Bataille de Carrhes

Bataille de Carrhes

36°52N 39°02E / 36.867, 39.033

Bataille de Carrhes

Date 53 av. J.-C.
Lieu Carrhae, Turquie
Issue Victoire décisive des Parthes
Belligérants
République romaine Parthes
Commandants
Crassus Surena
Forces en présence
7 légions :
25 à 30 000 légionnaires
4 000 cavaliers
4 000 fantassins légers
9 000 archers à cheval
1 000 cataphractes
train de 1 000 chameaux
Pertes
20 000 morts
10 000 prisonniers
faibles

Guerre contre les Parthes

Liste des guerres et des batailles de la République romaine

Série Rome antique


La bataille de Carrhes (ou Charan) fut une défaite décisive en 53 av. J.-C. de la République romaine sous les ordres du général Crassus infligée par les Parthes sous les ordres de Suréna près de la ville fortifiée de Carrhes (Harran, en actuelle Turquie).

Sommaire

Les sources antiques

Les récits les plus détaillés de la bataille viennent de Plutarque et de Dion Cassius, qui écrivent plusieurs siècles après lévénement, vraisemblablement en puisant dans une ou des sources antérieures. La narration de Tite-Live, presque contemporain de la bataille, nest connue de nos jours que par un abrégé sommaire[1]. Dautres historiens antiques ne font qu'une mention résumée de la campagne désastreuse : Velleius Paterculus[2], Eutrope[3], Julius Obsequens[4], Lucius Ampelius[5]. Presque tous insistent sur linconséquence de Crassus qui ne tint aucun compte des signes défavorables, annonciateurs du désastre, et en font le responsable de cette défaite romaine.

Le récit de la campagne et de la bataille a été repris par l'historien du XIXe siècle Theodor Mommsen, en se basant principalement sur la narration de Plutarque[6].

Contexte

Après son consulat en 55 av. J.-C., Crassus reçoit la charge de proconsul de la province de Syrie. Plutarque se contredit, indiquant tantôt que la proposition du tribun Tribonius confiait à Crassus la conduite de la guerre contre les Parthes[7], tantôt que le décret du peuple ne comprenait pas la guerre contre les Parthes[8]. Crassus part de Rome avec sept légions et lintention déclarée de conquérir les Parthes et de se donner une gloire militaire comparable à celle de Lucullus, Pompée ou César. Son seul succès militaire est son intervention contre la révolte de Spartacus, qui date de près de vingt ans et ne lui a valu quune ovation, tandis que Pompée qui avait alors remporté des victoires plus prestigieuses obtenait un triomphe[9].

Crassus arrive en Syrie en 54 av. J.-C., établit un pont sur lEuphrate, frontière que Phraatès avait signifiée à Pompée[10], obtient la soumission de quelques villes proches de lEuphrate, prend et pille Zénodotie/Zénodotitum qui résistait et revient passer lhiver en Syrie[11]. Selon Plutarque et Dion Cassius, Crassus commet deux erreurs stratégiques qui seront lourdes de conséquences : en arrêtant son offensive et en se repliant en Syrie pour y passer lhiver, il laisse tout le temps aux Parthes de préparer leur armée ; en refusant l'appui militaire d'Artavazde II, roi d'Arménie, il renonce à passer par l'Arménie, itinéraire plus sûr, et choisit dentrer directement dans le territoire parthe par la route de lEuphrate[12].

En 53 av. J.-C. la guerre reprend. Crassus franchit lEuphrate à Zeugma[13]. De son côté, le roi parthe Orodès II scinde son armée en deux et envoie son infanterie ravager lArménie, pour la punir de son alliance avec les Romains, tandis quil confie sa cavalerie à Suréna pour quil empêche la progression des Romains[14]. La première partie de ce plan réussit, car Artavazde dArménie informe Crassus que lattaque quil subit lempêche denvoyer tout renfort aux Romains[15].

Crassus sapprête à longer le cours de lEuphrate, mais sen éloigne, sur le conseil dun chef local, faux allié des Romains qui mène un double jeu, le roi d'Osroène Augarus, selon Dion Cassius[13] ou le chef dun clan arabe Ariamnes, selon Plutarque[16]. Ce conseiller dirige les Romains sur une zone de plaine désertique, que Dion Cassius décrit avec des bois et des inégalités propices pour dissimuler des troupes,[17]. Cest quattendent les forces de Suréna.

L'affrontement

Les forces en présence

Les forces de Crassus se composent de sept légions, effectif estimé par l'historien Théodore Mommsen à environ 40 000 hommes[6], près de 4000 cavaliers, et autant de fantassins légers[12] dont un millier de cavaliers gaulois avec à leur tête le fils de Crassus, Publius, qui a lexpérience de plusieurs batailles dans la guerre des Gaules.

L'armée de Suréna est surtout composée de cavalerie, dix mille selon Plutarque, dont une escorte de 1000 cavaliers lourds équipés de lances et entièrement caparaçonnés[14], les Cataphractaires. Ils sont accompagnés d'un grand train de chameaux avec une grande réserve de flèches[18].

Romains et Parthes ne se sont jusqualors jamais affrontés directement. Leurs armements et leurs tactiques de combat sont radicalement différentes : les Romains combattent en fantassins, les légionnaires romains, casqués, cuirassés et bien protégés par leur grand bouclier rectangulaire sont réputés pour leur ténacité et leur efficacité dans les batailles rangées comme lors des sièges. La cavalerie romaine na qu'un rôle dappoint, pour protéger les flancs ou poursuivre un adversaire en retraite. À linverse, les Parthes combattent à cheval avec l'arc et la lance, et sont cuirassés le plus souvent[19]. Larc utilisé est un arc composite, renforcé de lames de corne et de tendons ; puissant et peu encombrant, il peut être manié avec efficacité par les cavaliers. Pour Théodore Mommsen, « en face du Parthe ainsi armé, tout le désavantage était pour les légions, et dans les moyens stratégiques, puisque sans cavalerie, elles ne demeuraient pas maîtresses de leurs communications, et dans les moyens de combat, puisque, lon nen vient point à la lutte dhomme à homme, larme à longue portée triomphe nécessairement de larme courte[6] ».

Déroulement de la bataille

Les patrouilles de reconnaissance romaines, durement accrochées, signalent lapproche de larmée parthe. Crassus fait ranger linfanterie dabord le plus largement possible pour éviter dêtre encerclé, puis change davis et la dispose en un carré de douze cohortes de côté, soutenu par des unités de cavalerie. Crassus commande le centre, son fils Publius une aile et le questeur Cassius lautre aile[20]. Plutôt que détablir un camp et dattendre le lendemain, Crassus fait poursuivre la marche jusquà parvenir en vue des Parthes[21].

Les armées se font alors face, et se livrent aux démonstrations dintimidation propres à effrayer ladversaire : Suréna fait gronder ses tambours et fait soudainement dévoiler ses cataphractaires, dont léclat des armures couvrant cavalier et monture doit impressionner les Romains. Toutefois, jugeant limportance de la profondeur de la formation romaine, Suréna renonce à faire charger ses cataphractaires, et entame une manœuvre dencerclement, que Crassus tente de contrer en envoyant ses troupes légères. Celles-ci sont repoussées par une grêle de flèches jusqu'aux lignes des légionnaires[22].

Les archers montés harcèlent à distance, évitant tout contact, et arrosent linfanterie en tirant dans le tas. En tir à cadence soutenue, un archer épuise sa réserve de flèches en quelques minutes, ce quattendent les Romains. Mais les archers parthes vont à tour de rôle se rapprovisionner à larrière, auprès de chameaux chargés de flèches et entretiennent un tir ininterrompu[23].

Pour éviter lencerclement et dégager larmée romaine, Publius Crassus contre-attaque les Parthes avec 1300 cavaliers dont ses cavaliers gaulois. Les Parthes prennent la fuite, Publius les poursuit avec sa cavalerie, suivie au pas de course par 8 cohortes et 500 archers, soit plus de six mille hommes[6]. Lorsque Publius Crassus est éloigné du gros de larmée romaine, les cataphractaires postés en réserve chargent la cavalerie romaine, qui est trop légère pour résister, tandis que le reste de la cavalerie parthe encercle et crible de flèches les Romains[24]. Cernés, ils sont anéantis. Publius Crassus et ses officiers se suicident ou sont tués, les Parthes ne font que 500 prisonniers. Seuls quelques messagers envoyés appeler le secours de Crassus en réchappent[25].

Informé de la situation de son fils, Crassus fait avancer ses soldats, mais trop tard : les Parthes attaquent le gros de larmée romaine, brandissant la tête de Publius au bout dune pique[26]. Tandis que les cataphractaires chargent de front avec leurs longues piques, les archers montés criblent de flèches les flancs romains, et les « alliés » Osroènes changent de camp pour les attaquer à revers. Par groupes, les Romains se protègent tant bien que mal de la pluie de flèches en se formant en tortue. Les cataphractaires les chargent à coup de lances pour les forcer à se disperser, trébuchant sur les morts et les blessés, aveuglés par la poussière soulevée par les chevaux, et exposés aux jets de flèches. Le massacre dure jusquà la tombée de la nuit, et le retrait parthe[27].

La retraite

Crassus est trop démoralisé pour commander, ses officiers Cassius et Octavius font lever le camp pour regagner Carrhes pendant la nuit sans attirer lattention des Parthes, en abandonnant sur place quatre mille blessés incapables de se déplacer. Les Parthes saperçoivent de la fuite nocturne des Romains, mais attendent le jour pour procéder à la poursuite. Pendant la nuit, de nombreux blessés romains abandonnés succombent faute de soin ou se suicident[28]. Le jour venu, les Parthes achèvent ou font prisonniers les survivants, capturent les trainards, anéantissent 4 cohortes qui sétaient égarées pendant le repli[29].

Les Romains sont assiégés dans la ville sans espoir de secours, Crassus décide la retraite vers les montagnes pendant la nuit. Les 500 derniers cavaliers romains commandés par Cassius s'enfuient vers la côte. Octavius et 5000 légionnaires romains atteignent une forte position dans les collines, mais ils font demi-tour pour aider Crassus qui est à la traine avec 4 cohortes. Suréna comprend que les Romains pourraient lui échapper. Il attire Crassus dans une entrevue. Pressé par ses soldats au bord de la sédition, Crassus est obligé daccepter la rencontre. Le contact préliminaire dégénère lorsque les Parthes veulent forcer Crassus à monter sur le cheval que Suréna lui offre, tandis qu'Octavius et son escorte sy opposent. Dans laffrontement, Octavius et Crassus périssent, tués par les Parthes ou par une main romaine, pour éviter lhumiliation de la captivité[30].

On raconte que les Parthes versèrent de lor fondu dans la bouche de Crassus, par dérision sur sa soif de richesse[31]. Comme trophée, Suréna envoya la tête et la main coupée de Crassus à Orodès II[32]. Le bilan de la rencontre est désastreux pour les Romains : selon Plutarque, 20 000 soldats romains sont morts et 10 000 sont prisonniers, qui seront réduits à l'état de serfs servant dans l'armée parthe dans les provinces de l'est du royaume parthe[6],[33]. Cassius, malgré son rang subalterne de questeur, assure le gouvernement de la Syrie pendant plusieurs années et parvient à repousser les attaques Parthes sur cette province[2],[34].

Épilogue

Les enseignes de l'armée romaine perdues par Crassus représentent une véritable humiliation pour Rome. Auguste parvient à récupérer les Aigles en 20 av. J.-C. Ces enseignes seront par la suite exposées dans le temple de Mars Ultor. L'Auguste de Prima Porta, statue d'Auguste en tenue militaire de parade est érigée pour commémorer l'événement. Sur sa cuirasse est représentée la scène historique de la restitution dune enseigne.

Voir aussi

Liens internes

Sources

Notes

  1. Periochae de Tite-Live, résumé du livre 106
  2. a et b Velleius Paterculus, Histoire romaine, livre II, 46
  3. Eutrope, Abrégé de lhistoire romaine, livre VI, 15
  4. Julius Obsequens, Des prodiges, CXXIV
  5. Lucius Ampelius, Le Mémorial, XXXI
  6. a, b, c, d et e Théodore Mommsen, Histoire romaine, livre V, IX
  7. Plutarque, Vie de Pompée, 54
  8. Plutarque, Vie de Crassus, 19
  9. Plutarque, Vie de Crassus, 12-15
  10. Plutarque, Vie de Pompée, 36
  11. Plutarque, Vie de Crassus, 21 ; Dion Cassius, livre XL, 13
  12. a et b Plutarque, Vie de Crassus, 24
  13. a et b Dion Cassius, livre XL, 17
  14. a et b Plutarque, Vie de Crassus, 26
  15. Plutarque, Vie de Crassus, 27
  16. Plutarque, Vie de Crassus, 25, 27
  17. Dion Cassius, Histoire romaine livre XL, 21
  18. Plutarque, Vie de Crassus, 31
  19. Dion Cassius, Histoire romaine livre XL, 17
  20. Plutarque, Vie de Crassus, 28
  21. Plutarque, Vie de Crassus, 29
  22. Plutarque, Vie de Crassus, 29-30
  23. Plutarque, Vie de Crassus, 30-31
  24. Plutarque, Vie de Crassus, 31-32
  25. Plutarque, Vie de Crassus, 33 ; Dion Cassius, livre XL, 21
  26. Plutarque, Vie de Crassus, 34
  27. Plutarque, Vie de Crassus, 35 ; Dion Cassius, livre XL, 22-24
  28. Dion Cassius, Histoire romaine livre XL, 25
  29. Plutarque, Vie de Crassus, 36
  30. Periochae de Tite-Live, résumé du livre 106 ; Plutarque, Vie de Crassus, 38-41 ; Dion Cassius, Histoire romaine livre XL, 26-27
  31. Dion Cassius, Histoire romaine livre XL, 26-27
  32. Plutarque, Vie de Crassus, 42
  33. Horace, Carmen, 3, 5, 5 ; Velleius Paterculus, Histoire romaine, livre II, 82
  34. Dion Cassius, livre XL, 28-29 ; Eutrope, Abrégé de lhistoire romaine, livre VI, 15

Références


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Bataille de Carrhes de Wikipédia en français (auteurs)

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