Hôpital général de Paris

Hôpital général de Paris

Sous l'Ancien Régime lHôpital Général de Paris na jamais eu aucune fonction médicale, mais fut le lieu de renfermement des pauvres. Voulu par des dévots laïcs (la Compagnie du Saint-Sacrement) sous le règne de Louis XIII, il entendait résoudre le problème récurrent de la mendicité et des cours des miracles.

La Fronde engendra une crise économique et un développement de la pauvreté lors du règne de Louis XIV. Le 27 avril 1656, le pouvoir royal créait lHôpital Général qui avait pour objectif de mettre au travail les mendiants et de « sauver leurs âmes ». Il fut presque immédiatement considéré également comme une maison de correction, et bientôt une « Force », c'est-à-dire une prison[1].

En 1670, dix ans après la mort de Vincent de Paul, il intégrera la Maison de Couche de Paris qui deviendra l'Hôpital des Enfants-Trouvés. À côté de l'Hôpital Général existaient de nombreux établissements relevant de l'Hôtel-Dieu de Paris qui avaient, eux, une fonction médicale. Les malades de lHôpital Général étaient envoyés à lHôtel-Dieu.

Sommaire

Le Grand Enfermement

La progression de la pauvreté accrut la mendicité, le vagabondage, les agressions et la prostitution dans les grandes villes.

Au cours du XVIIe siècle, le pouvoir royal voulut régler ce problème en menant une politique d'enfermement systématique dans les établissements dépendant de l'hôpital général. Cette politique était avant tout l'expression d'une volonté d'ordre public sans aucun souci médical. Ainsi à Paris dans les établissements de la Salpêtrière, la Pitié, Bicêtre, il s'agissait d'accueillir selon les termes mêmes de l'Édit de 1656 les pauvres « de tous sexes, lieux et âges, de quelques qualité et naissance, et en quelque état qu'ils puissent être, valides ou invalides, malades ou convalescents, curables ou incurables ».[2] De fil en aiguille, la population enfermée dans les établissements parisiens atteignit le seuil de 6 000 personnes, soit 1 % de la population de l'époque. Les provinces furent également gagnées par ce mouvement de pénalisation de la misère et, à la veille de la Révolution, on comptait 32 hôpitaux généraux dans tout le pays.

Mais ce mouvement dépasse largement la France, cette politique d'internement forcé des pauvres a affecté l'ensemble des États européens. En Angleterre, dès 1575, un acte d'Elisabeth Ire instituait des établissements visant « la punition des vagabonds et le soulagement des pauvres ». Les « Houses of correction » qui auraient être présentes dans chaque comté vont laisser la place aux workhouses qui dans la seconde moitié du XVIIIe siècle trouveront leur véritable expansion. Foucault note qu'en « quelques années, c'est tout un réseau qui a été jeté sur l'Europe ». En Hollande, en Italie, en Espagne, en Allemagne se créent également des lieux d'internement de même nature[3].

Le fonctionnement de lHôpital général

Le personnel était entièrement laïc, bien que les noms des officières (appelées les « sœurs ») prête à confusion. Dès sa fondation, lHôpital général fut dirigé par des magistrats du Parlement de Paris qui en avaient rédigé les statuts, à lorigine tous membres de la Compagnie du Saint-Sacrement[4] . Lors de la disparition de la compagnie en 1660, les directeurs - sauf ceux qui étaient membre de droit, comme le Lieutenant général de police - furent souvent recrutés, par cooptation, parmi les jansénistes. Pour tenter de combattre leur emprise, en 1673, le roi voulut que l'archevêque de Paris siège également[5]. Mais il ne put jamais contrer leur influence qui resta prépondérante jusquà la Révolution. Les directeurs étaient tous bénévoles.

Un édit de 1662, ordonna la généralisation de linstitution à toutes les grandes villes de France. LHôpital général fut la seule destination autorisée non seulement pour laccueil des pauvres, mais également pour toutes donations et legs, excluant de ce fait lEglise de sa vocation à lassistance. La guerre qui éclata entre les directeurs et l'archevêque de Paris fut victorieuse pour les premiers. L'Hôpital Général bénéficiait de l'exemption des droits d'entrée sur les denrées qu'il utilisait, et perçut rapidement une partie de tout ce que le roi taxait sur les produits de consommation courante.

Laffaire de lHôpital général

Lieu de toutes les exactions contre les pauvres sans défense et de la corruption la plus effrénée, lHôpital général fut au cœur dun scandale qui ébranla le trône. Pour mettre fin à des disputes et violences qui opposaient à Bicêtre le personnel laïque aux prêtres chargés des enfants de chœur, le roi demanda en 1747 à l'archevêque de Paris nouvellement nommé, Christophe de Beaumont, daller y mettre de lordre. Les tentatives du prélat de regarder ce qui sy passait déclenchèrent une fronde parlementaire qui vit même en novembre 1751 le Parlement de Paris se mettre en grève[6]. Laffaire de lHôpital général, qui avait débuté lors de la nomination de Madame de Moysan, une amie de l'archevêque, au poste de supérieure de la Salpêtrière en 1749, ne prit fin quaprès une totale reculade du roi qui accepta de rendre aux magistrats leurs prérogatives originales, et exila l'archevêque à lautre bout de la France.

Il semble que les magistrats ont été soupçonnés de vouloir cacher que des abus sexuels répétés sur les enfants et même un véritable trafic denfants auraient eu lieu dans linstitution, ce que la présence de l'archevêque n'aurait pu que perturber[7].

L'hôpital et la Révolution

Nommé par lassemblée nationale pour faire létat des lieux et proposer des solutions à la mendicité, le duc de La Rochefoucauld Liancourt rendit en 1790 un rapport qui entretint pendant longtemps la confusion entre hôpital général et soins aux malades[8].

De plus, son rapport, repris par divers auteurs, fait totalement limpasse sur le pouvoir dictatorial des magistrats laïcs, et laisse entendre que lEglise y avait le pouvoir, ce qui fut repris par les historiens anti-cléricaux, Michelet notamment[9].

Autres Hôpitaux généraux

Notes et références

  1. Voir, disponible sur Gallica, Code de lHôpital général, table pages 31 et 32
  2. Edit du roi portant établissement de l'hôpital général, Code de lHôpital général p 262.
  3. Voir Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique
  4. Voir « La Marche rouge, les enfants perdus de lHôpital général », par Marion Sigaut, éditions Jacqueline Chambon, Paris 2008.
  5. Déclaration du roi du 22 avril 1673, voir Code de lHôpital général p. 95
  6. La Marche rouge, chapitres 1 et 3
  7. La Marche rouge, pp 173 et suivantes.
  8. La Rochefoucauld-Liancourt, Rapport, fait au nom du comité de mendicité, des visites faites dans divers hôpitaux, hospices et maisons de charité de Paris. Par M. de La Rochefoucauld-Liancourt, député du département de l'Oise. Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale. (15 juillet 1790).
  9. Jules Michelet, Histoire de France, tome 17
  10. Patrice Bourdelais et Olivier Faure, Les nouvelles pratiques de santé (XVIIIe-XXe siècles), Belin, 2005

Voir aussi


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