- Jacqueline Moudeina
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Jacqueline Moudeina (Koumra, Tchad, 1957) est une avocate et militante des droits de l’homme tchadienne.
Sommaire
Biographie
Formation et exil au Congo-Brazzaville
Originaire de la région de Mandoul, dans le sud du Tchad, Jacqueline Moudeina vécut une enfance d’orpheline, son père, médecin connu, ayant en effet succombé à un empoisonnement quelques semaines après la naissance de sa fille, semble-t-il suite à son refus de collaborer avec l’administration coloniale française[1]. Après avoir passé son bac dans la capitale Ndjamena, elle s’inscrivit en 1979 à l’université de Ndjamena, pour y poursuivre des études d’anglais. Cependant, la guerre civile tchadienne (1979 – 1982), et le régime de terreur instauré ensuite par le dictateur Hissène Habré de 1982 à 1990, contraignirent Jacqueline Moudeina et son mari à quitter le pays. Entre 1982 et 1995, elle vécut en exil à Brazzaville, dans la République du Congo, où il elle fit des études de droit[2]. En 1993, elle adhéra à la section congolaise de l’organisation de défense des droits de l’homme ATPDH (Association Tchadienne pour la Protection des Droits de l’Homme), fondée au Tchad peu auparavant[3].
Avocate des victimes de la dictature d’Habré
Retournée dans son pays d’origine en 1995, elle s’inscrivit au barreau et mit ses compétences au service du bureau tchadien de l’ATPDH à NDjamena, devenant ainsi l’une des premières femmes au Tchad à travailler comme assistante juridique et mandataire de justice. Depuis lors, elle s’engage en particulier pour les droits des femmes, des enfants et des groupes discriminés de la population, et lutte, en affrontant l’indifférence des autorités tchadiennes en la matière, contre l’impunité qui couvre les violations des droits de l’homme[4].
Depuis 2000, elle s’est faite l’avocate des victimes du régime d’Hissène Habré. Une commission d’enquête instituée après la fin de son régime accuse Hissène Habré d’etre responsable d’environ 40 000 assassinats politiques. Il ordonna entre autres le massacre de membres de l’ethnie Sara (1984), Hadjerai (1987) et Zaghawa (1989). En 1990, il se réfugia au Sénégal, où pendant un temps il mena une vie de luxe. En 2000, Jacqueline Moudeina déposa une plainte contre lui au Sénégal ; concomitamment, elle assigna devant les tribunaux tchadiens ses anciens agents de la sûreté[2]. Elle fut toutefois déboutée de sa plainte par le tribunal suprême du Sénégal, celui-ci se déclarant incompétent. Jacqueline Modeina et les victimes qu’elle représentait tentèrent par la suite d’assigner Habré devant une cour de justice en Belgique, en vertu du principe de la compétence universelle en matière de crimes contre l’humanité. Elle obtint alors qu’un juge d’instruction belge se saisît de l’affaire, envoyât une commission rogatoire au Tchad pour y entendre d’anciens collaborateurs du régime de Habré, inspecter les charniers et les camps d’internement, et collecter des documents d’archive pour les verser au dossier[5]. Le juge inculpa Habré de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de génocide, et émit à son encontre un mandat d’arrêt international. Aussi la Belgique fut-elle amenée à demander que Habré fût extradé du Sénégal vers la Belgique. Cependant, l’Union africaine requit que Habré fût jugé au Sénégal, aucun chef d’État ne devant en effet, selon elle, être condamné hors du continent africain. Le Sénégal tout d’abord s’évertua à reporter sans cesse le début du procès, pour finir par déclarer en 2011 qu’aucune procédure ne serait engagée contre Habré. Dès lors, Jacqueline Moudeina s’efforce à nouveau d’obtenir que Habré soit jugé en Belgique[2]. En juillet 2011, le Tchad fit une demande officielle d’extradition vers la Belgique[5].
Autres actions menées par l’ATPDH
En 2004, Jacqueline Moudeina fut élue présidente de l’ATPDH. L’organisation offre des séminaires de formation pour enfants et des cours d’instruction sanitaire sur la SIDA[4]. La lutte contre l’esclavage des enfants est l’un des principaux domaines d’action de l’association. La pauvreté et le manque d’instruction portent de nombreux paysans au Tchad à vendre leurs enfants pour l’équivalent d’une dizaine de dollars américains à des éleveurs en quête de main-d'œuvre bon marché pour garder leurs troupeaux, mais il arrive également que des enfants soient enlevés sans le consentement de leurs parents. Les enfants n’accomplissant pas leurs tâches à la satisfaction des éleveurs sont battus, voire assassinés[6]. L’association s’efforce de mettre un terme à ces pratiques par la mise en place de cercles de vigilance, mais aussi par une aide financière aux paysans[2].
Par ailleurs, Jacqueline Moudeina veille à ce que les droits de l’homme soient respectés lors de la mise en œuvre d’un projet d’oléoduc destiné à relier les champs pétrolifères tchadiens autour de Doba avec la ville portuaire de Kribi au Cameroun, réclamant notamment le versement de dédommagements appropriés en cas d’atteintes à l’environnement[6].
Aggressions et menaces de mort contre Jacqueline Moudeina
Au Tchad, l’action de Jacqueline Moudeina se heurte à de fortes résistances. Le 11 juin 2001, alors qu’elle assistait à Ndjamena à une manifestation pacifique contre les manipulations électorales, elle fut grièvement blessée par une grenade qu’un soldat lui avait jetée devant les pieds. Son état nécessita un séjour de 15 mois en hôpital et en centre de réadaptation en France ; plusieurs éclats de la grenade se trouvent encore dans sa jambe et la gênent pour marcher. Bien qu’il lui fût recommandé de rester en France, elle décida de rentrer dans son pays. Peu avant le jour de noël 2003, des inconnus pénétrèrent par effraction dans son bureau et le fouillèrent[4]. En 2005, elle obtint dans le cadre du programme Scholars at Risk (litt. Universitaires en danger) une bourse de la Dickinson School of Law de l’université d'État de Pennsylvanie. Au début de l’année 2008, elle fut à de multiples reprises l’objet d’intimidations de la part des autorités de son pays après qu’elle et son organisation eurent révélé que le gouvernement du président Idriss Déby aussi envoyait des enfants-soldats dans la guerre tchado-soudanaise (laquelle constitue un volet du conflit du Darfour) [7]. Elle se vit plusieurs fois adresser des menaces de mort et dut se réfugier sur la base militaire française à Ndjamena. Ces événements l’ont déterminée à solliciter l’asile politique en France.
Distinctions
- Prix Martin Ennals (2002)
- Right Livelihood Award (2011)
Références
- Arts for Amnesty International – Jacqueline Moudeina The Human Rights Painting Project (consulté le 29 septembre 2011)
- Jacqueline Moudeina (Tschad) Right Livelihood Award Foundation (abgerufen am 30. September 2011)
- Les combats de Jacqueline. Le spectre du régime d’Hissène Habré demeure afrik.com, 8septembre 2003
- Online-Version) Margarete Jacob, Hoffnung trotz aller Widrigkeiten. - In: amnesty journal, Februar 2004 (
- Affaire Habré : les Tchadiens peuvent compter sur la Belgique Slate Afrique, 28 juillet 2011
- The Challenge of Human Rights in Chad The Witness, 13. April 2005
- Youths in Chad seized, forced to fight on border Relief Web, 19. Januar 2006
Liens externes
- Affaire Habré: les Tchadiens peuvent compter sur la Belgique Slate Afrique, 28. Juli 2011 (article de Jacqueline Moudeina sur le cas Hissène Habré)
- Jacqueline Moudeina (Tschad) (exposé des motifs ayant conduit la Right Livelihood Award Foundation à attribuer son prix, assorti d’une biographie)
- Hoffnung trotz aller Widrigkeiten amnesty journal, Februar 2004 (Porträtartikel über Jacqueline Moudeina)
- The Challenge of Human Rights in Chad The Witness, 13 avril 2005 (entretien avec Jacqueline Moudeina ― en anglais)
Catégories :- Personnalité tchadienne
- Avocat tchadien
- Naissance en 1957
- Lauréat du Prix Nobel alternatif
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