives.

Des gènes du chromosome II et du mégaplasmide semblent pouvoir fabriquer des précurseurs azotés, impliqués dans la production de protéines, à partir des cellules n'ayant pas réussi à subsister.

D'autres gènes du chromosome II codent des molécules susceptibles de dégrader les acides gras en acétyl-coenzyme A, une source d'énergie cellulaire utilisée lorsque les autres sources de carbone s'épuisent.

Perspectives

La capacité de survie exceptionnelle de la bactérie Deinococcus radiodurans en milieu radioactif a rapidement attiré l'attention des spécialistes chargés de la gestion des déchets.

Une agence gouvernementale américaine est en train d'étudier ses aptitudes à dépolluer sur place des sites contaminés à la fois par des matériaux radioactifs et par d'autres polluants, organiques et minéraux. Rien qu'aux États-Unis, les experts en ont recensé 3 000, sur des lieux de production d'armes ou des centres de recherche nucléaire. Les analyses de ces sols montrent un cocktail plutôt inquiétant, où le trichloréthylène et le toluène voisinent avec de l'uranium, du plutonium et divers métaux lourds. La technique de la biodépollution fonctionne sur une idée toute simple. On cultive des bactéries qui se nourrissent du polluant concerné, le pétrole pour prendre un exemple connu. On ensemence ensuite la zone à décontaminer, et on attend que les microbes transforment le polluant organique en eau et en gaz carbonique. On connaît toute une série de micro-organismes capables de décomposer divers polluants organiques ou de fixer les métaux lourds. Ces microbes ne peuvent toutefois pas opérer en milieu radioactif. D'où l'intérêt d'étudier la bactérie insensible aux radiations. Est-elle capable de se nourrir de composés organiques complexes ? Sait-elle fixer les métaux lourds, voire les éléments radioactifs ? Selon les premières études, il semble qu'elle soit capable de décomposer le toluène et certains produits voisins. Les adeptes du génie génétique se sont également mis au travail. Leurs projets consistent à équiper Deinococcus radiodurans de gènes connus pour rendre les bactéries capables de digérer la pollution. La bactérie recombinée serait ainsi à la fois insensible aux rayons gamma et spécialiste de la dépollution. L'inverse est également envisagé : greffer les gènes de la radioprotection sur les éboueurs patentés.

Références

  1. Travaux de l'équipe Miroslav Radman (académicien des sciences) avec l'Université Paris-V-hôpital Necker, sur les modes d'auto réparation de l'ADN des déinocoques
  2. En France Deinove est un groupe d'universitaires associés à une société de capital-risque avec le CNRS, le BRGM (missionné pour inventorier les sources chaudes afin d'y étudier les bactéries) et l'INSA de Toulouse (dans le Critt Bio-Industries). Source : Communiqué du CNRS, Journal du CNRS
  3. Makarova et al., 2001, Microbiol Mol Biol Rev 65 : 44

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