Chartreuse de Champmol

Chartreuse de Champmol
Chartreuse de la Sainte-Trinité de Champmol
Image illustrative de l'article Chartreuse de Champmol
Aimé Piron, Vue en perspective de la Chartreuse de Champmol', 1686, Bibliothèque municipale de Dijon
Présentation
Culte Catholique romain
Type Chartreuse
Début de la construction 20 août 1383
Fin des travaux 1410
Architecte(s) Drouet de Dammartin
Autres campagnes de travaux Jean de Marville, Claus Sluter, Claus de Werve, Melchior Broederlam, Jacques de Baerze, Jean de Beaumetz, Jean Malouel, Henri Bellechose
Style(s) dominant(s) Architecture gothique
Protection Logo monument historique - rouge ombré, encadré.svg Classée Monument historique[1]
Géographie
Pays Drapeau de France France
Région Bourgogne
Département Côte d'Or
Ville Dijon
Coordonnées 47° 19′ 03″ N 5° 00′ 13″ E / 47.3175, 5.0036147° 19′ 03″ Nord
       5° 00′ 13″ Est
/ 47.3175, 5.00361
  

Géolocalisation sur la carte : France

(Voir situation sur carte : France)
Chartreuse de la Sainte-Trinité de Champmol

La Chartreuse de la Sainte-Trinité de Champmol était un monastère de l'ordre des Chartreux, décidé en 1377 sur le lieu dit de Champmol, à deux lancées de flèche de Dijon par Philippe le hardi. Dans son testament de 1386, il souhaite y être inhumé dans l'habit des chartreux.

Le couvent fut fermé et vendu en avril 1791, lors de la Révolution française, et le nouveau propriétaire ne tarda pas à démolir l'église et les bâtiments dont il n'avait l'usage. Le site fut racheté en 1833, par le département de la Côte-d’Or, pour en faire un asile psychiatrique.

Sommaire

Histoire

Construction

Les débuts

La construction de la chartreuse est décidée par Philippe le Hardi et le chantier inauguré au mois de septembre 1377. La première pierre de l'église a été posée par la duchesse Marguerite et son fils Jean, le 20 août 1383. Le duc souhaite créer une nécropole rivale de celle des Capétiens, à Saint Denis ; il en choisit l'emplacement à proximité de sa capitale[2]. Le projet prévoit la construction d'une église et de bâtiments conventuels, un petit cloître, un grand cloître bordé de cellules spacieuses qui comportent un étage et un grenier et orné d'une fontaine centrale en forme de calvaire, la salle capitulaire et la sacristie[3]. Dirigés par Drouet de Dammartin, qui a fait ses preuves aux côtés de Raymond du Temple, l'architecte de Charles V[4], les travaux ne commencent vraiment en fait qu'en 1383, les fondations étant creusées au mois de juillet et la première pierre posée solennellement au mois d'août par la duchesse Marguerite et son fils Jean, le jeune comte de Nevers, qui a juste douze ans[3]. L'église est consacrée cinq ans plus tard, en mai 1388[3], par l'évêque de Troyes[5], et les moines s'installent dans le cloître en octobre de la même année[3]. En 1399, les bâtiments du pressoir sont terminés et les moines commencent à exploiter leur vigne[3].

Un chantier prestigieux

Porte d'un des deux retables de Jacques de Baerze, peint par Melchior Broederlam, Musée des Beaux-Arts de Dijon
Retable des Saints et martyrs
(détail)
De Jacques de Baerze et Melchior Broederlam
Décollation de saint Jean-Baptiste
Le Retable de Saint-Denis (1416) par Henri Bellechose pour l'église de la Chartreuse, musée du Louvre

Le chantier emploie plus de deux-cent cinquante ouvriers venus de divers horizons géographiques[3] et de tous les corps de métier du bâtiment : imagiers (sculpteurs), peintres, tuiliers, verriers, menuisiers, fondeurs[4]. Ils sont placés sous la responsabilités de maîtres artisans. Les fondeurs travaillent pour le canonier du duc, Maître Colart, chargé de la fabrication des cloches de l'abbaye[3]. Le menuisier Jean de Liège est responsable des huisseries et des boiseries; on pourrait encore citer les tuilliers Perrin de Longchamps et Jean de Gironne, et les verriers Robert de Cambrai[4] et Henri Glumosack[6]. Le peintre chargé des travaux de décoration est un artiste du nord de la France, Jean de Beaumetz[3]. Jean Malouel est chargé de la polychromie du tombeau de Philippe le Hardi[7]. Melchior Broederlam est responsable, lui, de la peinture des retables sculptés par Jacques de Baerze à Termonde.

En 1384, le duc charge son imagier, Jean de Marville, du monument funéraire de Philippe le Hardi. Il emploie des tailleurs de pierre d'origine hollandaise, dont Claus Sluter. Le portail est l'œuvre de Claus Sluter, promu maître de l'atelier en 1389[3], qui s'occupait de la décoration de la Chartreuse. C'est également lui qui réalise le puits de Moïse, calvaire doublé d'une fontaine, qui se trouvait dans le grand cloître. En 1390, deux retables sculptés, celui des Saints et martyrs et celui de la Crucifixion, sont commandés à Jacques de Baerze. Sculptés en 1391, ils sont ensuite transportés à Ypres où ils sont peints et dorés par Melchior Broederlam entre 1393 et 1399. Ils sont installés à la chartreuse en 1399.

Les héritiers de Philippe le Hardi

Tout au long du XVe siècle les ducs de Bourgogne continueront à enrichir la chartreuse. Peintre de Jean sans peur, Henri Bellechose travaille à Dijon entre 1415 à 1444, succédant à Jean Malouel comme peintre attitré de la cour de Bourgogne. En 1416 il reçoit un paiement pour Le Retable de Saint Denis destiné à l'église de la chartreuse.

Lorsque le duc Philippe meurt d'une violente fièvre, le 27 avril 1404, son tombeau n'est pas encore achevé[7]. Son ami et conseiller, le banquier Dino Rapondi se charge du transport funèbre depuis le château de Hal, non loin de Bruxelles jusqu'à la Chartreuse de Champmol. Pour son ami, il orna de drap de Lucques noir, brodé d’or toutes les églises qui étaient le long du parcours. Le long cortège de près de 150 personnes en livrée noir a ramené le corps embaumé du duc à Dijon, où il est enterré le 15 juin.

Le nouveau duc, Jean sans peur, en confie l'achèvement à Claus Sluter[7] puis à son neveu Claus de Werve. Il commande également un monument funéraire sur le modèle de celui de son père, qui ne sera qu'ébauché à sa mort soudaine en 1419. À la mort de de Werve en 1439, le fils de Jean sans peur, Philippe le Bon, fait appel aux sculpteurs Jean de la Huerta (1443) puis Antoine Le Moiturier (1461). Le monument de Jean sans Peur et Marguerite de Bavière se trouve aujourd'hui au musée des Beaux-Arts de Dijon.

Du XVIe siècle au XVIIe siècle elle demeure un monument très admiré[4], même si les travaux de modernisation au XVIIIe siècle la privent de certaines œuvres médiévales, jugées désuètes et remplacées par des objets contemporains[4].

La Révolution de 1789

Par le décret du 2 novembre 1789, l’Assemblée constituante décide que les biens ecclésiastiques sont mis à la dispositions de la Nation ; par le décret du 13 février 1790, l’Assemblée supprime les ordres et congrégations régulières. La Chartreuse devient bien national et les Chartreux en sont chassés en avril 1791. Elle est mise en vente et en 1791, Emmanuel Crétet (futur premier ministre de l'intérieur de Napoléon Bonaparte) utilise sa fortune personnelle pour l'acquérir.

Aujourd'hui

Aujourd'hui, « la Chartreuse » désigne le centre hospitalier spécialisé (CHS, synonyme d'hôpital psychiatrique) de Dijon, et l'expression « aller à la Chartreuse » signifie aujourd'hui à Dijon être hospitalisé en psychiatrie. Malgré ces vicissitudes, il demeure à la Chartreuse de fort intéressants morceaux de sculpture médiévale, témoignages majeurs de l'art burgondo-flamand.

Les restes de la Chartreuse

Portail de la chapelle


Les deux grands ensembles conservés à la Chartreuse sont le « Puits de Moïse » et le portail de la chapelle qui contenait autrefois les tombeaux monumentaux des ducs Philippe le Hardi et Jean sans Peur, reconstitués aujourd'hui au musée des Beaux-Arts de Dijon

Le portail

La Vierge du trumeau regardant le Christ

Iconographie

Le portail de la chapelle développe une iconographie que l'on retrouve fréquemment, notamment dans les retables et les portails parisiens sous le règne de Charles V[8] : les donateurs agenouillés sont présentés à la Vierge par un saint intercesseur ; à gauche le duc Philippe le Hardi agenouillé devant Jean-Baptiste, à droite la duchesse Marguerite, devant Catherine d'Alexandrie, au centre la Vierge représentée au trumeau tenant l'enfant Jésus. Les statues sont toutes en ronde bosse, et la Vierge surtout retient l'attention par son mouvement et par les plis complexes du drapé de son vêtement. Les consoles des piédroits sur lesquels se trouvent les figures latérales sont ornées de figures de docteurs. La façon dont les volumes se détachent de la façade, la convergence des regards vers le Christ dans les bras de sa mère, le mouvement des mains et du pli des drapés créent une tension et une unité qui donne au portail un caractère dramatique prononcé.

Histoire

Les historiens attribuent la conception du portail à l'architecte Drouet de Dammartin et au sculpteur Jean de Marville[8]. L'attribution de la Vierge à l'enfant se fait tantôt à Jean de Marville, tantôt à Claus Sluter. Cependant le portail a été élargi par rapport au plan initial, peut-être lorsque Claus Sluter en a changé la conception afin d'ajouter les figures des ducs et des saints intercesseurs qui sont de sa main[8].

Le Puits de Moïse de Claus Sluter

Le Puits de Moïse (1405), Claus Sluter et Claus de Werve.
La copie du Puits de Moïse visible en centre-ville de Dijon.

Le Puits de Moïse, classé monument historique en 1840[9], constitue la base d'un calvaire polychrome qui se dressait au centre d'un puits situé au milieu du cloître de la chartreuse, cloître aujourd'hui disparu et dont le tracé est évoqué par des pelouses autour de l'édicule qui protège le monument depuis le XVIIe siècle. Sur la base du calvaire était placé un christ en croix, dont le buste est conservé au musée archéologique (une copie en est également visible rue Condorcet, dans une niche). Il était flanqué de statues de saint Jean et de la Vierge Marie qui ont disparu. En l'état, le monument reste remarquable, car il conserve les portraits en pied et en ronde-bosse de six prophètes de l'Ancien Testament, surmontés d'anges représentés dans une attitude de tristesse ou de lamentation. Chaque prophète est fortement individualisé, et tient un phylactère comprenant un texte tiré des écritures. Les visages sont réalistes, vraisemblablement inspirés de vieillards d'une communauté juive contemporaine. La noblesse est marquée dans les traits de ces hommes, que des attributs permettent de reconnaître (cornes pour Moïse[10], lyre pour David, etc.). Certaines parties de l'ensemble portent encore quelques traces de leurs couleurs d'origine, fortement estompées.

Après la restauration dont a fait l'objet le puits de Moïse, un accès plus facile a été dégagé afin de permettre au public de découvrir plus facilement ce site majeur de l'histoire de l'art médiéval en occident[11].

Il existe une copie presque parfaite du puits, peu connue, située depuis 1968 à l'angle sud-est du parc de l'hôpital général de Dijon, en centre-ville. Elle a été érigée en 1508 par Guillaume Sacquenier, alors commandeur de l’hôpital. La pierre de cette copie anonyme n'a pour sa part jamais été peinte.

Voir aussi

Dans la littérature

Dans L'Oblat (chapitre V), Joris-Karl Huysmans met en scène une visite au musée de Dijon qui sert de prétexte à une description des monuments de Philippe le Hardi et Jean sans Peur. Il admire particulièrement le réalisme naïf des plorants qu'il attribue aux ouvriers de l'atelier de sculpture.

« Ils avaient voulu beaucoup moins, en somme, décrire l'effet produit sur des religieux par l'annonce de la mort de l'un ou de l'autre de leurs bienfaiteurs, que donner comme un instantané de la vie courante des cénobites et ils les avaient effigiés, l'Abbé en tête, mitré et crossé, tenant le livre ouvert de la règle, regardant d'un air impérieux et méfiant des moines qui pleurent ou lisent, méditent ou chantent, égrènent leur rosaire ou, désœuvrés, s'ennuient ; un tel se mouche, tandis qu'un autre se cure tranquillement l'oreille. »

Bibliographie

  • Michel Huynh, Sophie Jugie, Judith Kagan : Dijon, Le puits de Moïse et la chartreuse de Champmol, (ISBN 2-85822-814-0)

Notes et références

Liens externes

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