Scandale de l'huile frelatée

Scandale de l'huile frelatée

Le scandale de l’huile frelatée est une catastrophe sanitaire d'origine industrielle qui a frappé l’Espagne en 1981, avec plus de 600 morts et plus de 2000 victimes[1].

Sommaire

Les symptômes

Ce qui apparut d'emblée comme une épidémie de pneumonie atypique commence officiellement le 1er mai 1981, avec la mort foudroyante d'un enfant de huit ans, Jaime Vaquero Garcia, mort dans les bras de sa mère alors qu'elle l'amenait à l'hôpital de La Paz à Madrid. Les médecins, lorsqu'ils apprirent que ses cinq frères et sœurs étaient également malades, les placèrent immédiatement en observation à l'Hôpital del Rey, l'établissement madrilène de référence dans le traitement des maladies infectieuses ; mais ce qui ressemblait à une infection bronchique résistait aux antibiotiques[2]. Les premières manifestations rappelaient la grippe : de la fièvre avec une respiration encombrée, et des nausées accompagnées de vomissements ; mais bientôt les patients développaient un œdème pulmonaire, avec formation de plaques cutanées et rhumatismes musculaires. La maladie présentait aussi un caractère endémique, mais tandis que plusieurs membres d'une même famille étaient généralement malades, leurs voisins pouvaient ne présenter aucun symptôme. Les femmes et les enfants paraissaient plus particulièrement atteints. Passé le pic de la crise, on découvrit de nouveaux symptômes chroniques.

L'huile frelatée

Début juin, le Dr Juan Tabuenca Oliver, directeur de l'hôpital pour enfants Niño Jesus, annonce qu'il a identifié la cause de l'épidémie : les 210 enfants traités dans son service ont tous[2] consommé de l’huile de colza. Dans la soirée du 10 juin, la télévision espagnole informe le public que l'épidémie est due à une « huile frelatée », plutôt à usage industriel qu'alimentaire. Cette huile peu coûteuse aurait été importée de France par la SA RAP (Refinería de Aceite de Pescado) de San Sebastián, pour le compte du groupe milanais RAELCA, et raffinée par ITH à Séville. Elle était vendue sur les marchés hebdomadaires comme « huile d'olive », et c'est ainsi qu'elle se retrouvait consommée en salade ou dans les cuisines. Selon l'hypothèse généralement reçue depuis, l'empoisonnement était dû aux composés toxiques introduits dans le processus d'affinage pour extraire l'aniline et dénaturer les huiles en vue de leur utilisation par l'industrie.

Une fois reconnue l'origine du mal, les autorités de santé mirent en œuvre une opération de collecte où les ménages qui avaient acheté de l'huile toxique pouvaient l'échanger contre une bouteille d'huile d'olive véritable, ce qui mit apparemment un terme à l'endémie.

La justice espagnole condamnera d'ailleurs en mai 1996 M. Hernandez Bolanos, directeur du laboratoire central des douanes à l'époque des faits, à 800 francs d'amende pour «imprudence légère» dans les contrôles[3].

Doutes sur l'origine du mal

La concentration des premiers cas de l'infection dans la banlieue de Madrid, à proximité de la base militaire américaine de Torrejón de Ardoz, et l'atmosphère de secret entourant les premières investigations ont soulevé des soupçons d’attentat. Au surplus, plusieurs personnes frappées par l'empoisonnement protestèrent qu'elles n'avaient jamais consommé de cette huile. Quoique ces bouteilles fussent vendues à la criée sur les marchés, une forte proportion des patients appartenait aux classes supérieures. Une théorie concurrente de la version officielle attribue l'intoxication à une exposition aux composés organophosphorés employés dans l'industrie des pesticides[4],[5], car ces composants chimiques ont été retrouvés chez presque tous les patients soumis au dépistage.

Ainsi dès le 12 mai 1981, le Dr Angel Peralta, chef du département d’endocrinologie de l'hôpital La Paz, affime au contraire dans un article que les symptômes de l'endémie sont vraisemblablement liés à un empoisonnement aux organo-phosphates. Le directeur de l'hôpital Del Rey, le Dr Muro, qui disposait le 10 juin des résultats d'analyse des huiles ingérées par ses patients, relève que la thèse de l'huile toxique est insuffisante car il n'y a pas deux huiles de même composition. Un interrogatoire systématique des familles de victime, des vendeurs de marchés et des transporteurs le mène au fil des mois à conclure que la cause de l'empoisonnement provient plutôt de la consommation de tomates de la région d'Almería traitées aux produits organophosphatés, le tableau clinique correspondant davantage à ce type de toxicité[2].

Et s'il est vrai que seules des données épidémiologiques concordantes accusent la composition de l'huile dans ce désastre humain, aucune expérimentation animale n'a permis depuis de reproduire les symptômes de l'empoisonnement à l'huile frelatée ; aucune expérimentation in vivo ou in vitro consistant à administrer des composants spécifiques de l’« huile frelatée » , que ce soient les acide gras anilides ou les esters de phosphatase, n'a permis de conclure que ces marqueurs étaient des agents actifs de la pathogenèse du « syndrome de l'huile empoisonnée[6]. »

Voir également

Notes et références

  1. D’après (en) Dorland's Medical Dictionary, 1890 (réimpr. 2003 (30e éd.)), 2224 p. (ISBN 0721601464), « Spanish toxic oil syndrome » 
  2. a, b et c Bob Wooffinden, « The Spanish Cooking Oil Scandal - Cover-Up », dans The Guardian, 25 août 2001 [texte intégral]  ; article traduit en français et publié dans « La vérité sur le scandale de l'huile frelatée », dans Courrier International, no 567, 13 sept 2001 [texte intégral] 
  3. D'après J.-H. Armengaud, « Huile frelatée: l’État espagnol indemnisera les victimes », dans Libération, 25 mai 1996 [texte intégral] 
  4. « A Long Trial in Spain on Fatal Tainted Food », dans The New York Times, Madrid, 2 août 1987 [texte intégral] 
  5. Bob Wooffinden, « The Spanish Cooking Oil Scandal - Cover-Up », dans The Guardian, 25 août 2001 [texte intégral]  ; article traduit en français et publié dans « La vérité sur le scandale de l'huile frelatée », dans Courrier International, no 567, 13 sept 2001 [texte intégral] 
  6. WHO Report: Toxic Oil Syndrome - Ten years of progress

Sources


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Scandale de l'huile frelatée de Wikipédia en français (auteurs)

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