Droit pénal de la presse

Droit pénal de la presse

Le droit pénal de la presse a pour fondement la Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881.

Ce texte définit les libertés et responsabilités de la presse française, imposant un cadre légal à toute publication, ainsi qu'à l'affichage public, au colportage et à la vente sur la voie publique.

Aujourdhui, La loi de 1881 est marquée par lunification des procédures civiles et pénales et le champ dapplication de ce texte sest étendu au procès civil.

De plus, la loi de 1881 est soumise au contrôle de la Cour européenne des droits de lhomme, qui a censuré certaines de ses dispositions.

La loi du 29 juillet 1881 énumère les infractions de presse (I) et prévoit un régime (II) et des règles de poursuite(III) spécifiques.

Sommaire

Les infractions de presse

Les principales infractions de presse définies par la loi de 1881: la diffamation et linjure

La diffamation

La diffamation en droit français est précisément définie par la jurisprudence de la Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, le texte de cette loi décrivant avec rigueur les différents cas qui peuvent se présenter.

a) La diffamation envers les personnes vivantes. La diffamation est prévue par larticle 29 aliéna 1 de la loi de 1881, est diffamatoire « toute allégation ou imputation dun fait qui porte atteinte à lhonneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». Outre la publication, qui est le préalable de toute infraction de presse, quatre éléments caractérisent la diffamation: - Lallégation ou limputation Lallégation correspond « à toute diffusion ou toute reproduction de faits ou de circonstances dont on fait remonter lorigine à une tierce personne dénommée ou non ». Limputation correspond « à une affirmation de faits que lon dit avoir constatés soi-même ». Cette distinction est dépourvue de toute portée pratique. - Un fait précis et déterminé Cette exigence permet de distinguer injure et diffamation. Le propos diffamatoire doit porter sur un fait précis et déterminé. - Latteinte à lhonneur ou à la considération Lhonneur se réfère généralement au sentiment que lon a de soi tandis que la considération repose sur lidée que les autres se font de soi, la réputation sociale, professionnelle. La distinction entre lhonneur et la considération nest pas nécessairement opportune, dans la mesure ce que lon cherche à protéger cest la dignité de la personne. - La personne ou le corps doivent être identifiables Seule une personne physique ou morale peut faire lobjet de propos diffamatoires. En labsence de personnalité morale, un groupement ne peut engager une action en diffamation. Il suffit que lidentification de la personne soit rendue possible, cest à la victime dapporter la preuve quelle est identifiable

b) La diffamation envers les personnes décédées. La diffamation envers les personnes décédées est prévue à larticle 34 de la loi de 1881. La diffamation envers une personne décédée nest sanctionnée que dans les cas ou « les auteurs de ces diffamations auraient eu lintention de porter atteinte à lhonneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants ».

Linjure

a) Linjure des personnes vivantes Larticle 29 de la loi de 1881 définit linjure comme « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne referme limputation daucun fait ». La portée de linjure est générale. Il sagit : - Dun propos dévalorisant tenu sciemment. Le propos doit comporter un caractère offensant qui sapprécie de manière objective - Sans imputation dun fait précis. Ce critère distingue linjure de la diffamation. Lapplication pratique de ce critère est parfois délicate. - A lencontre dune victime déterminée ou déterminable. On protège la personne et le groupe de personnes. Cf. diffamation.

b) Linjure des personnes décédées Linjure envers les personnes décédées est prévue à larticle 34 de la loi de 1881. Elle nest sanctionnée que dans les cas ou « les auteurs de ces diffamations auraient eu lintention de porter atteinte à lhonneur ou à la considération des héritiers, époux ou légataires universels vivants ». 3. Les diffamations et injures à raison de lethnie, de la nation, de la race ou de la religion Cette infraction a été introduite dans la loi du 29 juillet 1881 par la loi du 1er juillet 1972. Elles comportent cinq éléments qui les distinguent des délits de droit commun : - La prescription dun an - La définition spécifique des articles 32 alinéa 2 et 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881. - La poursuite peut être exercée doffice par le ministère public - Le prévenu ne peut pour se défendre rapporter la vérité des propos - Les peines encourues sont pour la diffamation, un an demprisonnement et ou 45000 euros damende et pour linjure, une amende de 22500 euros. Avec une aggravation des peines en cas de récidive.

Les diffamation et injures à raison du sexe, de lorientation sexuelle ou du handicap

Cette infraction a été introduite par la loi du 30 décembre 2004 aux articles 32-3 et 33-4 de la loi de 1881 pour les injures et diffamations « à légard dune personne ou dun groupe de personnes à raison de leur sexe de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ».

Les autres infractions de presse définies par la loi de 1881

1. La provocation à la discrimination et à la haine raciale Larticle 24 alinéa 6 de la loi de 1881 Cette infraction est caractérisée par le fait que son auteur à lintention dinciter autrui à partager ses sentiments de haine. Les peines applicables sont celles de la diffamation raciale. La privation des droits civiques et laffichage ou la diffusion de la décision peuvent être prononcés.

2. Les apologies La loi de 1881 sanctionne les apologies en précisant les domaines sur lesquels elles peuvent porter, notamment les crimes de guerre, les crimes contre lhumanité, les crimes ou délit de collaboration avec lennemi, les actes de terrorisme. Lapologie se définit comme un discours ou un écrit destiné à convaincre de la justesse de quelque chose, à assurer la défense de quelquun ou de quelque chose.

3. La contestation des crimes contre lhumanité Il sagit de la négation dune vérité historiquement et juridiquement reconnue. Larticle 24 bis de la loi de 1881 intégré par la loi Gayssot du 13 juillet 1990 prévoit que sont passibles de sanctions « ceux qui contestent lexistence dun ou plusieurs crimes contre lhumanité […] et qui ont été commis soit par les membres dune organisation déclarée criminelle […], soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale ». Le champ dapplication de cette infraction est limité à la seconde guerre mondiale. Ce qui est critiquable.

4. Les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe La loi du 30 décembre 2004 a ajouté un alinéa 9 a larticle 24 de la loi de 1881, qui sanctionne la discrimination ou la provocation « à la haine ou à la violence à légard dune personne ou dun groupe de personnes à raison de leur sexe de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ».

5. Loffense au président de la république Larticle 26 de la loi de 1881, prévoit que loffense au président de la république par lun des moyens énoncés à larticle 23 de la loi est punie dune amende de 45000 euros. Cette infraction est très peu utilisée. On peut sétonner que ce délit nait pas été supprimé en même temps que le délit contre les chefs détat et agents diplomatiques étrangers.

6. Le délit de fausse nouvelles Larticle 27 de la loi de 1881 prévoit cette infraction. Les éléments constitutifs de linfraction sont la publication, et la fausseté de la nouvelle et le risque de trouble à la paix publique. De plus il faut une intention coupable, la mauvaise foi nest pas présumée. Les poursuites ne peuvent être enclenchées que par le ministère public, ce qui est très rarement le cas.

7. Les interdictions dimages - Linterdiction dimages portant atteinte à la dignité des victimes de crimes ou de délits. Article 35 quater de la loi de 1881. - Linterdiction dimages à la dignité des personnes présumées innocentes, menottées ou entravées. Article 35 ter de la loi de 1881 - Linterdiction dimages captées lors des audiences des juridictions administratives ou judicaires. Article 38 ter de la loi de 1881.

II. Le régime des infractions de presse

A. Les éléments constitutifs de linfraction de presse

1. Lélément matériel : la publication « Cest la publication qui constitue linfraction ». Les paroles ou les écrits doivent avoir été dits ou publiés pour être poursuivis. Les modes de publicité sont énumérés à larticle 23 de la loi de 1881. Cet article est complété par la loi du 13 décembre 1985 portant dispositions diverses relatives à la communication audiovisuelle qui ajoute à lénumération « tout moyen de communication audiovisuelle ».

2. Lélément moral : la conscience de publier Pour les infractions de presse il existe une présomption de culpabilité. Le prévenu doit avoir eu conscience de communiquer au public un propos illicite au sens de la loi du 29 juillet 1881. La jurisprudence déduit du statut professionnel de léditeur et du directeur de publication la preuve du fait que ces responsables agissent sciemment. Mais le prévenu dispose tout de même de moyens de défense. B. Les moyens de défense des personnes poursuivies

1. Les moyens de défense de la personne poursuivie pour diffamation

a) Lexception de vérité Larticle 35 de la loi de 1881 considère que la publication dun propos diffamatoire perd tout caractère délictueux lorsque la preuve est rapportée que lauteur de ce propos a dit vrai. Cest lexceptio veritatis. Les juges apprécient selon leur intime conviction les preuves qui leur sont soumises. La preuve de la vérité diffamatoire est interdite dans trois cas prévus par la loi: - Lorsque limputation concerne la vie privée des personnes - Lorsque limputation se réfère à des faits remontant à plus de 10 ans - Lorsque limputation se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donnée lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision. Il faut ajouter quon ne peut pas apporter la preuve de propos racistes et que le délai de loffre de preuve est très court. Article 56 et 55 de la loi de 1881.


b) Lexception de bonne foi Comme nous lavons vus les imputations diffamatoires sont réputées faite de mauvaise foi, sauf preuve contraire de leur auteur. Selon la jurisprudence la bonne foi comporte quatre éléments : - La légitimité du but poursuivi - Labsence danimosité personnelle - La prudence et lobjectivité des propos - Le sérieux de lenquête et la vérification des sources

2. Le moyen de défense de la personne poursuivie pour injure Larticle 33 de la loi de 1881 a prévu une excuse absolutoire, exclue en matière de diffamation : lexcuse de provocation. Si linjure est précédée dune provocation, elle nest pas punissable à condition quil y ait un lien direct et une certaine proportionnalité entre les deux.

C. La prescription Larticle 65 de la loi de 1881 prévoit que les infractions de presse se prescrivent par trois mois révolus à compter du jour de leur commission ou du jour du dernier acte dinstruction ou de poursuite.

D. La responsabilité en cascade Larticle 42 de la loi du 29 juillet 1881 énumère les personnes qui peuvent être poursuivies comme auteurs principaux de crimes ou délits commis par voie de presse et fixe lordre dans lequel elles pourront être recherchées.

E. Les immunités Larticle 41 de la loi de 1881 institue deux catégories dimmunités, qui garantissent la liberté dexpression : - Limmunité parlementaire. Article 41 alinéa 1 de la loi de 1881. Cette irresponsabilité figure à larticle 26 de la Constitution. Si le directeur de la publication est un parlementaire, il ne peut être poursuivi en tant quauteur principal dune infraction de presse, cest pourquoi il doit désigner un codirecteur de la publication choisi parmi les personnes ne bénéficiant pas de limmunité parlementaire. - Limmunité judiciaire Concerne les débats daudience et les comptes rendus judiciaires. Article 41 alinéa 3 de la loi de 1881.

III. La poursuite des infractions de presse

A. La mise en mouvement de laction publique

Les demandeurs à laction ont le choix entre la juridiction civile et pénale. Seules les personnes visées aux articles 30 et 31 (membres de tribunaux, armées, fonctionnaires publics etc.…) ont lobligation de poursuivre devant le juge pénal. Selon larticle 48 la victime est libre de poursuivre, et son désistement éteint laction publique. La mise en mouvement de laction publique peut se faire soit par : - Une procédure de citation directe devant le tribunal correctionnel - Une plainte avec constitution de partie civile, la plainte est alors instruite par le juge dinstruction. - Lorsque la partie lésée est un ministre, une administration publique, ou un corps constitué, elle doit déposer une plainte préalable auprès du procureur de la République qui décidera soit de citer la partie poursuivante devant le tribunal correctionnel, soit de passer par le juge dinstruction.

B. La qualification des faits incriminés

La citation fixe définitivement lobjet, la nature et létendue de la poursuite en cas derreur le juge ne peut requalifier linfraction poursuivie. La sanction de lerreur est la nullité de la poursuite, cest une nullité dordre public. Cette mesure permet de garantir les droits de défense, le prévenu a le droit de savoir exactement sur quel fondement il est poursuivi, pour pouvoir apporter les preuves nécessaires à sa défense.

sources

- responsabilité civile et pénale de la presse. E. dreyer - le droit de la communication. franscecini et de Bellescize


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Droit pénal de la presse de Wikipédia en français (auteurs)

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