- Constantin l'Africain
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Constantin l'Africain est un médecin tunisien du XIe siècle de l'ère grégorienne. La première partie de sa vie s'est déroulée en Tunisie et l'autre en Italie où il a écrit son œuvre. Celle-ci est vaste. Elle comprend particulièrement des traductions. Il a traduit en latin les livres des grands maîtres de la médecine arabe de l'époque : Rhazès, Ali Ibn Massaouia de Baghdad, Ibn Imran, lbn Souleymane, et Ibn Al Jazzar de Kairouan, etc. Ces traductions existent de nos jours dans les grandes bibliothèques européennes : en Italie, en Allemagne, en France, en Belgique, en Angleterre, etc. Elles ont servi comme manuels scolaires au Moyen Âge et jusqu'au XVIIe siècle.
Sommaire
Les Historiens de Constantin
Le premier historien à avoir fait la biographie de Constantin, est le moine Petrus Diaconus. C’est un homme qui a vécu au XIXe siècle. Il a assuré que Constantin était un sarrasin. C’est par ce terme que les italiens et les français désignaient les musulmans d’Afrique du Nord, au Moyen Âge. Les historiens venus plus tard, comme De Renzi et Daremberg, conservateur de la bibliothèque nationale de Paris et Leclerc auteur du livre « Histoire de la médecine arabe », s’inspirèrent de Diaconus. Ils s’occupèrent soigneusement de la question. L’allemand Steinscheider a rédigé un livre consacré à Constantin, qui fut imprimé à Berlin en 1865. L’orientaliste Karl Sudhoff a soutenu cette thèse berbero-islamique quand il a découvert des documents nouveaux et importants dans le village de Trinita Della Cava, au nord de l’Italie, documents selon lesquels Constantin était de religion Mohametante, documents publiés dans la revue Arkioun en 1922.
L’émigration de Constantin vers l’Italie
Karl Sudhoff nous dit, selon les documents cités plus haut, qu’il a émigré une première fois en Italie en tant que commerçant venant de Sicile, et on l’appela dans ces documents Constantin Siculus. Il s’installa à Salerne en tant que commerçant (mercator). Atteint d’une maladie et se réfugia auprès du frère du roi Gusulf. Un médecin du nom de "Abbas de Curiat" fut l’interprète entre les deux hommes, car Constantin ignorait l’italien. Alors qu’il l’auscultait, Constantin constata que Abbas ne demanda pas le flacon d’urine et que le médecin qui était venu pour l’examiner était peu expérimenté. Il en déduit que la médecine en Italie se limitait à quelques connaissances pratiques simples, ce qui amena Constantin à demander s’il y avait en Italie des ouvrages satisfaisants en médecine, on lui répondit que non. Cet homme, qui avait une culture générale étendue, sentit qu’il avait une mission civilisatrice et voulu l’accomplir.
Il revint à Carthage alors qu’il était encore de confession musulmane. Il y pratiqua la médecine durant trois ans et rassembla plusieurs livres de médecine et s’en alla vers l’Italie du sud emportant avec lui ce trésor. Il se dirigea vers Salerne et alors qu’il passait par la cote de Lucani, au nord du golfe de Polycastro, une tempête se leva en mer. Quelques manuscrits furent détériorés. Les trois premières parties du livres de Ali Ibn Abbas Al Majoussi furent perdu. Notre homme arriva à Salerne avec ce qui restât des livres, il s’est converti au christianisme, puis s’installa à Cassino où il travailla comme interprète. Le récit de Sudhof s’achève sur cet évènement.
Telles sont les parties empruntées et traduites mot à mot à l’étude de Karl Sudhoff. Ce Sudhoff est un savant qui a une connaissance approfondie de l’histoire, réputé pour son sérieux dans la recherche. A remarquer que celui qui fut l’interprète entre Constantin et le médecin italien lors de son premier voyage, était également médecin tunisien. Ne s’appelait-il pas Abbas de Curiat ? Curiat est une île qui se trouve au large de la ville de Mahdia, peut être l’y a-t-il accompagné depuis La Sicile ? Que Constantin fut commerçant et cultivé, il n’y a rien d’étonnant à cela, car l’enseignement à la grande mosquée de la Zitouna de Tunis ainsi que les maisons des savants était ouvert à tous. Il comprenait les savoirs traditionnels et rationnels. Les échanges commerciaux entre la Tunisie et l’Italie étaient florissants et ne cessèrent que pendant les périodes difficiles. La Tunisie avait des comptoirs en divers endroits de la Sicile chrétienne et dans le sud de l’Italie même. Citons entre autres Bari, Tarente, Agripoli, et Gagliona.
La Tunisie exportait l’huile d’olive, la cire, le cuir, la laine et dérivés, et importait le blé les années de famine. Les lois du marché n’interdisaient pas le commerce avec les pays des chrétiens et que Constantin se soit converti au christianisme il n’y a rien d’étonnant à cela, la chose était courante, surtout si la personne y était contrainte, ce qui était le cas pour les prisonniers. Citons le cas du voyageur marocain Hassan El Ouazzani qui s’est converti au christianisme et se fit appeler Léon l'Africain, situation analogue à celle de Constantin l’Africain.
La production scientifique de Constantin
Il arriva à Cassino, portant avec lui les manuscrits traitants de la médecine, et qu’il a pris à Tunis. Ils comprennent des ouvrages du kairouanais El Baghdadi.
- Les ouvrages de Kairouan
- Le livre de la mélancolie d’Ishāq Ibn ‘Imrane.
- Le livre du pouls, de l’urine du régime et des aliments d’Ishāq Ibn Suleymāne.
- Le livre « Zād Al Mussāfir » de Ahmed Ibn Al Jazzār.
- Les livres Baghdadi
- Le livre « Al hāwi » de Abi Bakr Al Rāzi
- Le livre « Al Kāmil » de Ali Ibn Al Abbās Al Majoussi, dont Constantin avait perdu les trois premières parties en mer.
Les livres de Constantin sont, ou bien de lui, ou bien traduits d’autres livres arabes et qu’il s’est attribué. Il en est ainsi de Zād Al Mussāfir d’Ibn Al Jazzār, qu’il a traduit et a signé de son nom avec une impertinence sans nulle autre pareille. Il a écrit dans l’introduction de Zād Al Mussāfir ce qui suit :
"Si certains projettent de mordre dans ce livre qui est de moi, je les laisserais dormir dans leur imbécillité. J’ai pensé qu’il était de mon devoir de le signer, parce que les gens envient les autres pour leur travail et s’approprient en cachette tout livre étranger qui tombe entre leurs mains, je l’ai titré Zād Al Mussāfir viaticum vu son petit volume, qui fait qu’il n’encombre pas le bagage du voyageur ni ne fait obstacle à ses déplacements."
La version longtemps admise de la vie de Constantin
De bonne heure, il se voua à l'étude de la médecine et, comme c’était l’usage du temps, il fit des voyages lointains, dont certains le conduisirent jusqu’en Extrême-Orient. Il se familiarisa avec les langues orientales et étudia de façon approfondie la littérature arabe. Ses études en médecine arabe lui apprirent beaucoup de choses qu’ignoraient ses contemporains occidentaux. De retour à Carthage il suscita chez ses confrères une grande jalousie qui lui valut tant de désagréments (on dit même qu'il fut accusé de pratiquer la magie) qu'il accepta volontiers la place de secrétaire auprès de l'empereur Constantin Monomaque à Reggio.
Pendant qu’il était à Salerne Constantin l'Africain devint un professeur de médecine renommé. Il n’y resta cependant que quelques années et renonça aux honneurs et aux biens temporels pour devenir bénédictin à l'abbaye du Mont-Cassin. Il fut accueilli à bras ouverts par l'abbé Desiderius, un des hommes les plus instruits de son temps, qui devait devenir le pape Victor III. Constantin passa les dernières années de sa vie au Mont-Cassin, s’occupant à écrire des livres, encouragé en cela par Desiderius, qui était son meilleur ami. Son travail le plus connu est le livre nommé Liber Pantegni, dédié à Desiderius, qui est en fait une traduction du Kitab al-Maliki ou Livre de l'art médical d’Ali ibn Abbas al-Majusi (la traduction littérale du titre est Livre royal). Il a aussi écrit quelques travaux originaux, mais il est si difficile de distinguer ce qui est effectivement de sa main et ce qui lui a été attribué par la suite qu’on n’a aucune certitude quant à ses contributions originales en médecine.
La vie même de Constantin l’Africain nous est mal connue. La source la plus fiable se trouve dans une brève notice, De Constantino, insérée par le maître salernitain Matthæus Ferrarius dans son commentaire sur le Dietæ universalis d’Isaac Judæus. On trouve aussi des détails sur sa vie et sur son œuvre dans la biographie que lui a consacrée Pierre le Diacre, un autre moine de Monte Cassino[1]
Le personnage surgit brusquement dans la lumière en 1075, où il apparaît à Salerne et s’étonne de l’indigence de la littérature médicale dont on y dispose. Il retourne alors en Afrique pour collecter les œuvres qu’il peut y trouver puis retourne à Salerne après trois ans. Sa retraite au Mont-Cassin n’a rien que de tout à fait normal à un âge où la vue des hommes les gênait dans leur travail ; il trouvait sans doute les aides nécessaires pour lui lire les textes à traduire et les recopier sous sa dictée. Avec Constantin commence la deuxième époque de l'École salernitaine de médecine, particulièrement notable pour sa traduction de tous les grands écrits médicaux, grecs aussi bien qu'arabes et pour des travaux originaux importants. Beaucoup des professeurs célèbres du XIIe siècle à Salerne étaient fiers de proclamer que Constantin avait été leur maître. Parmi les nombreuses éditions de ses travaux la plus importante est celle de Bâle (in fol., 1536).
La légende de Constantin
Dans son introduction des œuvres complètes d'Ambroise Paré voici ce qu'écrit le docteur Malgaine: "Constantin né à Carthage et épris d'un ardent désir de s'instruire dans toutes les sciences il s'en alla en Babylonie, apprit la grammaire, la dialectique, la physique (médecine), la géométrie, l'arithmétique, les mathématiques, l'astronomie, la nécromancie et la musique. Après avoir épuise routes les sciences des Chaldéens, des Arabes et des Persans il alla aux Indes, interrogea les savants de ce pays, revint par l'Égypte ou il termina ses longues études; et après quarante années de voyages et de travaux, il revint dans sa ville natale. Mais, des connaissances si rares et si nombreuses durent effrayer ses compatriotes, ils le prirent pour un sorcier et résolurent de s'en défaire. Constantin instruit à temps, pris la fuite et se dirigea vers Salerne où il demeura pendant quelque temps caché, sous l'habit d'un mendiant. Le frère du roi de Babylone ayant passe par cette ville, le reconnut et le découvrit au fameux Robert Guiscard qui en fit son premier secrétaire. Mais plus soucieux de repos que d'honneurs il quitta la cour et se retira au Mont-Cassin où il passa le reste de sa vie à traduire de l'arabe en latin divers ouvrages de médecine ou à compiler lui-même."
Cette légende reproduite depuis Pierre Diacre, dans tous les livres sur Constantin, avec ou sans réserve, doit être abandonnée à jamais. C'est un conte des milles et une nuit auquel il manque l’héroïne: la fille du prince. Malheureusement pour Constantin, pris de chagrin entre au couvent et prend l'habit.
Notes et références
- Il le décrit ainsi « Constantin l'Africain, moine dans le même monastère [de Monte Cassino], fut un grand érudit dans les études philosophiques, le maître de l'Orient et de l'Occident, un nouvel Hippocrate par ses lumières. Parti de Carthage dont il était originaire, il se rendit à Babylone où il s'instruisit complètement en grammaire, dialectique, science de la nature (physique), géométrie, arithmétique, science magique (mathématiques), astronomie, nécromancie, musique et science de la nature (physique) des Chaldéens, des Persans, des Sarrazins. Après son départ il gagna l'Inde et se jeta dans le savoir des Indiens. L'ayant complètement maîtrisé, il se dirigea vers l'Éthiopie, dont il se pénétra là aussi des enseignements ; une fois imbu de ces sciences, il gagna l'Égypte dont il s'empara également des connaissances. Après avoir consacré trente-neuf année de sa vie à acquérir toute cette science, il revint en Afrique (terme désignant à l'époque la Tunisie actuelle] : quand les habitants le virent ainsi rempli du savoir de tous les peuples, ils méditèrent de le tuer. Constantin s'en aperçut, sauta à bord d'un navire et arriva à Salerne où quelque temps il se tint caché, en se faisant passer pour un mendiant. Il fut ensuite reconnu par le frère du roi de Babylone, qui lui aussi était arrivé là, et il fut traité avec de grands honneurs à la cour du duc Roberto. Il s'en alla cependant et rejoignit le monastère de Monte Cassino où l'abbé Desiderius fut heureux de l'accueillir et où il se fit moine. S'y étant établi, il traduisit un très grand nombre de textes de diverses langues. Parmi ceux-ci, les plus importants sont : Pantegni (qu'il a divisés en douze livres) où il exposa ce que le médecin doit savoir ; Practica (en douze livres), où il écrivit la façon dont le médecin doit entretenir la santé et soigner la maladie ; le Librum duodecim graduum ; Diaeta ciborum ; Librum febrium (traduit de l'arabe) ; De urina, De interioribus membris ; De coitu ; Viaticum [...], Tegni ; Megategni ; Microtegni ; Antidotarium ; Disputationes Platonis et Hippocratis en sententiis ; De simplici medicamine ; De Gynaecia [...] ; De pulsibus ; Prognostica ; De experimentis ; Glossae herbarum et specierum ; Chirurgia ; De medicamine oculorum. » Pierre le Diacre, De viris illustribus archimonasterii Casinensis). Traduction établie à partir du texte italien
Sources
- Ahmed Ben Miled, Ibn Al Jazzar, Constantin l'Africain, éd. Salammbô, Tunis, 1987.
- (en) Catholic Encyclopedia à l'article Constantine Afer
- (de) Heinrich Schipperges, « Constantinus Africanus », dans Biographisch-Bibliographisches Kirchenlexikon (BBKL) , Band 16, Herzberg 1999 (ISBN 3-8830-9079-4), Sp.323–325.
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