Arcesilas de Pitane

Arcesilas de Pitane

Arcésilas de Pitane

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Arcésilas (en grec ancien Ἀρκεσίλαος / Arkesílaos) était un philosophe grec de la Nouvelle Académie, né à Pitane (Élide) vers 315 av. J.-C. et mort en 241 av. J.-C.. Il devint à la mort de Cratès, en -268, le cinquième scolarque de l'Académie, le seul représentant de la Moyenne Académie. Il a inventé la notion de suspension du jugement, qui semble absente chez Pyrrhon (vers 322 av. J.-C.).

Sommaire

Biographie

Arcésilas vint étudier la rhétorique à Athènes, prit goût à la philosophie et devint le disciple de Théophraste, puis de Crantor. Il suivit aussi les cours de Polémon et de Cratès. Il connut peut-être Pyrrhon, Diodore et Ménédème. Il avait appris les mathématiques avec Autolycos et Hipponicus, et étudié Platon pour qui il avait une grande admiration. Après la mort de Cratès, Socratides, reconnaissant la supériorité d'Arcésilas, lui laissa la direction de l'Académie. Il n'y eut guère d'événement dans sa vie et il se tenait à l'écart des affaires publiques.

Sur sa vie privée, des rumeurs parlent de débauches et de courtisanes. Il serait mort à 75 ans, ivre et délirant. Mais s'il avait de nombreux adversaires qui l'ont peut-être calomnié, Plutarque et le stoïcien Cléanthe nous en offre une image bien différente :

« Quelqu'un lui dit [à Cléanthe] une fois qu'Arcésilas négligeait ses devoirs : « Taisez-vous donc, dit-il, et ne le blâmez pas, car, s'il ne prononce guère le mot devoir, il le recommande par ses actes ». »
Diogène Laërce, Vies, Doctrines et sentences des philosophes illustres, VII, 171

Une originalité d'Arcésilas est sa fortune, à une époque où la plupart des philosophes étaient pauvres. Il était d'ailleurs fort généreux, et veillait au bien-être de ses amis. Plutarque nous le décrit comme un homme droit et respectueux de ses adversaires.

Doctrine

Orateur habile, admiré de Cicéron[1], il ne cessa de lutter contre le stoïcisme en la personne de son ancien condisciple, Zénon de Citium (néanmoins, les dates semblent contredire cette supposition que Zénon et Arcélisas furent tous deux disciples de Polémon). Ainsi, s'il n'écrivit rien, il laissa le souvenir d'un grand dialecticien, qui déstabilisa le dogmatisme grave et sérieux des stoïciens. Sa pensée fut mise par écrit par son successeur, Lacydes, et par l'un de ses disciples, Pythodore.

Il fut sans doute influencé par le scepticisme comme en témoigne ce vers d'Ariston :

« Platon par-devant, Pyrrhon par-derrière, Diodore pour le reste. »

Mais il est vraisemblable qu'il se distinguait fortement des sceptiques par certains côtés, car Timon de Phlionte le haïssait, et on sait que ce dernier haïssait tous ceux qui n'étaient pas sceptiques. Selon Cicéron, Arcésilas reprit les usages de l'ancienne Académie, c'est-à-dire qu'il parlait de tous sujet au hasard des discussions et entreprenait de réfuter les thèses exposées par des questionnements ou des discours.

Critique de la connaissance

Nous ne connaissons sa pensée que par le débat sur le critère de la vérité qui opposait toutes les philosophies hellénistiques. Les stoïciens admettaient plusieurs degrés dans la connaissance :

  • la représentation compréhensive, qui est une représentation claire et distincte ;
  • l'assentiment, qui est l'acte de l'âme qui éprouve une impression vraie ;
  • la compréhension (catalepsis).

Le sage est alors, selon Zénon, celui qui ne donne son assentiment qu'à des représentations compréhensives, il n'a que des certitudes.

Or Arcésilas nie que l'on puisse donner son assentiment à une représentation ; on ne le donne, selon lui, qu'à un jugement. Bien plus, il n'y a pas de représentation compréhensive, et le sage sera donc celui qui refuse de rien affirmer. L'alternative posée est ainsi la suivante : ou bien le sage a des opinions, ou bien il n'affirme rien. Arcésilas ne peut accepter la première partie, puisque l'opinion n'est pas la sagesse, mais un manque de savoir quant à ce que l'on affirme. En conséquence, s'il n'y a pas de certitude, il faut renoncer à toute croyance.

Son argument principal consiste à dire que l'on ne peut distinguer entre les représentations vraies et les autres, car des objets sans existence font aussi sur nous des impressions claires et distinctes[2]. Il est possible qu'Arcésilas pensait ici aux rêves, aux erreurs des sens, à la folie, etc. Mais dire cela, c'est dire qu'il est impossible de s'appuyer sur les données des sens pour s'élever par le raisonnement à une connaissance vraie des causes et des principes des choses. La raison ne nous fait donc rien connaître, puisqu'il n'y a pas de critère de la vérité.

Quant à la critique de la physique et de la théologie stoïciennes par Arcésilas, nous n'avons guère de renseignements. Il semble s'en être moqué[3]. Il reste à examiner la morale, où Arcésilas rencontra une difficulté propre au scepticisme.

La morale

Cette difficulté est la même que l'on opposait aux anciens sceptiques. Si nous n'avons ni connaissance ni croyance, comment pouvons-nous encore agir ? Suspendre son jugement, cela semble bien être aussi suspendre son action : l'action est impossible sans croyance. C'est Cicéron qui nous rapporte cet argument contre les sceptiques, et contre Arcésilas en particulier[4]. Mais il ne nous informe pas sur les idées morales de ce dernier.

La réponse d'Arcésilas[5] est que le critère de nos actions se trouve dans le raisonnable (εὔλογος / eulogos). Le devoir est ainsi quelque chose de raisonnable que nous devons suivre par prudence, pour être heureux. La question est de savoir quel sens attribuer au mot grec εὔλογος.

Tout d'abord, nous savons que ce mot n'a pas pour Arcésilas le sens de « probable[6] ». Cela est logique si l'on considère que pour lui il n'y a pas de critère de vérité, et qu'aucune représentation ne peut donc être plus crédible qu'une autre ; selon quel critère, en effet, le serait-elle ? De plus, le probable est une forme d'assentiment ; or Arcésilas rejette toute forme d'assentiment. Le probabilisme dont on fait la doctrine officielle de la Nouvelle Académie n'apparaît en fait qu'avec Carnéade.

Le raisonnable d'Arcésilas désigne simplement des actions justifiables dont les raisons sont cohérentes : c'est un accord subjectif des représentations qui n'implique aucune affirmation dogmatique. Arcésilas, contrairement aux sceptiques, conserve donc un rôle pour la raison et rejette en conséquence l'adiaphorie et l'ataraxie pyrrhoniennes.

Conclusion

Les thèses d'Arcésilas que nous connaissons ne sont guère originales et Épicure lui reprochait de ne rien dire de nouveau[7]. Son habileté oratoire et le plaisir manifeste qu'il prenait à discourir de tout font douter s'il était un philosophe ou un sophiste. On ne sait s'il était un véritable sceptique ou s'il dogmatisait en secret. D'après Sextus Empiricus[8], son pyrrhonisme était une façade qui lui permettait d'évaluer l'esprit de ses élèves avant de les initier aux dogmes véritables du maître. Il aurait feint de ne rien croire et son doute était également une protection contre les attaques de ses adversaires.

Il est pourtant difficile de croire qu'un grand dialecticien ait pu avoir de telles craintes. Tous les témoignages dont nous disposons (Cicéron, Sextus Empiricus, Augustin d'Hippone) ont une forme dubitative et on rappellera également que Timon de Phlionte a fait l'éloge funèbre d'Arcésilas. Arcésilas était donc, selon toute vraisemblance, un esprit sceptique de la Nouvelle Académie que l'on doit distinguer du probabilisme à venir.

Bibliographie

Sources

Études sur Arcésilas

  • Victor Brochard, Les Sceptiques grecs, livre II, §2 (le présent article a été réalisé sur la base de ce chapitre).
  • Anthony A. Long et David N. Sedley, Les philosophes hellénistiques (1986), trad., Garnier-Flammarion, 1997, t. III : Les Académiciens, la renaissance du pyrrhonisme.
  • Stanford Encyclopedia of Philosophy [1]

Notes

  1. Acad., II, 6, 16.
  2. Ibid., II, 6, 18.
  3. Cf. Tertullien, Ad nationes, II, 2 et Plutarque, Adversus Colotès, 26.
  4. Acad., II, 7, 22.
  5. Cf. Sextus Empiricus, Contre les professeurs, VII, 158.
  6. Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique, XIV, VI, 5.
  7. Plutarque, Adversus Colotès, 26.
  8. Esq. Pyr, I, 234.
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