Service de la recherche de la RTF

Service de la recherche de la RTF

Le Service de recherche de la RTF, est lorgane crée en 1960 au sein de cette institution publique, afin dagréger les activités de recherche fondamentale concernant la radio et la télévision. Cette instance et ses créations restent inséparables de la vie et de lœuvre de Pierre Schaeffer, son instigateur et directeur-théoricien, homme de radio et de télévision prolifique, personnage controversé et charismatique.

Sommaire

Fondation(s), 1960-1963

Le service de recherche de la RTF est créé selon les dispositions de la note de service n° 1699/2651/CC du 24 octobre 1959 établie par Christian Chavanon qui lui donne pour mission de « promouvoir des études densemble, plus précisément portant sur linterdépendance des aspects technique, artistique et économique de la radio et de la télévision ; danimer des centres expérimentaux dans certains domaines spécialisés il apparaît que de nouvelles techniques conduisent à de nouveaux moyens dexpression ; dentreprendre lapplication des résultats à lintérieur et à lextérieur de la RTF ». Ce service mis sous la direction de Pierre Schaeffer, personnalité marquante du monde de laudiovisuel de lépoque, polytechnicien mais aussi philosophe et brillant théoricien de la musique concrète, aussi connu pour ses audaces théoriques que pour ses talent de « fondateur de services », en guerre contre « le gâchis, l'irresponsabilité et l'indifférence »[1]. Cet organe est également destiné à prendre le relais du Club dessai (dirigé par le poète et ancien résistant Jean Tardieu, foyer de création et de rencontres artistiques dans la RTF, héritier du Studio dessai, instance de création et de recherche radiophoniques fondée par Pierre Schaeffer au sein de la Radiodiffusion dÉtat en 1942), mais aussi du Centre détude de la Radio-Télévision (qui publiait les "Cahiers d'études de radio télévision", en collaboration avec les PUF et avec le soutien du CNRS, une revue trimestrielle d'études et de documentation sur les aspects scientifiques et artistiques de la radiodiffusion et de la télévision), ainsi que du Groupe de recherches musicales que présidait Pierre Schaeffer au sein de la RTF.

Une structure analogue à celle du GRM. voit rapidement le jour, et fonde trois sous-groupes, dotés dune autonomie dinitiative et dallocation de ressources :

  • Le Groupe des recherches technologiques qui réunit dans une perspective interdisciplinaire des physiciens des psychologues, ainsi que des informaticiens et des ingénieurs de la radiodiffusion ;
  • Le Groupe recherche Image lui se propose de défricher avec les professionnels du cinéma le terrain dun autre cinéma que celui de la fiction réaliste ;
  • Le Groupe détudes critiques, qui lui, est dédié à la rédaction de différents rapports de synthèse.

Le service ainsi fraîchement crée, se lance immédiatement dans lorganisation dun festival de recherche qui constitue, pour Schaeffer « loccasion dun inventaire et dune commune prospection préalable à des recherches plus informés et mieux coordonnées » et avait pour but de créer une série de contacts entre la RTF, les organismes de recherche et le public en alternant séances musicales dans la salle Gaveau et des rencontres et débats sur des thèmes tel que « musique et cybernétique », « réseaux et messages » en présence de spécialistes réputés. Vint ensuite lélaboration dun plan de deux ans et dun règlement des chercheurs et la mise en place de processus dintégration des nouveaux venus.

Pendant ces premières années, Schaeffer doit faire face à de multiples difficultés. En effet, le départ de Chavanon survient trois mois après la création du Service de recherche qui se voit ainsi privé de son principal soutien face à lincrédulité dune institution qui « persiste à lignorer résolument »[2] puisque lhomme, selon ses propres dires, était autant « redouté pour [s]es habiletés que pour [s]es maladresses »[3]. Il sagissait aussi de trancher au milieu du contenu assez flou que peut embrasser le mot recherche au sein dune institution telle que la RTF La démarche de Schaeffer fut qualifiée dutopique puisquil proposait d« instaurer, au sein de la RTF, une cellule suffisamment originale pour quelle serve de modèle à une réforme de structure », dans un contexte de refonte de ce service publique. Cette voie audacieuse nétait pas exempte de pierres dachoppement, la plus grosse étant les ressources humaines ; Denis Maréchal, chercheur à lINA en histoire des médias écrit à ce sujet :

'« Paraît en effet dans plusieurs organes de presse un appel incongru mais efficace :cherchons chercheurs sachant chercher”. Les impétrants doivent répondre à des exigences contradictoires, typiquement schaefériennes, puisquil ne peut sagir que d’“artistes ayant le goût de la technique ainsi que de techniciens ayant des dons artistiques” »

Cependant, dans les faits, la mission proposée au Service de recherche naissant étant particulièrement inédite et hasardeuse, il ne put recruter dans la plupart des cas que « de jeunes cinéastes sans beaucoup dexpérience, des postulants à lantenne, des débutants »[4] . Les premières années du Service furent donc consacrées à la formation de ces nouveaux arrivants et à une communication intensive en vue détablir un programme et une méthodologie de recherche.

Bien que les jeunes années du Service aient été fructueuses en production dœuvre dessai (Achalunes de René Laloux, Caustiques de Gérard de Patris et Jacques Brissot, Foules et Prisons de Robert Lapoujade etc.), ou dautres plus réflexives (Chercheurs 62, Réunions générales) ainsi quen prises de vue sur le monde des arts et du spectacle (Méthodes I, Vitrines, Salle des pas perdus, Vu du train, etc.), elles furent particulièrement sèches en termes de recherche fondamentale. La perplexité de lensemble de lORTF face à son travail aidant, Schaeffer, disciple de Gurdjieff, de sa « mystique de la hâte » et de son « intelligence du désordre » se voit obligé de déclarer en 1963 quil lui faut « désormais naviguer différemment, au plus juste et au plus vite » et qu’« il ne sagira plus désormais de persuader mais de juger ».

Schaeffer résume les années 1960-63 en ces quelques formules laconiques « vues de lintérieur, années de limpossible, de linvention, de la démarche expérimentale (...). Vue de lOffice, celles du gaspillage du désordre. Vu de lextérieur, des œuvres dites davant-garde. »[5] .

Le développement de la production pour lantenne, 1964-1967

Ayant à lesprit les mots dÉmile Biasini, directeur de lORTF : « produisez et vous serez considéré »[6], Schaeffer change de cap. La production pour lantenne passe de 20 h en 1965 à 40 h en 1966, passant par un cahier des charges de 80 h en 1967, elle avoisine les 100 h pendant les années 1970. Voient le jour des séries comme Un certain de regard, qui propose une médiation entre le monde de la recherche et le grand public auquel il tente de livrer « un reflet des grandes inquiétudes et motivations des plus éminentes personnalités du monde scientifique de [son] époque »[7], selon les mots Jocelyne Tournettels que Roman Jacobson, Robert Oppenheimer ou Claude Lévi-Strauss —, ou un éclairage sur les vies et œuvres de femmes et dhommes illustres (Raymond Aron, Rosa Luxemburg, Pablo Neruda etc.).

Dautres, parmi les chercheurs, comme Piotr Kamler, sessaient au développement des techniques danimation, quelques uns, à linstar de Marie-Claire Patris, sattèlent à la « poétisation » du récit filmé, tandis que Gérard Patris et Jacques Brissot entreprennent de répondre à la question « limage peut-elle aider à entendre ? » avec Les Grandes répétitions qui montrent une musique entrain de se faire.

Bilans et combats, 1968-1973

À la fin de la période précédente, le service recherche put compter sur une cinquantaine de collaborateurs, des ressources représentant 1%[8] de celles de la RTF, ainsi que dune relative liberté daction : « un pouvoir relativement restreint mais suffisant pour sinterroger sur ses propres responsabilités » (itinéraires dun chercheur 66.). Ainsi, Schaeffer étant intéressé par les défis théoriques, politiques et éthiques que posaient la multiplication des moyens de communication de masse, le travail du Service de Recherche fut loccasion de répondre à cette question insistante et relativement inédite pour lépoque : « lhumanité se presse aux étranges lucarnes. Que lui donner à voir ? ».

Mais dans un Office désormais « à vocation industrielle et commerciale », bouleversé par lintroduction de la publicité et de nouvelles contraintes managériales, les préoccupations du Service de recherche nengagent que peu denthousiasme chez la direction de linstitution.

Lannée 1968 fut une année de troubles majeurs en France, lORTF et à fortiori le service de recherche ne furent pas épargnés : les employés de lorganisme participent aux grèves dès le début du mois de mai et seront les derniers à rejoindre leurs postes respectifs, sans avoir su imposer les agencements structurels pour lesquels ils avaient milité. Elle fut aussi celle de la « bataille des Shadoks », cette série danimation composée de courts épisodes dune durée de 2 minutes, dont le directeur de la RTF, Émile Biasini avait commandé 54 épisodes, avant dêtre évincé par les événements de mai, et qui était prévue à la diffusion, chose inédite pour une production du service de la recherche, à 20 h 30. Cette série, dune particulière causticité aux accents anarchistes, ne manquât pas de troubler, lopinion publique française et de provoquer de fermes réactions de rejets ou denthousiasme.

Un nouveau directeur est en 1969 chargé dapaiser lORTF. Jean-Jacques de Bresson institue le service recherche, en continuité avec les missions précédentes de celui-ci, en « structure daccueil » pour les jeunes auteurs et les chercheurs. Voit le jour une division de recherche professionnelle, qui conformément aux objectifs abandonnés au début des années 1960 mène des études de prospective sur létat de lart et de la technique dans le domaine, ainsi quun travail sur la formation à et par laudiovisuel. Voit le jour également une division des programmes qui continue sa collaboration avec les autres services de lORTF en vue de la coproduction dune grille annuelle qui avoisine désormais les 100 heures. Cela étant dit, lexistence du service nen fut pas moins éprouvante. Les causes sont doubles :

I. les méthodes de travail quelques fois excentriques de Schaeffer quil résume en ces « petites clefs ésotériques de la recherche »  :
1. Clef de la connaissance : tout est dans tout.
2. Clef de la sélection : lavenir du candidat.
3. Clef de la formation : linfirmité des savoirs.
4. Clefs de lorganisation : les premiers seront les derniers.
5. Clefs de la production : fermée de lintérieur.
II. La réaction hostile dune institution sclérosée par des années détatisme et paniquée par son devoir nouveau de se plier aux règles dune économie de marché.

La fin dune exception, 1974

Le coup de grâce sabat sur le service recherche lors de léclatement de lORTF décidé par Valéry Giscard d'Estaing en 1974, en trois sociétés de programmes audiovisuels mises en concurrence. La loi daoût 1974, omet de traiter du sort du service des archives, de la Formation professionnelle et de la Recherche. Schaeffer, alors à un an de lâge de la retraite, décide alors de mobiliser un groupe de parlementaires de diverses tendances, mais qui ont une connaissance des enjeux et métiers du secteur de laudiovisuel, afin de sauver les services mentionnés. Ils sont au bout de diverses tractations regroupés au sein dun inédit Institut national de l'audiovisuel, dont la présidence est confiée à Pierre Emmanuel et la direction à Michel Roux.

Références

  1. SCHAEFFER, P., Les Antennes de Jéricho, Paris, Stock, 1978
  2. DALLET, Sylvie (en collab. avec BRUNET, Sophie) ; Pierre Schaeffer, Itinéraire dun chercheur ; éditions du centre détudes et de recherche Pierre Schaeffer, 1996.
  3. PIERRET, Marc ; Entretiens avec Pierre Schaeffer, éditions Pierre Belfond, 1968.
  4. TOURNET, Jocelyne; Sur les traces de Pierre Schaeffer, La Documentation Française, 2006.
  5. SCHAEFFER, Pierre ; Mac II, Pouvoir et communication, Seuil, 1972.
  6. Cité in JEANNENEY, Jean-Noël, LÉcho du siècle, dictionnaire historique de la radio et de la télévision en France, Hachette Littératures & Arte Éditions, 1999
  7. TOURNET, Jocelyne ; Sur les traces de Pierre Schaeffer, op. cit.
  8. JEANNENEY, Jean-Noël, Lécho du siècle, dictionnaire historique de la radio et de la télévision en France, Hachette Littérature & Arte Éditions, 1999.

Voir aussi

Articles connexes


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