Écritures du sanskrit

Écritures du sanskrit

Les écritures du sanskrit ...

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Les écritures du sanskrit

Longtemps de tradition purement orale, ou peut-être progressivement à l'aide de symboles logographiques ou idéographiques, voire de signes syllabiques (via l'acrophonie) liés aux cultes, la religion hindouiste n'a pas eu besoin de fixer ses textes. C'est tardivement que l'emploi de la brāhmī, d'abord (semi-syllabaire utilisé pour les édits d'Ashoka), puis de la multitude d'écritures qui en dérivent, est généralisé, pour les textes profanes, puis sacrés. Chaque région de l'Inde utilise l'écriture qui lui sert pour noter sa propre langue afin d'écrire les textes sanskrits ; le sanskrit n'a ainsi pas d'écriture attitrée et, surtout, peut être noté par différents semi-syllabaires qui doivent donc être capables de représenter certains phonèmes dont ils n'ont pas l'usage autrement. L'on peut donner un exemple de cette souplesse d'emploi des écritures indiennes avec une même phrase sanskrite notée dans plusieurs graphies :

Phrase sanskrite.png
Que Śiva bénisse les amateurs de la langue des dieux.
(Kālidāsa)

Au début du VIIe siècle, à l'époque de la dynastie chinoise des Tang, lorsque le grand chercheur bouddhiste chinois Xuanzang étudia le dharma bouddhique en Inde et d'y ramena en Chine des centaines de soutras et commentaires, l'écriture utilisée en Inde et celle des textes bouddhiques était une écriture appelée le Siddham, Xītán 悉昙 en chinois.

Ce sont les colons britanniques qui, pendant leur suprématie, ont imposé une de ces écritures, la devanāgarī, elle aussi issue de la brāhmī. C'est maintenant en devanāgarī que l'on écrit majoritairement le sanskrit en Inde et dans les éditions occidentales.

En outre, en se transmettant par le bouddhisme, des termes sanskrits ont été adaptés en chinois puis en japonais, dont les écritures logographiques réclament la création de caractères phonétiques destinés à cet usage ou l'utilisation de caractères indépendamment de leur sens ; ainsi, le terme sanskrit bodhisattva est noté par 菩提薩埵, qui se lisait vraisemblablement bu-dej-sat-thwa en moyen chinois (de nos jours pútísāduò, abrégé en 菩薩 (púsà), d'où vient d'ailleurs le mot français poussah, « jouet à bascule » puis « gros homme ventru et débonnaire »). De ces caractères seuls 提 (tí), « tirer », et 埵 (duǒ), « terre compacte », ont un sens, qui est évincé dans le composé au profit du son, tandis que 菩 et 薩 n'ont jamais servi qu'à cette transcription et n'ont par ailleurs aucune signification.

Enfin, le Xe congrès des Orientalistes fixa, en 1894 à Genève, une transcription latine qui, de nos jours, est la seule utilisée dans les ouvrages didactiques occidentaux. C'est cette même transcription, qui, quelque peu augmentée, permet aussi de transcrire toutes les autres langues indiennes, qu'elles soient ou non indo-aryennes, au moyen des mêmes symboles. Cette transcription est décrite en détail dans l'article consacré à la transcription traditionnelle des langues de l'Inde.

L'étude de l'écriture de la civilisation de l'Indus, basée sur des sceaux et des empreintes de sceaux « harappéens » datés du troisième millénaire avant J.-C., conduit certains chercheurs, notamment indiens, à suggérer qu'elle exprimait aussi, non pas une langue dravidienne (opinion la plus répandue), mais bien, au moins sur certains documents dénotant des rites pré-hindous assez explicites, une langue indo-iranienne voire indo-aryenne.

Plus récemment, un linguiste a proposé également, sur la base des fréquences de caractères et de l'épigraphie comparée, de discerner dans le crétois minoen noté en linéaire A (écriture syllabique de la première moitié et du milieu du IIe millénaire av. JC en Crète) une langue de la famille indo-iranienne, dont le niveau religieux de langue (appliqué aux tables à libation de pierre) s'apparente étroitement au sanskrit védique ancien (voir références et liens, infra). Des théonymes comme Indra, Asura, y auraient leurs équivalents (I(n)tar, Asirai) qui ne sont pas sans rappeler des divinités du Mitanni et celles de l'Iran pré-islamique.

Calligraphies indiennes

L'écriture cunéiforme s'efface au Moyen-Orient, vers le Ve siècle av. J.‑C., devant l'écriture et la numération araméennes qui se diffusent vers le soleil levant jusque dans l'immense vallée de l'Indus[1]. À cette époque seize royaumes s'amalgament, en Inde orientale, en quatre états puissants dont l'hégémonique Magadha.

En 364 av. J.-C. la dynastie des Nandas s'impose (nanda- la joie d'avoir un fils), lorsque paraît en Inde une écriture cursive dérivée de l'araméenne, la kharoṣṭhī- qu'utilisent ensuite les Mauryas (maurya-), de Chandragupta l'ancien (Candragupta-) qui renverse les Nandas en 321 av. J.-C. jusqu'au règne du puissant Açoka (Aśoka- sans souci), mort en 232 av. J.-C., durant lequel naît la première écriture vraiment indienne, la brāhmī-, utilisée conjointement avec la kharoṣṭhī- pour graver les édits du grand monarque sur des stèles de pierre.

Parmi les écritures utilisées à l'époque (supposée) de Patañjali au IIe siècle av. J.‑C., la brāhmī-, lettres et chiffres, fut utilisée pour des inscriptions bouddhistes dans les grottes de Nana Ghat, qui montrent aussi une nouvelle écriture, dérivée de la brāhmī-. Un siècle plus tard, la même écriture dérivée est gravée dans les grottes de Nasik-sur-Godavari, qui utilise les chiffres de 1 à 9 non encore régis par une règle numérale de position[2].

Au millénaire suivant, la dynastie Gupta atteint son apogée sous Candragupta II (375-413), (candra- le Lunaire, gupta- caché). Sous son règne fleurit une écriture gupta- dont dérivent les écritures successives de l'Asie centrale et de l'Inde du nord. Des inscriptions en pallava (pallava- une fleur, un rameau), chaloukya (cālukya-), et vallabhi (vallabhī- bien-aimée) datent de la même époque, en graphies dont dériveront les systèmes d'écriture méridionaux. En 458 parait, dans une cosmologie jaïniste écrite en sanskrit (la lokavibhāga-, vibhāga- partage, loka- du monde), la règle numérale de position selon la base 10, reprise par les astronomes Âryabhata- en 510 et Varāhamihirya- en 575 (varāha- sanglier, mihiriya- fils du soleil ; perses, grecs et romains influencèrent ce grand savant). De 598 date la plus ancienne inscription sanskrite du… Cambodge (une date : an 520 de l'ère śaka- scythe).

De la brāhmī- dérivent donc les nombreuses calligraphies utilisées en Inde jusqu'à ce jour. L'une d'elles, parrainée par les britanniques durant leur Empire des Indes, est la devanāgarī- qui, légèrement transformée, permet d'écrire la langue hindī- contemporaine. Le sanskrit peut s'écrire en devanāgarī-, préférée par l'Université, mais aussi dans toute autre écriture indienne, tamoul (tamil-), télougou (telugu-), malayalam (malayālam- la plus méridionale de toutes), etc.

  • Voir aussi : Sanskrit, un exemple de ces calligraphies est donné dans la section : Les écritures du sanskrit.

Chaque caractère consonantique de la devanāgarī- note une demi-syllabe : une consonne suivie de la voyelle neutre /a/. Exemple : lire K se prononce KA. Cette écriture (comme la brāhmī- dont elle dérive) est demi-syllabique, et l'alphabet de ses caractères, qui contient aussi des voyelles, est dit demi-syllabaire.

Voici la notation des caractères :

  • (un TABLEAU à compléter en calligraphie devanāgarī- suivra ici…)

Les signes orthographiques traditionnellement utilisés, mais non retenus dans l'alphabet sont : visarga- (ः) anusvāra- (ं) anunāsika- () avagraha- () virāma- (्) et les 10 chiffres indiens (० १ २ ३ ४ ५ ६ ७ ८ ९). L'usage de ces signes sera expliqué dans la section phonétique ci-après.

Les signes de ponctuation sont : le daṇḍa (barre de demi-pause), et le double daṇḍa (double barre de pause).

La Chrestomathie sanskrite de Nadine Stchoupak permet d'exercer la lecture de la nāgarī- ancienne. Les nouvelles de Kriṣṇa Baldev Vaid : Histoire de renaissances en édition bilingue hindi-français, permet de lire la nāgarī- moderne.(Ces livres sont cités dans la bibliographie en fin d'article).

Translittération genevoise

La difficulté d'imprimer les caractères nāgarī- en Occident imposa aux érudits européens l'usage de diverses transcriptions utilisant les particularités de leurs langues d'origine. Au XIXe siècle fleurirent des transcriptions allemandes, anglaises, françaises… La traduction française du Rigveda- par Alexandre Langlois (1788 - 1854), rééditée en 1872, offre un exemple pertinent de cette diversité (voir bibliographie en fin d'article).

Le Xe Congrès des Orientalistes, réuni à Genève en 1894, codifia une translittération de l'écriture devanāgarī- qui fait depuis lors autorité pour les ouvrages didactiques édités par les universités. Cette translittération utilise des caractères empruntés à l'alphabet latin, et les signes diacritiques suivants : petit cercle (°) et point (.) souscrits, accent aigu (´) et tilde (~).

1. Voici le tableau des caractères de l'alphabet (akṣarasamāmnāya-) classés selon l'ordre traditionnel utilisé par les dictionnaires, en transcription dactylographique :

  • a ā i ī u ū (ṛ) (ṝ) (ḷ)
  • e ai o au
  • ḥ ṃ
  • k kh g gh ṅ
  • c ch j jh ñ
  • ṭ ṭh ḍ ḍh ṇ
  • t th d dh n
  • p ph b bh m
  • y r l v
  • ś ṣ s h

2. L'orthographe correcte de la translittération genevoise des caractères figurant entre parenthèses dans la liste ci-dessus se décrit comme suit :

  • (r.) (rr.) (l.) remplacer le point qui suit ces lettres par un point souscrit ;
  • (rr.) réduire ces deux caractères à un ;
  • (h.) (m.) (t.) (th.) (d.) (dh.) (n.) (s.) le point ne suit pas ces lettres, il est souscrit ;
  • (s’) s'écrit s surmonté d'un accent aigu, et non s suivi du signe d'apostrophe ;
  • (n’) s'écrit n surmonté d'un point, et non n suivi du signe d'apostrophe.

3. Et voici le tableau des caractères de l'alphabet sanskrit en translittération genevoise : (Une page d'aide Unicode permet de traiter correctement l'orthographe des caractères spéciaux munis de signes diacritiques).

Transcription dactylographique

À défaut de moyens dactylographiques capables d'écrire correctement ce qui précède, certains textes omettent les signes diacritiques (tels petits cercles (°) et points (.) souscrits), et utilisent franchement ç[3] et sh pour noter les deux caractères originaux correspondant à (s' ) et à (s.), et ri pour noter la voyelle r. (çiva ou shiva pour s'iva-, ashta pour as.t.a-, et rishi pour r.s.i-, par exemple). L'usage du ç s'explique : ç est le caractère de l'alphabet phonétique international (de l'Association phonétique internationale, sigle : API, fondée en 1886 par Paul Passy) qui correspond le mieux à la prononciation de la fricative s’ du sanskrit.

Le Petit Larousse grand format 2006 transcrit les mots sanskrits sans utiliser aucun signe diacritique (ainsi lit-on Mahabharata pour mahâbhârata-), et fournit toujours une orthographe la plus proche du français (il donne télougou pour telugu-) ; cet article s'adressant à des francophones il suivra cet usage qui facilite l'emploi de liens internes et externes, mais complètera chaque citation francisée par le mot sanskrit en transcription dactylographique, permettant ainsi au lecteur de s'approcher au plus près de la prononciation classique indienne de cette langue éminemment orale.

Une consultation rapide de l'écran sans l'aide d' Unicode rend les mots translittérés illisibles : cet article utilisera donc une transcription dactylographique utilisant les caractères notés ci-dessus entre parenthèses qui, dans une version ultérieure, sera suivie d'une brève traduction française, de la calligraphie devanâgarî-, et de sa translittération genevoise à traiter par Unicode pour être lisible.

  • Exemple : / as.t.a- / (en français : huit) / (en devanāgarī- : अष्ट) / (translittération : aṣṭa) /

Notes et références

  1. cette section se réfère à deux ouvrages utiles :
    • Chronologie de l'histoire mondiale, collection Chronos, permet de situer hommes et faits indiens remarquables parmi les événements importants de l'histoire universelle (voir bibliographie ci-dessous).
    • Histoire universelle des chiffres de Georges Ifrah (né en 1947) décrit, outre les systèmes de numération des premiers hommes à nos jours, l'histoire des chiffres et des lettres, dont celle des écritures indiennes (voir bibliographie ci-dessous).
  2. deux remarques :
    • Nana Ghat fut-il le lieu de différents (nānā-) meurtres (ghāta-) ?
    • Quant à Nasik, le Ramayana raconte que Lakshmana (Lakṣmaṇa-), frère de Rama, y coupa le nez (nāsika-) de la sœur du démon Ravana (Râvaṇa-) (l'abondance de vocabulaire en ces pages familiarise l'esprit avec des mots qu'analysera ensuite la section de morphologie).
  3. L'usage du ç dans la transcription du sanskrit est devenu obsolète (The Sanskrit Heritage Dictionary, page 4 - version 250 du 6 janvier 2011 -)

Bibliographie

  • Françoise Bonnefoy et dix-sept autres auteurs, Chronologie de l'histoire mondiale : grands événements classés par année (de 4000 av. J.-C. à 1977 de notre ère) et par rubrique (208 pages), grands hommes cités dans un tableau synoptique (de 700 av. J.-C. à 1977 de notre ère) en 57 pages polychromes, index alphabétique, et quatorze planisphères historiques, collection Chronos, Sélection du Reader's Digest, première édition, Paris, 1978, 378 pages.
    (Le tableau synoptique cite de nombreux grands indiens, de Bouddha à Gandhi, mais l'histoire de l'Inde commence, dans la section événements, en 2000 av. J.-C.).
  • Georges Ifrah, Histoire universelle des chiffres, ouvrage publié avec le concours du Centre national de la recherche scientifique, Editions Seghers, Paris, 1981, 568 pages.
    (Origine des chiffres "indo-arabes" au chapitre 30, informations relatives aux écritures indiennes anciennes, et repères chronologiques en fin d'ouvrage).
  • Nadine Stchoupak, Chrestomathie sanskrite, préfacée par Louis Renou, publication de l'institut de civilisation indienne, Librairie d'Amérique et d'Orient, Adrien Maisonneuve, Jean Maisonneuve successeur, Paris, 1977, 88 pages.
    (Contient une rareté : un lexique du français au sanskrit).
  • Krishna Baldev Vaid, Histoire de renaissances, nouvelles présentées et traduites du hindi par Annie Montaut, avec le concours du Centre national du livre, ouvrage bilingue hindi-français, Langues & Mondes, l'Asiathèque, Paris 2002, 211 pages (ISBN 2-911053-81-8)
    (Pour se familiariser avec l'écriture nâgarî- contemporaine).
  • Alexandre Langlois, membre de l'Institut, Rig-Véda ou livre des hymnes, traduit du sanscrit, deuxième édition datée de 1872 revue, corrigée et augmentée d'un index analytique par Ph. Ed. Foucaux, réimpression en 1984, Librairie d'Amérique et d'Orient, Jean Maisonneuve successeur, Paris, 646 pages (ISBN 2-7200-1029-4)
    (Nombreuses transcriptions de mots sanskrits « à la française », antérieures au Xe Congrès des Orientalistes en 1894).

Grammaires

  • Louis Renou, Grammaire sanskrite, Paris 1935
  • Louis Renou, Grammaire védique, Paris 1952
  • Louis Renou, Grammaire sanskrite élémentaire, 109 pages, Librairie d'Amérique et d'Orient, Adrien Maisonneuve, J.Maisonneuve, succ., Paris 1978.
  • Jan Gonda, professeur à l'université d'Utrecht, (traduit de l'allemand par Rosane Rocher, aspirant du fonds national belge de la recherche scientifique), Manuel de grammaire élémentaire de la langue sanskrite, 173 pages, E.J. Brill, Leiden, & Adrien Maisonneuve, Paris, 1966 (Éd. revue et corrigée 1997, réimpression 2002).
  • Jean Varenne, professeur à l'université de Provence, Grammaire du sanskrit 128 pages, Presses Universitaires de France, collection "Que sais-je" n° 1416, Paris 1971 (ISBN 9782130358947)

Lexiques

Voir aussi

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