- Abul Abbas
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Abul-Abbas
Abul Abbas était le nom donné à l'éléphant blanc de Charlemagne.
En 797, Charlemagne avait envoyé à Haroun al-Rashid, calife de Bagdad, une ambassade menée par un marchand juif, Isaac, connaisseur de la langue arabe. Celui-ci en revint 5 ans plus tard, le 20 juillet 802 et passant par Jérusalem, puis longeant la rive sud de la Méditerranée jusqu'à Carthage, il y avait pris le bateau et débarqua à Marseille. Il atteignit Portovenere en octobre 801, passa l'hiver à Vercelli, et au printemps remonta probablement la vallée du Rhône en direction du Nord, transitant peut-être par la ville de Metz, jusqu'à la résidence de l'empereur à Aix-la-Chapelle, où il arriva le 1er juillet 802.
Isaac était porteur de précieux cadeaux : une horloge à eau ou clepsydre, objet emblématique du savoir-faire technologique de la civilisation arabo-musulmane, des étoffes de soie et un éléphant blanc ! L'éléphant blanc, spécimen extrêmement rare d'albinisme, est considéré en Asie comme un joyau inestimable dont la possession est l'apanage exclusif des rois et des princes. Ces particularités sont perçues comme une manifestation visible de son origine divine ; en conséquence de quoi, on croit depuis toujours qu'il est doté de pouvoirs magiques.
Parmi ces cadeaux, l'éléphant indien se tailla sans conteste la vedette : on le prénomma Abul Abbas, le « père de Abbâs » et Charlemagne l’exhiba à plusieurs occasions devant ses hôtes de marque. Il fut logé à Augsbourg en Bavière du Sud. En 804, le roi Godfried du Danemark attaqua un village. Charlemagne mobilisa ses troupes contre les Danois et envoya son éléphant les accompagner.
Abul-Abbas avait une quarantaine d'années et s'adapta mal au climat européen. Il mourut de pneumonie dans la ménagerie d'Aix-la-Chapelle en 810, probablement après avoir nagé dans le Rhin. Haroun el-Rachid était mort l’année précédente et Charlemagne lui survécut 4 années encore.
Le souvenir de l'éléphant blanc perdure : le trésor de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle conserve un oliphant (cor) en ivoire qui selon la légende passe pour être une des deux défenses d'Abul Abbas ; dans certains jeux d’échecs enfin, si le fou se présente sous la forme d’un éléphant on le doit, dit-on, à Abul Abbas, l’éléphant blanc de Charlemagne. (Ceci étant, la pièce s'appelle en arabe al-fīl : "l'éléphant", et on a eu l'évolution fil, fol, et fou.)
En 2003, une grande exposition s'est tenue à Aix-la-Chapelle et avait pris pour prétexte le voyage de l'éléphant blanc vers la capitale carolingienne pour évoquer la coexistence, plus que la cohabitation, des grandes civilisations dans ce contexte haut-médiéval.
Sources
Jean Favier, Charlemagne, Fayard, 1999, p. 584.
Ex-oriente.Issak und der weisse Elefant. Bagdad, Jerusalem, Aachen. Eine Reise durch drei Kulturen um 800 und Heute, 3 tomes, 2003.
De Clovis à Charlemagne, illustrations de Véronique Ageorges, texte de Laure-Charlotte Feffer, Pierre Forni et Patrick Périn, collection Les jours de l'histoire, Casterman, 1989, p. 50-51.
Une lettrine passe pour être un portrait quasiment contemporain de l'éléphant blanc de Charlemagne, dans Trésors carolingiens, livres manuscrits de Charlemagne à Charles le Chauve, catalogue d'exposition, BNF, 2007, p. 145. Au demeurant, toute représentation d'un éléphant dans un manuscrit carolingien est aujourd'hui interprétée comme étant celle Abul-Abas, cf. par exemple, Jérôme Fronty, L'étrange "bestiaire" médiéval du musée de Metz. Un poisson dans le plafond, Éditions Serpenoise, 2007, p. 44. Les Grandes Chroniques de France, manuscrit du XVe siècle conservé à Saint-Pétersbourg, comptent une enluminure représentant l'épisode, l'éléphant (brun !) envoyé en cadeau à Charlemagne par le calife Haroun el-Rachid.
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