Catastrophe de Kychtym

Catastrophe de Kychtym

55°43′N 60°49′E / 55.717, 60.817

Carte de la zone contaminée par la catastrophe de Kychtym.

La catastrophe de Kychtym est une contamination radioactive qui s'est produite le 29 septembre 1957 au complexe nucléaire Maïak, une usine de retraitement de combustible nucléaire située près de la ville d'Oziorsk en Union soviétique, dans l'actuelle Russie.

Mesurée comme niveau 6 sur l'échelle internationale des événements nucléaires, c'est, avec la catastrophe de Tchernobyl et l'accident nucléaire de Fukushima, l'un des plus graves accidents nucléaires jamais connus.

La catastrophe a été nommée d'après la ville de Kychtym, seule ville proche connue à cause du secret défense maintenu par les Soviétiques sur cet accident.

Sommaire

Contexte

Après la Seconde Guerre mondiale, l'Union des républiques socialistes soviétiques avait un retard technologique sur les États-Unis dans le développement et la mise au point d'armes nucléaires. Elle a alors lancé dans l'urgence un programme de recherche et développement dans le but d'obtenir une quantité suffisante d'uranium et de plutonium de qualité militaire. Le complexe nucléaire Maïak fut très rapidement construit entre 1945 et 1948. Les physiciens soviétiques chargés du projet, ayant plusieurs lacunes en matière de physique nucléaire, prirent des décisions peu judicieuses en matière de sécurité. Également, l'impact écologique ne fut pas pris en compte au début de la construction du site. Par exemple, le complexe rejetait d'importantes quantités de déchets hautement radioactifs dans un cours d'eau à proximité, lequel se déversait dans la rivière Ob, qui se jetait à son tour dans l'océan Arctique. Plus tard, le lac Karachaï servit de lieu d'entreposage à l'air libre[1].

Un site d'entreposage pour déchets nucléaires liquides fut construit vers 1953. Il comprenait des réservoirs en acier enveloppés de béton, le tout enterré à 8,2 mètres de profondeur. À cause du taux élevé de radiations, les déchets avaient une température élevée qui était provoquée par la chaleur de désintégration (même si une réaction en chaîne n'était pas possible). Pour cette raison, un système de refroidissement fut construit autour de chaque banque de 20 réservoirs. Les systèmes de surveillance et de contrôle des systèmes de refroidissement étaient insuffisants[2].

Explosion

En septembre 1957, le système de refroidissement de l'un des réservoirs, qui contenait entre 70 et 80 tonnes de déchets nucléaires, tomba en panne. La température du réservoir s'éleva, ce qui provoqua une explosion chimique des déchets secs (principalement du nitrate d'ammonium et des acétates). L'explosion, dont la puissance estimée équivaut à celle de l'explosion de 70 à 100 tonnes de TNT, projeta le couvercle en béton, d'une masse de 160 tonnes, dans les airs[2]. La radioactivité résultant de l'explosion est estimée entre 2 et 50 MCi (entre 74 et 1850 pétaBq)[1],[3].

Dans les 10 à 11 heures suivantes, un nuage radioactif se déplaça vers le nord-est jusqu'à une distance de 300 à 350 kilomètres du lieu de l'explosion. Les retombées radioactives provoquèrent une contamination à long terme d'une région dont la superficie est de 800 km2. Les retombées radioactives étaient surtout constituées de césium 137 et de strontium 90[1]. Cette région est souvent appelée « EURT » pour « East-Ural Radioactive Trace »[4].

Postérité

À cause du secret entourant le site, les populations des zones touchées ne furent pas averties de l'explosion et de ses conséquences. Une semaine plus tard, le 6 octobre, une opération d'évacuation commença pour 10 000 personnes de la région touchée, mais aucune raison officielle ne fut émise. Les personnes « devinrent de plus en plus hystériques à propos des conséquences d'un mal mystérieux qui les frappaient. Les victimes perdaient la peau de leur visage, de leurs mains et d'autres parties exposées[trad 1],[5] ». En 1980, Jaurès Medvedev révéla la nature et l'étendue du désastre[6].

Même si le gouvernement soviétique supprima des informations à propos de l'étendue du désastre, certaines personnes parvinrent à estimer que 200 personnes moururent de cancer à cause de l'exposition directe aux radiations[7]. Pour réduire la propagation de la contamination radioactive consécutive à l'explosion, le sol contaminé fut excavé et stocké dans des sites clôturés qui furent appelés « cimetières de la Terre[trad 2],[8] ». En 1968, le gouvernement soviétique créa le East-Ural Nature Reserve (littéralement, « Réserve naturelle de l'Oural Est »), région inaccessible sans autorisation, qui comprenait la totalité de l'EURT.

Des rumeurs d'un problème nucléaire près de Tcheliabinsk circulaient depuis plusieurs années en Occident. Après plusieurs recherches sur l'impact de la radioactivité sur les plantes, les animaux et les écosystèmes, le professeur Leo Tumerman, ancien chef du laboratoire de biophysique à l'Institut de biologie moléculaire à Moscou, parvint à démontrer qu'il y avait eu un sérieux accident nucléaire à l'est de l'Oural.

Selon Gyorgy[9], qui a invoqué la Freedom of Information Act américaine pour obtenir des informations de la CIA, cette dernière était au courant depuis 1957 de l'explosion, mais avait tenu secrète ces informations dans le but de prévenir des conséquences fâcheuses à l'industrie nucléaire américaine naissante. C'est en 1990 que le gouvernement soviétique a déclassifié les documents relatifs au désastre[10].

Au début du XXIe siècle, l'EURT a encore un niveau élevé de radioactivité, même si officiellement la région est sûre pour les humains[7].

Notes et références

Traductions de

  1. (en) « grew hysterical with fear with the incidence of unknown 'mysterious' diseases breaking out. Victims were seen with skin 'sloughing off' their faces, hands and other exposed parts of their bodies »
  2. (en) « graveyards of the earth »

Références

  1. a, b et c (en) Chelyabinsk-65, globalsecurity.org
  2. a et b (ru) Conclusions of government commission
  3. (en) S. A. Kabakchi et A. V. Putilov, « Data Analysis and Physicochemical Modeling of the Radiation Accident in the Southern Urals in 1957 », dans Moscow Atomnaya Energiya, no 1, janvier 1995, p. 46–50 [texte intégral] 
  4. (en) Joint American-Russian Radiation Health Effects Research, United States Nuclear Regulatory Commission, 16 janvier 1997. Consulté le 30 septembre 2010
  5. (en) Richard Pollock, « Soviets Experience Nuclear Accident », dans Critical Mass Journal, 1978 
  6. (en) Zhores A. Medvedev (trad. George Saunders [du russe à l'anglais américain]), Nuclear disaster in the Urals, New York, Vintage Books, 1980, c1979 (ISBN 0394744454) 
  7. a et b (en) « The Southern Urals radiation studies. A reappraisal of the current status », dans Journal Radiation and Environmental Biophysics, vol. 41, 2002 [texte intégral] 
  8. (en) John R. Trabalka, « Russian Experience », dans Environmental Decontamination: Proceedings of the Workshop, December 4–5, 1979, Oak Ridge, Tennessee, Oak Ridge National Laboratory, 1979, p. 3-8 [texte intégral]
    CONF-791234
     
  9. (en) Gyorgy, A., No Nukes: Everyone's Guide to Nuclear Power, 1979 (ISBN 0919618952) [lire en ligne (page consultée le 21 août 2011)] 
  10. (ru) The decision of Nikipelov Commission

Liens externes



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