- Attentat du château de Versailles
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L'attentat du château de Versailles est la destruction dans la nuit du 25 au 26 juin 1978[1] d'une partie de l'aile gauche du château de Versailles par l'explosion d'une bombe qui y avait été placée. Il fut revendiqué par l'organisation armée indépendantiste bretonne du FLB, qui signait là son vingt-septième attentat depuis le début de l'année 1978. C'est aussi la première fois, et à ce jour la seule, qu'un attentat est perpétré à l'intérieur même du château de Versailles[1].
Sommaire
Contexte
En 1978, le nationalisme breton continue son escalade dans l'activisme démonstratif avec pas moins d'une soixantaine d'attentats perpétrés depuis 1975, surtout en Bretagne. L'attentat de Versailles, comme celui de Broons en Bretagne le 12 février 1977 (la destruction de la statue de Bertrand Du Guesclin, natif de Broons et considéré comme un traître par ces activistes bretons), est hautement symbolique. Pour les activistes bretons, il s'agissait de porter atteinte aux symboles même de la France, en détruisant la partie du château de Versailles qui comportait une salle entièrement consacrée à Louis XIV, ainsi qu'à Napoléon, tous deux considérés par ces activistes bretons comme des « tyrans sanguinaires ». La notoriété mondiale du lieu donnait en plus une couverture médiatique d'une importance certaine à l'évènement, donc faire connaitre les revendications locales des nationalistes bretons.
Les faits
Dans la nuit du 25 au 26 juin, deux indépendantistes bretons placent une bombe de forte puissance dans l'aile du Midi du château de Versailles, probablement dans un placard du rez-de-chaussée[1],[2]. L'engin explosif, vraisemblablement à retardement, explose sans faire de victimes. À l'origine, il semble que la cible première du commando ait été la galerie des Glaces, mais après l'échec d'une première tentative, il aurait décidé de placer la bombe dans la galerie des Batailles, abritant le buste de Napoléon. En outre, le ministre de la Culture de l'époque, Jean-Philippe Lecat, estima que si « aucune perte de vie humaine ne fut à déplorer, rien n'avait été fait pour l'éviter et que les gardiens, qui font des rondes dans le château, auraient pu payer de leurs vies leurs tâches de surveillance »[3].
Dommages
Les dommages matériels sont considérables : de nombreuses statues et tableaux sont très abîmés. La Première distribution des croix de la Légion d'honneur du peintre Jean-Baptiste Debret est « complètement explosée, en lambeaux » selon le conservateur en chef Gérald Van der Kemp[4]. Le plafond d'une des salles s'est effondré, tandis que de nombreux meubles, portes, murs ou fenêtres ont été soufflés par l'explosion. Jean-Philippe Lecat estime que les dommages montent à plus de cinq millions de francs français. La restauration ne coûtera en réalité qu'un peu plus de trois millions de francs (ils seront récoltés dès juillet 1978, grâce aux dons de particuliers et de la Fondation de France) et la salle des Batailles sera de nouveau ouverte au public à partir d'avril 1982[5].
Arrestation et procès
Les auteurs de l'attentat sont interpellés dans les jours qui suivent, inculpés par la Cour de sûreté de l'État et incarcérés à Fresnes et Fleury-Mérogis après une garde à vue de six jours. Une autre série d'arrestations est faite en Bretagne, qui ébranle l'ensemble de l'organisation du FLB. Les deux auteurs, qui ont refusé d'assister au procès[6], sont condamnés à quinze ans de réclusion criminelle le 30 novembre 1978[2]. Dans sa plaidoirie le procureur avait au préalable évoqué la peine de mort à leur encontre avant de finir par « c'est pourquoi, je vous demande de descendre de deux degrés dans l'échelle des peines, donc de les condamner à 20 ans ! »[7].
En outre, l'attentat eut des conséquences très lourdes pour le FLB. En effet, le 3 juillet 1978, le réseau des activistes bretons est entièrement démantelé par le SRPJ de Rennes, sous les ordres à l'époque de Roger Le Taillanter. En tout, quatorze membres du FLB furent arrêtés et placées en détention dans divers prisons de la région parisienne[8]. Néanmoins, à l'instar de leurs deux autres camarades responsables de l'attentat du château de Versailles, ils sont amnistiés eux aussi en 1981.
Amnistie
Avec l'élection en 1981 de François Mitterrand et l'énergique intervention des familles des prisonniers, une loi d'amnistie sans restriction leur permettra, ainsi qu'à leurs camarades, de retrouver leur liberté après plus de trois années de détention.
Un premier projet de loi d'amnistie avait été proposé en Conseil des ministres et adopté. Ce premier projet n'était rien d'autre que le projet préparé par l'ancien ministre de la Justice du gouvernement de Raymond Barre sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing. Cependant, ce texte excluait les peines supérieures à 7 ans.
Réactions
L'attentat fit grand bruit à l'époque : Jean-Philippe Lecat évoque un « côté criminel absolument odieux » et l'irresponsabilité des indépendantistes bretons[3] ; Hubert Landais, directeur des musées de France à l'époque, parle d'une « véritable catastrophe » et compare l'auteur de l'attentat à un « fou » et considère que « s'attaquer à des richesses nationales est un signe de déséquilibre »[4].
En Bretagne en revanche, une inscription, retrouvée sur un mur à Brest, conteste l'iniquité de la condamnation des deux indépendantistes par le slogan « Versailles : quinze ans, Portsall : combien ? », Portsall faisant référence au naufrage de l'Amoco Cadiz[9]. En juin 1979, le chanteur breton Glenmor entame une grève de la faim pour protester contre l'arrestation d'un militant breton, soupçonné d'avoir participé à l'attentat[10].
Articles connexes
- Nationalisme breton
- Front de Libération de la Bretagne
- Chronologie des attentats attribués au Front de Libération de la Bretagne
- Padrig Montauzier
Voir aussi
Notes et références
- Journal télévisé de 13h de TF1 du 26 juin 1978 », Ina.fr, 1978. Consulté le 12 juin 2011. TF1, «
- Thierry Vareilles (préf. Françoise Rudetzki), Encyclopédie du terrorisme international, L'Harmattan, coll. « Culture du renseignement », 2001, 549 p. (ISBN 2-7475-1301-7), p. 68.
- Interview de Jean-Philippe Lecat par Patrick de Carolis au journal de 13h de TF1 le 26 juin 1978 », Ina.fr, 1978. Consulté le 12 juin 2011. TF1, «
- Journal télévisé de 20h de TF1 le 26 juin 1978 », Ina.fr, 1978. Consulté le 12 juin 2011. TF1, «
- Journal télévisé de TF1 du 26 avril 1982 », Ina.fr, 1982. Consulté le 26 juin 2011. TF1, «
- Journal télévisé du 30 novembre 1978 », Ina.fr, 1978. Consulté le 28 juin 2011. « L'attitude des deux accusés qui n'ont pas voulu assister à l'audience a sans doute joué ». TF1, «
- Kelig Montauzier, Le FLB-ARB de 1966 aux années 80, édité par les Cahiers de l'Avenir, dépôt légal juillet 1997.
- Démantèlement ARB », Ina.fr, 1978. Consulté le 22 juillet 2011 TF1, «
- La Bretagne vue de la France », Novo Breizh, 2008. Consulté le juin 2011. Marie Duvell, «
- Biographie de Glenmor », Renouveau, 2003. Consulté le juillet 2011. Jo Caro, «
Wikimedia Foundation. 2010.