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Coupe rase
Les expressions « coupe rase » ou « coupe à blanc » ou « coupe à blanc-étoc » désignent en sylviculture, un mode d'aménagement sylvicole passant par l'abattage de la totalité des arbres d'une parcelle d'une exploitation forestière.
La méthode la plus opposée est la « gestion en futaie jardinée ». Une méthode intermédiaire serait la gestion en taillis sous futaie.
Sommaire
Impacts, avantages et inconvénients
Il n'y a pas de consensus sur les impacts de cette méthode ni sur son coût global lorsqu'il est comparé à ce que coûterait une gestion en futaie jardinée, hétérogène et mélangée dans un contexte équivalent des points de vue biogéographique et de contraintes liées au relief et à la desserte des parcelles.
Les pratiquants de la coupe rase apprécient sa facilité de mise en œuvre et de débardage, par un personnel moindre et moins qualifié, grâce à la mécanisation des opérations. Elle facilite une rationalisation des travaux d'entretien en permettant un reboisement facilité sur un sol plus facile à préparer et à débarrassé des obstacles, ainsi que la gestion future des arbres alignés et groupés en parcelles.
- le maintien de bandes boisées sur les lisières de coupes à blanc permet d'atténuer les impacts paysagers, ce qui est obligatoire au Canada. De plus, ces coupes si elles ne sont pas trop vastes, peuvent jouer le rôle de clairières artificielles offrant un habitat de substitution à la faune des milieux ouverts. En effet, des études ont montré que cette faune colonise rapidement les coupes rases, mais il s'agit souvent d'espèces ubiquistes, résistantes et non menacées.
- cette méthode permet la gestion forestière financièrement la plus avantageuse.
Les détracteurs de l'exploitation par coupe rase lui reprochent un certain nombre d'impacts environnementaux négatifs, dont :
- un coût d'investissement important au moment de la coupe et de la replantation, qui peut pousser à couper le bois lorsque la partie des arbres n'ayant pas encore atteint la maturité optimale est encore significative.
- une perturbation brutale de l'écosystème forestier ; notamment due à la disparition de l'effet-tampon microclimatique de la canopée, les chocs thermiques et le vent étant très exacerbés sur les coupes rases, ce qui semblent favorables à une moindre résilience écologique et aux attaques d'insectes[1]
- Par le choc climatique qu'elle crée, la coupe rase accroît le risque d'une mauvaise régénération des essences précieuses, ce qui justifie une régénération artificielle coûteuse et générant elle-même d'autres risques, notamment liés à la perte de diversité génétique et à l'absence de sélection naturelle des plants introduits et des risques sanitaires, alors que même le chêne peut se régénérer dans une forêt gérée sans coupe rase[2].
- compaction, et parfois érosion, des sols défavorable à une bonne régénération naturelle et au bon ancrage des arbres plantés [3],[4]
- en fonction de la qualité du sol, du degré de pente et de facteurs climatiques, cette pratique forestière peut conduire à une modification profonde et brutale des mécanismes de ruissellement et du cycle de l'eau, pouvant provoquer une érosion des couches superficielles du sol, riches en nutriments, et une pollution des cours d'eau ;
- une dégradation des sols par le passage d'engins lourds (abatteuse, débardeur, débusqueur) sur la parcelle mise à nue[5].
- une dégradation du paysage ;
- la coupe rase encourage et facilite un « traitement régulier» de futaies monospécifiques et équiennes jugé défavorable à l'expression de toute la diversité écologique des forêts et du cycle sylvigénétique normal et complet, qui passe par le maintien d'arbres sénescents et de très vieux et gros arbres, sources durables et diffuses de bois-mort
Histoire
La coupe rase est un mode d'exploitation probablement très ancien, mais qui s'est largement développée après la Première Guerre mondiale au travers de parcelles plus grandes, coupées plus rapidement, avec beaucoup moins de main d'œuvre, grâce à l'apparition d'engins motorisés capables de se déplacer en forêt : engins à chenilles dans un premier temps, développés à partir des techniques utilisées pour les chars d'assaut lors de la Première guerre mondiale.
La coupe rase est ensuite devenue usuelle en Amérique du Nord et en Europe, dans les plaines d'abord, notamment lors de l'exploitation de peuplements résineux monospécifiques comme par exemple le massif landais) et de peupleraies, car ce mode d'exploitation est le plus adapté aux nombreuses contraintes liées à l'exploitation des forêts conduites en futaies équiennes et monospécifiques. Elle a ensuite servi de modèle en zone tropicale pour les plantations d'hévéas, puis de palmier à huile.
En Suisse, ce procédé est interdit par la loi fédérale sur les forêts depuis 1876 en réaction à un siècle d’exploitation massive des forêts de montagne, qui avait eu pour conséquence de terribles inondations. Une ordonnance précise qu’une telle intervention soumet le sol « aux conditions écologiques des terrains découverts ou provoque des inconvénients graves pour la station ou les peuplements voisins ».
Ce procédé sylvicole reste toutefois fréquent dans des pays aux grandes ressources forestières et à faible densité de population comme la Finlande, le Brésil ou le Congo, qui pratiquent une sylviculture largement mécanisée.
Législations, chartes, labels
Certains pays, comme la Belgique, ont imposé une surface maximale aux coupes rases :
L'écosociolabel FSC (Forest Stewardship Council) les interdit sauf sur de très petites surfaces et s'il y a régénération naturelle privilégiée. D'autres labels recommandent aux forestiers de les éviter ou de réduire leurs superficies.
Quelques dispositions permettent d'en limiter les impacts négatifs:
- la programmation écologiquement pertinente des dates de coupe et de débardage. Par exemple, hors des périodes de reproduction, et quand le sol est gelé, dans les pays où cela est possible ; la programmation des coupes en période de gel dans les pays froids permet de prévenir le tassement du sol, les sols humides ou à texture majoritairement limoneuse y étant particulièrement exposés, avec des impacts négatifs qui peuvent perdurer plusieurs décennies ;
- la protection physique des cours d'eau, par busage notamment, et la rationalisation de la circulation des engins ;
- la conservation au moins provisoire d'une lisière de quelques mètres à quelques dizaines de mètres, et la protection de zones refuges pour les animaux, dans les fonds humides en particulier ; les arbres ainsi épargnés pouvant servir de porte-graines utiles pour une régénération naturelle, et conservant un paysage plus forestier, jouant éventuellement un rôle de corridor biologique et de bande protectrice pour les cours d'eau, lacs, et autres zones humides ;
- le choix du type d'engins de chantier et de débardage, ainsi que la gestion des pistes ou routes forestières associées aux coupes qui ont également un impact environnemental, notamment en matière de fragmentation écologique des forêts ;
- l'information du public sur les pratiques de gestion et du fait que ces coupes sont suivies de plantations ou régénération, par des panneaux et actions de sensibilisation à la gestion forestière.
Alternatives
Des auteurs tels que Marie Stella Duchiron ou Brice de Turckheim prônent le développement de méthodes alternatives éprouvées, telle que la gestion de type forêt jardinée, la méthode Prosilva ou la coupe avec protection de la régénération et des sols, qui part des coupes « pied à pied » ou « en bouquet » ne prélèvent que les arbres à l'optimum de leur maturité. Ils jugent sur la base d'études comparatives que de telles exploitations sont plus respectueuses de l'environnement tout en restant économiquement intéressantes, même si elles entraînent un apparent surcoût par appel à une main d'œuvre plus importante et plus qualifiée et l'impossibilité de recourir à tous les bénéfices de la mécanisation.
Dans un contexte de crise climatique où la résilience écologique prend une importance croissante, et dans un contexte d'augmentation du prix du bois de chauffage lié à l'augmentation des prix du pétrole et de développement des chaudières-bois , le taillis sous futaie peut retrouver une nouvelle rentabilité. Et ce taillis sous futaie peut alors être converti en futaie irrégulière, même dans les chênaies, et en conservant la régénération du chêne [6].
Ces méthodes, autres que la coupe rase, ont longtemps été jugées plus difficiles à mettre en œuvre à grande échelle dans les pays possédants d'immenses espaces forestiers, comme la France et la Pologne.
Voir aussi
- Forêt, sylvigenèse
- Sylviculture, Aménagement forestier, Gestion prosilva, Forêt modèle
- Forêt tropicale, Forêt par pays, Forêt boréale et forêt amazonienne (les plus grandes forêts vierges au monde)
- Essence forestière
- futaie
- Les insectes dans le milieu forestier, scolyte, saproxylophages
- Agro-sylviculture
Liens externes
Notes et références
- ↑ A titre d'exemple pour la France (mais des constats identiques ont été fait en Suisse, en Allemagne.. ) ; NAGELEISEN L.-M. [2004]. Recrudescence des insectes sous corticaux à la suite des extrêmes climatiques de 2003. Bilan de la santé des forêts en 2003, Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche et de la ruralité, 5 p.
- ↑ Le renouvellement du chêne en futaie irrégulière, par Franck Jacobée, ingénieur forestier de l’ONF de Haute-Marne fr PDF - 336.7 ko
- ↑ Effet de la compaction sur les sols forestiers (par l'association belge Forêt Wallonne asbl (fr) PDF - 252.4 ko
- ↑ FONSECA T.F., ABREU C.G., PARRESOL B.R. [2004]. Soil compaction and chestnut ink disease (Compaction des sols et maladie de l'encre du chataîgnier). For. Path. 34 : 273-283 « en »
- ↑ CACOT E. [2001]. Exploitation forestière et débardage : pourquoi et comment réduire les impacts ? AFOCEL, Fiche Informations-Forêt 637, 6 p.
- ↑ Conversion d'un taillis-sous futaie (Note du CRPF de Bourgogne] [pdf] 282.8 ko
Catégorie : Sylviculture
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