- Taux de retour énergétique
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L'EROEI (Energy Returned On Energy Invested), ERoEI, ou EROI (Energy Return On Investment) ou en français TRE (Taux de Retour Énergétique), est le ratio d'énergie utilisable acquise à partir d'une source donnée d'énergie, rapportée à la quantité d'énergie dépensée pour obtenir cette énergie. Quand l'EROEI d'une ressource est inférieur ou égal à 1, cette source d'énergie devient un "puits d'énergie", et ne peut plus être utilisée comme source d'énergie primaire.
Sommaire
Relation avec le gain énergétique net
L'EROEI est basée sur une source d'énergie unique. L'énergie nette décrit des quantités, quand l'EROEI donne un ratio ou une efficacité du processus de production. Ce ratio est défini par la formule
ou
Par exemple, pour un processus ayant un EROEI de 5, l'utilisation d'1 unité énergétique donne un gain énergétique net de 4 unités. Le point mort est atteint pour un EROEI de 1 ou un gain énergétique net égal à 0.
Taux de Retour Energétique des principales sources d'énergie
L'apport théorique du TRE rend possible la comparaison efficace des différentes sources d'énergie entre elles, du bois de chauffage à la biomasse en passant par l'énergie solaire photovoltaïque.
L'estimation du TRE est obtenue par le calcul mathématique de la quantité d'énergie primaire nécessaire pour l'extraction de la source d'énergie évaluée. Bien que la mesure du TRE soit un processus physique simple, il n'existe pas de consensus sur les activités pouvant être incluses dans la mesure du TRE d'un processus économique. Ainsi, jusqu'où devons-nous prendre en compte la chaîne d'opérations intervenant dans l'exploitation d'une source d'énergie ? Par exemple, si l'on emploie de l'acier dans les machines servant à extraire le pétrole, faut-il inclure dans le calcul de l'EROEI du pétrole l'énergie utilisée pour fabriquer cet acier ? Et l'énergie utilisée pour construire l'usine qui produit l'acier ? Et l'énergie employée pour nourrir les ouvriers qui ont construit cette usine ? Ainsi, au moment de comparer le TRE de deux sources d'énergie, il est nécessaire de le faire à l'aide de critères objectifs. Par exemple, on peut prendre en compte l'énergie utilisée pour la fabrication des outils nécessaires à l'extraction, mais pas celle nécessaire à la construction des usines.
Le tableau ci-dessous, établi par AspoItalia[1], propose une compilation des estimations du TRE des principales sources d'énergie :
Sources d'énergie TRE Cleveland[2] TRE Elliott[3] TRE Hore-Lacy[4] TRE (Autres) Combustibles fossiles Petrole
- Jusqu'à 1940
- Jusqu'à 1970
- Aujourd'hui
> 100
23
850 - 100 5 - 15[5] Charbon
- Jusqu'à 1950
- Jusqu'à 1970
80
302 - 7 7 - 17 Gaz naturel 1 - 5 5 - 6 Schistes bitumineux 0,7 - 13,3 < 1 Energie nucléaire Uranium 235 5 - 100 5 - 100 10 - 60 < 1[6] Fusion nucleaire < 1 Energies renouvelables Biomasse 3 - 5 5 - 27 Énergie hydroélectrique 11,2 50 - 250 50 - 200 Énergie éolienne 5 - 80 20 Géothermie 1,9 - 13 Energie solaire
- Énergie solaire thermique
- Énergie solaire photovoltaïque
4,2
1,7 - 103 - 9 4 - 9 7 - 20[7] Ethanol
- De canne à sucre
- De maïs
- De résidus de maïs
0,8 - 1,7
1,3
0,7 - 1,80,6 - 1,2 Methanol (de bois) 2,6 L'influence économique du concept de TRE / EROEI
Une consommation d'énergie élevée est considérée comme souhaitable dans la mesure où elle est associée avec un haut niveau de vie (lui-même basé sur le recours à des machines grandes consommatrices d'énergie).
Généralement, une société privilégiera les sources d'énergie bénéficiant du plus haut TRE possible, dans la mesure où elles fournissent un maximum d'énergie pour un minimum d'efforts. Avec des sources d'énergie non-renouvelables, on observe un basculement progressif vers des sources bénéficiant d'un TRE plus bas, en raison de l'épuisement de celles de meilleure qualité.
Ainsi, quand le pétrole a commencé à être utilisé comme source d'énergie, il suffisait en moyenne d'un baril pour trouver, extraire et raffiner environ 100 barils. Ce ratio a décliné régulièrement au cours du siècle dernier pour arriver au niveau de 3 barils utilisables pour 1 baril consommé (et environ 10 pour un en Arabie Saoudite)[8].
En 2006, le TRE de l'énergie éolienne en Amérique du Nord et en Europe est de 20/1[9] ce qui a conduit à son adoption massive.
Quelles que soient les qualités d'une source d'énergie donnée (par exemple, le pétrole est un concentré d'énergie facile à transporter, alors que l'énergie éolienne est intermittente), dès que le TRE des principales sources d'énergie décroît, l'énergie devient plus difficile à obtenir et donc sa valeur augmente.
Depuis la découverte du feu, les humains ont fait appel de façon croissante à des sources d'énergie exogènes pour démultiplier la force musculaire et améliorer le niveau de vie.
Quelques historiens ont attribué l'amélioration de la qualité de la vie à l'exploitation plus facile de sources d'énergie (c'est-à-dire bénéficiant d'un meilleur TRE). Cela se traduit par le concept d' « Esclaves Energétiques ».
Ce taux de retour est l'un des éléments d'explication de notre impasse énergétique mise en avant par Nicholas Georgescu-Roegen dans ses différents travaux et principalement dans son article "l'énergie et les mythes économiques"[10] .
Thomas Homer-Dixon [11] montre que la baisse du TRE dans les dernières années de l'Empire Romain était une des raisons de la chute de l'Empire d'Occident au Ve siècle après J.-C.. Dans son livre "The Upside of Down" (non traduit en Français à ce jour), il suggère que le TRE permet en partie d'expliquer l'expansion et le déclin des civilisations. Au moment de l'extension maximale de l'Empire Romain (60 millions d'habitants), les denrées agricoles étaient affectées d'un rapport de 12/1 par ha pour le blé et de 27/1 pour la luzerne (ce qui donnait un rapport de 2,7/1 pour la production de viande bovine). On peut alors calculer que, compte tenu d'une base de 2500 à 3000 calories par jour et par personne, l'essentiel de la surface agricole disponible était alors consacrée à l'alimentation des citoyens de l'Empire.Mais les dégâts écologiques, la déforestation, la baisse de la fertilité des sols en particulier dans le Sud de l'Espagne, le Sud de l'Italie et l'Afrique du Nord, ont amené un effondrement du système à partir du IIe siècle après J.-C.. Le plancher fut atteint en 1084, moment auquel la population de Rome était descendue à 15 000 habitants, là où elle avait culminé sous Trajan à 1,5 million. Cette même logique s'applique également à la chute de la civilisation Maya et à la chute de l'Empire Khmer d'Angkor. Joseph Tainter[12] considère que la baisse du TRE est une des causes principales de l'effondrement de sociétés complexes.
La chute du TRE liée à l'épuisement des ressources non-renouvelables représente également un défi pour les économies modernes.
Voir également
- Énergie
- Énergie renouvelable
- Énergie solaire
- Énergie éolienne
- Énergie grise
- Paradoxe de Jevons observation de 1880 des conséquences de l'efficacité énergétique
- Postulat de Khazzoom-Brookes mise à jour du paradoxe de Jevons dans les années 1980
- Agence Internationale de l'Energie Renouvelable
Références
- Il conto in banca dell'energia: il ritorno dell'investimento di Ugo Bardi
- Science Cleveland et al.
- David Eliott, A sustainable future? the limits of renewables, Before the wells run dry, Feasta 2003.
- Ian Hore-Lacy, Renewable Energy and Nuclear Power, Before the wells run dry, Feasta 2003.
Energy, Volume 30, Issue 5, April 2005, Pages 769-782.
Cutler Cleveland, Net energy from the extraction of oil and gas in the United States,- Storm van Leeuwen and Philip Smith, Nuclear Power: the Energy Balance.
- Conférence ALSEMA, M. J. de WILD-SCHOLTEN, 6-10 juin 2005, The real enviromental impacts of crystalline silicon PV modules: an analysis based on up-to-date manufacturers data enviromental accounting, 20th European Photovoltaic Solar Energy Conference, Barcelone, Espagne
- EROI: definition, history and future implications, Charles A. S. Hall. Consulté le 2009-07-08
- Energy Payback Period for Wind Turbines, Danish Wind Energy Association. Consulté le 2009-01-17
- Nicholas Georgescu-Roegen,“Energy and Economic Myths“, Southern Economic Journal, 1975, 41, p. 347-381 ; trad. fr. : “L’énergie et les mythes économiques“, in Georgescu-Roegen, La Décroissance, 1979, p. 37-104 ; 1995, p. 73-148 ; 2006, p. 85-166
- Homer-Dixon, Thomas (2007) "The Upside of Down; Catastrophe, Creativity and the Renewal of Civilisation" (Island Press)
- Cambridge University Press) Tainter, Joseph (1990) "The Collapse of Complex Societies" (
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