Prosper Elkouby

Prosper Elkouby
Prosper Elkouby
יבוקלא רפסורפ
Prosper Elkouby
Prosper Elkouby

Naissance 4 juillet 1931
Meknès, Maroc
Décès 11 mars 2004 (à 73 ans)
Paris, France
Nationalité Drapeau de France France
Pays de résidence France
Profession Enseignant
Activité principale Directeur fondateur de l'Institut André Neher
Autres activités Président fondateur du comité de soutien à la Yeshiva Heykhal Elyahou (Israel)
Ascendants Chalom et Heftsiba Elkouby
Conjoint Dody Tolédano
Enfant Arié Elkouby, Daniel Elkouby, Judith Elkouby épouse Benzakki

Prosper Elkouby (4 juillet 1931 à Meknès, Maroc - 11 mars 2004) est un professeur reconnu et respecté, ainsi qu'un dirigeant communautaire d'un bout à l'autre de sa vie qui a apporté sa pierre à de nombreuses œuvres d'éducation juive, tout comme il a marqué des générations d'élèves et de leaders communautaires. Fondateur de plusieurs institutions, il est à l'origine de l'Institut André Neher pour la formation des professeurs des écoles. Témoin privilégié de l'éclosion et de l'organisation de la jeunesse juive au Maroc, puis en France en 1950 à nos jours, ses écrits illustrent de manière engagée l'histoire de ces pionniers dont il fait partie. Sa brutale disparition suite à un accident de la circulation a provoqué un choc au sein des institutions juives.

Sommaire

Sa vie et son oeuvre

Biographie

Le jeune Prosper

Prosper Elkouby, fils de Chalom (bijoutier) et Heftsiba Elkouby, à Meknès (Maroc) le 4 juillet 1931. Il est laîné dune famille de onze enfants (4 sont enseignants dont 2 en Israël). Marié avec Dody Toledano, il eut 3 enfants et compte à ce jour 12 petits-enfants. Il débute sa scolarité à l'école primaire de lAlliance Israélite Universelle de Meknès. Cependant, jusqu'à l'age de 9 ans, il ne suit que des études juives dans un Talmud Torah, une école juive à plein temps pour les seules études juives. Après lobtention du certificat détudes primaires, son père choisit de linitier au secret de la fabrication des bijoux, certainement dans l'intention que le jeune Prosper devienne à son tour bijoutier. Mais cette formation professionnelle ne sera que de courte durée, car, influencé par des amis, membres des Éclaireuses éclaireurs israélites de France et qui fréquentaient le lycée Paul-Valéry ou lycée Poeymirau à Meknès, Prosper Elkouby se prépare, seul pendant deux années, pour lentrée en classe de seconde.

Durant son enfance et son adolescence, Prosper Elkouby eut le privilège de bénéficier de lenseignement de son grand-père, Rabbi Meir Tolédano, lui même maitre de nombreux autres Rabbins à Meknès. Le petit-fils s'attache très tôt au Rabbin Meir qui lui enseigna Torah écrite et Torah orale ainsi que les les lois relatives à la shehita, qu'il pratiqua à ses côtés pendant quelques années et notamment, lavant veille de Kippour (le jour du Grand Pardon) pour la cérémonie des expiations (Kapparot). Ces années de formation religieuse lui permirent d'acquérir un certain savoir juif dans le contexte particulier dune communauté - celle de Meknès - éblouie par la culture occidentale et le modernisme quelle ne découvrait que depuis quelque quatre décennies, bien longtemps après les autres grandes villes du Maroc.

En effet, lécole, instrument privilégié de lémancipation, ne simposa que tardivement à Meknès, un an juste avant le protectorat français, en 1911, alors que lA.I.U. avait depuis 1862, date douverture du premier établissement scolaire à Tétouan, installé des écoles à Tanger en 1864, à Fès en 1883 et à Marrakech en 1899. La jeune génération daprès guerre, qui a bénéficié de lenseignement de la langue et de la culture françaises donné par des maîtres dailleurs et dépositaires du savoir qui émancipe, était dans une phase de rejet de lenseignement ancestral et ne manifestait que peu de considération pour les études juives. Cest dans ce contexte particulier qu'il débarque à Paris. Et cest pour lui ce qu'il appellera la révélation. Ainsi en témoignera-t-il des années plus tard : "Mon savoir avait un sens, il était apprécié. Il était valorisé. Tout devenait alors clair. Non, le judaïsme nétait pas désuet. Grâce à lenseignement de M. Emmanuel Lévinas, jai réappris à lire nos textes et à y découvrir des valeurs dont je ne soupçonnais pas lexistence".

Prosper Elkouby, l'étudiant

A l'issue de la classe de Première, il passe le concours dentrée à lEcole Normale Israélite Orientale à Paris pour se préparer au métier dinstituteur. Son cursus s'est donc déroulé ainsi : une année de Sciences Expérimentales, obtention du baccalauréat puis une formation pédagogique à lEcole Normale dInstituteurs de la Seine, rue Molitor, à proximité de lE.N.I.O. C'est pourquoi il séjourne deux ans à Paris au début des années 50, séjour dont il gardera un souvenir indélébile comme il l'ecrira plus tard : "séjour qui marqua profondément le cours de mon existence ainsi que celui de ma famille dont une partie embrasse également lenseignement après moi. Trois faits caractérisent cette période :

Découverte de ce qui fait la richesse de Paris : théâtre, concerts, conférences et rencontres avec de grands personnages : Edmond Fleg, Georges Wormser, René Cassin, Pierre Maxime Shoul, etc., invités illustres du Professeur Emmanuel Lévinas à lOneg Shabbat (le samedi après-midi).

Formation pédagogique avec des enseignants de renom et stages pratiques dans les classes dapplication parisiennes, lieux privilégies de dialogue avec les petits enfants de France.

Enfin, le fait le plus marquant sera la rencontre avec le Professeur Emmanuel Lévinas. (Directeur de lENIO. NDLR)".

Durant son enfance et son adolescence, Prosper Elkouby eu le privilège de bénéficier de lenseignement de son grand-père, Rabbi Meir Tolédano, lui même maitre de nombreux autres Rabbins à Meknès. Le petit-fils s'attache très tôt au Rabbin Meir qui lui enseigna Torah écrite et Torah orale ainsi que les les lois relatives à la shehita, qu'il pratiqua à ses côtés pendant quelques années et notamment, lavant veille de Kippour (le jour du Grand Pardon) pour de la cérémonie des expiations (). Ces années de formation religieuse lui permirent d'acquérir un certain savoir juif dans le contexte particulier dune communauté - celle de Meknès - éblouie par la culture occidentale et le modernisme quelle ne découvrait que depuis quelque quatre décennies, bien longtemps après les autres grandes villes du Maroc.

En effet, lécole, instrument privilégié de lémancipation, ne simposa que tardivement à Meknès, un an juste avant le protectorat français, en 1911, alors que lA.I.U. avait depuis 1862, date douverture du premier établissement scolaire à Tétouan, installé des écoles à Tanger en 1864, à Fès en 1883 et à Marrakech en 1899. La jeune génération daprès guerre, qui a bénéficié de lenseignement de la langue et de la culture françaises donné par des maîtres dailleurs et dépositaires du savoir qui émancipe, était dans une phase de rejet de lenseignement ancestral et ne manifestait que peu de considération pour les études juives. Cest dans ce contexte particulier qu'il débarque à Paris. Et cest pour lui ce qu'il appellera la révélation. Ainsi en témoignera-t-il des années plus tard : "Mon savoir avait un sens, il était apprécié. Il était valorisé. Tout devenait alors clair. Non, le judaïsme nétait pas désuet. Grâce à lenseignement de M. Emmanuel Lévinas, jai réappris à lire nos textes et à y découvrir des valeurs dont je ne soupçonnais pas lexistence".

Prosper Elkouby, l'enseignant

A son retour à Meknès, Prosper Elkouby se marie avec Messodi Tolédano et occupe un poste à lEcole de lA.I.U., poste qu'il occupera durant 12 années, jusquà son départ pour la France en 1967 quelques jours après la guerre des 6 jours. Ainsi résume-t-il ces 12 années: "Douze années fructueuses et dintense activité dans un pays qui a recouvré son indépendance presque en même temps que le début de mon activité professionnelle en 1955.

Durant les deux décennies qui vont suivre, il aura 3 enfants : Arié Elkouby en juin 1956, Daniel Elkouby en juin 1960 et Judith Elkouby épouse Benzakki en juillet 1964.

Parallèlement à lenseignement, Prosper Elkouby entreprend en autodidacte des études supérieures darabe classique durant 3 ans et obtient en 1960 le diplôme darabe classique, titre le plus élevé délivré alors par lUniversité de Rabat. Cest aussi en 1960 qu'il fut délégué par lA.I.U. pour représenter le personnel des écoles du Maroc aux cérémonies se déroulant en juin à Paris et marquant le Centenaire de cette honorable institution. Ces cérémonies de Centenaire seront marquées par une réception chez le Baron de Rothschild, avec Pierre Mendès France.

Prosper Elkouby (de dos au premier plan) et Pierre Mendès France, 1960

Durant cette même période, Prosper Elkouby suit des activités militantes aux Éclaireuses éclaireurs israélites de France (les E.I), au Département éducatif de la jeunesse juive (D.E.J.J.), et aux amitiés judéo-christiano-musulmanes.

Il quitte avec sa famille le Maroc en 1967 en raison de troubles politiques et suite à l'insécurité grandissante dans laquelle vivait la communauté juive du Maroc. Il se dirige vers la France et obtient un poste de professeur de Lettres au C.E.S. Jean Lurçat à Villejuif. Mai 1971, se profile un nouveau tournant dans sa vie. Alors qu'il était inscrit sur la liste daptitude pour le principalat du C.E.S., M. Adam Loss, alors Directeur général adjoint du FSJU (fond social juif unifié) lui propose la direction de la délégation régionale du FSJU - AUJF à Marseille. Il accepte immédiatement de saisir cette oportunité. Il formule une demande de mise en disponibilité au Ministère de lEducation nationale et part pour Marseille avec sa famille. Il y restera 7 ans.

En Juillet 1978, il prend à Paris la suite de M. Louis Cohn (directeur du département éducation du FSJU), poste qu'il a occupé jusquen 1995. La mise en disponibilité est renouvelée pendant 10 ans à lissue il se décider de démissionner de la fonction publique et rester dans le travail communautaire.

1978 marque aussi le début d'une longue carrière en tant que Secrétaire Général, puis Directeur de la revue pédagogique HAMORÉ, Prix Jérusalem de lEducation en 1987.

Jérusalem 1987. Remise, par Itzhak Rabin du Prix de Jérusalem pour l'Education attribué à la revue Hamoré. A gauche, Mme C.A Gugenheim. Au second plan, M.Ovadia Soffer, ancien Ambassade d'Israël en France

C'est en 1993 que Prosper Elkouby met sur pied lœuvre qui marquera toute sa vie, à savoir la fondation d'un organisme de formation initiale et continue des enseignants et cadres des écoles juives, sous contrat avec lEtat, l'institut André Neher. Il occupe alors le poste de directeur fondateur de cet établissement libre d'enseignement supérieure, sous convention avec le Ministère de lÉducation Nationale. Au travers de cet institut, il entendait pallier un problème récurant dans le système éducatif juif, à savoir la formation des instituteurs. De cet institut sortiront donc des centaines d'enseignants compétents, qui iront transmettre dans toutes les écoles juives de France. La création de cet institut par Prosper Elkouby marqua par conséquent un tournant dans l'histoire de l'éducation juive en France.

Prosper Elkouby, l'homme du dialogue

La vie de Prosper Elkouby fut certes la vie d'un homme consacré à sa communauté et à son peuple, mais elle fut aussi celle d'un homme qui n'eut pas peur de dialoguer avec le monde catholique et musulman. Cette volonté de comprendre l'autre avec ses différences, fut pour lui un autre moyen de servir son peuple. Pour ce faire, il anima souvent des colloques interconfessionnels , face à un public catholique, musulman et juif, il dévoilait tous ses talents d'orateur afin de briser le mur de l'ignorance. Lors de sa disparition, se n'est donc pas seulement le peuple dIsraël qui perdit un de ses membres, mais c'est également le monde, qui perdit un homme de dialogue. Ci-joint, l'article rédigé par Edouard Bruel[1]., formateur et responsable de formation à l'I.S.P.E.C (Institut Supérieur de Promotion de l'Enseignement Catholique), qui témoigne ici de son expérience personnelle aux côtés de Prosper Elkouby :

"QUAND JE PENSE A TOI, PROSPER..

"Jai le regret davoir rencontré Prosper Elkouby trop tard, et quil nous ait quitté trop tôt. Pour moi, ce fut dabord la rencontre la moins évidente, de la personne qui était le plus loin de mes relations habituelles. Alors, comment se fait-il que quelques années après, il me soit devenu si proche : quelquun que javais toujours plaisir à retrouver, avec qui jai échangé les réflexions les plus personnelles, parce quil avait une attitude de respect et de reconnaissance qui fondait une réelle relation de confiance. Je lécoutais avec curiosité et une attention que je navais pas à soutenir tant il était naturellement (et professionnellement) pédagogue, ayant cette honnêteté intellectuelle, rare aujourdhui, qui le conduisait à ne jamais présenter une opinion, un point de vue ou même une conviction sans la fonder, largumenter et en donner le sens.

Combien de fois, il ma fait découvrir une tradition qui métait inconnue, il ma donné une explication que je navais jamais entendue, qui fondaient les réalités apparentes aujourdhui, que je connaissais sans bien les comprendre.

Et surtout combien de fois, dans nos discussions, alors quil partait de la tradition juive quil possédait si profondément et que je me situais dans les uniques référents de la culture chrétienne qui constituaient mon cadre de pensée, nous sommes arrivés à nous sentir très proches dans les valeurs essentielles que nous cherchions à promouvoir et lidéal qui fondait nos engagements.

Prosper Elkouby associait deux préoccupations qui nous ont conduits à nous rencontrer. Cétait un homme de convictions et de fidélité dans la communauté juive et cétait aussi un professionnel de léducation. Il associait de façon claire ces deux orientations dans son travail et ses engagements. Il connaissait bien les demandes et les besoins des communautés juives dans le domaine de léducation et il avait une connaissance et une maîtrise parfaite du système éducatif français. Ai-je bien compris ses perspectives ? Pour lui sa fidélité à la tradition nexcluait pas ladaptation à certaines contraintes de la société dans laquelle nous vivons et avec laquelle nous sommes solidaires. Je dirais même quil ma fait comprendre que, peut-être plus que dans une certaine tradition catholique, (je ne dirais pas protestante), il ne sagit pas seule- ment de faire des concessions pour sadapter à la société dans laquelle on vit. Mais cest lessence même de la mission donnée aux hommes par D-ieu que de tenir compte des situations particulières dans lesquelles on est amené à vivre, pour y tenir place et avoir un rôle créateur.

Déjeuner de l'A.U.J.F organisé à Toulon e 8 décembre 1977 avec Yitzhak Rabin, comme invité d'honneur

Oserais-je parler de moi pour exprimer ce qui me paraît caractériser la personnalité de Prosper ? Si nous nous sommes si bien compris, cest que nous étions de la même génération, et que dune certaine manière nous avions la même histoire. Nous sommes de cette génération dont lactivité professionnelle sest située de 1960 à 2000, dans cette période le monde occidental a connu des changements si rapides et si importants que les mêmes personnes ne retrouvent plus aujourdhui, dans le domaine des connaissances, des moyens techniques, de lorganisation du travail et de la vie quotidienne, ce quils ont connu dans leur enfance. Si je suis très sensible à cet aspect, je crois quil létait aussi, en le vivant comme une chance et une exigence plus que dans la nostalgie. Je ne suis pas le mieux placé pour parler de sa jeunesse au Maroc, jen retiens seulement quil a vécu son enfance dans une société traditionnelle très structurée, avec une intégration culturelle forte. Puis-je dire que mon enfance dans le Rouergue, me paraît y ressembler... Cest lécole française qui lui a apporté la première perception dune culture dépassant la culture familiale et communautaire, sans la contredire ni lexclure. Pour le petit aveyronnais que jétais, parlant patois avec son père, il en fut de même. Quelle était la promotion sociale naturelle de notre génération ? Cétait de devenir instituteur, ce fut son cursus comme le mien. Il arriva en France, il poursuivit dabord son activité denseignant. Mais ce nest pas seulement dans sa classe quil pouvait le mieux accompagner les nombreux Juifs, qui comme lui, ont quitter lAfrique du Nord pour une nouvelle vie en métropole. Il accepta des engagements communautaires dabord à Marseille. Je ne reprends pas cela pour donner des informations sur le déroulement de sa carrière, mais pour dégager ces aspects qui me paraissent très caractéristiques dans ses engagements, dune part, il est solidaire et très intégré dans la communauté juive, dautre part il est en marche dans lappropriation dun nouvel environnement, dans ladaptation à de nouvelles exigences. Et cest sans prétention mais avec la perception de ce quil peut apporter pour régler les problèmes quil est amené à prendre des responsabilités.

Sa fibre denseignant et déducateur reste. Les Juifs de France, implantés depuis plusieurs générations, sétaient accommodés dune scolarisation de leurs enfants dans lenseignement public, les connaissances juives et la formation religieuse étant assurée en famille et dans les communautés. Les Juifs nouveaux venus ont dautres habitudes éducatives et demandent des écoles spécifiques pour leurs enfants.

Prosper Elkouby, membre de lEducation nationale, se trouve pris dans ces nouvelles exigences. Le fonctionnement dune école, il sait ce que cest et, dautre part, il est bien placé pour comprendre la réalité sociale et culturelle des nouvelles communautés juives. Déjà des initiatives sont prises, ici et des écoles sont créées. Prosper connaît bien le dynamisme des communautés, et leur capacité dinitiative et daction, mais aussi leur indépendance et leurs rivalités. Apparaît de façon impérative lexigence dune organisation et dune association de tous ces établissements : le voilà animateur de la Fédération des écoles juives. Il fallait rentrer dans la problématique de lenseignement privé en France. Jusque- bien des Juifs occupaient des postes de professeurs dans lenseignement secondaire et supérieur public, et même de hautes responsabilités administratives et dinspection, mais lorganisation détablissements privés était un domaine dans lequel la communauté navait pas dexpérience.

, la démarche de Prosper fut déterminante. Sans préjugé, il se rapprocha de lenseignement catholique qui avait une certaine expérience dans ce domaine. Les relations furent faciles dans la mesure il y avait une situation analogue à régler. Il sagissait de permettre à lenseignement privé de garder son caractère propre tout en lassociant à lEducation nationale dans la mesure il contribuait au service public déducation. Sur ce point, jai été frappé par la correspondance de sa position avec la mienne. Nous avions la même façon de voir lorganisation décoles privées gardant un projet éducatif spécifique tout en reconnaissant lautorité de lEtat sur les programmes denseignement et à la qualification des personnels : ce dispositif permettant de bénéficier de la prise en charge financière par les fonds publics. Il accompagna les établissements dans leur organisation et leur mise sous contrat avec lEtat. En 1984, les écoles juives furent tout à fait solidaires de lenseignement catholique, quand le statut des établissements privés fut menacé par le gouvernement qui voulait unifier le système éducatif français. Prosper Elkouby fut leur représentant et établit des liens réguliers avec le Père Guiberteau, le Secrétaire Général de lEnseignement Catholique, autant pour suivre toutes les péripéties des négociations que pour sy associer et apporter lappui des établissements quil représentait.

Donner un cadre administratif satisfaisant aux établissements était une première exigence, mais ne pouvait pas satisfaire le pédagogue. Il fallait soccuper de la formation des personnels. Prosper fut conduit à soccuper de formation de deux manières, dune part il en sentait le besoin dans les écoles, dans bien des cas il y avait un réel dévouement du personnel mais un manque de formation et de qualification, dautre part la mise sous contrat des personnels enseignants ouvrait droit à un fond de formation permanente quil aurait été regrettable de ne pas utiliser.

Toujours sans préjugé, voyant les difficultés quil aurait à créer, pour le petit nombre des écoles juives de la fédération, une structure administrative conforme aux exigences de la loi, (pour une gestion paritaire de la formation entre syndicats et employeurs), il demanda à lUNAPEC, lorganisme de lenseignement catholique gérant les subventions de lEtat pour la formation, de gérer aussi les sommes auxquelles les effectifs des écoles juives donnaient droit. encore apparaît sa capacité admirable de défendre les intérêts dun groupe minoritaire, en sadossant à une structure mieux établie, sachant garder son identité tout en sintégrant à un système plus large. Ce fut le point de départ dune longue et fructueuse collaboration avec lenseignement catholique, dans le domaine de la formation.

Avec perspicacité, il comprit que le fonctionnement dun établissement scolaire dépendait pour beaucoup du chef détablissement. Il voyait aussi que les établissements scolaires sous contrat devaient avoir un cadre administratif et une gestion qui nétait plus celui des écoles communautaires les bonnes relations et le dévouement compensaient le manque dorganisation. La Fédération des écoles juives navait pas alors dorganisme de formation, Prosper sadressa tout naturellement à lenseignement catholique, qui déjà depuis une décade, sétait soucié de la formation de son personnel dencadrement, avec la diminution des clercs et des religieux et larrivée massive des laïcs dans les postes de responsabilité. Cest ainsi que pour la première fois, lISPEC, (Insti- tut Supérieur de Promotion de lEnseignement Catholique), qui en fait est lécole des cadres de linstitution, fut sollicité pour assurer la formation dune première promotion dune dizaine de chefs détablissements.

Après cette première expérience ayant donné entièrement satisfaction, mais situant la formation essentiellement dans une logique de professionnalisation, Prosper retenait la compétence des formateurs de lenseignement catholique et la réponse satisfaisante au cahier des charges défini, tout en sentant le besoin de faire un pas de plus. Il lui apparaissait que deux nouveaux domaines de formation devaient être couverts maintenant, nous étions dans les années 1995.

Le premier projet concernait les professeurs des matières juives. Ils pouvaient avoir une bonne connaissance de leur sujet, mais ils navaient aucune formation pédagogique, et dans bien des cas leurs cours devenaient rébarbatifs pour les élèves contemporains, saccommodant mal dheures entières de cours magistraux. Si lon voulait que les jeunes rentrent mieux dans lenseignement qui leur était donné et y trouvent plus dintérêt, il fallait donner une meilleure formation à ces enseignants. Laudace de Prosper le conduisit à penser que même dans ce domaine, lISPEC représentait la compétence de formation dont il avait besoin. Bien sûr ce serait des intervenants de la communauté juive qui renforceraient les connaissances spécifiques dans les matières juives, mais Prosper demandait à lISPEC dassurer la formation dans le domaine de la connaissance de la culture actuelle des jeunes, et dans lorganisation dun tra- vail denseignement avec un groupe délèves.

Le deuxième projet portait sur la formation du personnel des jardins den- fants pour le conduire à la qualification dinstitutrice. Et aussi lISPEC apparaissait comme la structure de formation susceptible daider à définir le programme de formation et dintervenir.

Cest à ce moment- que je fus à lISPEC, un des interlocuteurs de Prosper Elkouby. Javoue en disant cela que je nai pas vécu ni connu directement tout ce que jai dit précédemment. Je nai pu en parler de façon si précise, et je crois avec autant de sympathie et de compréhension que parce que nous avons eu de longues conversations, il ma dit tant de choses de lui-même. (Je suis heureux aujourdhui de pouvoir le redire à sa famille et à ses amis).

Mais si jai pu parler de ses engagements dans sa communauté au service de léducation avec une certaine complicité, cest bien parce que, avant de le connaître javais eu moi-même dans mon institution un parcours analogue. Je ne suis resté instituteur que quelques années. Dans cette décade folle de 1960 à 1970 on construisait un collège par jour, je suis devenu enseignant de collège. Soucieux de participer à la mutation et à lévolution de lenseignement catholique, je me suis retrouvé chef détablissement. Et dans la période si mouvementée de 1980 à 1990 lenseignement catholique avait à redéfinir sa place et sa fonction dans le système éducatif français, jétais directeur diocésain avec la responsabilité dune cinquantaine détablissements et jétais membre du Comité National de lEnseignement Catholique. En 1990, je quit- tais mes responsabilités de direction pour mengager à lISPEC dans une mission de formation et dencadrement. Jétais prêt à collaborer avec Prosper Elkouby.

Le travail sorganisa dans une collaboration très positive. Prosper fut un interlocuteur comme tout formateur en souhaite. Pour lui, il était évident que lon ne se lançait pas dans laction sans avoir bien défini les attentes et les besoins pour arrêter une démarche et construire un programme. Par le fait, nous avons eu plusieurs rencontres qui furent de vrais dialogues. Il savéra que la demande de formation qualifiante pour les jardinières denfants ne corres- pondait pas bien aux compétences des formateurs de lISPEC, par contre, il était possible de contribuer à la formation des professeurs des matières juives. Léchange conduisit à redéfinir le projet, le besoin était plutôt la formation de personnes qui nauraient pas seulement à intervenir auprès des élèves mais auraient aussi une responsabilité danimation auprès de leurs collèges pour définir les programmes et aider lensemble des professeurs de létablissement à assurer un enseignement cohérent avec des pratiques pédagogiques pertinentes. Ceci correspondait bien à la formation de formateurs que lISPEC savait conduire

La formation fut lancée, nous étions plusieurs formateurs à intervenir, suivant le principe, que chacun a une spécialité et nintervient que dans son champ. Jai encore le souvenir que cette façon de travailler surprit dabord Prosper, et quil apprécia ensuite ce professionnalisme qui répondait à son attente au-delà de ce quil aurait osé demander.

Ce ne fut cette année- quune période de premiers contacts. Je retiens cependant que nous avons été frappés par ses attentions et le soin quil mettait toujours à ce que nous soyons bien accueillis. Sil ne pouvait pas être présent, il désignait quelquun pour le suppléer dans cette fonction daccueil ; il ne nous réduisait pas à de simples intervenants techniques, il avait toujours un geste dattention, de reconnaissance pour les personnes qui travaillaient pour lui. Et il faut ajouter quil faisait cela par gentillesse ou politesse en prenant ces mots dans le sens le plus positif, mais pas du tout dans un esprit de contrôle tatillon et inquiet. Au contraire, quelle confiance il nous faisait ! Une fois la demande définie et le contrat établi, à nous de jouer, et il avait cette relation destime et de confiance qui conduit tout naturellement à lui répondre par une attitude de respect et de responsabilité. Cest ce que nous avons fait. Sil y avait de nouveaux projets de collaboration, on pouvait continuer. Nous étions prêts pour un programme et une réalisation exceptionnelle.

Dans ses responsabilités pour la Fédération des Ecoles Juives, Prosper avait vu lurgence dans laquelle il se trouvait de soccuper de formation. Aurais-je la prétention de penser que sa rencontre de lISPEC et la perception quil a eue de ce que pouvait faire seulement un centre de formation nont pas été étrangères au projet qui est dans cette période de créer pour les écoles juives un centre de formation : lInstitut André Neher. Maintenant, il avait une structure adaptée pour répondre aux besoins quil avait repérés. Il pouvait lancer un projet important.

Prosper était bien conscient quaprès la période de création des écoles, il y avait à préparer de nouveaux cadres pour prendre la relève et pour assurer la formation qui garantira it la qualité de lenseignement et de léducation dans les établissements scolaires juifs. Ce projet lui paraissait si important pour préparer lavenir, quil sut mobiliser les personnes et trouver les ressources pour le mener à bien. Combien jai été souvent impressionné par la calme ténacité de Prosper ! Ce nétait pas un homme violent, bien au contraire, mais quelle force de caractère il avait, quelle solidité ! Quand une réalisation lui paraissait utile, nécessaire, indispensable pour le bien des établissements dont il avait la charge, ce nétait pas les difficultés qui larrêtaient. Pourtant sa stratégie nétait pas celle de la pression et du chantage, sétant acquis dans la communauté une forte réputation dhomme fiable, compétent et conciliant, il pouvait frapper à toutes les portes, et elles souvraient pour lui ! Je garde le souvenir admiratif des difficultés quil a su surmonter, qui en auraient découragé bien dautres.

En 1996, le voilà donc parti pour un programme de formation dune année entière, avec un groupe de 12 personnes. LInstitut André Neher lui donnait le cadre pour cette formation, mais cet institut naissant navait pas encore les capacités dingénierie pour construire cette formation ni les ressources en formateurs. Tout naturellement, Prosper sadressa à lISPEC, et cest moi qui pris la responsabilité de la construction de lanimation et de laccompagnement de cette formation. Durant cette année scolaire, je ne passais guère de semaine sans rencontrer mon ami Prosper. Bien sûr nous avons parlé dabord de la formation et des décisions à prendre. Je ninsisterai pas sur la qualité professionnelle de notre travail : nous ne nous trouvâmes jamais en conflit, mais nous eûmes plusieurs fois de longs débats pour arriver à une décision comprise et acceptée. Il me fit plusieurs fois changer de position en mexpliquant la particularité culturelle du milieu dans lequel jintervenais. Mais bien des fois aussi, pour la démarche de formation et lorganisation du travail, après avoir été surpris par mes propositions, il en voyait la pertinence, et me donnait la possibilité de travailler en conduisant les stagiaires à une réelle participation, à la prise en compte de leurs problèmes, sans limiter la formation à la succession de cours magistraux. Prosper était un interlocuteur exigent, mais de lexigence que japprécie, celle qui ma conduit à assurer le meilleur service que je pou- vais rendre. Je lui sais gré de cette attitude quil a eue à mon égard, comme il lavait pour tous, cest ainsi quil était toujours éducateur ou formateur, contribuant à ce que toute personne quil rencontrait donne le meilleur delle- même.

Mais nos conversations ne se sont pas limitées au domaine professionnel. Cest tout un monde si je peux dire quil ma ouvert. Il ma fait rencontrer une autre culture. Il me parlait de la THORA et dune relation à la loi qui mou- vrait dautres horizons par rapport à ma vision de chrétien. Mais il me mon- trait aussi une connaissance et un intérêt de lapproche chrétienne de la religion qui ma souvent étonné et nous a permis davoir des échanges au plus intime de nos convictions. Je fus dabord surpris par la place que prenait le TALMUD dans le traitement de toutes les questions, je fus ensuite souvent admiratif devant le puits de sciences quétait Prosper, comme dailleurs bien des Juifs que jai rencontrés. Le traitement des questions commençait par la citation mémorisée de quelque commentateur célèbre. Rachi est devenu une fréquentation habituelle, alors que je nen avais quun vague souvenir de lecture détudiant. Je fus frappé par limportance de létude dans la tradition juive et admiratif devant le travail intellectuel que chacun poursuit. Et je dois avouer que jai éprouvé plus dune fois une certaine tristesse en pensant à lignorance de nos petits (et grands) chrétiens, qui ne gardent de leur apparte- nance religieuse que les convictions qui leur conviennent, sans reconnaître une transcendance qui simpose. Merci Prosper, tu as stimulé la réflexion religieuse dun chrétien !

Espace Rachi dans le cadre de l'Institut André Neher, séminaire sur l'enseignement de la prière à l'Ecole juive. Décembre 1997. De gauche à droite : Edouard Bruel, Benjamin Gross, Prosper Elkouby et Guilaine Guilaumé (formatrice à l'I.S.P.E.C)

Prosper ne pouvait pas envisager une année de formation de personnes qui allaient prendre des responsabilités dans les écoles juives, sans un séjour en Israël. Il était évident que jaccompagnais aussi le groupe. Il me fut ainsi donné de passer 15 jours à Jérusalem dans la communauté juive. Je pris le parti de suivre tout ce qui était proposé. Heureusement javais un mentor bienveillant et compréhensif de mon ignorance et de mes étonnements. Cela me donna loccasion de célébrer larrivée du shabbat dans la grande Synagogue de Jérusalem, mais surtout de participer ensuite au repas, chez le professeur Benjamin Gross, qui mavait invité. Depuis ce jour, je ne vois plus la dernière cène de Jésus de la même manière.

Le lendemain matin, Prosper me proposa de laccompagner avec Benno Gross à la synagogue. A notre retour, nous prîmes le petit-déjeuner ensemble. Mais voilà que nous commençons par prendre un verre de vin. (Je sus ensuite quon célébrait le Kidouch du chabbat matin.) Prosper fait le service et je suis surpris de sa maladresse, le premier verre déborde, et cela ne sarrête pas , le deuxième aussi; je mapprêtais à lui dire de faire tout de même attention, quand, pressentant la question, il mexpliqua quil ne remplissait pas les verres jusquà ce quils débordent par maladresse, mais pour exprimer la générosité de D-ieu dans lacte même de création du monde.

Nous partîmes ensuite pour une longue promenade à pied dans Jérusalem. Benno était rentré chez lui pour consacrer lessentiel de ce temps de shabbat à létude. Avec Prosper, nous fîmes plus de 10 kilomètres, il augmentait les détours avant de rentrer tant nous avions de choses à nous dire. Il me parla dabord du shabbat, de ce quil convenait de faire pour le respecter et du sens de ces pratiques. Dans certains quartiers, il me conseillait de ne pas prendre de photos, mais ailleurs il mindiquait lui-même les curiosités qui valaient la peine de rester en souvenir ; ajoutant que puisque je nétais pas Juif ces inter- dits ne me concernaient pas.

Il mexpliqua que les règles de lalimentation kacher ne sont pas une limitation de la liberté humaine, mais contribuent au contraire à nous rendre libres. Il sagit de sortir de la dépendance des aliments qui nous attirent pour choisir sa nourriture afin que lacte même de lalimentation parte dun contrôle et dune volonté personnelle. Merci Prosper des réflexions que tu mas amené à faire. Le lendemain cétait dimanche, le groupe avait le programme de visites et dactivités dune journée ordinaire. Mais Prosper ne pouvait pas imposer à un chrétien de travailler le dimanche ! Il me dit, « tu ne peux pas venir à Jérusalem sans te rendre au Mont des Oliviers et au Saint-Sépulcre. Prends ta journée pour la passer à Jérusalem en chrétien ». Mais ce naurait pas été Prosper sil sen était tenu à cela, il ajouta : « Dans une demi-heure, une guide, (une des meilleures de Jérusalem) te prendra et taccompagnera toute la matinée ».

Jai pris la liberté de raconter ces menues histoires qui me concernent surtout et paraissent bien anecdotiques. Pour moi ce sont des souvenirs très présents, qui me paraissent évoquer avec beaucoup de justesse comment Prosper associait la fidélité à ses convictions à une grande attention aux gens. Il rencontrait toute personne elle était en respectant son identité. Quel plaisir et quelle richesse dans cette attitude ! Prosper a été pour moi lautre le plus différent et le plus surprenant que jai rencontré, et je crois que réciproquement cest cette différence qui nous a intéressés pour ne pas dire attirés lun vers lautre. Chez lui je trouvais souvent ce à quoi je navais pas pensé, ce qui était en dehors de mes connaissances, et cétait en même temps de nouvelles réponses à mes questions, un élargissement de mes connaissances, pour aller jusquà lévolution de ma perception de lhumanité si ce nest de celle de D-ieu.

Cest dans la réalisation dactions de formation que nous nous sommes rencontrés. Quand Prosper a pris des distances par rapport à lorganisation de la formation pour la Fédération des Ecoles Juives, et que nous navions plus les mêmes raisons de collaborer, je crois bien, autant de son côté que du mien, que nous avons cherché les occasions, (peut-être les prétextes), de poursuivre nos échanges. Cétait moi qui lui demandais désormais chaque année dinter- venir auprès denseignants des écoles catholiques pour les introduire dans ce qui constitue lessentiel de la religion juive et les traditions éducatives de la communauté juive. Ces interventions, qui furent toujours estimées trop courtes, montraient chaque fois combien les préjugés sont liés pour une grande part à lignorance. Et cétait loccasion pour moi de poursuivre nos dis- cussions comme si nous nous étions quittés la veille. Lan dernier encore, je lançais un projet de collaboration avec lui, pour définir ce quil conviendrait de présenter aux élèves de lenseignement catholique, pour leur donner les connaissances de la religion juive qui doivent constituer la culture commune de toute personne appelée à vivre dans le pluralisme religieux. Mais faut-il lavouer, ce projet mintéressait autant pour son contenu que pour loccasion quil me donnait de continuer à collaborer avec mon ami Prosper.

Cela sest arrêté . Il ny a pas de conclusion. A D-ieu Prosper !"

Prosper Elkouby, le visionnaire

En 2003, Prosper Elkouby amorce son dernier combat. Ci-joint, l'article rédigé par Benjamin Gross (Professeur de philosophie et doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines de luniversité Bar-Ilan (Israël). Grand spécialiste du Maharal de Prague, il est lauteur de nombreux ouvrages sur la pensée juive) en hommage à Prosper Elkouby, il résume la dernière étape de sa vie :

"Les multiples engagements et lexpérience acquise par Prosper Elkouby durant de nombreuses années dans lenseignement, le travail administratif, lorganisation, la coordination et létablissement de contacts entre des groupes divers, le sens aigu du service public, la gestion des ressources humaines, devaient trouver une application particulièrement heureuse dans ce qui devait être sa dernière initiative : la création du Comité de Soutien à la Yéchiva Heykhal Elyahou (), située à , au nord de Jérusalem. Au cours de ses visites dans le Pays et de quelques entretiens avec le directeur de la Yéchiva, le rav Shaul-David Botshko, il sétait rendu compte de la qualité exceptionnelle de cette institution et des conditions difficiles dans laquelle elle se trouvait. Elle répondait en effet de par léducation quelle prodigue et des principes qui inspirent son action aux idéaux pour lesquels il navait cessé de lutter durant toute son existence. Fondée en 1927 à Montreux en Suisse, par le rav Elyahou Botschko venu de Lituanie, elle était la première institution de ce genre en Europe occidentale. Elle se proposait de promouvoir un judaïsme animé par la passion de létude, du limoud à partir des textes traditionnels, afin de ranimer le flambeau de la Thora dans un environnement déjà largement émancipé et souvent ébloui par les lumières de lOccident. Le fondateur, formé à lécole du « moussar », insistait en toutes occasions sur le lien indissoluble entre étude et comportement moral. Les valeurs de léthique, les devoirs envers le prochain et dune manière générale louverture vers lautre, sont restés jusquà ce jour prépondérantes dans lidéal de vie proposé aux étudiants. Le fils du fondateur, le rav Moshé (), poursuit dans cette voie tout en mettant laccent sur lharmonie à réaliser entre le matériel et le spirituel comme but ultime de la vie juive et sa vocation spécifique. Il estimait dautre part quil importait de ne pas couper la Yeshiva des autres sources de culture et confiait dans ce sens lenseignement à certains rabbanim qui en plus de leur formation spécifique avaient suivi un cursus universitaire. Ils étaient ainsi en mesure dharmoniser leur culture profane avec leurs connaissances des études sacrées. Il y a dix ans, jugeant quil fallait répondre aux impératifs de lheure et réaliser pratiquement les idéaux sionistes dont linstitution se prévalait depuis sa fondation, il prend la décision de transplanter la Yeshiva en Israël. Fait unique dans les annales de ce genre détablissement, qui démontre une volonté ferme de mettre la pratique en accord avec la théorie en nhésitant pas à braver les immobilismes pour ouvrir la voie à des initiatives hardies prometteuses davenir. On comprend que ces options qui correspondent très exactement à celles du créateur de lInstitut de formation des maîtres, devaient susciter chez lui des réactions enthousiastes. Dautant plus, que la Yeshiva sous la direction dynamique et dévouée du petit-fils du fondateur, se transforme très rapidement en Yeshivat Hesder, alliant létude intensive de la Thora et le service militaire dans le cadre de Tsahal. Cest un même principe qui régit le don de soi pour la Thora et pour la défense du peuple : mettre toute lénergie de la personne au service dun idéal de dépassement. Unité de la personne qui se forge dans lapproche des textes sacrés et dans la dure réalité dune nation qui se recompose après des siècles dexil, et tente de retrouver les racines historiques de son être collectif. Conscience profonde de la valeur irréductible de chaque individu qui ne parvient pourtant à la réalisation de toutes ses possibilités que dans le cadre de la collectivité et de lamour pour le Kellal Ysraël (le peuple d'Israel). Soulignons au passage la continuité des maîtres de la Yeshiva, qui de pères en fils et petits-fils, reprennent inlassablement le flambeau pour transmettre sous des formes renouvelées, la fidélité à lhéritage. Mais au-delà de lacquisition des connaissances profondes dans tous les domaines du judaïsme, au-delà de léducation à une totale disponibilité pour une vie vécue à laune des exigences de la Thora et de son éthique, il faut souligner latmosphère chaleureuse qui caractérise les relations entre les maîtres et les élèves. Prosper Elkouby rappelait souvent lémerveillement qui lavait saisi lors des dîners du vendredi soir lorsque les élèves se rendaient dans les familles des rabbanim et échangeaient avec eux et les membres de leurs familles, dune façon totalement informelle et pourtant empreinte dun profond respect et de sincère amitié, des divré Thora ainsi que des propos concernant lactualité, la pédagogie, ou tout autre sujet dintérêt. Un esprit familial règne dans cette maison détude, une disponibilité toujours en éveil, qui demeurent vivants même lorsque létudiant quitte la Yeshiva ; ils laideront plus tard et dune façon durable, à créer et à gérer dans le même esprit son propre foyer. Aussi, lorsque Prosper Elkouby se rend compte de la situation matérielle difficile dans laquelle se trouvait la Yeshiva, les problèmes sécuritaires sajoutant aux problèmes financiers, sa réaction fut immédiate : il faut soutenir cette institution, qui du point de vue de sa philosophie religieuse, sioniste et éducative correspondait si bien à ses propres options. Une fois de plus, comme lors de ses initiatives précédentes, il applique à la lettre la recommandation des Pirke Avot: «  il ny a point dhomme, sois lhomme » susceptible dêtre lhomme de la situation. Il crée une association, en définit les buts, et mobilise tous ses amis et connaissances en vue de réaliser progressivement un plan daménagement des locaux nécessaires pour le fonctionnement décent et digne de linstitution. Le Bet-hamidrash est installé dans une caravane : il sera transféré dans un bâtiment adéquat, spacieux, et répondant aux besoins. Dans ce but, la construction dune maison détude, – quil considère comme la première étape dun projet de développement à long termeil décide de réunir les fonds nécessaires. Il organise plusieurs galas, anime une équipe de donateurs, prend la parole dans quelques synagogues et galvanise toutes les énergies. Le 6 décembre 2003, le bâtiment est inauguré en présence de plusieurs rashé yeshivot (maîtres de Yeshiva), des maîtres de la Yeshiva, des élèves, de nombreux amis et anciens élèves venus de tout le pays et même de létranger. Prosper Elkouby prend la parole et rappelle les motifs qui lont amené à se mobiliser en faveur de ce projet. Il exprime, en remerciant tous ceux qui lont aidé dans cette tâche, sa joie davoir pu contribuer à assurer dans de meilleures conditions la continuité de létude de la Thora, en ce lieu,- aux environs de Jérusalemen ce moment, – Israël est engagé dans une dure et sévère lutte pour son existence- et dans cette école talmudique qui allie avec tant de naturel le respect des hommes et la crainte de Dieu, la formation de la personne individuelle et les devoirs envers la collectivité. Dès le lendemain de cette inauguration, ayant constaté que la Yeshiva ne disposait daucune protection sécuritaire, il lance un appel et lève les fonds pour la construction dune barrière de sécurité, et crée un fonds de bourse pour venir aide aux étudiants. Dans le même temps, dans le souci de faire connaître linstitution et dinformer les donateurs de ses activités, il promeut la diffusion dun Bulletin, la Voix de Heykhal Elyahou, qui porte aux adhérents de lassociation de soutien, lécho de lenseignement de ses maîtres. Ainsi, cette initiative qui devait être la dernière, illustre et couronne dune manière remarquable le sens de lœuvre et de la vie de Prosper Elkouby. Renforcer les liens entre les juifs de la Diaspora et Israël à travers la réalisation dun projet concret qui permette dapprofondir les sources du judaïsme, et participer activement à lenracinement de notre peuple sur sa terre. Que cette participation ait pu se cristalliser autour dune œuvre éducative exemplaire, ne pouvait que renforcer lengagement de ce serviteur de la communauté, déterminé, modeste et hautement efficace, pour la défense des vraies valeurs susceptibles dassurer non seulement la survie, mais également le rayonnement de ce judaïsme exigeant et exaltant quil a tant aimé".

Le 11 mars 2004, suite à un tragique accident de la circulation, Prosper Elkouby décède à Paris après 10 jours d'hospitalisation. Il est inhumé le lendemain sur les collines de Jérusalem, au cimetière de Givat Shaul. Nombres de ses élèves, de ses proches et de ceux qui l'ont côtoyé de près ou de loin, rédigeront alors des hommages. Ces derniers sont aujourd'hui édités dans un ouvrage rédigés par les enfants de Prosper Elkouby, "Pour une éducation juive dans la Cité", paru en 2004.

Chronologie de son parcours et de ses fonctions

1955-1971 : Au service de lA.I.U. et de lEducation nationale.

1955-1967 : Professeur de lettre Arabe classique. Cours complémentaire Julien WeillAlliance Israélite Universelle à Meknès (Maroc).

1967-1971 : Professeur de lettres au C.E.S. Jean Lurçat à Villejuif. Juin 1971 : Inscrit sur la liste daptitude au principalat de C.E.S

Exposé sur la jeunesse juive et le sionisme devant Ben Gourion dans son Kibboutz à Sdé Boker en 1969

1971-1978 : Directeur régional du FSJU et de lAUJF à Marseille pour la région Provence-Languedoc. Directeur du Comité dAction Sociale Israélite de Marseille. Membre du Conseil dAdministration de lEcole YavnéMarseille.

1978-1994 : Directeur du département de lEnseignement au Fonds Social Juif Unifié (FSJU)

1983-1988 : Membre du Conseil dadministration du Programme dAction et de Coopération pour lEducation Juive (P.A.C.E.J.), créé avec le FSJU, à linitiative du Grand Rabbin R.S. Sirat, alors Grand Rab- bin de France.

1980-1992 : Directeur du Centre Juif dEtudes Pédagogiques (C.E.J.E.P.) Formation dinstituteurs.

1987-1994 : Coordonne la préparation de la Délégation française à la Marche des Vivants. En mars 1988, participe en Pologne au sein dun groupe de 14 responsables mondiaux à la préparation du circuit que devaient suivre les participants à la première Marche des Vivants en avril 1988.

1985-1994 : Secrétaire Général de la Commission Universitaire du Fonds Social Juif Unifié, présidée successivement par M. Jacques Attali, les Professeurs Mireille Hadas Lebel et Roland Goetschel. Co-organisateur de deux colloques internationaux tenus à Paris à loccasion du 500e anniversaire de lexpulsion des Juifs dEspagne en 1492 :

le premier à Paris Sorbonne, les 11, 12 et 13 mai 1992 sur « Lexpulsion des Juifs dEspagne et ses conséquences »

le second, au Sénat, les 8 et 9 novembre 1992, sur « Les Juifs dans IEurope daujourdhui et de demain» organisé par lINALCO, la Commission Universitaire du FSJU, le CIREJ Toulouse le Mirail, les Universités dAix-Marseille I, II, III et de Paris I et VIII.

1990-1994 :Membre du Bureau exécutif de la Fédération Nationale des Ecoles Juives Autonomes au poste de Secrétaire Général

Coordonne les travaux de la Commission de Concertation mise en place à linitiative du Groupement dIntérêt communautaire du FSJU. Cette commission, qui réunit les responsables de tous les réseaux scolaires, toutes tendances confondues, ainsi quun représentant de lAssociation des Directeurs dEcoles Juives, appelée à connaître et à suivre tous les problèmes relatifs aux moyens supplémentaires alloués par le Ministère de lEducation nationale aux écoles juives, dans le cadre des contrats.

1990-1994 : Secrétaire Général du Prix Annie et Charles Corrin pour lensei- gnement de lHistoire de la Shoah, prix parrainé par le Ministère de lEducation nationale. Présidents successifs du jury: Monsieur André Frossard (1990- 1996), puis Madame Simone Veil (depuis 1996).

1983-1994 : Chef du département de développement communautaire au FSJU. Président du Comité dEntreprise (FSJUAUJF)


Distinctions et écrits

Titres et distinctions

Baccalauréat (moderneSciences expérimentales)

C.F.E.N. – Certificat de Fin dEtudes Normales Ecole Normale dInstituteurs de la Seine, rue MolitorParis 16e.

C.A.P. Certificat dAptitude Pédagogique.

Diplôme dArabe classique (Université de Rabat)

Licence dEnseignement de Lettres Modernes (ParisSorbonne)

Maîtrise de lettres modernes (Paris - Sorbonne). Sujet du mémoire : « Eléments et principes de la Critique biblique dans le dictionnaire philosophique de Voltaire »

Stage à lEcole Normale Supérieure de Saint-Cloud sur «Les nouvelles Techniques de lenseignement du français par les moyens audio-visuels », juin 1960.

Diplôme de lInstitut de formation pour professionnels de la collecte de fondsJérusalem 1973.


Autres titres :

Teoudah YeroushalmitJuin 1954

Diplôme de Directeur de colonies de vacances


Distinctions

Chevalier dans lordre des Palmes Académiques, par décret du Premier Ministre, en date du 3 mars 1993.

Officier des Palmes Académiques des mains de Monsieur Xavier Darcos, Ministre délégué à lEnseignement Scolaire. Juillet 2003.


Publications

1971-1978 : Directeur du mensuel « LArche Provençale » 1985-1994. Chef de rubrique dans la revue « Communauté Nouvelle »


Activites communautaires extra professionnelles

En 1989 : il participe à lélaboration et à lédition de louvrage collectif « La Révolution française et lémancipation des Juifs de France » réalisé sous la direction du Professeur André Kaspi. Louvrage a bénéficié du soutien de la Mission du Bicentenaire de la Révolution Française.


IJusquen 1967 au Maroc

a) Eclaireurs IsraélitesChef de clan routier E.I.F. à MeknèsCommissaire local des E.I.F. puis des E.I.M. • Commissaire Général adjoint des E.I.M.

b) D.E.J.J.MarocDélégué du D.E.J.J. à MeknèsMembre de léquipe de direction des Centres Communautaires au Maroc. • Directeur de Colonies de vacances.

c) Rapports judéo-chrétiens 1960-1967: crée et anime au Maroc avec un Père dominicain, un groupe damitié judéo-chrétienne qui est devenu pendant les 2 années qui ont précédé mon départ du Maroc en 1966 et 1967 un groupe damitié judéo-christiano-musulman.


IIDepuis 1967 en France

1967-1971 : Membre du Conseil dAdministration du D.E.J.J. au poste de secrétaire Général.

1968-1971 : Membre du groupeConseil de lO.F.A.C. Chef de stage dEtat pour la formation des moniteurs de colonies de vacances (décembre 1970).

1992-2004 : Président fondateur de lassociation familiale « Brit HeftsibaChalom » qui a pour but « dapporter son concours moral, culturel et social ainsi que son aide matérielle aux personnes et familles dans le besoin » (article 2 des statuts)

1995-2004 : Membre du conseil dadministration de lEcole et Collège Lucien de Hirsch à Paris 19e.

1996-2004 : Membre du Comité de Parrainage du Prix A. et Ch. Corrin.

1997-2004 : Membre du Comité Directeur de Yad Layeled France, Musée Mémorial des Enfants de la Shoah.

04/1999-2004 : Siège à la commission des Ecoles de lAlliance Israélite Universelle, à linvitation de son président, le Professeur Ady Steg.

Depuis 10/1999-2004 : Membre du jury du prix Edmond Ténoudji pour la voca- tion éducative juive.

2000-2002 : Président du Comité du Centenaire de lEcole Lucien de Hirsch. A ce titre, organisateur du colloque qui sest déroulé au Palais du Luxembourg, le 10 mars 2002 sur le thème:"Quelle Ecole juive pour le XXIe siècle?"

2001-2004 : Président Fondateur du Comité Français de Soutien à lInstitut des Hautes Etudes de Jérusalem, dirigé par le Rav Shaoul David Botschko.


Annexes

Sources

  • Toutes les informations fournies dans cette articles sont issues de l'ouvrage Pour une Education juive dans la Cité consultable librement sur internet : Pour une Education juive dans la Cité

Liens externes

Bibliographie

  • Recueil d'écrits, de discours et de témoignages sur Prosper Elkouby : Pour une Éducation juive dans la Cité paru en 2004 aux éditions Polyglottes.

Notes et références

  1. Edouard Bruel était formateur et responsable de formation à l'I.S.P.E.C. Il a passé toute sa carrière dans l'Enseignement catholique comme enseignant du primaire au secondaire et chargé de cours dans le supérieur et assumant des responsabilités à tous les niveaux, de l'établissement au département et à la région ainsi qu'au niveau national. Après une formation de professeur de lettres, il s'investit dans les sciences de l'éducation avec une spécialisation en sociologie. A partir de cette compétence, il s'est engagé de plus en plus dans la formation pour s'y consacrer à temps plein en fin de carrière. Durant ces dernières années, il assumait à l'I.S.P.E.C la responsabilité des partenariats et des missions extérieures à l'enseignement catholique français.

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Prosper Elkouby de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужен реферат?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Éducation juive — Un melamed (instituteur) dans la Podolie du XIXe siècle. La plupart des écoles primaires étaient fondées sur le modèle du heder, n enseignant que des textes religieux dans une chambre de la maison du melamed. L éducation juive (hébreu: חינוך …   Wikipédia en Français

  • Résultats par canton des élections cantonales françaises de 2011 — Sommaire 1 Métropole 1.1 Ain (01) 1.2 Aisne (02) 1.3 Allier (03) 1.4 …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/2091846 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”