Bulle spéculative japonaise

Bulle spéculative japonaise

La Bulle spéculative japonaise (バブル景気, baburu keiki?, littéralement « bulle économique ») est une bulle économique survenue au Japon de 1986 à 1990 qui a concerné principalement les actions mais aussi l'immobilier[1]. La bulle, la plus importante de l'Histoire des bourses de valeurs, a été provoquée par un rapatriement rapide de capitaux japonais en provenance des États-Unis, suite à une dépréciation brutale du dollar américain liée aux accords du Plaza mettant terme au « miracle économique japonais ». L'explosion de cette bulle a duré plus d'une décennie avec un plus bas des indices boursiers en 2003 et une baisse des prix du foncier jusqu'en 2005[2]. L'explosion de la bulle d'actifs japonaise a abouti à la décennie perdue[3] (ère Heisei) caractérisée par une période de stagnation économique et de déflation.

Indice historique des prix du foncier du Japon (1965-2008).
Indice Nikkei 225 durant de 1970 à nos jours. Le gonflement de la bulle d'actifs en 1985 est particulièrement marqué avec ensuite tendance longue baissière qui se continue jusqu'à aujourd'hui.

Sommaire

Origine

Après la Seconde Guerre mondiale, dans les décennies suivantes, le Japon a fortement encouragé l'épargne de ses habitants. Grâce à cette manne en dépôt dans les banques, la politique d'octroi des prêts a été beaucoup plus facile permettant ainsi de financer la reconstruction de son économie. Le Japon possède alors une balance commerciale largement positive permettant au Yen japonais de s'apprécier de manière significative par rapport aux autres monnaies étrangères. Ces deux effets ont permis aux entreprises d'avoir des ressources en capital beaucoup plus facilement que ses concurrents étrangers réduisant le prix des biens manufacturiers et accroissant le surplus de la balance commerciale. Le yen s'appréciant, la possession d'actifs est devenue très lucrative[4].

Apogée

Avec un tel niveau d'argent et de liquidité disponible, la spéculation est devenue inévitable particulièrement à la bourse de Tokyo et au niveau du marché immobilier. Par exemple, au niveau du marché actions, l'indice Nikkei 225 a atteint un point culminant le 29 décembre 1989, le plus haut lors de la séance étant de 38 957,44, l'indice lors de la clôture étant 38 915,87[5]. Parallèlement les banques ont augmenté leurs prêts à risques portant ainsi une responsabilité majeure dans la formation de la bulle et alimentant la spéculation au niveau de tous les biens possibles immobiliers, terrains, tableaux, bijoux, etc[6].

Les prix immobiliers étaient au plus haut à Tokyo et tout particulièrement dans le secteur Ginza avec des propriétés de premier choix avoisinant les cent millions de yen par m²[7]. Les prix étaient d'une manière marginale plus faible dans les autres secteurs commerciaux de Tokyo.

Éclatement

En 2004, « la valeur d'une propriété de standing à Tokyo située dans les quartiers financiers suite à l'effondrement correspondait à 1% de la valeur au sommet du pic tandis que les prix des biens résidentiels classiques à 10% seulement de leur valeur du sommet »[8],[9],[10] ; mais elles étaient toujours classées comme étant les plus chères au monde et n'ont été surpassées que dans le courant des années 2000 à Moscou[11] et dans d'autres villes du fait de la bulle immobilière mondiale. Des dizaines de milliers de milliards de dollars en valeur se sont évaporés lors de l'explosion du marché boursier et du marché immobilier. Comme le montre le graphique ci-contre, les prix du foncier ont baissé durant plus d'une décennie, entre 1991 et 2006, les prix de l’immobilier n'ont cessé de diminuer retrouvant leur niveau pré-bulle immobilière. En 2007, les prix ont recommencé à augmenter mais ont été également souffert de la crise financière en fin 2008. Fin 2005, un article du New-York Times, s'attache à déterminer des possibles conséquences de l'explosion de la bulle immobilière américaine des années 2000 et à déterminer les éventuelles ressemblances. L'histoire de propriétaires japonais coincés par leur situation de modifier] Conséquences

Avec une économie gouvernée par des taux d'investissement très élevé, le krach a été particulièrement dur[13]. Les investissements se sont concentrés à l'extérieur du pays, les entreprises manufacturières perdant une partie de leur avance technologique. Les produits japonais devenant moins compétitifs à l'exportation, le faible taux de consommation des ménages japonais a pesé sur l'économie causant une spirale déflationniste[14]. La banque centrale japonaise a dû baisser ses taux directeurs vers zéro[15]. Le fait que cette politique de création monétaire très accommodante n'ait pas réussi à arrêter la déflation, des économistes comme Paul Krugman, ou des hommes politiques japonais suggère une politique de ciblage d'inflation[16].

L'attribution de manière très facile voire laxiste de crédits par les banques est une des causes de la création et du gonflement de la bulle immobilière se transformant en un problème à très long terme, les banques faisant des emprunts en 1997 avec une probabilité faible d'être intégralement remboursé. Les équipes et les responsables de l'octroi des prêts ont eu des difficultés à trouver des investissements qui puissent être profitables. Dans certains cas, en dernier cours, l'argent était investit comme dépôt ordinaire dans une banque concurrente. Résoudre le problème du crédit est devenu encore plus difficile lorsque le gouvernement a commencé à subventionner des banques et des entreprises en difficulté créant de nombreuses banques[17]ou entreprises zombies[18]. Finalement, le carry trade s'est développé ces dernières années où l'argent était emprunté au Japon quasiment de manière gratuite, ensuite investi ailleurs dans le monde et enfin remboursé avec au passage un profit conséquent pour le trader[19],[20].

La période correspondant à l'explosion de la bulle (崩壊, hōkai?), qui s'est déroulé de manière graduelle est connue comme « la décennie perdue » ou « la fin du siècle » (失われた十年, ushinawareta jūnen?) au Japon. Elle est marquée par une augmentation du taux de chômage[21]. À cette correction se sont également ajoutées les conséquences de la crise économique asiatique en 1997[22].

Dans la culture populaire

  • Le film japonais de science fiction Bubble Fiction: Boom or Bust raconte l'histoire d'une femme qui voyage dans le passé juste avant que la bulle n'éclate de manière à éviter que la loi interdisant d'utiliser l'immobilier comme garantie d'emprunt ne soit votée.
  • La bulle d'actifs est également présente au niveau du manga Living Game publié par Shogakukan.

Notes et références

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article en anglais intitulé « Japanese asset price bubble » (voir la liste des auteurs)

  1. (en) Japan's Bubble Economy, www.sjsu.edu. Consulté le 2009-04-20
  2. article À quand une reprise immobilière?, février 2005, Observateur de l'OCDE
  3. (en) Hiroshi YOSHIKAWA, Japan’s Lost Decade : Tenkanki no Nihon keizai, t. 11, Tokyo, [International House of Japan], 1ste éd., 240 p. 
  4. (en) [http://www.imes.boj.or.jp/english/publication/edps/2003/03-E-15.pdf Asset Price Bubble in Japan in the 1980s: Lessons for Financial and Macroeconomic Stability]. Consulté le 2009-04-20
  5. Karyn Poupée, « Il y a 20 ans, la bulle enflait, enflait... et les Japonais s'éclataient » sur Aujourd'hui le Japon, AFP, 28 décembre 2009. Consulté le 28 décembre 2009
  6. Guillaume Puech, « Il y a 20 ans, la bulle japonaise se préparait à éclater » sur Lefigaro.fr, AFP, 28 décembre 2009. Consulté le 28 décembre 2009
  7. Philippe Pons, « La spéculation foncière dans la capitale japonaise Tokyo, la ville sans prix », dans [Monde], 09 octobre 1987 [texte intégral (page consultée le 2 janvier 2009)] 
  8. Philippe Pons, « Six millions de mètres carrés inoccupés à Tokyo Au Japon, la spéculation était montée jusqu'aux étoiles. Le gouvernement essaie d'éviter un effondrement des prix », dans [Monde], 15 octobre 1992 [texte intégral (page consultée le 2 janvier 2009)] 
  9. Anne Bauer, « Boutiques: l'avenue Montaigne détrônée par la Vaci Utca de Budapest », dans Les Echos, vol. Supplément Conjoncture, 19 janvier 1994 [texte intégral (page consultée le 2 janvier 2009)] 
  10. Régis Arnaud, « Le Japon, le pays où la vie est moins chère », dans Magazine Challenges, 2007 [texte intégral (page consultée le 2 janvier 2009)] 
  11. Moscou reste la ville la plus chère pour les expatriés sur Challenges.fr, Challenges, le 24 juillet 2008. Consulté le 2 janvier 2009
  12. (en) Take It From Japan: Bubbles Hurt (2005-12-25).
  13. Gérard Moatti, « JAPON : La crise (et ce qu'elle va changer) », dans [[1]], 18 février 1993 [texte intégral (page consultée le 2 janvier 2009)] 
  14. David Barroux, « Le Japon flirte dangereusement avec la spirale déflationniste », dans [Echos], vol. 18839, 06 février 2003, p. 7 [texte intégral (page consultée le 2 janvier 2009)] 
  15. Pierre-Antoine Delhommais et Pierre Pons, « Baisse du taux directeur nippon à un plancher historique de 0,15 % », dans [Monde], 14 février 1999 [texte intégral (page consultée le 2 janvier 2009)] 
  16. (en) Voir par exemple le site web de Paul Krugman
  17. David Barroux, « Comment le gouvernement japonais tente de sauver les banques », dans [Echos], vol. 18914, 27 juin 2003, p. 22 [texte intégral (page consultée le 2 janvier 2009)] 
  18. David Barroux, « BTP : nouvelle faillite retentissante au Japon », dans [Echos], no 18607, 5 mars 2003, p. 16 [texte intégral (page consultée le 2 janvier 2009)] 
  19. Pierre-Antoine Delhommais, « La stratégie japonaise d'argent facile a déstabilisé l'Asie », dans [Monde], 16 décembre 1997 
  20. Pierre-Antoine Delhommais, « Les dangers de la bulle monétaire », dans [Monde], 22 avril 1999 [texte intégral (page consultée le 2 janvier 2009)] 
  21. rapport, Banque du Japon, 2003, page 19
  22. Lucas Delattre, « Le FMI révise à la baisse ses prévisions de croissance pour 1998 », dans [Monde], 23 décembre 1997 [texte intégral (page consultée le 2 janvier 2009)] 

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • (fr) Natacha Aveline, La Bulle foncière au Japon, Adef-Etudes Foncières, 1995 (ISBN 2-905942-25-8)
  • (en) Gary Saxonhouse et Robert Stern (Eds), Japan's Lost Decade: Origins, Consequences and Prospects for Recovery (World Economy Special Issues), Wiley-Blackwell, 2004 (ISBN 978-1405119177)
  • (en) Christopher Wood, The Bubble Economy: Japan's Extraordinary Speculative Boom of the '80s and the Dramatic Bust of the '90s, Solstice Publishing, 2005 (ISBN 978-9793780122)
  • (en) Thomas Daniell, After the Crash: Architecture in Post-Bubble Japan, Princeton Architectural Press, 2008 (ISBN 978-1568987767)

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Bulle spéculative japonaise de Wikipédia en français (auteurs)

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