- Mathesis universalis
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La mathesis universalis (du grec mathesis : « science », et du latin universalis : « universel ») désigne l'hypothèse d'une science universelle primitive, conçue sur le modèle des mathématiques. Décrite notamment par Leibniz, elle devait pouvoir s'effectuer au travers d'une machine à calcul ou machine à raisonner, telle que son cylindre à calculer.
Sommaire
Histoire du concept
Avant Leibniz
La mathesis ou matheseos désigne primitivement, chez les auteurs grecs et latins, et en particulier chez Proclus, recteur de l’École néoplatonicienne d'Athènes au Ve siècle de notre ère, les fondements mêmes des mathématiques, voire de toute connaissance.
L'idée est sous-jacente dans l'œuvre d'Aristote, mais elle n'y est pas présente comme telle[1].
On la retrouve chez les auteurs de la Renaissance et du XVe au XVIIe siècle, accompagnant la résurgence du néoplatonisme chez Marsile Ficin, Nicolas de Cues, Leonard de Vinci et Nicolas Copernic, et s'illustrant à travers les œuvres de Ramus, Paracelse, Galilée, Kepler et Romain.
Selon les époques, les savants ont cherché ce Graal dans la géométrie, la logique, l'analyse ou l'algèbre ; aujourd'hui, sans doute le cherchent-ils dans le lambda calcul. Dans l'Antiquité, pour certains auteurs, le concept fait office d'encyclopédie du savoir astrologique, comme chez Julius Firmicus Maternus, dont le principal ouvrage se nomme Matheseos (il s'agit d'ailleurs du seul traité latin d'astrologie conservé en entier).
Avec ses Regulae ad directionem ingenii (Règles pour la direction de l'esprit), Descartes affirme quant à lui l'idée d'une science universelle innée, fondée sur le modèle des mathématiques[2], mais après ce texte inachevé, le mot désigne plus souvent chez lui sa seule géométrie analytique.
Par ailleurs, la quête d'un langage parfait a été formulée, avant Leibniz, par John Wilkins dans son Essay towards a Real Character and a Philosophical Language (1668).
Leibniz
Selon Edmund Husserl (dans Logique formelle et logique transcendantale, 1929), la notion de mathesis universalis rencontre chez Gottfried Wilhelm Leibniz la première tentative d'unifier l'apophanie d'Aristote et l'analyse formelle issue de Viète. Il distingue deux sens au mot : un sens intrinsèque, interne aux mathématiques, et un sens plus général, reliant ce qui est commun à toutes les disciplines scientifiques.
Selon Michel Foucault, dans Les mots et les choses, la condition même de la continunité de l'épistémè (« science ») classique réside dans la permanence et dans l'unité du lien entretenu avec la mathesis (du moins jusqu'à la fin du XVIIIe siècle).
Après Leibniz
L'étude de la mathesis s'est particulièrement développée au XIXe siècle, donnant naissance - entre autres - aux recherches de Peano, Zermelo, Frege, Russell, Carnap et Hilbert[réf. nécessaire] sur les fondements de la logique. Par ailleurs, une école italienne de mathématiques a pris ce nom. Parallèlement, fleurit à cette époque une revue de mathématiques spéciales[3] à cette enseigne.
En philosophie, Husserl, développe une idée de la mathesis universalis externe aux mathématiques. C'est aussi, aujourd'hui, le nom d'une collection de logique et d'épistémologie éditée par la Librairie philosophique J. Vrin.
De façon anecdotique, selon certains auteurs, la mathesis ne se trouve pas dans une science construite à l'imitation des mathématiques, mais par exemple, selon Roland Barthes, dans l'œuvre de Marcel Proust[4].
Curiosité
Un astéroïde a reçu le nom de ce concept.
Liens externes
- Raul (en) Corazzon's Ontology web page: Mathesis Universalis: a bibliography
Liens internes
Ontologie • Epistémologie • Apophansis • Apophénie
Notes et références
- Jean-Luc Marion, Sur l'ontologie grise de Descartes, Vrin, 2000 (ISBN 2711605493).
- David Rabouin, Mathesis universalis – L’idée de « mathématique universelle » d’Aristote à Descartes, PUF, coll. Epiméthée.
- Mathésis chez Gauthier-Villars (1880/1910)
- L'œuvre de Proust est, du moins pour moi, l'œuvre de référence, la mathésis générale, le mandala de toute la cosmogonie littéraire. », Roland Barthes, Le plaisir du texte. «
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