Acephale (revue)

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Acéphale (revue)

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Sous le nom d'Acéphale, Georges Bataille a constitué et dirigé entre 1936 et 1939 :

  • une revue publique qui portait ce titre et qui ne connut que cinq numéros ;
  • une société secrète et ésotérique, qui ne comportait que quelques membres qui avaient juré de garder le silence.
 Acéphale
Acephale.jpg

Pays France France
Langue(s)
Périodicité
Genre Religion.
Sociologie.
Philosophie
Fondateur Georges Bataille
Date de fondation 24 juin 1936
Date du dernier numéro 1939
Ville dédition

ISSN -

Sommaire

La revue Acéphale

Le premier numéro est daté du 24 juin 1936 et ne comporte que huit pages. La couverture est illustrée dun dessin dAndré Masson qui couvre 80% de la page. Ce dessin sinspire ouvertement du célèbre dessin de Léonard de Vinci intitulé Homme de Vitruve, mais celui-ci est décapité et son sexe est occulté par une tête de mort. Sous le titre on trouve les mentions Religion. Sociologie. Philosophie suivies à la ligne suivante de lexpression La conjuration sacrée.

Lambition de Bataille

Le premier article est signé de Bataille et sintitule « La conjuration sacrée » et commence par ces phrases :

« Il est temps dabandonner le monde des civilisés et sa lumière. Il est trop tard pour tenir à être raisonnable et instruitce qui a mené à une vie sans attrait. Secrètement ou non, il est nécessaire de devenir tout autres ou de cesser dêtre. »

On retrouve dans cette déclaration liminaire une annonce explicite du programme de la revue et un message ésotérique (« secrètement ou non… ») qui sadresse aux membres de la société secrète que Bataille va mettre en place pendant les six mois qui vont séparer ce premier numéro du second.

Bataille explicite le titre Acéphale un peu plus loin dans son article : « La vie humaine est excédée de servir de tête et de raison à lunivers. Dans la mesure elle devient cette tête et cette raison, dans la mesure elle devient nécessaire à lunivers, elle accepte un servage. » Cest ce refus du servage que Bataille va tenter de développer dans les numéros suivants à travers sa vision de la philosophie nietzschéenne, sa lutte contre le fascisme, les thématiquesconstantes chez luide la mort et du religieux.

Bataille et Nietzsche

Pour apprécier la valeur transgressive de la référence à Nietzsche par Bataille il faut rappeler le contexte historique : nous sommes en pleine période davant guerre, le fascisme semble triompher et Nietzsche est revendiqué par cette idéologie montante comme leur héraut. Évidemment le philosophe allemand na pas bonne presse en France. Cest dans ce contexte que le second numéro commence par un grand article intitulé « Nietzsche et les fascistes » Bataille commence par attaquer violemment Élisabeth Foerster, la sœur du philosophe en lappelant Élisabeth Judas-Foerster. Il y rappelle une déclaration de Nietzsche (écrite en capitales: « Ne fréquenter personne qui soit impliqué dans cette fumisterie effrontée des races. »

Le même numéro contient une traduction inédite de Nietzsche sur Héraclite, un article de Jean Wahl intitulé « Nietzsche et la mort de Dieu » qui est un commentaire sur un texte de Karl Jaspers à propos de Nietzsche.

Les autres numéros sont également centrés sur le philosophe allemand. Le dernier numéro, préparé mais non publié sintitulait « La folie de Nietzsche » et comportait sur la première page en gros caractères la déclaration suivante :

« Le 3 janvier 1889, il y a cinquante ans, Nietzsche succombait à la folie : sur la piazza Carlo-Alberto, à Turin, il se jeta en sanglotant au cou dun cheval battu, puis il sécroula ; il croyait, lorsquil se réveilla, être DIONYSOS ou LE CRUCIFIÉ. »

La mort et le religieux

La mort est un autre fil conducteur de la revue. Dès le premier numéro Bataille lévoque en parlant de André Masson qui, dit-il, évoquait avec lui sa propre mort. Bataille rappelle que « la vérité de lhomme est la mort » mais la mort cest aussi la « mort de Dieu » ce qui, écrit Jean Wahl commentant Nietzsche, condamne lhomme à « limmense don quest la parfaite solitude. »

Aussi le religieux, selon Bataille, na rien dune dévotion rendue à une quelconque divinité. Cette « conjuration sacrée » à laquelle nous invite Bataille cest « la condamnation de tout ce qui est reconnu aujourdhui. » (n° 1 d'Acéphale)

Les collaborateurs de la revue

En dehors de Bataille qui signe la plupart des textes, sans compter les notules non signées qui sont probablement de sa main, on relève les noms de :

La société secrète

Lhistoire de la société secrète Acéphale est beaucoup moins facile à décrire que celle de la revue car ses membres, qui avaient juré le silence ont, dans lensemble, tenu leur parole.

Cependant en février 1937, après un exposé de Roger Caillois au café du Grand Véfour sur Les principes qui doivent diriger la formation dun groupe, Georges Bataille lut un texte intitulé Ce que jai à dire il déclare :

« Cest seulement sils se battent jusquà la mort ou sils sont pris par une émotion physique violente et contagieuse que des êtres humains sortent de cette difformité confuse de leurs intérêts qui en fait ensemble une accumulation de déchets inertes. »

La généalogie du projet

Bataille qui fait plusieurs fois référence à Marcel Mauss dans divers textes sest probablement inspiré de son Manuel dethnographie lethnographe avait étudié les sociétés secrètes africaines en montrant :

  • le caractère collectif de ces sociétés quil décrivait même comme « un phénomène social total » car leur existence est publique mais leur fonctionnement et notamment leur langage est secret ;
  • le caractère « régulier » de ces sociétés qui ne sont pas des sociétés de complot comme en Occident mais plutôt des « sociétés dinitiés » ;
  • la dimension « graduelle » de ces sociétés lavancement sobtient à la suite dextases ;
  • la tonalité « cosmique » de ces sociétés dont la vie est rythmée par lécoulement des saisons.

Les rencontres secrètes

Goya, le sabbat des sorcières

Cest sur ce modèle inspiré de Mauss que Bataille va organiser des rencontres nocturnes en pleine forêt, dans une clairière comportant un chêne foudroyé. Les rencontres suivent le rythme des saisons et ses membres sont tenus dadopter certains rituels comme refuser de serrer la main des antisémites et de célébrer la décapitation de Louis XVI, dans la mesure cet événement préfigure la « foule sans chef » que vise « lacéphalité ».

Les membres de la société sont invités à la méditation. Des textes de Nietzsche, Freud, Sade et Mauss sont lus à lassemblée réunie.

Une société du sacrifice

Énoncés de façon aussi rapide, les principes de cette sociétés apparaissent sinon délirants tout au moins passablement exaltés. Bataille a probablement touché à ce moment le point ultime de sa tentative de vivre les principes dune communauté qui permettrait datteindre une subjectivité différente. Une communauté les relations avec lautre revêtiraient une dynamique différente de lorganisation sociale officielle. Il sagissait de tenter de vivre autrement les relations du dedans et du dehors, les notions de sujet ou dobjet. En un mot, il sagissait dinstaurer « la communauté de ceux qui nont pas de communauté ».

Pour cela cette communauté a été un temps tentée par lidée du sacrifice ultime. Au point que, Bataille ayant pris après coup des distances avec cette idée, lidée dun sacrifice humain (volontaire) ait même été envisagée. Mais les membres ont finalement reculé, faute, semble-t-il, davoir pu trouver un sacrificateur plutôt quune victime.

Les leçons dAcéphale

On aurait tort de ne retenir que la dimension « comique » de cet épisode ainsi que le qualifia plus tard Bataille lui-même. En dehors des membres de la société secrète Acéphale cette expérience eut des répercussions au long terme dans la réflexion de plusieurs contemporains de Bataille : Michel Leiris comme Jacques Lacan qui ne participèrent pas à la société en furent informés et lon peut en retrouver chez eux lécho. Dautres encore comme Maurice Blanchot, Gilles Deleuze ou Michel Foucault y font allusion de manière plus ou moins voilée dans leurs travaux.

Bibliographie

Textes de Georges Bataille

  • LApprenti Sorcier : Ce que jai à dire, éd. de la Différence, Paris, 1937
  • Acéphale, réédition des numéros publiés et du numéro final non publié, éd. Jean-Michel Place, Paris, 1995
  • LApprenti Sorcier (textes, lettres et documents (1932-1939) rassemblés, présentés et annotés par Marina Galletti), Éditions de la Différence, Paris, 1999

Autres références

  • Maurice Blanchot, La Communauté inavouable, Éditions de Minuit, Paris, 1984.
  • Marcel Mauss, Manuel dethnographie, Petite bibliothèque Payot, Paris, 1967.
  • Michel Surya, Georges Bataille, la mort à lœuvre, Gallimard, Paris, 1992.
  • Lunebévue, n° 16 : Les Communautés électives, EPEL, 2000.
  • Jean-Luc Nancy, La Communauté désœuvrée, Christian Bourgois Éditeur, coll. « Détroits », 1986 ; nouvelle édition, revue et augmentée, 2004.
  • Denis Hollier, Le Collège de Sociologie, Gallimard, Paris, rééd. augmentée 1995.
  • (de) Stephan Moebius, Die Zauberlehrlinge. Soziologiegeschichte des Collège de Sociologie, Konstanz, 2006.

Voir également

Articles connexes

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