Louis-Marie Ponty

Louis-Marie Ponty
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Louis-Marie Ponty (26 janvier 1803, Paris24 décembre 1879, Paris) est un poète, chansonnier, écrivain, philosophe et goguettier parisien.

Il a fait partie de l'église Saint-simonienne.

La plus grande partie de son œuvre est restée manuscrite. Il s'agit de trente ans d'écritures journalières comprenant de très nombreux poèmes et textes en proses. Ils n'ont pas été conservés et sont perdus.

Les écrits publiés et la vie de Ponty sont oubliés par le grand public.

Biographie

Louis-Marie Ponty[1]

Eugène Baillet écrit[2] :

Louis-Marie Ponty
Chiffonnier, forgeron, etc.
Le nom de Ponty n'est pas souvent arrivé aux oreilles du public ; ce n'était pas moins un vrai poète du peuple et un chansonnier de la bonne école; c'est à ce double titre que nous lui devons une place dans notre galerie. Le nom de ce prolétaire mérite de ne pas descendre avec lui dans la fosse commune... Qui s'occupera des nôtres si nous les oublions nous-mêmes?
Combien de rimailleurs sans conscience et sans but sont arrivés par adresse ou circonstance à produire leurs œuvres dans tous les recueils à Paris et en province avec leur portrait et leur peu intéressante biographie, et dont le bagage littéraire est bien au-dessous de celui de Ponty. Souvenons-nous des humbles et ne passons pas devant leur tombe sans y déposer la fleur du souvenir.
Louis-Marie Ponty était né en 1803 à Paris, le 26 janvier. Ses parents étaient des artisans aussi honnêtes que pauvres ; il était tout jeune encore quand son père mourut ; sa mère n'avait pas de métier, elle fut tour à tour marchande des quatre saisons, blanchisseuse, femme de ménage. Ponty avait une sœur aînée, cela faisait trois personnes à vivre sur le gain de la pauvre mère, heureusement que son courage était assez grand pour dominer sa malheureuse situation, aussi Ponty, à soixante-dix ans, parlait-il encore de sa mère avec des larmes dans la voix.
Dès que l'enfant eut l'âge de tenir un outil, c'est-à-dire neuf ou dix ans, on l'envoya dans les ateliers... Où a-t-il appris à lire ?... Il n'en sait rien. Il ne se souvenait, en fait d'instruction, que de quelques leçons d'écriture que lui donna un bon voisin, ancien Conventionnel du nom de Bréard, devenu herboriste, qui l'avait pris en amitié[3].
« Je me souviens de ce brave homme avec grand respect, disait Ponty qui aimait à rappeler ce souvenir; il chantait toujours en arrosant de nombreux pots de fleurs qui ornaient la devanture de sa boutique ; on le vénérait dans le quartier, cependant les commères se le montraient en disant : C'est un Jacobin ! Jamais il ne donnait son avis sur les événements du jour. Il fermait religieusement sa boutique le dimanche, mais il n'allait pas à la messe ; sa figure était belle et son ensemble imposant. »
Les seules paroles de cet ex-président de la Convention, restées dans la mémoire de Ponty, sont celles-ci : « Apprends bien, mon enfant; si les hommes étaient plus instruits, ils ne seraient peut-être pas si méchants. » Ce vieux Conventionnel ouvrant ainsi son cœur à un pauvre enfant à qui il apprend à écrire dans une arrière-boutique d'herboriste, voilà un joli tableau de genre à faire.
L'atelier n'était pas ce qu'il fallait au jeune Ponty, le travail libre avant tout convenait seul a sa nature un peu bohémienne quoique courageuse ; quelques sous pour acheter du pain et des livres, c'était le bonheur ! A vingt ans il était chiffonnier, ce qui ne l'empêchait pas d'avoir déjà une bibliothèque composée de livres achetés sur les quais et chez les marchands de bric-à-brac. Il avait lu en partie Voltaire et Rousseau et connaissait assez pour en causer les philosophes du dix-huitième siècle.
Quand Viennet de l'Académie française publia son Épitre aux chiffonniers qui fit un certain bruit[4], Ponty lui répondit par une lettre que j'ai sous les yeux, lettre pleine de bon sens et bourrée de citations littéraires... Ce chiffonnier de vingt-deux ans répondant à un académicien ne manque pas d'originalité et montre chez ce jeune citoyen une parfaite conviction de l'égalité des hommes devant la raison.
Ponty avait déjà rimé une Épitre à Voltaire, un poème en trois cents vers intitulé : La Religion ou les Erreurs de quelques-uns et la mienne ; une jolie pièce sur la Mort du général Foy et un grand nombre de chansons qu'il chantait dans les goguettes d'alors, où trônaient Debraux, René Faivre, Dauphin et autres rois, tous amis du poète.
Il y a bien là, comme on doit le penser, quelques couplets en l'honneur du grand homme, mais c'est avant tout l'esprit voltairien qui domine ; cela est bien rimé et rythmé.
Ne fallait-il pas une nature d'élite et une volonté de fer pour être arrivé à ce résultat dans le milieu où vivait Ponty ?
En 1826 nous le retrouvons tireur de soufflet d'un forgeron poète qui se nommait : Berges de la Vernoze ; ce dernier allait publier un recueil de chansons sous ce titre qui sent bien son 1826 : le Paladin. Ponty est admis à l'insigne honneur d'y collaborer ; être imprimé ! ô bonheur ! et puis, bonheur bien plus inespéré, une de ses chansons, le Chiffonnier du Parnasse, est chantée partout, on l'entend sur les places publiques et dans les sociétés chantantes. En voici le premier et le dernier couplet :


Las de végéter dans la classe
Des rimailleurs gagne-denier,
Je viens de grimper au Parnasse
Et m'en suis fait le chiffonnier.
J'ai pris, ce qui n'est pas trop bête,
Pour croc la plume de Panard
Et le crâne d'un vieux poète
Pour lui servir de Corbillard.
................................................
Des favoris de notre scène
Si je trouve un jour les écrits,
Je veux, content de cette aubaine,
Honorer ces divins esprits.
Quant à ces œuvres trop légères,
Dont nous sommes assassinés,
Je les conserverai, mes frères.
Pour en faire des... torche-nez.


Ponty publia à cette époque dans différents recueils : Mon ombre, Travail et Plaisir, Point d'hyménée, Défense de la barbe et quantité d'autres couplets qui ne manquent pas de valeur, puis continuant à lire et à étudier, le joyeux chansonnier, qui touchait à la trentaine, se métamorphosa tout-à-coup et ne produisit plus que des œuvres sérieuses. Il correspond dès lors avec Béranger, Michelet, George Sand, il s'affilie à la famille Saint-Simonienne et s'occupe avec amour de toutes les questions philosophico-politiques à l'ordre du jour, qu'il discute et enseigne avec toute l'ardeur d'un néophyte, par des articles dans le Bon Sens et autres journaux de la même nuance, et lorsqu'on 1840, Olinde Rodrigues révéla au monde politique et littéraire la pléiade des poètes de l'atelier par la publication des Poésies sociales des ouvriers. Ponty, qui a trois pièces importantes dans ce livre, fut un des plus remarqués.
Il est vrai qu'il y avait une antithèse tellement grande entre sa poésie et sa situation, que la surprise était bien naturelle.
Quand on avait lu des vers pleins de vigueur et de lyrisme comme ceux-ci, dédiés à son ami Gauny ;


Quand ta lyre, Gauny, saintement prophétique,
A ton hibou module un concert séraphique,
Qui rend la vie aux morts et l'espoir aux mourants,
En leur montrant cette vie éternelle
Toujours plus sainte et sans cesse plus belle,
De la bonté de Dieu le plus doux des présents
Qu'il fait à toute âme immortelle,
Ainsi que le disent tes chants ;


Qu'importe ! ai-je dis-tu, besoin de la connaître,
Tout est éternité, rien ici n'est à naître,
Tout respire, tout gît, au sein même de Dieu,
Soleil, ciron, tout est de son royaume ;
Dans l'univers il n'est pas un atome
A venir ou venu, qui ne prouve son feu.
Toi même es plein de son arôme,
Et l'infini c'est le Saint-Lieu.


et qu'on arrivait à la signature, on était tenté de croire à l'imposture en lisant : L. M. Ponty, ouvrier en vidanges. Rien n'était cependant plus vrai. Quand on faisait remarquer à Ponty ce qu'il y avait de répugnant dans ce métier : — Bah ! répondait-il, on n'y pense pas ! et puis j'ai toutes mes journées à moi pour aller bouquiner sur les quais ou pour écrire en plein soleil ! Mais ses amis s'insurgèrent contre cette situation, et, bon gré mal gré, il accepta un petit emploi au chemin de fer. Aussitôt en place, il envoie à son vieil ami Mathelin, resté dans le chiffon, une chanson où se peint sa pensée entière et vivace :


..................................................
Te rappelant ce chien et ce loup maigre[5]
Par Lafontaine autrefois célébrés.
De l'employé plus esclave qu'un nègre
Avec raison tu plains les fers dorés.
Un coup de plume éteint son existence,
Toi, mon vieux loup, heureux quoique moins gras,
Nul n'a de droit sur ton indépendance.
Ton métier libre, oh ! ne le quitte pas !


Laisse-les donc t'insulter dans la rue,
Vrai lazaronne aussi libre que l'air,
Va ! tout outil n'est qu'un poignard qui tue
La Liberté, de nos biens le plus cher...
..................................................


Ponty se maria, il eut une fille ; son amour pour son enfant était de l'adoration... A sept ans l'enfant mourait... Sa douleur fut tellement vive que ses amis craignirent pour sa raison ; il ne pouvait se faire à l'idée de ne plus voir sa fille.
Son amour de père, doublé de son imagination de poète, lui inspirèrent une façon de vaincre en partie la mort :
Il coupa les beaux grands cheveux blonds du cher petit être, puis, prenant une feuille de carton sur laquelle il posa, toute déployée, la dernière robe portée par l'enfant, il étendit dessus, en les plaçant à la hauteur de la tête, ces cheveux, laissés flottants dans toute leur longueur, sur lesquels il ajusta une petite couronne blanche, rapportée par l'enfant un jour de distribution des prix, et, mettant le tout dans un cadre qu'il suspendit au pied de son lit, jusqu'à sa dernière heure il eut devant les yeux sa fille vivante, âgée de sept ans, dans la position d'un enfant qui marche à quelques pas devant vous.
L'étrangeté de ce tableau vous serre le cœur quand on le regarde. Mais il a été la consolation du vieux poète et la pensée qui la fait naître contient un immense amour.
Depuis plus de trente ans que Ponty appartenait aux ateliers du chemin de fer, il n'avait cessé d'écrire des vers ou des chansons, voire même de la prose très originale. Il y a dans tout cela beaucoup d'œuvres remarquables, qui seront à coup sûr perdues comme tant d'autres, c'est le sort le plus habituel de ces sortes d'écrits... peut-être, un jour, dans cinquante ou soixante ans, si le feu ne s'en mêle pas, quelque fureteur bibliographe découvrira-t-il ces cahiers chez un marchand de bric à brac ou en possession de quelque ignorant qui les aura trouvé dans le tiroir d'un vieux buffet, acheté trois francs, à l'hôtel des ventes, et surpris du ton particulier de ces vers, cet ami des lettres fera de ce pot-pourri littéraire un article très intéressant par les citations des poésies inédites du brave Ponty.
Sa note poétique est rugueuse et vibrante : c'est bien le poète du peuple, l'accent est convaincu, le mot parfois un peu dur ; le style c'est l'homme, c'est vrai encore cette fois — ce vieux lutteur était irascible et tout en lui, jusqu'au timbre de sa voix, rappelait le beau truand du seizième siècle.
L'âge n'avait en rien altéré ses facultés ; chaque soir, en revenant de l'atelier, il employait trois et quatre heures à lire ou écrire, rien ne lui était étranger dans le cercle de ses moyens : les tableaux, il ne manquait jamais sa visite annuelle au Salon — les livres nouveaux, — il avait lu jusqu'à l'Assommoir, qu'il appelait l'œuvre d'un scélérat, tout l'intéressait ; et les trois francs cinquante qu'il gagnait par jour... après trente ans de bons services, ô administration généreuse ! passaient plutôt chez les bouquinistes et les libraires que chez le tailleur ou le marchand de vin.
Les emplois qu'il occupait dans les ateliers du chemin de fer étaient pénibles et dangereux. Ponty n'était pas homme à se faire valoir, les réclamations n'allaient pas à sa nature où dominait la belle fierté plébéienne. Je gagne autant d'argent que j'en dépense, disait-il, on ne peut pas être plus riche, et il continuait sa fonction de perceur de trous. Plusieurs fois il fut blessé en travaillant, c'était l'hôpital, cela ne l'effrayait pas ; et pendant que nous pensions entre nous : en sortira-t-il ? lui nous disait : ça me repose un peu d'être ici, et ses yeux brillant de finesse et de pénétration éclairaient d'un doux sourire la bonhomie de son visage qu'encadrait admirablement une éclatante barbe blanche.
Ponty habitait depuis très longtemps un petit logement dans un coin isolé des Batignolles, un logement n'est pas le vrai mot, on devrait dire une caisse de livres au milieu de laquelle il restait juste assez de place pour se mouvoir ; les casiers en planches touchaient à terre et montaient jusqu'au plafond. Là, l'œil ne rencontrait rien autre chose que des in-8°, des in-12 et les petits in-16 de Didot. Il y avait des livres de médecine, des journaux de la première Révolution, des Magazine, des poètes, là Pelletan côtoyait Proudhon, son ennemi intime, etc. — Le vieux poète savait où posait la moindre feuille de ce capharnaüm. C'est là qu'il mourut le 24 décembre 1879, après quelques mois de maladie.
Cette bibliothèque, précieuse pour son possesseur, était nulle au point de vue de la vente ; le tout fut acheté cent soixante francs. C'est le seul héritage laissé par ce courageux et studieux prolétaire après soixante années de travail !
Les idées de Ponty étaient républicaines socialistes, et à soixante-quinze ans il les exprimait encore avec toute la verdeur d'un jeune homme.
Ce brave vieillard était l'ami de tous ses compagnons d'atelier. Aussi étaient-ils nombreux à son enterrement, malgré la neige et le temps affreux qu'il faisait ce jour-là. Sur le bord de la fosse, un ami de trente ans prononça le dernier adieu en quelques mots venus du cœur et écoutés avec recueillement : c'était celui qui signe cette notice et garde avec vénération le souvenir du vieux poète travailleur.

Notes et références

  1. La Chanson, 26 décembre 1880, numéro 33.
  2. De quelques ouvriers-poètes, biographies et souvenirs par Eugène Baillet, Labbé éditeur, Paris 1898, pages 49-58.
  3. Le nom de Jean-Jacques Bréard pose ici problème. Il est indiqué dans la biographie de celui-ci [1] qu'il ne rentra d'exil en France qu'après 1830 alors que Ponty avait déjà 27 ans. Soit il ne s'agit pas de Bréard mais d'un autre Conventionnel. Ou Ponty a rencontré un affabulateur qui se faisait passer pour Bréard ou a lui-même affabulé. Ou alors Bréard est rentré en France avant 1830. Une recherche reste à faire pour comprendre cette invraisemblance dans la biographie de Ponty.
  4. Jean-Pons-Guillaume Viennet Épitre aux chiffonniers sur les crimes de la presse, publié en 1827, protestation en faveur de la liberté de la presse.
  5. Allusion à la fable de Jean de La Fontaine Le Loup et le Chien.

Source

  • De quelques ouvriers-poètes, biographies et souvenirs par Eugène Baillet, Labbé éditeur, Paris 1898.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Louis-Marie Ponty de Wikipédia en français (auteurs)

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