Biosphère II

Biosphère II

32°34′43.60″N 110°51′02.14″O / 32.5787778, -110.8505944

Biosphère II, vue de l'extérieur
Biosphère II vue de l'intérieur, la savane au 1er plan et l'océan dans le fond.
Biosphère II vue de l'extérieur, côté opposé

Biosphère II, ou Biosphère 2, est un site expérimental construit pour reproduire un système écologique artificiel clos situé à Oracle (en), dans le désert de l'Arizona. Biosphère 2 fut construite entre 1987 et 1991 par Space Biosphere Ventures, une entreprise dont les promoteurs furent John Polk Allen et Margret Augustine. Cette structure avait pour but de tenter de recréer un écosystème viable à l'intérieur d'un immense dôme fermé. Il avait entre autres objectifs d'évaluer la faisabilité de biosphères identiques lors de la colonisation spatiale. L'expérience a été baptisée Biosphère 2 en considérant que la Terre est « Biosphère 1 ». Les fonds nécessaires, évalués à 200 millions de dollars furent fournis par Edward Bass (en) entre 1985 et 2007.

Avec une superficie de 1,27 ha, c'est le plus grand système écologique fermé jamais construit. On y avait reconstitué différents écosystèmes : une forêt tropicale humide, un océan avec sa barrière de corail, une mangrove, une savane, un désert, un terrain reservé à l'agriculture, un habitat humain avec ses quartiers privés et ses lieux de travail, ainsi qu'un étage en sous sol pour les installations techniques. De l'eau chaude et froide circulait à travers un réseau de tuyaux indépendant, et l'énergie électrique était fournie par une centrale au gaz naturel.

Son étanchéité permit aux scientifiques de mesurer chaque modifications de l'air, de l'eau et du sol, ainsi que l'état de santé de l'équipage humain qui y vivait.

Deux missions ont été menées dans le dôme scellé. La première a duré du 26 septembre 1991 au 26 septembre 1993. La seconde a duré six mois en 1994. Biosphère 2 a été créée car les chercheurs voulaient voir s'il était possible de faire une telle expérience sur Mars pour pouvoir vivre à sa surface. Ce projet, s'il a échoué, concernant notamment le recyclage de l'air, a eu le mérite de montrer la difficulté de maîtriser un écosystème.

En juin 2006, la zone n'est plus utilisée à des fins scientifiques, la structure n'est plus en système clos. Située dans la périphérie de Tucson, elle intéresse les promoteurs immobiliers qui comptent y construire des résidences[1]. Le 5 juin 2007, la structure et ses terrains environnants, totalisant 668 hectares, sont vendus à un promoteur immobilier pour 50 millions de dollars. Un projet de construction de maisons et d'un hôtel est prévu. La structure de la Biosphère doit rester ouverte pour des visites touristiques[2]. Le 26 juin 2007, l'Université d'Arizona annonce qu'elle pourrait reprendre des recherches au sein de Biosphère 2, ce qui met fin aux craintes de voir la structure détruite. Les responsables de l'université annoncent que des dons privés pourront permettre de financer les recherches et les coûts d'entretien pour trois années, avec une possible extension à 10 ans[3].

Sommaire

Historique

Deux missions ont été menées dans le dôme scellé. La première a duré du 26 septembre 1991 au 26 septembre 1993. La seconde a duré six mois en 1994.

Première mission

L'équipe de la première mission était constituée de huit scientifiques, médecins et chercheurs : Roy Walford, Jane Poynter, Taber McCullum, Mark Nelson, Sally Silverstone, Abigail Alling, Mark Van Thillo et Linda Leigh.

Lors de la mission, l'autarcie alimentaire était notamment assurée par des cultures. Les plants de bananes et de pommes de terre poussèrent très bien, représentant une source significative de nourriture pour l'équipe.

Pourtant durant cette première mission, on se rendit compte que le niveau d'oxygène dans le dôme diminuait de 0,5 % par mois, sans possibilité de trouver l'équilibre qui assurerait sa stabilité. À un moment, l'atmosphère intérieure est devenue comparable à celle qu'on peut retrouver à 1 200 m d'altitude ; petit à petit le niveau est devenu tellement bas, que certains membres de l'équipe tombèrent malades, et il fallut absolument introduire artificiellement de l'oxygène venant de l'extérieur à l'intérieur du dôme, ce qui fit perdre toute crédibilité à la mission.

Biosphère II vue de l'extérieur

Ces problèmes atmosphériques ont été en grande partie dus à la faible luminosité extérieure, cette année là en effet le temps a été particulièrement mauvais en Arizona, et la photosynthèse, qui devait produire assez d'oxygène pour assurer l'équilibre, n'a pu être suffisante. On s'est également rendu compte que la structure même de la sphère, bloquait une part importante des rayons lumineux.

Pour expliquer cette forte baisse d'oxygène, certains suspectèrent le rôle des microbes introduits dans la terre des sections agricoles, de la savane et de la forêt tropicale, afin de faciliter la croissance des plantes. La quantité de carbone contenu dans le sol dès le début de l'expérience s'est avérée trop importante, les microbes ont donc transformé tout le carbone du sol en dioxyde de carbone, consommant ainsi trop d'oxygène. Si les taux de CO2 n'ont pas monté de façon alarmante, c'est que ce gaz semble avoir été absorbé au fur et à mesure par le béton constituant la base du dôme.

D'après Neil Campbell et Jane Reece[4], Biosphere 2 souffrait de niveaux de CO2 très fluctuants, et presque toutes les espèces de vertébrés et tous les insectes pollinisateurs moururent. Il y eut une prolifération de cafards et d'autres nuisibles, qu'il fallut contenir. Les fourmis ne furent délibérément pas introduites dans l'habitat mais une espèce locale se développa très bien.

Deuxième mission

La seconde mission débute le 6 mars 1994, pour une durée annoncée de 10 mois. L'équipage se compose de Norberto Romo (Capitaine), John Druitt, Matt Finn, Pascale Maslin, Charlotte Godfrey, Rodrigo Romo (pas de lien de parenté avec Norberto) et de Tilak Mahato.

Le 1er avril 1994, une dispute au sein de l'équipe de direction a lieu. Le 5 avril 1994, à 3 heures du matin, Abigail Alling et Mark Van Thillo, membres du premier équipage, vandalisent délibérément le projet en ouvrant des portes et en violant l'étanchéité du lieu. Peu après le capitaine Norberto Romo (alors marié avec Margret Augustine) quitte Biosphère. Il est remplacé par Bernd Zabel, qui avait été nommé capitaine lors de la première mission mais avait été remplacé à la dernière minute. Deux mois plus tard Matt Finn est remplacé par Matt Smith.

L'entreprise Space Biospheres Ventures, qui possède et dirige Biosphère est officiellement dissoute le 1er juin 1994. La deuxième mission prend fin prématurément le 6 septembre 1994.

Université Columbia

En 1995, la gestion de Biosphère 2 est confiée à l'université Columbia[5] qui l'utilise comme centre de recherche jusqu'à 2003[6], date à laquelle la gestion est reprise par les anciens propriétaires. Entre 1996 et 2003, environ 1200 étudiants sont passés dans ce centre.

Site vendu

Le 10 janvier 2005, Decisions Investments Corporation, propriétaire de Biosphere 2, annonce que le site est à vendre. La préférence va à un usage scientifique mais n'exclut pas d'autres possibilités comme des universités, des hôtels, des résidences touristiques. En juin 2007, l'agence Associated Press annonce la vente du site pour 50 millions de dollars à CDO Ranching & Development, L.P.[7]. Mille cinq cent maisons et un hôtel sont prévus, mais la structure principale sera conservée pour un usage scientifique et éducatif.

Université de l'Arizona

Le 26 juin 2007, l'Université d'Arizona annonce qu'elle assurera la direction de Biosphère 2, utilisant le site comme un laboratoire permettant l'étude des changements climatiques notamment. Edward P. Bass, le financier à l'origine du projet, a fait don de 30 millions supplémentaires de dollars pour la maintenance du site[8].

Échantillon sous cloche des biomes terrestres et aquatiques

Isolée du sol par une chape de béton et de l'atmosphère terrestre par une structure de verre étanche, Biosphère II est une serre longue de 154 mètres, large de 110 mètres, avec une hauteur maximale de 26 mètres. Chacun des biomes, ou mésocosmes, occupe une aire de plus de 500 m2. La profondeur maximale du sol est de 6 mètres, et l’océan atteint une profondeur maximale de 7 mètres[9]. Grâce à des systèmes complexes de ventilation et de refroidissement, ses concepteurs avaient l'ambition d'y offrir un échantillon des différentes zones climatiques de la planète. Les huit bionautes de l'expérience devaient produire leur nourriture dans une zone de culture intensive où pouvaient se côtoyer, sur 2 200 m2, jusqu'à cinquante variétés de fruits et légumes. Poissons, volailles, cochons et chèvres complétaient l'ordinaire. Les bionautes disposaient chacun d'un appartement dans le quartier d'habitation où se trouvaient aussi des laboratoires. La dilatation de l'air par la chaleur aurait pu faire exploser Biosphère II. Il a donc fallu relier cette serre à deux chambres de décompression dont une absorbait et restituait à volonté l'atmosphère excédentaire. Les huit mésocosmes ayant été recréés sont :

  • la forêt tropicale humide ;
  • le désert ;
  • la savane arbustive épineuse ;
  • la savane ;
  • le marais ;
  • la mangrove ;
  • l’océan et son récif corallien ;
  • et un terrain agricole[9].

Depuis le rachat de Biosphère 2 par l’Université Columbia en 1995, ces différents biomes sont utilisés à des fins de recherche scientifique. Ces études se concentrent principalement sur l’impact de changements de température, de précipitations et de concentrations en CO2 sur les biomes en place, dans le but d’avoir plus de connaissances pour mieux comprendre les changements climatiques[9].

Le désert

Biome du désert

Le désert, sur ses 1 400 m2 et son volume de 18 000 m3[9], avait une température variant entre 2 et 43°C. Deux cents plantes y avaient été plantées ou repiquées. Il a été récemment séparé des autres biomes connectés (savane, savane arbustive épineuse, mangroves, marais et océan) pour y effectuer des recherches spécifiquement sur ce mésocosme. Ce désert est de type chaud côtier, et les principales espèces de plantes rencontrées proviennent de la côte chilienne, de la côte sud-ouest de l’Afrique et du désert Baja California[10].

Recherches effectuées

Des recherches récentes effectuées dans ce biome visaient à déterminer le taux de germination de différentes plantes sous certaines conditions de précipitations (avec ou sans stress hydrique). Le modèle de base pour ce type d’expérience a été adapté à un habitat caractérisé par des cactus, dans lequel la balance de carbone de ce genre d’espèces bien adaptées aux conditions arides a été tenu en compte, et une distinction a été faite entre la biomasse aérienne et souterraine[9].

Les marais

Les marais, réalisés par Walter Adey du Laboratoire des systèmes marins du Smithsonian Institute, s'étalaient sur 3 600 m2 et reconstituaient le biotope des Everglades de Floride.

Les mangroves

Les mangroves retrouvées à Biosphère 2 couvrent une superficie de 450 m2[11]. Les plantes trouvées dans ce biome proviennent de la forêt de mangroves du sud-ouest floridien. Les caractéristiques des plantes transplantées sont très comparables à la forêt d’origine[12]. Les mangroves se retrouvent dans des marais salants et les arbres, principalement des palétuviers, sont halophiles, c’est-à-dire qu’ils sont adaptés à des conditions de salinité très élevée. La principale espèce de palétuvier se trouvant à Biosphère 2 est Rhizophora mangle L[13].

La savane

La savane réunit sur 1 200 m2 une faune et une flore originaires d'Afrique, d'Amérique du Sud et d'Australie. Ces différents types de savanes diffèrent selon les caractéristiques suivantes : la savane africaine est constituée de grands espaces fertiles et couverts d’herbacées, et les arbres s’y trouvant sont du type Acacia. La savane australienne est plutôt composée de broussailles ouvertes, et l’espèce d’arbre dominante est l’eucalyptus, tandis que la savane néotropicale est principalement constituée d’espèces végétales se trouvant en forêt tropicale humide, mais de façon beaucoup plus clairsemée, avec présence d’herbacées[14].

L'océan

L’océan, contenant le récif corallien, est un immense bassin contenant 3,5 millions de litres d’eau de mer, et a une profondeur maximale de 7 mètres. Celui-ci a été l’un des systèmes les plus audacieux et difficiles à maintenir à l’intérieur de Biosphère 2[12]. Au cours des expérimentations, le récif corallien en place a très bien répondu aux changements dans la composition de l’atmosphère, de l’intensité lumineuse ainsi qu’à des conditions climatiques adverses[12]. Après les deux ans au cours duquel la première mission s’est déroulée, 87 nouvelles colonies de corail ont été dénombrées[12].

Recherches effectuées

Les différents projets ayant eu cours dans ce biome ont permis de faire des découvertes très intéressantes et prometteuses sur les récifs coralliens. Il a été démontré que la croissance des récifs était très affectée par des changements dans la concentration en carbonate dissous. Une duplication dans la concentration atmosphérique de CO2 réduit la production de carbonate de calcium (CaCO3) par les récifs coralliens de 40%[9]. Il a été aussi découvert que les récifs coralliens ne peuvent devenir des puits de carbone à long terme, mais plutôt qu’ils vont devenir de faibles sources de production de carbone au fur et à mesure que le taux de calcification diminue[9].

Forêt tropicale humide

Pour la forêt tropicale, Ghillean Prance, directeur des Jardins botaniques de Londres, a sélectionné trois cents plantes sur une surface de 1 900 m2. Le volume total de ce mésocosme est de 27 000 m3, ce qui en fait le plus important biome au sein de Biosphère 2[9]. Les espèces végétales retrouvées dans ce biome sont un mélange d’espèces trouvées dans différents écosystèmes terrestres, et non seulement provenant de la forêt amazonienne. Par exemple, du gingembre ainsi que du bambou y ont été transplantés pour diminuer la lumière intense provenant de la réflexion du Soleil sur les parois de verre de la serre[12].

Recherches effectuées

Plusieurs expérimentations à grande échelle ont été réalisées au sein de ce biome sur la capacité des forêts tropicales à constituer des puits de carbone, en lien avec les problèmes actuels reliés aux changements climatiques. Les résultats obtenus à l’intérieur des murs de Biosphère 2 correspondent de façon remarquable aux résultats obtenus par des expérimentations semblables réalisées dans le bassin amazonien[9]. Il a été démontré qu’une période de sécheresse diminue les influx et efflux de carbone ainsi que la croissance des arbres, mais ne transforme pas la forêt tropicale de puits de CO2 à source de CO2[9]. D’autres recherches ont également été effectuées sur la libération d’isoprène par la végétation. L’isoprène est un hydrocarbure jouant un rôle important dans la chimie troposphérique et une augmentation de la production de ce composé (possible à cause des changements climatiques) entraîne des températures plus élevées ainsi que des périodes accrues de sécheresse[15].

Autres projets futurs ou en cours

Plusieurs autres projets sont actuellement en cours ou projetés. Parmi ceux-ci, il y a la mesure des flux et du temps de résidence du carbone ainsi que d’autres éléments (N, P) dans les biomes terrestres et marins, pour une compréhension approfondie des réponses des différents écosystèmes aux changements climatiques et leurs impacts sur les concentration en CO2 atmosphérique[9]. D’autres projets permettront de mesurer les changements naturels dans les concentrations en isotopes dans les composantes de l’écosystème, pour comprendre les processus et mécanismes contrôlant les cycles biogéochimiques dans les écosystèmes naturels[9]. Enfin, des expérimentations permettront de manipuler la biodiversité trouvée au sein des différents biomes, pour déterminer le rôle dans la robustesse des écosystèmes face aux changements climatiques[9].

Images

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Notes et références

  1. Bio Bust, Tucson Weekly Print Friendly, sur http://www.tucsonweekly.com, le 16 février 2006
  2. Biosphere 2 bubble sold to developers, MSNBC, 5 juin 2007
  3. Anne Ryman, « UA to take over Biosphere 2 research », The Arizona Republic, 26 juin 2007
  4. dans Biologie de Neil A. Campbell, Jane B. Reece éd De Boeck 2004, trad française de Biology, 2002
  5. William J. Broad, « Paradise Lost: Biosphere Retooled as Atmospheric Nightmare », The New York Times, 19 novembre 1996
  6. Karen W. Arenson, « Columbia University Ends Its Association With Biosphere 2 », The New York Times, 9 septembre 2003
  7. MSNBC report, June 5 2007 [1]
  8. Arizona Daily Star, 27 juin 2007, page 1
  9. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l et m Walter, A. and Lambrecht, S.C. 2004. Biosphere 2 Center as a unique tool for environmental studies. J. Environ. Monit. 6:267-277.
  10. Dempster, W.F. 2008. Tightly closed ecological systems reveal atmospheric subtleties – experience from Biosphere 2. Adv. Space Res. 42(12):1951-1956.
  11. Cellier, F.E., Nebot, A. and Greifeneder, J. 2006. Bond graph modeling of heat and humidity budgets of Biosphere 2. Environmental Modelling & Software. 21(11): 1598-1606.
  12. a, b, c, d et e Allen, J. P., Nelson, M. And Alling, A. 2003. The legacy of Biosphere 2 for the study f biospherics and closed ecological systems. Adv. Space Res. 31(7): 1629-1639."
  13. Dawes, C., Siar, K. and Marlett, D. 1999. Mangrove structure, litter and macroalgal productivity in a northern-most forest of Florida. Mangroves and Salt Marches. 3:259-267.
  14. Bryan Shorrocks. 2007. The Biology of African Savannahs (Biology of Habitat Series). Oxford, UK: Oxford University Press, 268 pp.
  15. Pegoraro, E., Rey, A. et al. 2006. Drought effect on isoprene production and consumption in Biosphere 2 tropical rainforest. Global Change Biology. 12: 456-469.

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • (en) Allen, J. P., Nelson, M., Alling, A., The legacy of Biosphere 2 for the study of biospherics and closed ecological systems, 2003  [PDF] lire en ligne



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