Virus JC

Virus JC

Le virus JC (JCPyV ou JCV) appartient à la famille des Papovaviridae humains, précisément dans la sous-famille des Polyomavirus. Le virus JC présente une certaine homologie génomique avec les virus BK humain et SV40 murin.

Sommaire

Historique

Il a été isolé pour la première fois en 1971[1] chez un patient (John Cunningham, ses initiales donnant le nom au virus) souffrant de la maladie de Hodgkin et de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP, ou PML en anglais), une affection opportuniste liée à la réactivation d'un Papovavirus, dont le virus JC.

Génome et structure

Le virus JC est un petit virus non-enveloppé (sans péplos, ou nu), de poids moléculaire 3.2 x 106 Da et dun diamètre denviron 45 nm. Son génome est constitué dune seule copie dADN double-brin circulaire dapproximativement 5300 paires de bases. La capside est de symétrie icosaédrique et composée de 72 capsomères. Tel que mentionné plus haut, le virus JC présente une homologie de séquence avec les polyomavirus BK et SV40, respectivement de 75% et 69%.

Le génome est divisé en trois parties fonctionnelles distinctes. Dune extrémité à lautre, on retrouve dabord une séquence de contrôle non-codante de 0.4 kilo bases (kb), qui contient le gène dinitiation de la transcription de lADN viral (site ori). Suivent ensuite les séquences codant pour les protéines précoces (large T et small T) de 2.4 kb. Finalement, les dernières 2.4 kb contiennent les gènes codant pour les protéines tardives (VP1, VP2, VP3 et agnoprotéine).

Protéines virales

Deux protéines sont synthétisées précocement en raison de leur lien avec la réplication virale. Lantigène large T est une grosse phosphoprotéine qui initie la réplication de lADN viral en sy fixant et en déroulant la double hélice dADN. Elle recrute aussi dautres protéines cellulaires nécessaires à la synthèse du génome. La protéine small T joue aussi un rôle dans la réplication, mais de moindre importance.

Dautres protéines sont traduites plus tardivement, en raison de leur fonction dans lassemblage de la capside des nouvelles particules virales, lune des dernières étapes du cycle réplicatif. VP1 est la protéine constituant la majeure partie de la structure de la capside. Elle est de plus impliquée dans le processus de linternalisation de la particule virale. Finalement, cette protéine joue un rôle dans la médiation de lagglutination des hématies. VP2 et VP3 sont pour leur part des protéines de capside mineures. Une quatrième protéine, lagnoprotéine, a pour principale fonction lassemblage de la capside. On la soupçonne par ailleurs de jouer un rôle dans le développement de tumeurs au cerveau, mais le mécanisme impliqué est encore peu connu.

Séroprévalence, ou épidémiologie

La prévalence dans la population générale de la séroconversion serait proche de 33%[2].

La primo-infection du virus JC sobserve normalement chez les enfants vers lâge de 10 à 14 ans et noccasionne pas de pathologie visible, sinon, dans de très rares cas, un léger trouble respiratoire temporaire. La guérison est souvent totale si lenfant présente un système immunitaire fonctionnel et une bonne santé générale. Suite à la primo-infection silencieuse, le virus JC reste latent dans lorganisme au niveau des reins, des lymphocytes B, de la moelle osseuse, de la rate et possiblement du cerveau[3]. Des tests sérologiques ont démontré quenviron 60 à 80% de la population adulte mondiale possèdent des anticorps sériques dirigés contre le virus JC, ce qui en fait un virus ubiquitaire. Chez les individus adultes sains, aucune manifestation clinique nest observée. Cependant, au cours de lexistence, il arrive que le virus soit réactivé. Cela nest observé quen cas dune immunodéficience sévère pouvant, entre autres, être causée par une infection du VIH, suite à lallogreffe dun rein, à une grossesse ou à un traitement du cancer par chimiothérapie ou radiothérapie. Dans les cas dimmunosuppressions, le virus JC est associé à la leucoencéphalopathie multifocale progressive, qui cause une démyélinisation de la substance blanche suite à latteinte des oligodendrocytes. La réactivation du virus peut être constatée grâce à lanalyse des urines, dans lesquelles des particules virales seront retrouvées. Il est à noter que le mécanisme moléculaire de limmunosuppression conduisant à la réactivation du virus JC est toutefois encore mal connu.

Hôte et tropisme

Lhôte du virus JC est strictement humain. Dans le cas de ce virus, cest son promoteur (enhancer) qui détermine son tropisme, cest-à-dire le type de cellule que le virus pourra infecter. Des expériences in vitro et in vivo ont démontré que le promoteur nest activé que dans les oligodendrocytes, et donc que la réplication du virus est limitée à ces cellules.

Transmission

La transmission du virus JC se fait par linhalation de particules aérosols, contenues dans la salive, qui suivront ensuite le tractus respiratoire. Le virus infecte premièrement les cellules épithéliales des muqueuses respiratoires, quil traversera pour ensuite passer dans la circulation sanguine. Il se rend alors aux reins, il restera normalement latent pour le reste de lexistence, à moins que ne survienne une immunodéficience. Dans ce cas, le cycle de réplication senclenche et le virus migre vers le système nerveux central. Au cerveau, le virus causera éventuellement la leucoencéphalopathie multifocale progressive, et la mort cellulaire des oligodendrocytes, causant la démyélinisation des neurones. La mort de lhôte suit malheureusement assez rapidement. Ce mécanisme est nommé « infection lente » (ou slow infection), et cest ce qui permet au virus de rester en incubation pour une période de temps aussi longue. Ce concept dinfection lente a été introduit dans les années 1930 par léquipe dun vétérinaire islandais, Björn Sigurdsson, alors quil étudiait lévolution dune maladie chez un troupeau de moutons infecté par un lentivirus[4].

Il est à noter que certains points restent obscurs quant au mode de transmission du virus JC. Dabord, la forme sous laquelle il est transmis (archetypal ou prototypical) est toujours inconnue. Techniquement, les deux formes sont assez similaires mais diffèrent au niveau de la région non-codante. En second lieu, on ne sait pas si une surinfection au virus JC est possible suite à la primo-infection dans lenfance. Ces points, et bien dautres, restent ainsi encore à élucider.

N.B. : Une étude italienne récente fait état de la possibilité dune transmission verticale, i.e. de la mère au fœtus, durant la grossesse ou peu après. Le processus est cependant peu documenté[5].

Réplication

Dans le cas des petits virus ADN double-brin, le cycle de réplication peut se résumer ainsi. Tout dabord, le génome viral dADN est transcrit en plusieurs séquences dARN messager (ARN+), lesquelles sont ensuite traduites en protéines virales de structure, qui serviront à lassemblage de nouvelles particules virales. En ce qui concerne la production de nouveaux génomes viraux, la synthèse débute aussi au niveau de lADN viral. Les deux brins sont transcrits en ARN, à partir duquel sont alors produites plusieurs copies dADN viral, qui seront intégrées dans les nouveaux virions.

Pathologies humaines associées

Le virus JC est lagent pathogène principal causant la leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP) dans les cas dimmunosuppressions sévères[6], cest-à-dire quand les concentrations sériques en lymphocytes T CD4+ sont en deçà de 100 cellules/mm3. Cette pathologie est caractérisée histologiquement par une démyélinisation progressive du tissu neuronal du système nerveux central. Les plus grands dommages cérébraux sont causés par linfection, et éventuellement la destruction, des oligodendrocytes par le virus JC. Cette maladie, excessivement rare chez les sujets immunocompétents, a été observée chez des individus affectés par la maladie de Hodgkin. Les cas de LEMP sont actuellement en très nette augmentation, puisque cette maladie est une des infections opportunistes liées à linfection par le VIH. Des autopsies et des études épidémiologiques font état dune prévalence de la LEMP denviron 5% chez les individus séropositifs. Cependant, depuis lintroduction des trithérapies (HAART, ou highly active antiRetroviral treatment) contre le VIH en 1996, lincidence de la LEMP tend à diminuer, suivant lincidence du VIH. Lissue de la leucoencéphalopathie multifocale progressive est malheureusement fatale dans les deux à six mois suivant le diagnostique. Des cas de LEMP ont été décrits à titre exceptionnel comme complications de traitements immunomodulateurs[7] dans le psoriasis ou la maladie de Crohn (atalizumab, rituximab, efalizumab ou natalizumab)

En dehors de la LEMP, le virus pourrait être responsable de méningites, d'encéphalopathies ou de neuronopathies[8].

Des études récentes faites au Japon sur des modèles animaux indiquent le virus JC présenterait des capacités mutagènes, i.e. qu'il aurait la capacité de transformer les cellules saines en cellules tumorales. Leurs résultats suggèrent un lien entre linfection par le virus JC et lincidence de plusieurs types de cancers humains, spécialement des cancers bronchiques et pulmonaires[9]. Le virus pourrait être également impliqué dans le cancer du côlon[10].

Évolution

La coévolution avec lhôte est une caractéristique des petits virus à ADN tels que les polyomavirus. Le virus JC est ubiquitaire et existe sous plus de cinq génotypes différents, identifiés aux États-Unis, en Afrique et dans une partie de lEurope et de lAsie. De récentes analyses au PCR (réaction en chaine par polymérase) du génome de ces sous-types viraux ont démontré que le virus JC na pas simplement coévolué avec lhumain, mais sest plutôt développé parallèlement à certaines populations humaines. La trouvaille la plus frappante de ses études fait suite au séquençage des génotypes du virus JC. Ceux-ci varient suffisamment de lun à lautre pour permettre de les utiliser comme marqueurs de population. En dautres termes, en suivant lévolution du virus JC chez lhumain, il est possible de suivre en parallèle les migrations des populations depuis lAsie jusquen Amérique, et ce, aussi bien dans les temps modernes que préhistoriques.

Diagnostique et isolement

Diagnostique direct

Dans les cas de suspicion dune leucoencéphalopathie multifocale progressive, il est possible de mettre en évidence les antigènes viraux JC par immunohistochimie dans les cellules du culot urinaire et dans les cellules du système nerveux central. La microscopie optique permet dans certains cas une orientation diagnostique par lobservation de la morphologie des particules virales.

Lisolement du virus JC est réalisé sur cellules gliales embryonnaires humaines enrichies en spongioblastes (cellules embryonnaires qui donneront les cellules gliales, dont les astrocytes et certaines cellules de lhypophyse). Leffet cytopathogène (ECP) est tardif et non spécifique ; lidentification virale demande donc limmunomarquage.

Diagnostique sérologique

Le virus JC est hémagglutinant, cest-à-dire quil a la capacité dagglutiner les érythrocytes du sang humain de groupe sanguin O. Le dosage de lhémagglutination est chose courante en laboratoire et permet une évaluation quantitative des particules virales.

Les anticorps sériques dirigés contre les protéines de capside du virus JC peuvent aussi être recherchés par la technique dELISA (enzyme-linked immunoSorbent assay). Dans le cas dune leucoencéphalopathie multifocale progressive, on comparera le titre des anticorps anti-JC dans le liquide céphalo-rachidien et dans le sérum sanguin. Toutefois, la mise en évidence des anticorps nest pas aisée à déchiffrer.

Traitement et vaccination

Il nexiste aucune préparation vaccinale contre le virus JC, ni aucun traitement antiviral. Étant donné que linfection est somme toute assez bénigne chez les sujets immunocompétents, la seule façon de se prémunir contre ses manifestations les plus sévères réside en la prévention de limmunodéficience. Citons simplement la prophylaxie en relation avec linfection au VIH, pour laquelle on observe une corrélation avec les cas de LEMP. Les comportements à risques pour contracter le VIH sont lusage de drogues par intraveineuse, les relations sexuelles sans protection, en particulier celles entre hommes, les greffes et les transfusions sanguines. Dans les cas de leucoencéphalopathie multifocale progressive, lissue est souvent rapide et fatale. Une des rares solutions consiste en la reconstitution du système immunitaire, par ladministration dinterférons, par exemple.

Notes et Références

  1. H.J.A. Fleury, Virologie humaine, 2e édition, Masson SA, 1997, Paris, p. 110
  2. Karl Habel, Norman P. Salzman, Fundamental Techniques in Virology, Academic Press Inc., New York
  3. Heinz Frankenkel-Contrat, Paul C. Kimball, Jay A. Levy, Virology, 2e édition, Prentice-Hall Inc.
  4. S.J. Flint, L.W. Enquist, V.R. Racaniello, A.M. Skalka, Principles of VirologyVolume 11 Pathogenesis and Control, 3e édition, ASM Press, 2009, USA.
  5. Edward K. Wagner, Martinez J. Hewlett, Basic Virology, Second Edition, Blackwell Publishing, 2004
  6. Nasimul Ahsan, Polyomaviruses and Human Diseases, Eureka.com and Springer Science + Business Media, 2006, USA.
  7. Pierre-Marie Girard, Christine Katlama, Gilles Pialoux, VIH, Édition 2007, Doin Éditeurs, France
  8. A. Mammette, Virologie Médicale, Collection Azay, Presses universitaires de Lyon, 2002
  9. Pathogenesis of Progressive Multifocal Leukoencephalopathy - http://jid.oxfordjournals.org/content/203/5/578.full, consulté le 25 avril 2011
  10. Progressive multifocal leukoencephalopathy and other forms of JC virus diseasehttp://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21131916, Consulté le 25 avril 2011
  1. Padgett BL, Walker DL, ZuRhein GM, Eckroade RJ, Dessel BH, Cultivation of papova-like virus from human brain with progressive multifocal leucoencephalopathy, Lancet, 1971;1:1257-60
  2. Knowles WA, Pipkin P, Andrews N et al. Population-based study of antibody to the human polyomaviruses BKV and JCV and the simian polyomavirus SV40, J Med Virol, 2003;71:115-23.
  3. Tan CS, Ellis LC, Wüthrich C et al. JC virus latency in the brain and extraneural organs of patients with and without progressive multifocal leukoencephalopathy, J Virol, 2010;84:9200-9.
  4. Sur Björn Sidurdsson, Consulté le 25 avril 2011
  5. Serological evidence of vertical transmission of JC and BK polyomaviruses in humans, Consulté le 25 avril 2011
  6. White MK, Khalili K, Pathogenesis of progressive multifocal leukoencephalopathyrevisited, J Infect Dis, 2011;203:578-86
  7. Focosi D, Marco T, Kast RE, Maggi F, Ceccherini-Nelli L, Petrini M, Progressive multifocal leukoencephalopathy: whats new?, Neuroscientist, 2010;16:308-23.
  8. Tan CS, Koralnik IJ, Progressive multifocal leukoencephalopathy and other disorders caused by JC virus: clinical features and pathogenesis, Lancet Neurol, 2010;9:425-37
  9. Oncogenic role of JC virus in lung cancer, Consulté le 25 avril 2011
  10. Rollison DE, JC virus infection: a cause of colorectal cancer?, J Clin Gastroenterol, 2010;44:466-8




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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Virus JC de Wikipédia en français (auteurs)

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