Cuirasse a coque en fer

Cuirasse a coque en fer

Cuirassé à coque en fer

La première bataille entre des cuirassés à coque de fer :le CSS Virginia (à gauche) contre l'USS Monitor. (Combat de Hampton Roads, 1862)

Un cuirassé à coque en fer était un type de navire de guerre à vapeur de la fin du XIXe siècle, revêtu de plaques d'armure en fer ou en acier.[1]

Les cuirassés furent développés comme évolution des navires de guerre en bois, trop vulnérables aux obus explosifs ou incendiaires. Le premier cuirassé était français : La Gloire fut mis à l'eau en 1859 par la Marine française[2], forçant la Royal Navy à se mettre à construire à son tour de tels navires. Après les premiers affrontements entre cuirassés qui se déroulèrent durant la guerre de Sécession, il devint évident que les cuirassés avaient détrôné les simples navires de ligne et étaient devenus les navires les plus puissants de l'époque[3].

Les cuirassés avaient été conçus pour remplir plusieurs rôles, servant de cuirassés en haute mer, de navires de défense côtière, et de croiseurs longue-portée. Les évolutions rapides des constructions navales militaires des dernières années du XIXe siècle métamorphosèrent le cuirassé : de vaisseaux avec une coque en bois, qui disposaient de voiles en plus de leurs moteurs à vapeur, il se transformèrent en des navires faits d'acier, en ces cuirassés munis de tourelles et en ces croiseurs si familiers au XXe siècle. Ce changement rapide s'inscrit dans un contexte de modernisation des équipements qui facilitèrent les évolutions du cuirassé : Les dernières avancées de la métallurgie permettaient désormais de construire des coques d'acier, des moteurs à vapeurs plus sophistiqués apparurent, et des nouveaux canons embarqués, encore plus lourds, avaient été développés (Les cuirassés des années 1880 disposaient des canons les plus puissants jamais embarqués).

Durant l'ère cuirassée, la durée entre deux découvertes technologiques était si courte que la plupart des navires étaient obsolètes dès leur sortie de chantier, et que les tactiques navales changeaient quasiment de bataille en bataille. Beaucoup de cuirassés furent équipés d'éperons à l'avant, ou de torpilles, armes qui étaient considérées comme cruciales à l'époque, devant l'inefficacité relative des canons contre les cuirasses. Il n'y a pas de limite temporelle claire à la période des cuirassés, mais vers la fin des années 1890, le terme de cuirassé à coque en fer disparu de l'usage courant, les nouveaux navires étant appelés cuirassés ou croiseurs cuirassés

Sommaire

Avant les coques métalliques

Le Napoléon, le premier navire de guerre à vapeur

La construction de cuirasses navales devint techniquement possible grâce aux progrès de la construction navale durant la première moitié du XIXe siècle. Selon l'historien naval R.D Hill, « Il [le cuirassé] avait trois caractéristiques majeures : Une coque de métal, une propulsion à la vapeur, et un armement principalement constitué de canons tirant des obus explosifs. C'est uniquement lorsque ces trois caractéristiques sont réunis qu'un navire de combat peut légitimement être appelé un cuirassé » [4]. Chacune de ces évolutions devinrent possible dans le siècle précédant l'apparition des premiers cuirassés.

Au XVIIIe et au début du XIXe siècle, les flottes étaient constituées de deux types de navires en bois, les navires de ligne et les frégates. Le premier changement majeur à ces types de navires fut l'utilisation de la machine à vapeur pour la propulsion en mer. Si durant les années 1830, on armait quelques bateaux utilisant des roues à aubes, la vapeur ne devint réellement utilisable pour les navires de guerre qu'après l'adoption des hélices dans les années 1840.[5]

La première frégate équipée d'une hélice entrainée par la vapeur fut construite dans les années 1835, et quelques années plus tard, la Marine française équipa ses navires de ligne de machines à vapeur. Ce désir de changement était apparu sous l'impulsion de Napoléon III, qui souhaitait accroitre son influence sur l'Europe ; Or cette ambition nécessitait d'être menaçant sur mer pour envisager de défier les Britanniques[6]. Le premier navire de guerre propulsé dès sa sortie de chantier à la vapeur était Le Napoléon, sorti en 1850.[5] Le Napoléon était armé de 90 canons, comme un navire de ligne conventionnel, mais ses moteurs lui donnaient la possibilité d'atteindre la vitesse de 12 nœuds, quelles qu'étaient les conditions de vent : un avantage potentiellement décisif dans un engagement.

L'introduction de navires de ligne à vapeur entraîna la France et le Royaume-Uni dans une course à la construction navale. Huit navires identiques au Le Napoléon furent construits en France sur une période de dix ans, mais le Royaume-Uni parvient rapidement à reprendre la tête. En tout, la Marine française construisit dix navires de guerre à vapeur (toujours en bois) et convertit 28 anciens navires de lignes, tandis que la Royal Navy en construisit 18 et en convertit 41.[5].

L'ère des navires de ligne à vapeur en bois fut brève, du fait de l'apparition de nouveau canons navals, encore plus puissants. Durant les années 1820 et 1830, les navires de guerre s'équipèrent de canons de plus en plus gros, remplaçant les canons de 18 livres (calibre 127mm) des bateaux à voile avec des canons de 32 (155mm), puis de 36 (162mm), voire de 42 livres (170mm), alors que les vapeurs disposaient de canons de 68 livres (203mm). Au même moment, les premiers canons tirant des obus explosifs sont introduits, après leur invention par le Général français Henri-Joseph Paixhans, et font partie dès les années 1840 de l'arsenal standard des principales puissances navales, à savoir la Marine française, la Royal Navy, la Marine impériale russe, et l'United States Navy. Il est souvent retenu que la capacité des obus à enfoncer les coques en bois des navires de guerre "classiques" démontrée lors de la destruction des escadres turques par les Russes lors de la bataille de Sinop annonça la fin des bateaux à coque en bois[7]. Certains pensaient cependant toujours que la meilleure façon de détruire une coque en bois était de tirer à partir de canons conventionnels des boulets rouges, de manière que ceux-ci se logent dans la coque, et répandant leur chaleur, créant un feu ou faisant exploser les munitions. Des expériences furent même menées avec des boulets creux remplis de métal en fusion pour accroitre le pouvoir incendiaire[8].

Exemples de batteries flottantes cuirassées datant de 1862

Dans les années 1850, les marines britannique et française déployèrent de lourdes batteries flottantes cuirassées, aux côtés des flottes de vapeurs en bois durant la guerre de Crimée. Le rôle de ces batteries était de fournir un appui aux bombardes et aux canonnières non-cuirassés, en bombardant les fortifications côtières. Les français, en particuliers, utilisèrent avec succès leurs batteries contre les défenses côtières russes durant la bataille de Kinburn sur la mer Noire. Les Britanniques prévoyaient d'utiliser les leurs dans la mer Baltique contre la ville de Kronstadt, et cela influença les Russes dans leur décision de demander la paix[9].

Les batteries flottantes sont parfois considérées comme les premiers cuirassés[10], mais ne pouvant se déplacer seules à plus de 4 nœuds, elles étaient remorquées jusqu'aux lieux des batailles[11], et de ce fait étaient marginalement employées dans les Marines[9], mais c'est le bref succès des batteries flottantes à coque en fer qui amena la France à se pencher sur la construction de navire de guerre cuirassés pour sa flotte militaire[9].

Les premiers cuirassés

Un modèle réduit de La Gloire (1858), le premier cuirassé de haute mer.

La fin des années 1850 se rapprochant, il fut clair que la France n'était pas capable d'égaler les capacités de constructions de navires de guerre à vapeur britanniques, et un changement de tactique s'avéra nécessaire. La conséquence de ce constat fut la construction du premier cuirassé de haute mer, La Gloire, commencé en 1857 et lancé en 1859[12].

La coque en bois du La Gloire fut calquée sur celle d'un navire de ligne à vapeur, mais réduit à un seul pont. Elle fut recouverte de plaques d'acier de 4,5 pouces d'épaisseur (114 mm). Le cuirassé était équipé d'une machine à vapeur entraînant une unique hélice, lui permettant d'atteindre la vitesse de 13 nœuds. Il était armé de trente-six canons rayés de 162mm (6,4 pouces). La France construisit 16 cuirassés, dont deux navires identiques au La Gloire, et les deux seuls cuirassés à deux ponts jamais construits, le Magenta et son jumeau le Solférino[13].

HMS Warrior (1860), le premier cuirassé à coque en fer britannique

La Royal Navy n'était pas disposée à perdre sa superiorité en matière de marine de guerre et elle fut déterminée à surpasser les forces navales françaises dans tous les domaines et plus particulièrement sur la vitesse. Un cuirassé rapide était capable de choisir la distance d'engagement et se mettre ainsi a l'abri du feu ennemi. La recherche de vitesse imposa l'utilisation du fer pour la coque et un allongement du navire .[9] Le résultat conduit au HMS Warrior, construit et lancé en 1860, premier cuirassé britannique. Le Warrior surpassait ainsi le cuirassé La Gloire, plus lourd et mieux armé il était également plus rapide.

Bibliographie

  • (en) Eugène M. Koleśnik, Roger Chesneau, N. J. M. Campbell. Conway's All the World's Fighting Ships 1860-1905, Conway Maritime Press, 1979, (ISBN 0831703024)
  • (en) EHH Archibald, The Fighting Ship in the Royal Navy 1897-1984, Blandford, 1984, (ISBN 0713713488)
  • (en) James Phinney III Baxter, The Introduction of the Ironclad Warship, Harvard University Press, 1933
  • (en) John Beeler, Birth of the Battleship: British Capital Ship Design 1870-1881. Caxton, Londres, 2003, (ISBN 1840675349)
  • (en) David K Brown (2003), Warrior to Dreadnought: Warship Development 1860-1905, Caxton Editions, 2003. (ISBN 1840675292)
  • (en) Gardiner, Robert and Lambert, Andrew, Steam, Steel and Shellfire: The Steam Warship, 1815-1905, Book Sales, 2001, (ISBN 0785814132)
  • (en) Donald L Canney, The Old Steam Navy, The Ironclads, 1842-1885, Naval Institute Press, 1993
  • (en) Jack Greene et Alessandro Massignani, Ironclads At War, Combined Publishing, 1998, (ISBN 0938289586)
  • (en) Jenschura Jung & Mickel, Warships of the Imperial Japanese Navy 1869-1946, (ISBN 0853681511)
  • (en) Paul M. Kennedy, The Rise and Fall of British Naval Mastery, Macmillan, Londres, 1983. (ISBN 0333350944)
  • (en) Andrew Lambert, Battleships in Transition: The Creation of the Steam Battlefleet 1815-1860, Conway Maritime Press, Londres, 1984. (ISBN 085177315X)
  • (en) Gerard H U Noel, The Gun, Ram and Torpedo, Manoeuvres and tactics of a Naval Battle of the Present Day, Griffin, 1885, 2e édition
  • (en) Northrop Grumman Newport News, Northrop Grumman Employees Reconstruct History with USS Monitor Replica, 21 juin 2007
  • (en) Edward James Reed, Our Ironclad Ships, their Qualities, Performance and Cost, John Murray, 1869.
  • (en) Lawrence Sondhaus, Naval Warfare 1815-1914, Routledge, Londres, 2001, (ISBN 0415214785)

Notes et références

  1. Hill, Richard. War at Sea in the Ironclad Age ISBN 0-304-35273-X; p.17
  2. Sondhaus, Lawrence. Naval Warfare 1815–1914 ISBN 0-415-21478-5. pp73-4
  3. Sondhaus, p. 86
  4. « the (ironclad) had three chief characteristics: a metal-skinned hull, steam propulsion and a main armament of guns capable of firing explosive shells. It is only when all three characteristics are present that a fighting ship can properly be called an ironclad. », Hill, p.17
  5. a , b  et c Lambert, A. "The Screw Propellor Warship", in Gardiner Steam, Steel and Shellfire p.30-44
  6. Sondhaus, pp.37-41; Hill, p.25
  7. Sondhaus, p.58
  8. Lambert, A. Battleships in Transition, Conway Maritime Press, Londres, 1984. ISBN 0-85177-315-X. p.94-5
  9. a , b , c  et d Lambert A. "Iron Hulls and Armour Plate"; Gardiner Steam, Steel and Shellfire p. 47-55
  10. Hill, p.17
  11. Sondhaus, p.61
  12. Sondhaus, p.73-4
  13. Sondhaus, p.74

Annexes

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