Chromatographie en phase gazeuse

Chromatographie en phase gazeuse

La chromatographie en phase gazeuse (CPG) est, comme toutes les techniques de chromatographie, une technique qui permet de séparer des molécules d'un mélange éventuellement très complexe de nature très diverses. Elle s'applique principalement aux composés gazeux ou susceptibles d'être vaporisés par chauffage sans décomposition. Elle est de plus en plus utilisée dans les principaux domaines de la chimie.

Le mélange à analyser est vaporisé à l'entrée d'une colonne, qui renferme une substance active solide ou liquide appelée phase stationnaire, puis il est transporté à travers celle-ci à l'aide d'un gaz porteur (ou gaz vecteur). Les différentes molécules du mélange vont se séparer et sortir de la colonne les unes après les autres après un certain laps de temps qui est fonction de l'affinité de la phase stationnaire avec ces molécules.

Sommaire

Historique

En 1952, A.J.P Martin et A.T. James annoncèrent la naissance de la chromatographie en phase gazeuse. Cette technique a vécu son âge d'or entre 1955 et 1960, avec l'invention des colonnes capillaires par M.J.E. Golay (1957), du détecteur à ionisation à argon (1958), suivi du détecteur à ionisation de flamme (1958) et du détecteur à capture d'électrons (1960). Dès les années 1960, les progrès se sont orientés sur l'instrumentation et ont permis de rendre viables toutes ces inventions. De la fin des années 1970 à la fin des années 1980, d'énormes recherches ont été entreprises pour permettre l'analyse de toutes les familles de composés chimiques, grâce notamment au développement de nouveaux injecteurs et des colonnes capillaires.

Compte tenu de ses nombreuses applications dans tous les domaines des sciences, la chromatographie de grande efficacité est considérée comme une évolution majeure du XXe siècle dans le domaine de la chimie analytique.

Appareils

Equipement de chromatographie en phase gazeuse avec passeur d'échantillons robotisé

Les appareils de chromatographie gazeuse sont appelés chromatographes. Ils sont principalement composés:

  • d'un four (type chaleur tournante) qui permet une programmation de température ajustable de 20 °C (-100 °C pour certains systèmes) à 450 °C et qui est également équipé d'un système de refroidissement rapide;
  • d'un système d'injection, qui va permettre d'introduire et de rendre volatil l'échantillon à analyser. L'injection peut se faire d'une manière manuelle ou automatique à l'aide d'un échantillonneur;
  • d'une colonne (capillaire ou remplie), sur laquelle les différentes molécules de l'échantillon injecté vont se séparer suivant leurs affinités avec la phase stationnaire;
  • d'un système de détection, qui va permettre de mesurer le signal émis par les différentes molécules et de pouvoir les identifier. Pour l'enregistrement du signal émis par le détecteur, des logiciels sur PC remplacent avantageusement les enregistreurs analogiques sur papier;
  • d'un système de détendeur-régulateur pour les gaz utilisés (hélium, hydrogène, azote et air comprimé). Sur les chromatographes modernes, on trouve des systèmes électroniques pour la régulation des gaz qui sont également purifiés par des cartouches filtrantes.



Il existe des chromatographes de différentes tailles. Cela va du portable (env. 10 kg) conçu pour les analyses sur le terrain, à ceux utilisés dans la purification des gaz rares. C'est ainsi qu'Air Liquide a conçu et fabriqué un chromatographe de grande taille pour la purification du krypton et du xénon.

Pour compléter les analyses, les chromatographes sont souvent couplés à d'autres instruments analytiques, notamment pour la spectrométrie de masse et la spectroscopie infra-rouge.

Equipement de chromatographie en phase gazeuse avec détection olfactive

En parfumerie, le nez humain est aussi utilisé, en tant que détecteur extrêmement sensible à certaines molécules odorantes. Pour cela, une partie du flux gazeux en sortie de colonne est refroidi et humidifié avant d'être dirigé vers un cône nasal qui permet à l'opérateur de percevoir l'odeur du ou des composés séparés. Cet équipement est appelé GC-olfactomètre ou GCO.

Principe de fonctionnement

L'échantillon (un liquide volatil) est d'abord introduit en tête de colonne par l'intermédiaire d'une microseringue qui va traverser une pastille en caoutchouc, appelée septum, pour se retrouver dans une petite chambre en amont de la colonne appelée injecteur. L'injecteur est traversé par le gaz porteur et porté à une température appropriée à la volatilité de l'échantillon. Les quantités injectées peuvent varier de 0.2 à 5.0 μl.

Ensuite, une fois rendus volatils, les différents composés de l'échantillon vont être emportés par le gaz porteur (ou gaz vecteur) à travers la colonne et se séparer les uns des autres en fonction de leur affinité avec la phase stationnaire. La phase stationnaire peut être un liquide non (ou peu) volatil (chromatographie gaz-liquide) ou un solide adsorbant (chromatographie gaz-solide). Dans les deux cas, la phase stationnaire va provoquer un phénomène de rétention chromatographique avec les différents composés (appelés solutés). Plus le composé a d'affinité avec la phase stationnaire, plus il mettra de temps à sortir de la colonne. La grandeur expérimentale brute est appelée temps de rétention. C'est le temps qui s'écoule entre l'injection de l'échantillon et l'apparition du signal maximum du soluté au détecteur. Pour favoriser le transport de tous les composés à travers la colonne (élution), il faut déterminer la bonne température du four. En général, la température doit être inférieure à la température d'ébullition des composés(de manière à ce que les composés ne sortent pas trop tôt, ce qui aurait pour conséquence d'avoir leurs pics confondus avec celui du temps mort). On peut travailler en isotherme, c’est-à-dire avec une température fixe durant toute l'analyse ou avec un programme de température qui varie.

A la sortie de la colonne, les composés rencontrent un élément essentiel qui est appelé détecteur. Cet élément évalue en continu la quantité de chacun des constituants séparés au sein du gaz porteur grâce à la mesure de différentes propriétés physiques du mélange gazeux. Le détecteur envoie un signal électronique vers un enregistreur (sorte d'imprimante) qui dessinera les courbes de chaque pic en fonction de leur intensité (courbe de type Gaussienne). L'ensemble des pics est appelé chromatogramme. Actuellement et de plus en plus, les logiciels remplacent avantageusement les enregistreurs papiers pour l'interprétation des signaux envoyés par les détecteurs.

Gaz

Le gaz porteur (ou gaz vecteur), est la phase mobile, dynamique de la chromatographie en phase gazeuse. C'est dans son flux que l'on injecte le mélange à analyser, et c'est lui qui le véhicule jusqu'au détecteur à travers toute la colonne.

Dans la plupart des cas, il doit être inerte vis-à-vis des solutés et de la phase stationnaire. Il y a donc quatre types de gaz utilisés : hélium, hydrogène, azote et argon. Ils peuvent être fournis soit par des cylindres de gaz ou produits par des générateurs (cas de l'Hydrogène et de l'Azote). Ces gaz vecteurs se doivent d'être purs, exempts d'eau, d'oxygène et d'hydrocarbures légers pour éviter toutes réactions avec les solutés et la phase stationnaire. C'est pourquoi des filtres spécifiques sont apposés à l'entrée du chromatographe.

La principale propriété des gaz vecteurs est leur insolubilité dans les liquides. Leur signal électrique n'apparaîtra pas sur le chromatogramme.

Injecteurs

L'injecteur est logé dans un bloc métallique dont la température est régulée afin d'assurer une bonne homogénéité thermique du système. L'échantillon va être introduit, à travers une pastille auto-obturante appelée septum, par l'intermédiaire d'une microseringue. L'échantillon sera vaporisé et les solutés traverseront l'injecteur à travers un tube en verre (parfois métallique) appelé liner (ou insert), grâce au gaz porteur, jusqu'à la tête de la colonne. L'intérêt du liner est de retenir les constituants non volatils de l'échantillon, impropres par nature à la chromatographie.

Il existe deux types d'injecteurs. Ceux pour les colonnes remplies (peu nombreux actuellement) et ceux pour les colonnes capillaires (le plus fréquent ...). Le principe reste le même, c'est juste une question de conception de la chambre de vaporisation ainsi que le raccordement à la colonne qui change.

Dans le cas des colonnes capillaires, 3 modes d'injections peuvent se présenter:

  • injection avec division (split): l'échantillon est vaporisé et mélangé dans le gaz porteur, puis le mélange est divisé en deux parties. La plus petite partie arrive sur la colonne alors que la plus importante est évacuée. On l'appelle la fuite. Le ratio de la division se règle sur la machine. Ce mode d'injection permet d'injecter de petites quantités d'échantillons concentrés sans devoir les diluer au préalable. Dilution qui est parfois impossible pour certains produits (huiles essentielles, produits pétroliers...) car le solvant masquerait la détection des composés les plus volatils. Par contre, il est souvent nécessaire d'utiliser des températures d'injections élevées qui pourraient conduire à la dégradation de certains solutés.
  • injection sans division (splitless) : l'échantillon est vaporisé et mélangé dans le gaz porteur, mais le mélange n'est pas divisé en deux parties. Il reste quelques secondes dans le liner avant d'être transféré sur la colonne (env. 95% du produit). Le 5% restant est évacué par l'ouverture de la vanne de fuite. Cette méthode est utilisée quand l'échantillon à analyser est très dilué et éventuellement très sale (contenant des résidus non-volatils). Elle permet également d'analyser les composés très volatils (plus volatils que le solvant de dilution) en les concentrant sur la tête de la colonne qui sera plus froide que l'injecteur.
  • injection dans la colonne (on-column) : il n'y a pas d'étape de vaporisation. L'échantillon est directement mélangé au gaz vecteur et injecté à froid sur la colonne. Cette méthode nécessite une seringue et un injecteur spécifique (sans septum et sans chauffage). Les avantages sont de pouvoir injecter l'échantillon sous forme liquide sans provoquer de vaporisation sélective dans l'aiguille (plus de précision sur le volume d'injection) et à une température la plus basse possible (celle de la colonne) pour éviter la dégradation des composés thermolabiles. Les effets indésirables du septum (traces de polymères emportés par le gaz porteur) sont également éliminés. Par contre, des inconvénients comme l'accumulation de composés non volatils dans la colonne peuvent se présenter et la fiabilité de cette technique n'est pas toujours au rendez-vous.

Colonne

Vue de l'intérieur du four avec la colonne chromatographique

La colonne est placée dans un four pour maintenir une température suffisante afin de garder les solutés en phase gazeuse pendant l'analyse.

La colonne est constituée d'un tube plus ou moins long (qui peut être en silice, acier inoxydable...) garni d'un support solide inerte (comme par exemple un zéolite) et en particules assez fines. Ce support est imprégné chimiquement d'un produit appelé phase stationnaire dont l'affinité avec les composants du produit à analyser est la plus grande. En injectant un échantillon à l'entrée de la colonne, le produit est vaporisé par chauffage et la différence d'affinité des composants envers la phase stationnaire permet de retenir plus ou moins longtemps certains composants vis-à-vis des autres. Le gaz porteur va véhiculer ces composants vers la sortie.

Il existe deux types de colonne : remplie (maximum 2 mètres) et capillaire (de 15 à 100 mètres). La différence entre celles-ci est due au type de phase stationnaire qui y est contenu : pour les colonnes remplies, ce sont des grains de silice sur lesquels repose un film liquide alors que pour les colonnes capillaires le film est directement déposé sur les parois de la colonne. Le film peut être simplement déposé ou greffé. S'il est nécessaire d'atteindre des températures élevées, on optera pour la greffe, question de stabilité.

En général, la perte de charge est assez grande entre l'entrée et la sortie de la colonne, aussi une certaine pression est appliquée pour que le gaz porteur puisse acheminer les différents composants vers la sortie.

Si l'échantillon à analyser est un mélange de gaz (oxygène, azote, méthane, éthane…), afin de retarder la progression de ces constituants dans la colonne, celle-ci est réfrigérée à l'extrême, on la met dans de l'azote liquide qui bout à -196 °C.

Détecteur et enregistreur

A la sortie de cette colonne, un détecteur très sensible est placé, par exemple :

  • Un TCD : détecteur électrique, basé sur le principe du pont de Wheatstone : le passage des composants va faire varier la tension, cette variation est due à la différence de conductibilité de chaque composant ;
  • Un FID : détecteur à ionisation de flamme : une tension de l'ordre de la centaine de volts est maintenue entre la buse de la flamme et une électrode entourant cette dernière. Lorsque les molécules traversent la flamme, elles sont ionisées ce qui provoque entre les électrodes un courant électrique qui est ensuite amplifié.
  • Un ECD : détecteur à absorption électronique : des électrons sont émis, en général par une source radioactive (rayonnement bêta), et traversent le gaz ; lorsqu'un électron rencontre une molécule de gaz, il peut être capturé, ce qui fait varier l'intensité du courant d'électrons, cette intensité étant mesurée en continu.
  • Un NPD : détecteur termoïonique
  • Un MS : spectromètre de masse, utilisant principalement l'impact électronique ou l'ionisation chimique comme modes d'ionisation.

À l'heure actuelle, il existe des détecteurs ultra sensibles permettant de détecter quelques ppm (parties par million) d'un composant. On enregistre cette variation sur l'enregistreur en fonction du temps de sortie du pic, dit temps de rétention. Les appareils actuels sont couplés avec un ordinateur. La réponse du détecteur est enregistrée dans un fichier stocké sur le disque dur et affichée simultanément en temps réel sur l'écran de l'ordinateur. Cet enregistrement constitue le chromatogramme.

La nature des composants est donnée par le temps au bout duquel apparaît le pic (temps de rétention). Pour mettre en relation le temps et la nature chimique, on se sert d'un échantillon de référence. À la sortie, le chromatogramme va fournir une série de pics plus ou moins séparés, plus ou moins grands et plus ou moins larges. La surface d'un pic est, suivant la méthode de détection, proportionnelle à la quantité de produit représentée par ce pic. En mesurant la surface de chaque pic et en la rapportant à la surface totale de tous les pics, on détermine le pourcentage de chacun des composants contenus dans le mélange analysé (méthode de mesure par normalisation). Au début, en 1955, ce calcul se faisait à la main (soit à l'aide d'un planimètre, soit par découpage du pic suivi de la pesée du papier découpé. Dans les des années 1970 cette mesure se faisait de manière automatique par des intégrateurs mécaniques puis électroniques. Actuellement, l'analyse du chromatogramme (détermination des temps de rétention et de la surface des pics) se fait à partir du fichier enregistré par un programme informatique dédié.

Il existe trois sortes de chromatographes :

  • Chromatographe industriel,
  • Chromatographe à colonne,
  • Chromatographe capillaire.

Le premier est utilisé pour la purification des produits, le deuxième utilise un produit (phase stationnaire) imprégné ou greffé sur un support solide inerte à forte capillarité, et dans le dernier, la phase stationnaire est fixée directement sur la surface interne du tube capillaire creux, dont le diamètre interne est de l'ordre du demi ou quart de millimètre.

Dès 1962, cette technique d'analyse est utilisée couramment dans l'industrie pétrolière. En effet, pour avoir des résultats rapides lors des forages, il est indispensable d'avoir une méthode d'analyse qui donne presque instantanément et automatiquement des résultats fiables. Depuis, cette technique s'est développée et s'étend aujourd'hui à tous les domaines: chimie, biologie, astronomie, pharmacie, industrie des matières platiques etc.

À titre d'exemple, l'analyse la fumée de cigarette permet de vérifier la présence de plus de 300 composants différents dont la plupart sous forme benzénique, naphténique et aromatique. On retrouve également des produits à très longues chaînes présumés cancérigènes[réf. souhaitée].

Cette technique peut par exemple permettre d'analyser des polymères (caoutchouc et plastiques). Un morceau de polymère est pyrolysé, c'est-à-dire soumis à une chaleur intense qui le dégrade et le transforme en plusieurs gaz (hydrocarbures) ; le polymère peut être mis sur un support métallique (ferromagnétique) chauffé par induction, l'abolition des propriétés magnétiques à une certaine température (point de Curie) permet d'obtenir une température reproductible, atteinte très rapidement. Les gaz produits sont séparés par chromatographie en phase gazeuse, en sortie de capillaire est placé un détecteur ; par exemple, une flamme qui devient plus lumineuse lorsqu'une molécule de gaz sort, puisque le gaz est inflammable (la variation de luminosité est enregistrée par une diode photoréceptrice) ; ou bien encore le gaz est soumis à un bombardement d'électrons, le passage d'une molécule provoque une absorption du jet d'électrons (on enregistre en continu l'intensité du flux d'électron traversant le gaz). Si l'on trace l'intensité du signal (intensité lumineuse ou intensité du courant d'électrons) en fonction du temps, on obtient une série de pics, chaque pic représentant le passage d'une sorte de molécules. Chaque polymère va donner une série de pics (un motif) qui lui est propre et qui est en quelque sorte sa « signature ».

La chromatographie de type gaz-liquide, largement utilisée de nos jours par rapport à celle de type gaz-solide, se fonde sur le partage du soluté entre une phase mobile gazeuse et une phase stationnaire liquide immobilisée sur un support inerte.

Voir aussi


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Chromatographie en phase gazeuse de Wikipédia en français (auteurs)

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