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Bataille de Carrhes
Bataille de Carrhes Date : 53 av. J.-C. Lieu : Carrhae, Turquie Issue : Victoire décisive des Parthes Bélligérants République romaine Parthes Commandants Crassus † Surena Forces en présence 7 légions :
25 à 30 000 légionnaires
4 000 cavaliers
4 000 fantassins légers9 000 archers à cheval
1 000 cataphractes
train de 1 000 chameauxPertes 20 000 morts
10 000 prisonniersfaibles Guerre contre les Parthes Liste des guerres et des batailles de la République romaine Série Rome antique La bataille de Carrhes (ou Charan) fut une défaite décisive en 53 av. J.-C. de la république romaine sous les ordres du général Crassus infligée par les Parthes sous les ordres de Suréna près de la ville fortifiée de Carrhes (Harran, en actuelle Turquie).
Sommaire
Les sources antiques
Les récits les plus détaillés de la bataille viennent de Plutarque et de Dion Cassius, qui écrivent plusieurs siècles après l’événement, vraisemblablement en puisant dans une ou des sources antérieures. La narration de Tite-Live, presque contemporain de la bataille, n’est connue de nos jours que par un abrégé sommaire[1]. D’autres historiens antiques ne font qu'une mention résumée de la campagne désastreuse : Velleius Paterculus[2], Eutrope[3], Julius Obsequens[4], Lucius Ampelius[5]. Presque tous insistent sur l’inconséquence de Crassus qui ne tint aucun compte des signes défavorables, annonciateurs du désastre, et en font le responsable de cette défaite romaine.
Le récit de la campagne et de la bataille a été repris par l'historien du XIXe siècle Theodor Mommsen, en se basant principalement sur la narration de Plutarque[6].
Contexte
Après son consulat en 55 av. J.-C., Crassus reçoit la charge de proconsul de la province de Syrie. Plutarque se contredit, indiquant tantôt que la proposition du tribun Tribonius confiait à Crassus la conduite de la guerre contre les Parthes[7], tantôt que le décret du peuple ne comprenait pas la guerre contre les Parthes[8]. Crassus part de Rome avec sept légions et l’intention déclarée de conquérir les Parthes et de se donner une gloire militaire comparable à celle de Lucullus, Pompée ou César. Son seul succès militaire est son intervention contre la révolte de Spartacus, qui date de près de vingt ans et ne lui a valu qu’une ovation, tandis Pompée qui avait alors remporté des victoires plus prestigieuses obtenait un triomphe[9].
Crassus arrive en Syrie en 54 av. J.-C., établit un pont sur l’Euphrate, frontière que Phraatès avait signifiée à Pompée[10], obtient la soumission de quelques villes proches de l’Euphrate, prend et pille Zénodotie/Zénodotitum qui résistait et revient passer l’hiver en Syrie[11]. Selon Plutarque et Dion Cassius, Crassus commet deux erreurs stratégiques qui seront lourdes de conséquences : en arrêtant son offensive et en se repliant en Syrie pour y passer l’hiver, il laisse tout le temps aux Parthes de préparer leur armée ; en refusant l'appui militaire d'Artavazde II, roi d'Arménie, il renonce à passer par l'Arménie, itinéraire plus sur, et choisit d’entrer directement dans le territoire parthe par la route de l’Euphrate[12].
En 53 av. J.-C. la guerre reprend. Crassus franchit l’Euphrate à Zeugma[13]. De son coté, le roi parthe Orodès II scinde son armée en deux et envoie son infanterie ravager l’Arménie, pour la punir de son alliance avec les Romains, tandis qu’il confie sa cavalerie à Suréna pour qu’il empêche la progression des Romains[14]. La première partie de ce plan réussit, car Artavazde d’Arménie informe Crassus que l’attaque qu’il subit l’empêche d’envoyer tout renfort aux Romains[15].
Crassus s’apprête à longer le cours de l’Euphrate, mais s’en éloigne, sur le conseil d’un chef local, faux allié des Romains qui mène un double jeu, le roi d'Osroène Augarus, selon Dion Cassius[16] ou le chef d’un clan arabe Ariamnes, selon Plutarque[17]. Ce conseiller dirige les Romains sur une zone de plaine désertique, que Dion Cassius décrit avec des bois et des inégalités propices pour dissimuler des troupes, [18]. C’est là qu’attendent les forces de Suréna.
L'affrontement
Les forces en présence
Les forces de Crassus se composent de sept légions, effectif estimé par l'historien Théodore Mommsen à environ 40 000 hommes[6], près de 4000 cavaliers, et autant de fantassins légers[12] dont un millier de cavaliers gaulois avec à leur tête le fils de Crassus, Publius, qui a l’expérience de plusieurs batailles dans la guerre des Gaules.
L'armée de Suréna est surtout composée de cavalerie, dix milles selon Plutarque, dont une escorte de 1000 cavaliers lourds équipés de lance et entièrement caparaçonnés[19], les Cataphractaires. Ils sont accompagnés d'un grand train de chameaux avec une grande réserve de flèches[20]. L’arc utilisé est un arc composite, renforcé de lames de corne et de tendons ; puissant et peu encombrant, il peut être manié avec efficacité par les cavaliers.
Romains et Parthes ne se sont jusqu’alors jamais affrontés directement. Leurs armements et leurs tactiques de combat sont radicalement différentes : les Romains combattent en fantassins, les légionnaires romains, casqués, cuirassés et bien protégés par leur grand bouclier rectangulaire sont réputés pour leur ténacité et leur efficacité dans les batailles rangées comme lors des sièges. La cavalerie romaine n’a qu'un rôle d’appoint, pour protéger les flancs ou poursuivre un adversaire en retraite. A l’inverse, les Parthes combattent à cheval avec l'arc et la lance, et sont cuirassés le plus souvent[21]. Pour Théodore Mommsen, « en face du Parthe ainsi armé, tout le désavantage était pour les légions, et dans les moyens stratégiques, puisque sans cavalerie, elles ne demeuraient pas maîtresses de leurs communications, et dans les moyens de combat, puisque, là où l’on n’en vient point à la lutte d’homme à homme, l’arme à longue portée triomphe nécessairement de l’arme courte[6] ».
Déroulement de la bataille
Les patrouilles de reconnaissance romaines, durement accrochées, signalent l’approche de l’armée parthe. Crassus fait ranger l’infanterie d’abord le plus largement possible pour éviter d’être encerclé, puis change d’avis et la dispose en un carré de douze cohortes de côté, soutenu par des unités de cavalerie. Crassus commande le centre, son fils Publius une aile et le questeur Cassius l’autre aile[22].Plutôt que d’établir un camp et d’attendre le lendemain, Crassus fait poursuivre la marche jusqu’à parvenir en vue des Parthes[23].
Les armées se font alors face, et se livrent aux démonstrations d’intimidation propres à effrayer l’adversaire : Suréna fait gronder ses tambours et fait soudainement dévoiler ses cataphractaires, dont l’éclat des armures couvrant cavalier et monture doit impressionner les Romains. Toutefois, jugeant l’importance de la profondeur de la formation romaine, Suréna renonce à faire charger ses cataphractaires, et entame une manœuvre d’encerclement, que Crassus tente de contrer en envoyant ses troupes légères. Celles-ci sont repoussées par une grêle de flèches jusqu'aux lignes des légionnaires[24].
Les archers montés harcèlent à distance, évitant tout contact, et arrosent l’infanterie en tirant dans le tas. En tir à cadence soutenue, un archer épuise sa réserve de flèches en quelques minutes, ce qu’attendent les Romains. Mais les archers parthes vont à tour de rôle se rapprovisionner à l’arrière, auprès de chameaux chargés de flèches et entretiennent un tir ininterrompu[25].
Pour éviter l’encerclement et dégager l’armée romaine, Publius Crassus contre-attaque les Parthes avec 1300 cavaliers dont ses cavaliers gaulois. Les Parthes prennent la fuite, Publius les poursuit avec sa cavalerie, suivie au pas de course par 8 cohortes et 500 archers, soit plus de six mille hommes[6]. Lorsque Publius Crassus est éloigné du gros de l’armée romaine, les cataphractaires postés en réserve chargent la cavalerie romaine, qui est trop légère pour résister, tandis que le reste de la cavalerie parthe encercle et crible de flèches les Romains[26]. Cernés, ils sont anéantis. Publius Crassus et ses officiers se suicident, les Parthes ne font que 500 prisonniers. Seuls quelques messagers envoyés appeler le secours de Crassus en réchappent[27].
Informé de la situation de son fils, Crassus fait avancer ses soldats, mais trop tard : les Parthes attaquent le gros de l’armée romaine, brandissant la tête de Publius au bout d’une pique[28]. Tandis que les cataphractaires chargent de front avec leurs longues piques, les archers montés criblent de flèches les flancs romains, et les "alliés" Osroènes changent de camp pour les attaquer à revers. Par groupes, les Romains se protègent tant bien que mal de la pluie de flèches en se formant en tortue. Les cataphractaires les chargent à coup de lances pour les forcer à se disperser, trébuchant sur les morts et les blessés, aveuglés par la poussière soulevée par les chevaux, et exposés aux jets de flèches. Le massacre dure jusqu’à la tombée de la nuit, et le retrait parthe[29].
La retraite
Crassus est trop démoralisé pour commander, ses officiers Cassius et Octavius font lever le camp pour regagner Carrhes pendant la nuit sans attirer l’attention des Parthes, en abandonnant sur place quatre mille blessés incapables de se déplacer. Les Parthes s’aperçoivent de la fuite nocturne des Romains, mais attendent le jour pour procéder à la poursuite. Pendant la nuit, de nombreux blessés romains abandonnés succombent faute de soin ou se suicident[30]. Le jour venu, les Parthes achèvent ou font prisonniers les survivants, capturent les trainards, anéantissent 4 cohortes qui s’étaient égarées pendant le repli[31].
Les Romains sont assiégés dans la ville sans espoir de secours, Crassus décide la retraite vers les montagnes pendant la nuit. Les 500 derniers cavaliers romains commandés par Cassius s'enfuient vers la côte. Octavius et 5000 légionnaires romains atteignent une forte position dans les collines, mais ils font demi-tour pour aider Crassus qui est à la traine avec 4 cohortes. Suréna comprend que les Romains pourraient lui échapper. Il attire Crassus dans une entrevue. Pressés par ses soldats au bord de la sédition, Crassus est obligé d’accepter la rencontre. Le contact préliminaire dégénère lorsque les Parthes veulent forcer Crassus à monter sur le cheval que Suréna lui offre, tandis que Octavius et son escorte s’y opposent. Dans l’affrontement, Octavius et Crassus périssent, tués par les Parthes ou par une main romaine, pour éviter l’humiliation de la captivité[32].
On raconte que les Parthes versèrent de l’or fondu dans la bouche de Crassus, par dérision sur sa soif de richesse[33]. Comme trophée, Suréna envoya la tête et la main coupée de Crassus à Orodes[34]. Le bilan de la rencontre est désastreux pour les Romains : selon Plutarque, 20 000 soldats romains sont morts et 10 000 sont prisonniers, qui seront réduits à l'état de serfs servant dans l'armée parthe dans les provinces de l'est du royaume parthe[6],[35]. Cassius, malgré son rang subalterne de questeur, assure le gouvernement de la Syrie pendant plusieurs années et parvient à repousser les attaques Parthes sur cette province[2],[36].
Épilogue
Les enseignes de l'armée romaine perdues par Crassus représentent une véritable humiliation pour Rome. Auguste parvient à récupérer les Aigles en 20 av. J.-C. Ces enseignes seront par la suite exposées dans le temple de Mars Ultor. L'Auguste de Prima Porta, statue d'Auguste en tenue militaire de parade est érigée pour commémorer l'événement. Sur sa cuirasse est représentée la scène historique de la restitution d’une enseigne.
Voir aussi
Liens internes
- Marcus Crassus, le triumvir ; Publius Crassus, son fils
- Suréna, de la maison des Suren
- Les Parthes
Sources
Notes
- ↑ Periochae de Tite-Live, résumé du livre 106
- ↑ a et b Velleius Paterculus, Histoire romaine, livre II, 46
- ↑ Eutrope, Abrégé de l’histoire romaine, livre VI, 15
- ↑ Julius Obsequens, Des prodiges, CXXIV
- ↑ Lucius Ampelius, Le Mémorial, XXXI
- ↑ a , b , c , d et e Théodore Mommsen, Histoire romaine, livre V, IX
- ↑ Plutarque, Vie de Pompée, 54
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 19
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 12-15
- ↑ Plutarque, Vie de Pompée, 36
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 21 ; Dion Cassius, livre XL, 13
- ↑ a et b Plutarque, Vie de Crassus, 24
- ↑ Dion Cassius, livre XL, 17
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 26
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 27
- ↑ Dion Cassius, livre XL, 17
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 25, 27
- ↑ Dion Cassius, Histoire romaine livre XL, 21
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 26
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 31
- ↑ Dion Cassius, Histoire romaine livre XL, 17
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 28
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 29
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 29-30
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 30-31
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 31-32
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 33 ; Dion Cassius, livre XL, 21
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 34
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 35 ; Dion Cassius, livre XL, 22-24
- ↑ Dion Cassius, Histoire romaine livre XL, 25
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 36
- ↑ Periochae de Tite-Live, résumé du livre 106 ; Plutarque, Vie de Crassus, 38-41 ; Dion Cassius, Histoire romaine livre XL, 26-27
- ↑ Dion Cassius, Histoire romaine livre XL, 26-27
- ↑ Plutarque, Vie de Crassus, 42
- ↑ Horace, Carmen, 3, 5, 5 ; Velleius Paterculus, Histoire romaine, livre II, 82
- ↑ Dion Cassius, livre XL, 28-29 ; Eutrope, Abrégé de l’histoire romaine, livre VI, 15
Références
- Plutarque, Vie de Crassus, sur le site Remacle.org
- Dion Cassius, livre XL (traduction).htm, sur le site Remacle.org
- Théodore Mommsen, Histoire romaine, livre V, chapitre IX, [1]
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