Festival Cannes et Banlieues

Festival Cannes et Banlieues

Cest pendant la durée du soixantième Festival International du Film de Cannes que le réalisateur français Luc Besson a décidé pour la première fois de mettre en place le projet Festival Cannes et Banlieues. Ainsi, du 17 au 26 mai 2007, chaque soir dans une ville de banlieue différente, était présenté un film en compétition pour la Palme dOr. Dix films ont donc été diffusés en exclusivité dans dix villes de région parisienne. Ce premier festival, mené par lassociation Luc Besson, fut un véritable succès.

Lassociation créée en 2006, qui ne comptait au départ que deux membres, Luc Besson (président) et Isabelle Agid (vice-présidente) [1] , a donc du faire un choix quant aux villes qui pourraient accueillir ce festival. En France, il existe près de 700 quartiers sensibles. Mais pour des raisons techniques et pratiques, il était plus simple de situer le festival en région parisienne. Il restait donc environ 30 villes possibles. Un choix a donc du être effectué, selon la présence de cinémas dans la ville ainsi que la couleur politique du lieu daccueil (car lassociation a voulu une répartition équitable). Dix villes ont donc finalement été sélectionnées[1] :

Jeudi 17 mai 2007 : Saint-DenisIndigènes, de Rachid Bouchareb

Vendredi 18 mai 2007 : Chanteloup-les-VignesTriangle, de Johnny To

Samedi 19 mai 2007 : Garges-lès-GonesseBoarding Gate, dOlivier Assayas

Dimanche 20 mai 2007 : SarcellesSoom, de Kim Ki-Duk

Lundi 21 mai 2007 : Vitry-sur-SeineLa Onzième Heure, de Nadia Conners

Mardi 22 mai 2007 : Champigny-sur-MarneLes chansons damour, de Christophe Honoré

Mercredi 23 mai 2007 : SevranPersépolis, de Marjane Satrapi

Jeudi 24 mai 2007 : Clichy-sous-BoisEt toi, tes sur qui ?, de Lola Doillon

Vendredi 25 mai 2007 : La CourneuveBoulevard de la mort, de Quentin Tarantino

Samedi 26 mai 2007 : Les Ulis - De lautre côté, de Fatih Akin


Sommaire

Pourquoi ce Festival ?

Par cet événement, Luc Besson a souhaité apporter la culture cinématographique de Cannes à des gens qui ny ont pas accès, comme en banlieue. Habituellement réservé aux professionnels, le Festival de Cannes sest donc déplacé « pour que les habitants des quartiers sensibles puissent participer à un événement dhabitude inaccessible[2] ».

Luc besson a souhaité adresser un geste en direction des banlieues. « Pour moi, la culture n'est pas élitiste mais au contraire populaire. Il y a surtout des niveaux de compréhension et de connaissance différents. A l'inverse, la sensation éprouvée appartient à chacun et donc à tous. C'est pourquoi, si Cannes est effectivement un endroit élitiste parce qu'il n'y a pratiquement que des spécialistes, et que les films sélectionnés ne sont pas de grosses comédies, mais plutôt des films difficiles, il me semble aussi important que le public en banlieue, ait un vrai contact, peut- être pour la première fois, avec des films issus du Festival de Cannes. Et si ces films peuvent susciter des vocations, voire des coups de cœur, j'en serais le premier ravi. Avec notre projet de faire une grande fête du cinéma, sur un écran géant gratuit en plein-air, nous nous adressons aux jeunes de banlieues qui souffrent parce qu'ils se sentent délaissés ou exclus. C'est un clin d'œil, une façon de leur dire qu'on les entend, même si nous ne sommes que des artistes ! [2]», explique le réalisateur.

Déroulement

Le déroulement du festival sest donc essentiellement fait grâce à la participation des associations et des bénévoles qui ont joué un rôle déterminant. Cette idée rejoint bien ce qui a été avancé dans lanalyse du secteur concernant limportance du rôle des bénévoles dans les festivals.

Chaque soir, un film du Festival de Cannes était présenté dans une des dix villes choisies pour loccasion. Les soirées se composaient dune première partie musicale qui permettait aux jeunes des banlieues dexprimer leur talent sur scène, à travers le chant ou la danse. Durant cette première partie, un groupe de sauteurs à la corde était invité, les Double Dutch. Après cette première partie était proposé un film denviron trente minutes retraçant les soixante ans du Festival de cannes. En effet, outre le fait de proposer des films aux gens qui dhabitude ny ont pas accès, il était important pour Luc Besson de fêter lanniversaire et de rendre hommage au Festival International du Film de Cannes. Enfin, la nuit venant, la soirée se terminait avec la projection dun film en compétition. Pour obtenir laccord du Festival de Cannes pour projeter un film sélectionné en banlieue, Luc Besson et Isabelle Agid contactaient les distributeurs ou les producteurs du film. Lorsque le distributeur ou le producteur donnait son autorisation, une personne était chargée de se rendre à Cannes afin den récupérer la copie et de la ramener sur Paris. Lassociation a souhaité aller chercher la copie en main propre pour une question de sécurité. « On tenait vraiment à ce que ce soit très sécurisé par respect pour ceux qui nous les prêtaient. Cest donc pour cette raison quon avait une personne qui faisait le déplacement, collée à la copie, pour ne pas la perdre[3]». Le principal problème auquel les organisateurs ont du faire face est le fait que les films qui allaient être diffusés le soir étaient négociés avec les distributeurs ou producteurs au jour le jour. Dailleurs, le premier jour du festival, aucun film de Cannes na pu arriver à temps. Cest pourquoi lassociation Luc Besson a décidé de diffuser le film Indigènes, de Rachid Bouchareb, en présence de Jamel Debbouze. Pour la projection de La Onzième Heure à Vitry-sur-Seine, lassociation avait du mal à négocier avec le distributeur pour la diffusion du film en banlieue. Comme lexplique Isabelle Agid à Libération, cest Leonardo DiCaprio en personne qui a contacté le distributeur pour que le film puisse être diffusé : « Ainsi, pour la projection de Vitry-sur-Seine, cest Leonardo DiCaprio lui-même qui aura débloqué, dun coup de téléphone, lenvoi de la copie de son film La Onzième Heure pour sensibiliser les jeunes à lécologie[4]».

Chaque soir, les associations se sont chargées de proposer la vente de boissons et de nourritures aux festivaliers. Enfin, concernant les droits légaux, Isabelle Agid explique que lassociation a payer la SACEM en raison de la première partie dansante qui nécessitait de la musique. Par contre, à lheure actuelle, aucun frais ne leur a été réclamé quant à lexploitation des films en banlieue. Les distributeurs et producteurs ont « gracieusement » prêté les longs-métrages, sans demander dargent en retour.

Il convient à présent de sintéresser à la façon dont le festival a pu ramener le public, et ce en évoquant les relations entretenues par lassociation avec la presse, la communication autour du projet et le rôle des associations. Une caractéristique essentielle de cet événement réside dans le fait que Luc Besson et Isabelle Agid ont décidé de ne pas faire appel à un attaché de presse pour communiquer. Ils ont décidé de ne pas embaucher de professionnels de la communication car ils souhaitaient quon parle essentiellement des villes et non pas de la notoriété de Luc Besson. Isabelle Agid lexplique : « Nous avons finalement eu énormément de presse. On a même eu des papiers étrangers, Américains. Pourtant Luc avait délibérément choisi de ne pas faire appel à des attachés de presse. Lidée était de valoriser les villes et les habitants, uniquement. Ce fort retentissement était assez inattendu pour nous[1]

Des affiches ont été créées spécialement pour loccasion par lassociation. Elles ont été déposées dans les mairies et les villes daccueil du festival. La communication sest donc faite progressivement. Le nom de Luc Besson a été un moteur daccélération pour la bonne mise en marche du festival et pour la communication autour du projet. Mais lessentiel du travail, comme lexplique Isabelle Agid, sest effectué avec les associations des banlieues : « On a eu une démarche très simple, qui a dailleurs beaucoup surpris les gens des quartiers mais qui nous paraissait assez évidente. Bien en amont, on est allés rencontrer les mairies, pour leur demander si elles étaient daccord. Ensuite on a rencontré plusieurs associations dans chaque ville pour leur demander si elles acceptaient, si elles aimaient le projet et comment elles pensaient quil fallait quon procède. On voulait que ce soit un cadeau fait aux habitants, ça navait absolument pas vocation à être autre chose. Luc voulait leur offrir ce cadeau[1]». Ce sont donc les associations qui ont permis au festival dêtre un succès. Ce sont elles qui se sont chargées de communiquer autour du projet et de ramener le public chaque soir. On voit bien ici quil sagit dune caractéristique originale de ce festival, à savoir que la communication a été effectuée par les associations car aucun attaché de presse na été employé pour loccasion. La presse nationale et étrangère a tout de même relayée linformation, sans que lassociation Luc besson ne les contacte, de par la notoriété du chef de projet.

Quel public ?

Il est intéressant de savoir quel était le public présent chaque soir pour assister à la projection dun film de Cannes. Dans la première partie, nous évoquions la question en expliquant que 50 % des festivaliers étaient « issus du département dans lequel se déroule le festival » et environ 75 % provenaient de la région. Pour le festival Cannes et Banlieues, aucune étude des publics na été réalisée, mais Isabelle Agid explique quen majorité, « il y avait les habitants de la ville, mais au fur et à mesure du festival, on a eu des gens des villes voisines. Certains ont même fait les dix jours[1]». Ainsi, le public majoritaire était un public local, mais des habitants des villes entourant le lieu daccueil du jour ont également fait le déplacement, au fur et à mesure du festival.

Le financement

Comme nous lavons évoqué précédemment, le festival Cannes et Banlieues sest mis en place de façon très artisanale : peu de personnels et peu de communication autour du projet. Il est donc important de savoir comment lévénement a pu se mettre en place financièrement parlant, étant donné la jeunesse du projet. Dans lentretien avec Isabelle Agid, celle-ci évoque laide financière apportée par la banque BNP Paribas. Ce partenaire financier est souvent présent dans les manifestations liées au domaine du cinéma. Cependant, cette aide de la banque est minime par rapport aux fonds propres versés par Luc Besson et par lassociation : « on a eu une aide de la BNP, mais une grande partie a été financée par lassociation et par Luc personnellement [1]».

Sur le site de lassociation, nous pouvons y lire que de nombreux partenaires ont soutenu le projet. Cependant, il ne sagissait pas daides financières : « La RATP nous a prêté un bus chaque soir pour faire venir les bénévoles sur place pour organiser le festival ; la société Aigle Azur nous a fait don de plateau-repas halal pour quon se nourrisse, etc. [1]». Ainsi, le festival Cannes et Banlieues a donc été mis en place grâce essentiellement à des fonds privés provenant directement du chef de projet et de lassociation Luc Besson. Les partenaires de lévénement ont fourni quant à eux une aide matérielle. Les mairies nont pas non plus fourni daide financière, mais plutôt une aide matérielle, comme la plupart des partenaires. Isabelle Agid détaille ce point dans son interview : « Les mairies géraient ce qui était de leur ressort. Comme il sagissait dun écran gonflable, on leur a demandé une arrivée deau, enfin ce genre de choses. Mais nous voulions faire un cadeau à ces villes, nous ne voulions pas les mettre dans lobligation davoir une dépense, nous arrivions avec un concept clé en main. Il nétait pas question quelles dépensent un seul sou ». Dailleurs, la principale dépense de lassociation Luc Besson durant la durée du festival a été lécran gonflable qui servait à la projection des films chaque soir.

Il est important de souligner que le festival était gratuit et que lassociation Luc Besson na donc fait aucune recette de billetterie. Les organisateurs de lévénement nont jamais pensé à faire payer lentrée. Cette décision a été prise très tôt par lassociation, il sagissait pour elle de permettre aux gens de banlieue daccéder à la culture de Cannes. Il sagit donc dune orientation de principe. Ainsi, on voit bien à travers cet exemple que la manifestation ne cherche aucun profit. Il ne sagit pas dun événement marchand. Cependant, quelques mois après la fin du festival, après avoir visionné des clichés pris par la journaliste Magali Bragard, lassociation Luc Besson a décidé déditer un ouvrage regroupant un grand nombre de photographies de lévénement et de témoignages de gens qui y ont participé. Les bénéfices du livre (vendu 12 €) étaient reversés à lassociation.

Même dans le cadre de la programmation chaque soir, il est logique de penser quun programmateur sest chargé de cette tâche. Cependant, Isabelle Agid montre encore une fois quaucun programmateur na été embauché pour le festival. Toute lorganisation a donc été effectuée par Luc Besson et Isabelle Agid, qui ont pris contact avec les distributeurs et Cannes pour négocier la diffusion dun film en banlieue, et par les bénévoles, qui ont effectué le côté communicationnel et le côté technique. Ainsi, on voit bien avec cet événement quil sagit dun jeune festival « informel », non-professionnel, et ce malgré la renommé du chef de projet. Au cours du festival, une troisième personne a intégré léquipe de Luc Besson et dIsabelle Agid.

Conclusion

Le bilan de cette première manifestation Cannes et Banlieues est très positif, tant sur le plan de la fréquentation que sur laccueil réservé à lévénement et aux réactions des habitants. En moyenne chaque soir, 3000 personnes étaient présentes pour assister à la projection dun film. Isabelle Agid explique : « Les gens ont été touchés par ce geste, dans les témoignages quon a eu pendant la préparation et pendant la soirée, et même après, parce que ce sont des gens avec qui on a gardé des liens, (…) cest vraiment très touchant de voir à quel point les gens ont été impliqués et ont été eux-mêmes touchés par le geste. Quand il y a des gens qui disent « on a limpression dexister, on a limpression quon nous regarde »… On a fait 10 jours, avec une projection de films, cest des choses très simples (…) finalement ! Cétait vraiment très touchant. La deuxième chose, cest que nous navons eu aucun souci de sécurité et pourtant nous avait-on dit toutes les conditions étaient réunies pour ! Ca sest passé dans une ambiance bon enfant, assez magique ».

Si lon pose un regard extérieur sur lévénement, on peut clairement voir que cette manifestation, même si les organisateurs ne lont pas pensé ainsi, sinscrit dans une démarche à la fois de démocratisation de la culture, et à la fois quasiment comme une démarche philanthropique de la part de Luc Besson. Permettre à des gens qui nen ont pas lhabitude daccéder à une culture élitiste est une caractéristique de cette démocratisation culturelle. Dailleurs, quand on demande à Isabelle Agid si le festival sinscrit dans cette démarche, elle répond : « Je pense que dans labsolu lobjet même de lopération nest pas de revendiquer un quelconque positionnement ni citoyen ni politique. En soi, évidemment, le principe même de lopération était quand même la culture et le cinéma pour tous. Donc forcément, oui, cest dans lessence même du projet, le cinéma pour tous. Et si cest pour tous cest démocratique » [1].On peut donc effectivement dire que dans ce festival, qui fut un succès, fut un bon moyen pour permettre aux habitants des banlieues daccéder à la culture du Festival de Cannes. Cependant, ce rapport à la culture ne sarrête pas ici. En effet, on a vu au début de la présentation de ce festival quen première partie de la soirée, les habitants des quartiers pouvaient exprimer leur talent sur scène. Cet aspect correspond davantage à une démocratie de la culture, cest-à-dire quon sintéresse davantage à la culture des habitants quà la culture savante. Cannes et Banlieues est donc un événement mêlant à la fois démocratie culturelle (première partie de la soirée) et démocratisation culturelle (projection du film).

Participants

Alibi Montana, Axiom, Bruno Solo, Christophe Honoré, Gille Jacob, Guillaume Canet, Jamel Debbouze, Leonardo DiCaprio, Mohamed Dia, Mokobé, Ousmane Sow, Quentin Tarentino, Rachid Bouchareb, Raymond Depardon, Rie Rasmusen, Samuel Benchetrit, Sefyu, Thierry Frémaux, Umberto Ercole, Yassine Belattar.

Notes et références


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Festival Cannes et Banlieues de Wikipédia en français (auteurs)

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