- Cædmon
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Cædmon, Cædmon de Whitby, ou encore Cedmon, né dans la Northumbrie, est le plus ancien poète anglais dont le nom soit connu. Il était moine au monastère double de Streonæshalch (devenu abbaye de Whitby), sous l’autorité de l’abbesse et future sainte Hilda (657 † 680). D’après l’historien Bède le Vénérable (672 / 673 † 26 mai 735), alors qu’il ignorait tout de la poésie jusque-là, Cædmon aurait subitement découvert l’art de la composition au cours d’un rêve. Par la suite, il serait devenu un moine zélé et un poète religieux reconnu pour son talent. Il est considéré comme saint et fêté le 11 février.
Cædmon est l’un des douze poètes de la période anglo-saxonne qui sont identifiés par des sources médiévales et l’un des trois seuls pour lesquels on dispose à la fois d’informations biographiques et d’un exemple de poème[1]. Son histoire est racontée par Bède le Vénérable dans son Histoire ecclésiastique du peuple anglais (Historia ecclesiastica gentis Anglorum).
Sommaire
Œuvre
La seule œuvre de Cædmon qui soit parvenue jusqu’à nous est connue sous le titre d’Hymne de Cædmon, un poème en vieil anglais de neuf vers dédié à la gloire de Dieu, qu’il aurait appris à chanter au cours de son rêve. Ce poème est l’un des plus anciens textes connus en vieil-anglais et peut-être même le plus ancien en vers (les deux autres poèmes pouvant prétendre à ce titre sont les inscriptions figurant sur la Croix de Ruthwell et sur le Coffret d'Auzon). C’est aussi l’un des exemples attestés les plus anciens de poésie composée dans une langue germanique.
D’après Bède, Cædmon a composé de nombreux poèmes religieux en vieil-anglais. Contrairement à saint Aldhelm et saint Dunstan, Cædmon aurait d’ailleurs composé exclusivement des poèmes religieux. Bède fournit cette liste de sujets traités par Cædmon : récits de la Création, traductions de l’Ancien et du Nouveau Testament et des chansons sur « les terreurs du Jugement Dernier, les horreurs de l’enfer, (...) les joies du royaume des cieux, (...) ainsi que sur les grâces divines et les jugements divins ».
De ce corpus ne subsiste que son premier poème. On trouve des poèmes vieil-anglais correspondant à la description donnée par Bède des travaux ultérieurs de Cædmon dans le manuscrit Junius XI, conservé à la Bibliothèque bodléienne à Oxford. Il a cependant été prouvé que ces poèmes ne pouvaient être l’œuvre de Cædmon.
En effet, tous les poèmes du manuscrit ne sont pas écrits dans le même style et ils ne ressemblent pas non plus à l’Hymne de Cædmon[2]. D’autre part, ni leur contenu ni l’ordre dans lequel ils apparaissent ne prouve qu’il y ait un rapport avec la liste des sujets de Cædmon fournie par Bède : les trois premiers poèmes (La Genèse, L’Exode et Daniel) apparaissent dans l’ordre de la Bible et le thème de Christ et Satan, tout en évoquant certains des thèmes cités par Bède, ne correspond pas suffisamment précisément pour qu’on puisse être sûr qu’il y ait un lien.
L’Hymne de Cædmon
Ce poème est le seul de Cædmon à nous être parvenu (enregistrement audio[3]). On le trouve dans 21 manuscrits différents, ce qui en fait le deuxième poème vieil-anglais le mieux attesté après le Chant de mort de Bède le Vénérable (35 manuscrits). Il en existe cinq versions distinctes, dans deux dialectes différents (northumbrien et saxon occidental).
Dans tous les cas, le poème apparaît dans des manuscrits de l’Histoire ecclésiastique, mais ce n’est sans doute pas ainsi que le poème a été transmis à ses débuts. En effet, l'Histoire ecclésiastique, dont il subsiste environ 160 manuscrits, ne comporte à la base qu’une traduction latine du poème proposée par Bède. Sauf dans la traduction vieil-anglaise de l’Histoire ecclésiastique, où le poème apparaît naturellement dans la même langue, on le trouve ainsi généralement sous forme de glose, ajouté parfois des décennies après que le texte latin ait été copié[4]. Pour cette raison, certains critiques pensent que le texte que nous connaissons n’est en fait qu’une retraduction de la version latine proposée par Bède, et pas le texte original. Cette théorie n’est cependant pas acceptée par tous, car le texte ne présente aucune des maladresses qu’on pourrait attendre d’une double traduction[5].
Texte northumbrien Prononciation probable Traduction française Texte latin de Bède Nū scylun hergan
hefaenrīces Uard,
Metudæs maecti
end his mōdgidanc,
uerc Uuldurfadur,
suē hē uundra gihuaes,
ēci dryctin,
ōr āstelidæ.
Hē āērist scōp
aelda barnum
heben til hrōfe,
hāleg Scepen.
Thā middungeard
moncynnæs Uard,
ēci Dryctin,
æfter tīadæ
firum foldu,
Frēa allmectig[6].[nuː ˈskʲylun ˈherjɑn
ˈhevænriːkʲæs wɑrd
ˈmetudæs ˈmæxti
end his ˈmoːdɣiðɔnk
werk ˈwuldurfɑdur
sweː heː ˈwundrɑ ɣiˈhwæs
ˈeːkʲi ˈdryxtin
or ɑːˈstelidæ
heː ˈæːrist skoːp
ˈældɑ ˈbɑrnum
ˈheven til ˈhroːve
ˈhɑːleɣ ˈskʲepːen
θɑː ˈmidːunɣæɑrd
ˈmɔnkʲynːæs wɑrd
ˈeːkʲi ˈdryxtin
ˈæfter ˈtiadæ
ˈfirum ˈfoldu
ˈfræːɑ ˈɑlːmextiɣ][7]A présent nous devons honorer
le gardien du royaume des cieux,
la puissance du créateur
et son dessein,
l’œuvre du père de la gloire,
comme lui, le seigneur éternel,
a déterminé l’origine
de chacune des merveilles.
Lui, le saint créateur,
a créé en premier
le ciel pour servir de toit
aux enfants des hommes.
Puis le gardien de l’humanité,
le seigneur éternel,
le prince tout-puissant,
a ensuite attribué
la terre aux hommes,
ce monde.Nunc laudare debemus
auctorem regni caelestis,
potentiam creatoris
et consilium illius,
facta Patris gloriae:
quomodo ille,
cum sit aeternus Deus,
omnium miraculorum
auctor exstitit;
qui primo
filiis hominum
caelum pro culmine tecti
dehinc terram
custos
humani generis
omnipotens
creavit.Bibliographie
- Bède le Vénérable, Histoire ecclésiastique du peuple anglais, 3 tomes (comportant les 5 livres de l’H.E.), intro. et notes par André Crépin, texte critique par Michael Lapidge, trad. par Pierre Monat et Philippe Robin. Sources chrétiennes nos 489, 490, 491. Paris : Cerf, 2005. En latin et en français.
- (en)Frantzen, Allen J. et John Hines (dir.), Cædmon's hymn and material culture in the world of Bede : six essays, Morgantown: West Virginia University Press, 2007, 265 p. (ISBN 978-1-933202-22-8)
- (en)O'Donnell, D. P., Cædmon’s Hymn, A multimedia study, edition, and witness archive. SEENET A. 7. Cambridge: D.S. Brewer, 2005.
- (en)O'Keeffe, K. O’B. Visible song: Transitional literacy in Old English verse. Cambridge Studies in Anglo-Saxon England 4. Cambridge: Cambridge University Press, 1990.
- (en)Wrenn, C. L. "The poetry of Cædmon". Sir Israel Gollancz Memorial Lecture, 1945. Proceedings of the British Academy 32: 277–295.
Notes et références
- Aldhelm, Alfred le Grand, Anlaf, Baldulf, Bède, Cædmon, Cnut, Cynewulf, Dunstan, Hereward et Wulfstan (ou peut-être Wulfsige). L’authenticité de la plupart de ces noms est aujourd’hui mise en doute par les spécialistes, voir O’Donnell 2005. Les trois poètes pour lesquels nous disposons d’informations biographiques et d’une partie de l’œuvre sont Alfred, Bède et Cædmon. Cædmon est le seul poète vieil-anglais connu principalement pour ses talents de composition dans le vernaculaire et il ne subsiste aucune trace des poèmes écrits par Bède et Alfred en vieil-anglais. Plusieurs poèmes sont attribués à Cynewulf, mais on ignore tout de sa vie. Les douze poètes vieil-anglais dont les noms sont connus sont Æduwen,
- Voir C. L. Wrenn, 1945.
- The Norton Online Archive of English Literature, Cædmon's Hymn enregistré par le professeur Robert D. Fulk (Indiana University). Online, consulté le 24 juin 2010.
- Voir K. O'B. O'Keeffe, 1990, p. 36.
- Voir D. P. O'Donnell, 2005.
- Le texte est emprunté à l'article Wikipédia en anglais. Il s'agit d'une collation du texte de Richard Marsden, The Cambridge Old English Reader (Cambridge: Cambridge University Press, 2004), p. 80, et du facsimilé du manuscrit.
- Cette transcription est tirée de l'article Wikipédia en anglais. Elle s'appuie sur les informations fournies par A. Campbell, Old English Grammar (Oxford: Oxford University Press, 1959).
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article en anglais intitulé « Cædmon » (voir la liste des auteurs)
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