- Bataille de Jengland
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Bataille de Jengland Informations générales Date 22 août 851 Lieu Jengland-Beslé Issue Victoire bretonne Belligérants Bretons Francs, mercenaires saxons Commandants Erispoë Charles le Chauve Forces en présence peut-être 1000 hommes peut-être 4000 à 6000 hommes modifier Le 22 août 851, la bataille de Jengland-Beslé, ou bataille du Grand-Fougeray opposa les troupes franques de Charles le Chauve aux Bretons d’Erispoë, et fut remportée par ce dernier. Cette victoire bretonne déboucha sur le traité d'Angers signé en septembre 851.
Sommaire
Prémices
Après avoir respecté la paix conclue avec Charles le Chauve en 846, Nominoë, à la tête des Bretons, reprend l’offensive en 849. Il semble désormais chercher à établir l’indépendance totale de son royaume, comme en témoigne sa déposition des évêques en place – fidèles à Landran II, archevêque métropolitain de Tours – sous des accusations de simonie et leur remplacement par des fidèles (par exemple : Gislard nommé évêque à Nantes, puis à Guérande et Courantgwen à Vannes).
En 850, Charles le Chauve lève une armée pour défendre l'intégrité de la Neustrie, mais l’affrontement n’a pas lieu et le roi se contente de renforcer les comtés de la Neustrie limitrophes de la Bretagne.
En 851, les garnisons laissées l’année précédente à Rennes et Nantes capitulent devant Nominoë, qui pousse ses dévastations profondément vers l’est (il ravage Le Mans). Voulant pousser à son avantage ses conquêtes nouvelles, Nominoë décide d'avancer sur Chartres, mais meurt subitement en montant à cheval, près de Vendôme. Erispoë, son fils, reprend le commandement de l’armée bretonne et poursuit l’offensive en compagnie de Lambert, un Franc dépossédé du comté de Nantes par Charles le Chauve.
Devant la menace, Charles conclut une entente d’aide réciproque avec ses frères, obtenant un contingent de Saxons de Louis le Germanique. L’ost est convoqué dans l’ouest du royaume à la fin de l’été.
Les forces en présence
Faute de données précises, les effectifs des deux camps doivent être estimés sous toutes réserves. Il faut se garder de répéter les évaluations fantaisistes d’autrefois, qui accordent jusqu’à 40 000 hommes à Charles, alors que Charlemagne lui-même n’en a sans doute jamais conduit autant au champ de bataille, à une époque où l’empire était encore entier.
On peut néanmoins supposer qu’après son échec cuisant à Ballon, Charles cherche à éviter de commettre deux fois la même erreur en se présentant avec trop peu d’hommes, même s’il sait les Bretons peu nombreux. Une mobilisation massive en Francie occidentale pourrait représenter de quatre à six mille hommes, 30 à 50% du maximum théorique du royaume, car le roi doit alterner les régions convoquées à l’ost d’une année à l’autre pour éviter l’épuisement des ressources et des hommes. Sur ce nombre, il faut compter peut-être 10% de cavaliers lourds, leurs écuyers, s’ils sont eux-mêmes montés, pouvant éventuellement former une cavalerie légère. Quant au contingent de mercenaires saxons, on peut se hasarder à lui accorder un nombre de 500 à 800 hommes, soit à peu près les effectifs d’une bande de guerre germanique (par analogie avec les bandes de guerres scandinaves).
Chez les Bretons, l’armée étant apparemment constituée d’une seule cavalerie légère, seuls les hommes d’un certain rang social, c’est-à-dire ayant les moyens de posséder un cheval, pouvaient y participer. Malgré tout, la proportion d’hommes possédant des chevaux pourrait être supérieure à ce qu’elle est en Francie à la même époque. En effet, l’élevage tient une place prépondérante dans les activités de production de la société celtique de l’époque, du moins chez la classe libre, à en croire les relations contemporaines et l'analogie avec les autres nations celtiques du haut Moyen Âge. La culture des champs, peu valorisée, est l’affaire de la classe servile, exclue du privilège de porter les armes. La richesse et le pouvoir se calculent en têtes de bétail et en peaux.
Ainsi, la population de la Bretagne d’alors – moins de 150 000 âmes, sans compter la population romane acquise dans les comtés de Rennes et de Nantes – mène à une estimation de 500 à 800 cavaliers pour une région gallo-franque, où la petite noblesse, qui a le quasi-monopole du cheval, représente de 2 à 2,5% de la population. On peut supposer la proportion supérieure chez les Bretons. Un seul point de repère historiographique : en 873, Charles convoque Salomon, successeur d’Érispoë, pour venir faire conjointement le siège d’Angers où se sont retranchés des Vikings ; selon les sources de l’époque, le roi breton s’y rend avec 1 000 hommes.
La bataille
En août 851, Charles le Chauve quitte le Maine pour pénétrer en Bretagne par la voie romaine de Nantes à Corseul. Au pont de Beslé, l’armée bretonne lui barre la route. D'après l'historien Pierre Riché, la bataille a lieu à « Juvardeil, près de Segré »[1].
Le premier jour, le roi dispose ses troupes sur deux lignes : les Francs derrière, les mercenaires saxons devant pour briser la charge de la cavalerie bretonne, dont il connaît la mobilité et la ténacité.
Aux premiers instants de l’engagement, canardés de javelots, les Saxons se replient derrière la ligne franque. Les Francs sont pris au dépourvu par la tactique de l’ennemi. Au lieu d’engager le corps à corps, les Bretons harcèlent à distance l’armée lourde des Francs, un peu à la façon des peuples nomades d’Asie centrale, l’arc et la flèche étant remplacés par le javelot. Ils alternent charges furieuses, débandades soudaines et feintes incitant les Francs à la poursuite, les Bretons étant entraînés à viser aussi bien devant eux que derrière. Dès que quelques Francs se détachent d’une colonne, les Bretons se regroupent pour les encercler.
Après deux jours de combat, les pertes en hommes et en montures sont catastrophiques chez les Francs, minimes chez les Bretons. La frayeur gagne le roi, qui fuit à la faveur de la nuit, abandonnant tout son vestiaire. Lorsque sa disparition est remarquée au petit jour, la panique s’empare des soldats et tous ne songent plus qu’à sauver leur peau. Les Bretons ne tardent pas à s’en apercevoir et fondent sur le camp à grand cri, s’emparant des trésors et des armes, massacrant autant de fuyards qu’ils le peuvent.
Les conséquences : la paix d'Angers
À l’issue de cette bataille, les relations entre Francs et Bretons sont redéfinies. Charles le Chauve accepte de rencontrer Érispoé à Angers ville située aux limites de l'avancée bretonne.
Selon les Annales de Saint-Bertin : « Erispoé, fils de Nominoé, venant à Charles, dans la Cité d’Angers se commanda à lui (= se soumet) et reçut en don aussi bien les symboles de la royauté que les ressorts de son père, étant ajoutés le Rennais, le Nantais et le Retz. »[2]
Par cet accord d'Angers, Charles le Chauve reconnaissait Erispoë pour roi de Bretagne et s'engageait à ne plus jamais contester que les pays de Rennes, Nantes et de Retz sont terre bretonne. En contrepartie, Erispoë se contenta de rendre son siège épiscopal à l'évêque Actard. L'accord d'Angers délimite les frontières du futur duché de Bretagne et de la Bretagne. Il marque aussi un tournant dans les relations entre la Francie occidentale et la Bretagne : les Vikings attaquant la Neustrie et la Bretagne, une paix intérieure, faute d'une alliance solide et volontaire, est nécessaire pour contrer ces incursions (à partir de 799) de plus en plus pressantes.
Les limites de la paix d'Angers
La paix d'Angers vole en éclat quelques années plus tard sous Salomon de Bretagne qui repart en guerre en 863 contre Charles le Chauve. Salomon pousse ses troupes jusqu'à Orléans et par le traité d'Entrammes, il acquiert en échange de la paix le territoire d' Entre deux rivières, c'est-à-dire entre sarthe et mayenne. En 868, le traité de Compiègne lui concède le Cotentin, l'Avranchin ainsi que les îles Anglo-Normandes. La Bretagne atteint alors son extension géographique maximale. Mais le royaume de Bretagne est déstabilisé par la mort d'Alain le Grand, et la Bretagne perdit à nouveau son unité. En effet celui-ci n'eut pas de successeur et le comte de Cornouaille, Gourmaëlon, qui hérita de la couronne, mais ne parvint pas à imposer son autorité et le royaume s'émietta entre les divers comtes et Mac'htierns, plus ou moins rivaux les uns des autres. Les incursions des Vikings en 908, puis le traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911 par lequel Charles le Simple concèdent la Bretagne aux Normands de la Loire (alors qu'il n'avait aucune souveraineté sur celle-ci) ce qui les encouragea et on assiste alors à une invasion générale : toute la Bretagne est submergée, ravagée, et une partie des habitants vendus ou expulsé.
Ainsi, La Bretagne perd ses dernières conquêtes sur le Cotentin, l'Avranchin et les îles Anglo-Normandes que Guillaume longue épée enleva aux bretons en 933, alors que le Maine et l'Anjou sont pris par les francs. Reconstituée par le duc Alain II de Bretagne et ses suivants, mais affaiblie, la Bretagne reprend globalement les limites du traité d'Angers. A partir des Montfort, les ducs tenteront d’exercer de plus en plus des prérogatives royales et maintiendront des alliances avec le pouvoir central français par des mariages le plus souvent avec des princesses issues de la noblesse française.
Note et références
- Pierre Riché - Les Carolingiens, une famille qui fit l'Europe - p.218
- Annales de Saint-Bertin, in Histoire de la Bretagne, tome 1, Des Mégalithes aux Cathédrales, collectif, éditions Skol Vreizh
Sources
- André Chédeville & Hubert Guillotel La Bretagne des saints et des rois Ve-Xe siècle Editions Ouest France (1984) (ISBN 2858826137)
- Pierre Riché - Les Carolingiens, une famille qui fit l'Europe - Hachette littérature, Paris, 1997 (1re édition 1983) - (ISBN 2012788513)
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