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Carnéade
Carnéade, en grec ancien Καρνεάδης / Karneádês (Cyrène, v. 219 av. J.-C. – Athènes, 128 av. J.-C.) fut le plus grand philosophe de la Nouvelle Académie, probabiliste. Il fut le dixième scolarque de l'Académie en 186 av. J.-C.
Sommaire
Biographie
Carnéade, fils d'Épicomus ou de Philocomus, naquit à Cyrène le même jour que Platon, un sept mai (jour consacré à Apollon). Il eut pour maître Hégésinus, à qui il succéda en 186, et Diogène de Babylone, un stoïcien qui lui apprit la dialectique. Il est possible qu'il apprit la philosophie en grande partie par la lecture des ouvrages de Chrysippe, car, selon Diogène Laërce (IV, 62), il répétait souvent :
« S'il n'y avait pas eu de Chrysippe, il n'y aurait pas eu de Carnéade. »
En 156 av. J.-C., il fut chargé d'une ambassade à Rome, avec Diogène de Babylone (un Stoïcien) et Critolaos (un Péripatéticien), pour faire exempter les Athéniens de l'amende reçue pour le sac d'Orope.[1] Son discours sur la justice effraya Caton l'Ancien; Lactance raconte à propos de cette rencontre qu'un jour, Carnéade avait argumenté en un sens, et que le lendemain, il tint exactement le discours inverse, réfutant la justice qu'il avait louée la veille.[2] En bon Académicien sceptique, cette stratégie ne revient pas à se contredire, mais à semer le doute dans l'opinion de l'adversaire.
Il n'y eut guère d'autres événements importants dans sa vie. Dans sa vieillesse, il devint aveugle. Il mourut à l'âge de 90 ans, en 129 av. J.-C.
Sa réputation était exceptionnelle : Cicéron parle d'une vivacité d'esprit, d'une promptitude et d'une assurance incroyables (De oratore, II, XXXVIII 161). On dit même que ses adversaires s'enfuyaient en le voyant. Après sa mort, on disait en proverbe, d'un problème difficile (Lactance, Institutions divines, V, 14) :
« Carnéade lui-même, si l'enfer le laissait revenir, ne le résoudrait pas. »
Doctrine
Carnéade n'a rien écrit, et c'est grâce à son successeur, Clitomaque de Carthage, que nous pouvons connaître sa pensée. Il reprit l'œuvre d'Arcésilas et la développa considérablement en s'efforçant de remédier à ses défauts. Il s'opposa au stoïcien Chrysippe de la même manière que son prédécesseur s'était opposé au stoïcien Zénon de Citium. La principale nouveauté qu'il apporta à la théorie d'Arcésilas est la notion de probable (pithanon), que l'on associe particulièrement à l'histoire de la Nouvelle Académie.
Critique de la certitude
Il n'y a pas de critère de la vérité, car il n'y a pas de représentation vraie. La thèse est dirigée particulièrement contre le stoïcisme, qui admet l'existence de représentations manifestant intrinsèquement leur vérité. Cicéron (Acad., II, XIII, 41) résume en quatre propositions cette thèse de Carnéade et de l'Académie :
- il y a des représentations fausses ;
- ces représentations ne permettent pas une connaissance certaine ;
- si des représentations n'ont entre elles aucune différence, on ne peut distinguer leur degré de certitude ;
- il n'y a pas de représentation vraie distincte d'une représentation fausse.
Cette argumentation est si solide qu'elle fut encore le point de départ de la théorie de la connaissance de Bertrand Russell, au premier chapitre des Problèmes de Philosophie : les variations de nos représentations ne nous permettent pas d'affirmer avec certitude qu'un objet a telle couleur, telle forme et tel mouvement. La vérité ne se manifeste pas avec évidence dans le témoignage de nos sens ; la représentation n'est donc pas un critère de vérité.
De plus, le raisonnement du sorite, qui, en ajoutant une à une de petites quantités, fait parvenir insensiblement à une grande quantité, montre que l'on ne saurait mettre nulle part de limites précises, encore moins entre nos représentations.
Mais, pour Carnéade, comme pour l'ensemble des philosophes sceptiques, la raison n'a pas non plus la faculté de nous faire connaître les choses telles qu'elles sont en elles-mêmes. La raison seule, sans représentation, ne peut en effet connaître le monde. Mais, même considérée en elle-même la dialectique de la raison conduit à des contradictions insurmontables. Carnéade allait également jusqu'à remettre en question la certitude des mathématiques. Ainsi, selon Clitomaque (Cicéron, Acad., II, XXXIV, 108) :
« Chasser de nos âmes ce monstre redoutable et farouche qu'on appelle la précipitation du jugement, voilà le travail d'Hercule que Carnéade a accompli. »
Cette critique de la certitude conduit à l'état d'incompréhension (acatalepsie), état dans lequel on suspend son jugement et on ne croit en rien. De ce fait, le même problème qui s'était posé aux sceptiques et à Arcésilas va se poser à Carnéade : si pour agir, il faut croire, comment agir, si rien ne peut être cru ?
Mais, sur cette question, nous avons plusieurs témoignages contradictoires. Le témoignage de son disciple Clitomaque, et celui de Métrodore et de Philon.
L'existence des dieux
Le libre arbitre
Critique de la morale
Bibliographie
Sources
- Cicéron, Les Académiques, La République et De finibus ;
- Diogène Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres [détail des éditions] [lire en ligne], livre IV ;
- Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique, livre XIV ;
- Lactance, Les Institutions divines.
Études sur Carnéade
- Martha, Le Philosophe Carnéade à Rome, Hachette, Paris, 1883 ;
- Victor Brochard, Les Sceptiques grecs, livre II, § 3.
- Anthony A. Long et David N. Sedley, Les philosophes hellénistiques (1986), trad., Garnier-Flammarion, 1997, t. III : Les Académiciens, la renaissance du pyrrhonisme.
- Stanford Encyclopedia of Philosophy [1]
Notes
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