- If Day
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Le If Day (Si un jour ... en français[1]) était une invasion nazie simulée de la ville canadienne de Winnipeg dans le Manitoba et ses alentours le 19 février 1942 lors de la Seconde Guerre mondiale. Elle fut organisée par le comité des obligations de guerre du Grand Winnipeg mené par l'influent homme d'affaires J. D. Perrin. L'événement était le plus grand exercice militaire jamais organisé à Winnipeg.
Le If Day incluait un combat mis en scène entre les troupes canadiennes et des volontaires déguisés en soldats nazis, l'internement des politiciens influents, la mise en place de l'autorité nazie et une parade. Il permit de collecter plus de 3 millions de dollars à Winnipeg. Il fut par la suite le sujet d'un documentaire de 2006 et apparait dans le film Winnipeg mon amour (My Winnipeg) de Guy Maddin.
Sommaire
Contexte
Le If Day fut conçus pour promouvoir l'achat d'obligations de guerre. Ces obligations, qui étaient des prêts faits au gouvernement pour accroitre les dépenses militaires, étaient vendus aux citoyens et aux entreprises de tout le Canada. L'organisation du If Day fut pensée dans le cadre de la seconde campagne pour les obligations qui commença le 16 février 1942 et continua jusqu'au 9 mars. Le Manitoba espérait récolter 45 millions de dollars (620 million de dollars de 2011[2]), dont 24.5 millions à Winnipeg. Le comité des obligations de guerre du Grand Winnipeg, une branche régionale du National War Finance Committee, organisa le If Day sous la présidence de J. D. Perrin. Les organisateurs pensaient qu'amener la guerre (ou plutôt une simulation de celle-ci) au cœur de la vie des habitants permettrait de faire évoluer l'attitude de ceux qui ne se sentaient pas concernés par le conflit[3].
Le comité divisa le Manitoba en 45 secteurs représentant une cible d'un million de dollars. L'argent gagné par l'achat des obligations devait permettre de les "reprendre" aux envahisseurs nazis[4]. La carte fut affichée dans le centre ville et le If Day fut annoncé dans les journaux locaux quelques jours avant mais l'"invasion" prit de nombreux citoyens par surprise[4][5]. Pour éviter une panique, les résidents frontaliers du nord du Minnesota furent également avertis car les informations alarmantes de la radio pouvaient y être reçues[4]. Les organisateurs espéraient éviter une répétition du canular radiophonique sur La Guerre des Mondes de 1938 lorsque l'annonce d'une invasion extraterrestre terrifia les habitants[1]. Les appareils de l'Aviation royale du Canada peints pour ressembler aux avions allemands survolèrent la ville le 18 février[6]. Selkirk, une petite ville au nord-est de Winnipeg, organisa sa propre simulation avec un blackout d'une heure et un faux bombardement le 18 février en préparation de l'événement principal[7].
Événements
La simulation impliqua 3 500 membres de l'armée canadienne, représentants toutes les unités de Winnipeg faisant de celle-ci le plus grand exercice miliaire organisé à Winnipeg jusque là[1][8]. Les défenseurs étaient commandés par les colonels E. A. Pridham et D. S. McKay[3][9]. Les soldats étaient issus des Royal Winnipeg Rifles, du Queen's Own Cameron Highlanders of Canada, des Winnipeg Grenadiers, de l'infanterie légère de Winnipeg, de la garde des vétérans du Canada (dont 300 vétérans de la Première Guerre mondiale), du 18e régiment blindé du Manitoba et de la réserve militaire de la ville[10]. Les "troupes nazies" étaient des volontaires de la chambre de commerce portant des uniformes loués à Hollywood avec des cicatrices peintes sur le visage[6][11][12]. Ils étaient commandés par Erich von Neurenberg mais on ne sait pas s'il s'agissait d'un pseudonyme ou de son vrai nom[6]. Environ 3 000 dollars furent dépensés pour l'organisation[5].
Les patrouilles nazies commencèrent dans la ville avant 5 h 30 le 19 février. Un annonceur radio fut emprisonné et son micro fut réquisitionné à 5 h 45. Les troupes nazies s'organisèrent à l'ouest de la ville une demi-heure après les premières patrouilles[1]. Les troupes canadiennes furent massées dans la caserne de Fort Osborne et aux armureries de Minto et de Macgregor à 6 h 30 et à 7 h la sirène annonçant un raid aérien fut déclenchée et un blackout fut organisé en préparation de l'invasion[4][9][13]. Le faux bombardement aérien commença à 7 h[1]. Trois minutes plus tard, les troupes nazies commencèrent leur attaque simulée de la ville défendue par un petit groupe de réservistes assistés par des organisations civiles locales. Les soldats formèrent un périmètre défensif autour du centre-ville et des zones industrielles de la ville à environ 5 km de l'hôtel de ville[6][9].
Les combats incluaient d'importants mouvements de troupes et la destruction simulée des principaux ponts[11][12]. Neuf formations tenaient trois positions chacune durant la séquence d'invasion très précisément écrite ; elle étaient dirigées via un téléphone (une ligne par formation) et des signaux lumineux émis depuis le quartier-général installé à la chambre de commerce. Le schéma défensif était similaire à celui employé à Paris durant la Première Guerre mondiale pour diriger les soldats vers le front[14]. Des blindés légers furent positionnés aux intersections routières et ferroviaires avec l'intensification des combats[1]. Trente véhicules anti-aériens tirèrent à blanc sur les appareils survolant la ville aidés par les batteries anti-aériennes situées sur les bâtiments du centre-ville. La première fausse perte fut rapportée à 8 h. Des stations sanitaires furent installées à des points stratégiques pour traiter les fausses victimes ; elles soignèrent également les deux vraies victimes de l'événement : un soldat qui s'était foulé la cheville et une femme qui s'était coupée le pouce en préparant des toasts durant le blackout matinal[9].
À 9 h 30, les troupes canadiennes capitulèrent et se rendirent au point de rassemblement au centre-ville maintenant occupé[4]. Les faux Nazis commencèrent une large campagne de harcèlement et envoyèrent des troupes armées dans toute la ville. Une char descendit Portage Avenue, l'une des principales rues de la ville[11]. Certaines personnes furent emmenés dans un camp d'internement à Lower Fort Garry ; parmi les prisonniers figuraient d'éminents politiciens locaux comme le Premier John Bracken (arrêté avec plusieurs membres de son cabinet lors d'un caucus), le maire John Queen, le Lieutenant Gouverneur du Manitoba Roland F. McWilliams et l'ambassadeur norvégien aux États-Unis Wilhelm de Morgenstierne alors en visite dans la région[9][11]. Un membre du conseil, Dan McClean, s'échappa mais fut recapturé après une recherche intensive[6]. Le chef de la police, George Smith, évita la capture car il déjeunait à l'extérieur quand les soldats arrivèrent à son bureau[15]. L'Union Flag de Lower Fort Garry fut remplacé par le drapeau nazi[16]. La ville fut renommée "Himmlerstadt" et Main Street devint "Hitlerstrasse"[6][17].
Erich von Neurenberg fut installé en tant que gauleiter (responsable administratif) ; il était assisté par George Waight qui jouait le rôle du chef local de la Gestapo[6][18]. Leur objectif mis en scène était d'aider Hitler dans ses plans pour coloniser la région faiblement peuplée[3]. Von Neurenberg publia le décret suivant qui fut affiché dans toute la ville :
- Ce territoire fait maintenant partie du Grand Reich et est placé sous la juridiction du colonel Erich Von Neuremburg, Gauleiter du Fuhrer.
- Aucun civil n'est autorisé dans les rues entre 21 h 30 et le lever du soleil.
- Tous les lieux publics sont interdits aux civils et les rassemblements de plus de huit personnes sont interdits quel que soit l'endroit.
- Tous les foyers doivent accueillir cinq soldats.
- Toutes les organisations de nature militaire, semi-militaire ou fraternelle sont dés à présent dissoutes et interdites. Les organisations de jeunesse comme les scouts restent autorisés mais sous la direction du Gauleiter et des sections d'assaut.
- Tous les propriétaires de voitures, de camions et de bus doivent s'enregistrer au Quartier-Général où leurs véhicules seront saisis par l'Armée d'Occupation.
- Chaque fermier doit immédiatement communiquer tout ses stocks de céréales et son cheptel et aucun produit agricole ne pourra être vendu sans passer par le bureau du Kommandant du ravitaillement de Winnipeg. Il ne pourra rien garder pour sa propre consommation mais devra le racheter à l'Autorité Centrale de Winnipeg.
- Tous les symboles nationaux à l'exception de la Swastika doivent être immédiatement détruits.
- Chaque habitant recevra une carte de rationnement ; la nourriture et les vêtements ne pourront être achetés que sur présentation de cette carte.
- Les délits suivant seront punis de mort sans procès :
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- Tenter d'organiser les résistance contre l'Armée d'Occupation.
- Entrer ou sortir de la province sans autorisation.
- Incapacité à communiquer tous les biens possédés si demandé.
- Possession d'armes à feu.
Des pancartes furent accrochées dans les églises interdisant les services religieux et tous les prêtres qui refusaient furent arrêtés[4]. Les bus furent stoppés et leurs passagers fouillés par des soldats armés[14]. Le Winnipeg Tribune fut renommé Das Winnipeger Lügenblatt ("Le journal mensonger de Winnipeg"), une publication nazie avec des articles largement censurés et une première page presque entièrement rédigée en allemand[11]. Un article satirique nota qu'"il s'agit d'un grand jour pour le Manitoba ... Les Nazis comme Der Furher sont patients, aimables et tolérants mais LEUR PATIENCE COMMENCE À S'ÉPUISER RAPIDEMENT"[19]. Henry Weppler, un livreur de journaux du Winnipeg Free Press fut attaqué et ses exemplaires déchirés[6][14]. Le Winnipeg Free Press avait fait sa une sur l'"invasion" et décrivait avec beaucoup de détails la dévastation causée par les Nazis à Winnipeg[5].
Des livres furent brulés en face de la branche Carnegie de la bibliothèque publique de Winnipeg (les livres avaient déjà été sélectionnés pour la destruction car endommagés ou trop vieux)[6][20]. Des soldats entrèrent dans la cafétéria de la société Great West Life et volèrent les repas des employés[9]. Ils saisirent les parkas de la gendarmerie royale et les portèrent toute la journée car les températures étaient inférieures à -8 °C. Dans une école élémentaire, le directeur fut arrêté et remplacé par un éducateur nazi devant enseigner la "Vérité Nazie" ; des cours spéciaux furent préparés pour les collégiens de toute la ville[21][6]. Certains magasins et maisons furent pillés par les faux soldats. La monnaie canadienne fut remplacée par de faux reichsmarks allemands, la seule monnaie de propagande que le Canada ait créé durant la guerre[6][11][12][22].
La journée se termina à 17 h 30 avec la cérémonie de libération des prisonniers, une parade et les discours des dignitaires relâchés[6][11]. Des membres du comité d'organisation et des commerçants locaux défilèrent le long de Portage Avenue avec des pancartes portant les slogans "Cela ne doit PAS arriver ici !" et "Achetez des obligations de guerre". Après la parade, un banquet fut organisé dans le bâtiment de la Compagnie de la Baie d'Hudson[6]. L'ambassadeur de Morgenstierne parla de ses expérience avec le If Day et la Norvège, avançant que "l'occupation imaginaire de Winnipeg était un aperçu authentique du comportement allemand dans l'Europe occupée"[23].
Les villes alentour furent également affectées par l'invasion : Par exemple, à Neepawa, des soldats nazis firent face aux habitants dans les rues[11]. Virden fut renommé "Virdenberg"[6]. Une fausse attaque fut organisée contre des cibles stratégiques à Brandon[21]. La Société Radio-Canada diffusa un programme intitulé "Swastika sur le Canada" dans toute la province avec des musiques militaires et des extrais de discours d'Hitler[6].
Effets
Le If Day entraina non seulement des ventes d'obligations de guerre dans le Grand Winnipeg bien supérieure à l'objectif mais elle attira également l'attention de toute l'Amérique du Nord sur les moyens innovants utilisés dans la ville. Le magazine Life publia un article illustré sur les activités du If Day à Winnipeg et dans les autres villes du Manitoba rédigé par William Shrout[24]. Des journalistes de plusieurs périodiques américains dont Newsweek, The New York Times et The Christian Science Monitor étaient également présents pour l'événement[6] ; le caméraman Lucien Roy réalisa un film de la journée[24]. Des journaux de pays aussi distants que la Nouvelle-Zélande rapportèrent l'évnement[11]. Environ 40 millions de personnes dans le monde eurent connaissance du If Day[6].
La seule journée du 19 février permit de lever 3.2 millions de dollars, le record journalier pour la ville[25]. Winnipeg réalisa son quota d'obligations de guerre de 24 millions le 24 février, largement grâce aux effets du If Day[26]. Le total pour la province fut de 60 millions, bien au delà des 45 millions prévus. La campagne permit de récolter environ 2 milliards de dollars à l'échelle nationale et le If Day est considéré comme l'un des événements les plus efficaces de la campagne de collecte de fonds[11]. Les fonctionnaires avaient espéré une hausse significative du nombre de recrues à l'issue de la journée mais elle ne parvint pas à enrayer le déclin du recrutement : 23 personnes s'engagèrent au bureau de recrutement de Winnipeg le If Day par rapport à la moyenne de 36 par jour durant la première moitié du mois de février[27].
Le If Day fut copié par plusieurs autres communautés. Le gouvernement américains contacta le comité d'organisation pour obtenir les détails de l'événement. Une invasion sur une plus petite échelle fut organisée à Vancouver et utilisa des matériels promotionnels employés à Winnipeg[6].
En 2006, un documentaire pour la télévision sur le If Day fut réalisé par Aaron Floresco[28]. Ce dernier incorporait des films de l'événement ainsi que des interviews avec des historiens et des participants[5]. Le réalisateur Guy Maddin utilisa une brève séquence cinématographie de l'événement dans son film Winnipeg mon amour (My Winnipeg) de 2006[29].
Références
- Burch, Ted, « The day the Nazis took over Winnipeg », dans Maclean's Magazine, 10 September 1960, p. 46–47
- Inflation Calculator, Bank of Canada. Consulté le 20 August 2011
- Michael Newman, « février 19, 1942: If Day », dans Manitoba History, no 13, Spring 1987 [texte intégral (page consultée le 1 October 2011)]
- Sirens will wail and guns roar as IF DAY dawns (18 février 1942), p. 1.
- What if Nazis invaded city? See for yourself on CTV special (18 février 2006). Consulté le 21 July 2011.
- Groom, Kick : If (5 January 1985), p. 1.
- War's nightmare staged in vivid Selkirk raid to boost Victory Loan (18 février 1942), p. 1.
- If ...the Nazis came to Winnipeg (19 février 1942), p. 1.
- Grim realism marks arrest at legislature (19 février 1942), pp. 1, 10.
- Erreur du modèle : l'argument title est requis.
- Aaron Floresco (director/writer). If Day: The Nazi Invasion of Winnipeg [DVD]. Past Perfect Productions.
- Sanburn, Dick : On a black morn Winnipeg fell under Nazi heel (19 février 1942), pp. 1, 16.
- Blackout 7 am Thursday Begins 'If Day' Events (18 février 1942), p. 13.
- Nazi storm troopers demonstrate invasion tactics (19 février 1942), pp. 1, 10.
- Blitz swoops on city (19 février 1942), p. 1.
- If IF DAY Were Real (19 février 1942), p. 10.
- (en) Morton, Lisa; Adamson, Kent, Savage detours, McFarland & Co, 2010 (ISBN 9780786443536), p. 175
- Modèle:Cite newspaper
- A great day (19 février 1942), p. 2.
- Erreur du modèle : l'argument title est requis.
- Winnipeg to be 'occupied' (17 février 1942), pp. 1, 10. Consulté le 22 July 2011. Werier, Val :
- WWII Allied Propaganda Banknotes », Philadelphia University Jordan, p. 39. Consulté le 30 July 2011 Friedman, Herbert A, «
- Norwegian minister says If Day authentic (20 février 1942), p. 3.
- « Winnipeg is 'conquered' », dans Life, vol. 12, 9 March 1942, p. 30–32
- Record day for war loan (19 février 1942), p. 1.
- Winnipeg leaps past its war bond quota (24 février 1942), p. 1.
- Only 23 enlist during If Day (20 février 1942), p. 13.
- If Day (2006), Past Perfect Productions. Consulté le 6 May 2011
- (en) Wershler, Darren, Guy Maddin's My Winnipeg, University of Toronto Press, 2010 (ISBN 9781442611344), p. 50
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « If Day » (voir la liste des auteurs)
Liens externes
- Bande annonce du documentaire sur le If Day avec des films de l'époque sur l'événement
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