Jim Jones (pasteur)

Jim Jones (pasteur)
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Jim Jones, dans sa jeunesse

James Warren Jones dit Jim Jones (13 mai 193118 novembre 1978) était le fondateur et pasteur du groupe religieux d'inspiration protestante : le « Temple du Peuple » dont il a fait le siège d'une lutte pour l’égalité raciale et la justice sociale qu’il appela « socialisme apostolique » et dont la communauté établie au Guyana a parfois été considérée, à l'origine, comme un projet agricole communiste[1] avant d'être le lieu d'un massacre et finalement désignée comme l'archétype de la secte.

Jim Jones est à l’origine d’une des dérives religieuses les plus connues de l’histoire ayant provoqué un traumatisme à l’échelle mondiale. Sa communauté connut une fin tragique le 18 novembre 1978 à Jonestown au Guyana où 908 personnes périrent par ingestion de cyanure de potassium ou d'assassinat.

Sommaire

Biographie

James Jones est né à Crete dans l’Indiana, aux États-Unis de James Thurman Jones et Lynetta Putnam. Il se disait descendant des indiens Cherokees par sa mère. [2].

En 1951, il est brièvement affilié au Communist Party USA[3].

Son intérêt pour la religion avait débuté très tôt dans son enfance et, dès la fin de ses études, il devint vendeur au porte-à-porte de singes de compagnie dans le but de récolter l’argent nécessaire à la fondation de sa propre Église qu’il appela tout d’abord « Les ailes de la délivrance » avant de la baptiser « Temple du Peuple »[4]. Le premier siège de son Église fut établi à Indianapolis.

En 1964, Jim Jones fut ordonné pasteur d’une congrégation protestante importante « les disciples du Christ », une Église qui traitait les noirs avec le même respect que les blancs. Il commença alors à s’engager dans une lutte pour l’égalité raciale et la justice sociale sur l'exemple de l'International Peace Mission de Father Divine[4]. Dès le début des années 1960, il adopte des enfants de différentes races qu'il appelle sa « rainbow family » (famille arc-en-ciel)[4]. Bien que les adeptes de son Église n'en étaient pas toujours conscients et que ses sermons n'étaient pas toujours explicites sur le sujet, Jones se disait Maoïste et s'identifiait à Karl Marx au point de vouloir créer sa propre « forme de marxisme », qu'il appela finalement le socialisme apostolique[4]. Il est cependant considéré plus comme un fondamentaliste protestant qu'un marxiste[5], avant d'être un des premiers personnages de l'histoire religieuse contemporaine à être qualifié de gourou dans le sens donné ensuite par la lutte antisectes.

Il déménagea son Église à Redwood Valley, en Californie, lieu que Jim Jones disait être un des rares qui pourrait résister à un holocauste nucléaire [6].

Son premier livre « la lettre tue » (de « la lettre tue mais l’esprit vivifie » de l’apôtre Paul, tiré de la Bible)[7] soulignait ce qu’il considérait être des contradictions, des absurdités et des atrocités dans la Bible, tout en parlant également de ce qu’il percevait comme de « grandes vérités ».

La chute

Une vue des bâtiments de la communauté à Jonestown

Cette phase politico-religieuse, qui lui attira des sympathies de diverses personnalités à l'époque, modifièrent le comportement de Jones qui prit conscience de son propre charisme. Il se fit alors appeler « Père » par les membres de son Église. Il commença à cette époque à affirmer qu’il était l’incarnation de Jésus, d’Akhénaton, de Bouddha ou de Lénine[8] et accomplit de prétendus miracles pour attirer de nouveaux disciples. À cette époque Jim Jones était encore très respecté, y compris par des personnalités politiques et artistiques de premier plan [9] (dont Rosalynn Carter, épouse du Président des États-Unis), pour cette Église d’exception qu’il avait fondée composée de noirs et de blancs et soutenant les nécessiteux mais surtout pour le soutien politique qu'il leur apportait en retour [10].

C’est à l’été de 1977, alors que la communauté venait de subir un contrôle fiscal, que Jones et les 900 membres du Temple du Peuple déménagèrent au Guyana dans le but déclaré de créer une communauté agricole utopique au milieu de la jungle, près de Port Kaituma, dépourvue de racisme et fondée sur les principes du socialisme. Il baptisa le village de son propre nom « Jonestown ». L ’autorité de Jones aurait commencé à diminuer dès cette époque[11], entre autres raisons à cause de sa dépendance à la drogue[12].

Le massacre de Jonestown

Leo Ryan

En novembre 1978, le député Leo Ryan fut envoyé mener une enquête dans la communauté à la suite de plaintes par des proches de membres du Temple du Peuple se rapportant à des conditions de vie enfreignant les Droits de l'Homme, en particulier le fait que le village aurait été géré comme un camp disciplinaire[13]. Le 15 novembre 1978, il arriva sur les lieux accompagné de reporters de NBC et du Time et d'un cameraman. Il passa alors trois jours à interviewer les résidents. Certains membres de la communauté exprimèrent le souhait de ne plus y rester et formèrent ce qui fut appelé « le groupe de Ryan ».

Le matin du samedi 18 novembre, le groupe de Ryan tenta brusquement de fuir lorsqu’un homme de la communauté agressa Leo Ryan avec un couteau. Le groupe de Ryan, composé de 15 membres de la communauté qui avaient demandé à l'accompagner, se précipita alors vers l’avion. D'autres membres de la communauté prirent alors un camion pour rejoindre le lieu du décollage et firent feu sur le groupe qui commençait à prendre place dans l’avion, tuant Leo Ryan et 5 autres personnes (le caméraman, le reporter de NBC, un photographe et un des membres de la communauté qui souhaitait partir) avant de repartir au village.

Plus tard, dans la même journée, 908 habitants de la communauté, dont plus de 300 enfants, moururent dans ce qui fut appelé depuis « un suicide collectif ». Quatre autres corps ont été également retrouvés (une mère et ses trois enfants) à la maison du Temple du Peuple à Lamaha Gardens à Georgetown[14].

Le personnel militaire transporte les corps après le massacre

Cependant, une part de mystère subsiste à ce jour et l’impossibilité de déterminer si les personnes étaient mortes consentantes ou non (certaines ont été abattues par des armes à feu ou des flèches), a conduit certains à parler d’assassinat. La majeure partie des membres a cependant ingurgité un mélange mortel de jus de raisin au cyanure et de somnifères. Les enfants se seraient fait injecter ledit poison en premier. Selon certaines sources, le suicide collectif aurait même été préparé de longue date au cours de simulations appelées « nuits blanches ». 167 membres de la communauté ont cependant survécu à cet épisode. Jones fut retrouvé mort assis sur une chaise, une balle dans la tête. Ces divers assassinats mêlés à la thèse du suicide collectif ont suscité diverses thèses parallèles pour expliquer l'affaire. Une théorie parallèle prétend, par exemple, que la CIA (voir Projet MK-Ultra), avec plus ou moins la complicité de Jim Jones, se serait servie de la communauté de Jonestown pour faire des expérimentations médicales secrètes[15],[16].

Il n’existe aucune image de l’évènement, mais le FBI produisit un enregistrement de 45 minutes appelé « death tape[17] » qui rapporterait ce qui s’est passé pendant la tuerie et en particulier le dernier discours de Jim Jones. On l'entend dire « ne soyez pas effrayés de mourir, la mort est votre amie ».

« Death Tape »

Sur la bande audio, Jones dit aux membres de sa communauté que l'Union Soviétique, avec laquelle il avait préalablement négocié un exil, ne les accueillerait plus à cause de l'assassinat de Ryan. La perspective était de voir des hommes « parachutés » et « tuer nos enfants innocents » ou « torturer les membres de la communauté, les plus âgés ». Dans ces conditions, Jones et d'autres membres de la communauté déclarent qu'ils devaient commettre un « suicide révolutionnaire » en buvant un breuvage au cyanure mêlé à des somnifères. Christine Miller, une adepte de la communauté exprime son désaccord au début de la bande. D'autres membres se mettent à pleurer. Jones leur déclare : « Arrêtez cette hystérie, ce n'est pas ainsi que les socialistes et les communistes meurent. Nous devons mourir avec dignité ». Jones dit alors : « N'ayez pas peur de mourir, la mort est juste le passage vers un autre plan, la mort est une amie ». À la fin de la bande, Jones conclut « nous commettons un acte de suicide révolutionnaire en protestation contre les conditions de ce monde inhumain »[17].

Voir aussi

Bibliographie

  • Raven: The Untold Story of The Rev. Jim Jones and His People, Tim Reiterman, 1982
  • Gone from the promised land: Jonestown in American cultural history John Hall, 1987
  • Salvation and Suicide: Jim Jones, the Peoples Temple, and Jonestown par David Chidester, University of Indiana Press, 1988.
  • Hearing the voices of Jonestown, Mary McCormick Maaga, 1998
  • Seductive Poison: A Jonestown Survivor's Story of Life and Death in the Peoples Temple par Deborah Layton, 1999.
  • Dear people: remembering Jonestown : selections from the Peoples Temple Collection, Denice Stephenson, 2005
  • Roman : Dans le prologue de son roman Avant le gel, de la série des Wallander, Henning Mankell place l'un de ses personnages dans la communauté de Jim Jones et relate les événements du 18 novembre 1978. Ce personnage parvient à s'échapper après avoir assisté au meurtre de sa famille. Dans sa version romancée, l'auteur ne mentionne pas la venue de NBC et ne laisse aucun autre survivant au massacre.

Filmographie

  • Film : Jonestown - The Life & Death of Peoples Temple de Stanley Nelson.

Articles connexes

Notes

  1. La communauté du Temple du Peuple est perçue par certains groupes communistes comme un « projet agricole communiste ». Il est encore tenu aujourd'hui comme un modèle du genre par le Rural People's Party The Rural People’s Party and Comrade Jim Jones” by James Williams qui considère le « camarade Jim Jones » comme un martyr de la cause Honoring the Legacy of the Peoples Temple Martyrs of November 18th, 1978
  2. John Hall, Gone from the promised land: Jonestown in American cultural history, Transaction Publishers, 1987 [présentation en ligne], p. 322 
  3. Wessinger, Catherine. How the Millennium Comes Violently: From Jonestown to Heaven's Gate. Seven Bridges Press, 2000. ISBN 978-1889119243
  4. a, b, c et d David Chidester, Salvation and suicide: Jim Jones, the Peoples Temple, and Jonestown, Indiana University Press, 1988 [présentation en ligne], p. 3 
  5. Jan Lundius,Mats Lundahl, Peasants and religion: a socioeconomic study of Dios Olivorio and the Palma., Routledge, 2000 [présentation en ligne], p. 312 
  6. Denice Stephenson, Dear people: remembering Jonestown : selections from the Peoples Temple Collection, California Historical Society Press, 2005 [présentation en ligne], p. 22 
  7. (en)"The Letter Killeth," by Jim Jones (original version) Department of Religious Studies at San Diego State University.
  8. Philippe Chassaigne, Les années 1970: fin d'un monde et origine de notre modernité, Armand Colin, 2008 [présentation en ligne] 
  9. Jon M. Shepard, Sociology, Wadsworth, 2010 [présentation en ligne], p. 426 
  10. John Hall, Gone from the promised land: Jonestown in American cultural history, Transaction Publishers, 1987 [présentation en ligne], p. 167 
  11. Mary McCormick Maaga, Hearing the voices of Jonestown, Syracuse University Press, 1998 [présentation en ligne], p. 87 
  12. (en)Le déroulement de l'affaire, en anglais
  13. Sur religioustolerance.org
  14. (en)Who's Died?
  15. Was Jonestown a CIA Medical Experiment ?: A Review of the Evidence de Michael Meiers.
  16. Voir également les éléments de cette thèse développés dans Raven: The Untold Story of The Rev. Jim Jones and His People, Tim Reiterman, 1982 et Salvation and Suicide: Jim Jones, the Peoples Temple, and Jonestown par David Chidester, University of Indiana Press, 1988
  17. a et b (en)La bande audio du FBI

Liens externes


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