Affaire de Barraket Essahel

Affaire de Barraket Essahel

L'affaire de Barraket Essahel est une opération de décapitation de l'armée tunisienne survenue entre avril et juillet 1991 à l'initiative du régime de Zine el-Abidine Ben Ali. Elle touche 244 gradés soit 26 officiers supérieurs, 90 officiers subalternes et 128 sous-officiers et hommes de troupe.

Elle tire son nom d'un hameau, situé aux environs d'Hammamet, qui aurait servi le 6 janvier 1991, selon le scénario établi par la police politique de l'époque, de lieu de réunion pour des militaires préparant un coup d'État présumé[1].

Déroulement

Le 22 mai 1991, lors d'une conférence de presse, le ministre de l'Intérieur Abdallah Kallel annonce la découverte d'un complot visant à renverser le régime en place : il accuse le mouvement Ennahda d'avoir préparé un coup d'État et d'avoir infiltré l'institution militaire. Cette manipulation, conçue par les services de sûreté de l'État, réussit à convaincre l'opinion publique.

Les militaires accusés à tort sont arrêtés, livrés au ministère de l'Intérieur, humiliés et torturés. Des dizaines d'entre eux sont traduits devant le tribunal militaire de Tunis et écopent de lourdes peines de prison ; d'autres sont libérés après plusieurs semaines d'arrestation. Tous sont révoqués de l'armée avec la perte de tous leurs droits statutaires (pension, soins dans les hôpitaux militaires, etc.).

L'opération est exécutée par le ministère de l'Intérieur, en collaboration avec le ministère de la Défense nationale ; le premier assume sa responsabilité juridique dans l'usage systématique de la torture à l'encontre des militaires, le second sa double responsabilité juridique et morale[2]. En outre, ce dernier se déleste de ses prérogatives en tant que ministère régalien en livrant ses membres en uniforme à la police politique alors qu'il possède les structures compétentes pour mener les enquêtes et juger les délits éventuels.

Le 23 juin, Kallel reçoit un groupe d'officiers supérieurs parmi ceux qui ont été arrêtés et torturés. Il leur présente ses excuses et reconnaît leur innocence, en présence de représentants du ministère de la Défense nationale dont le directeur général de la justice militaire et celui de la sécurité militaire.

Conséquences

Bien qu'ils aient été reconnus innocents, ces militaires ne sont pas autorisés à réintégrer les rangs de l'armée, en application des instructions personnelles du président Ben Ali, par ailleurs commandant en chef des forces armées.

Durant deux décennies, ces militaires et leurs familles font l'objet de harcèlements continus de la part de la police politique : ils sont empêchés d'obtenir un emploi, privés de leurs passeports, etc. Au cours de cette période, l'affaire est maintenue sous une chape de plomb par le régime.

C'est au lendemain de la révolution de 2011 que les militaires victimes de la répression s'organisent pour porter l'affaire sur la place publique. L'association INSAF - Justice pour les anciens militaires est créée par un groupe d'officiers à la retraite[3]. Cette association prend en charge la défense de leur cause auprès de l'institution militaire afin de parvenir à la réhabilitation officielle des victimes et au recouvrement de tous leurs droits, avec une juste réparation des préjudices subis ; elle cherche également à médiatiser l'affaire afin d'éviter qu'elle ne puisse se reproduire.

Un groupe d'officiers intente alors une action auprès des tribunaux pour poursuivre leurs tortionnaires, action qui permet l'arrestation pour crime de torture de Kallel, de Mohamed Ali Ganzoui (directeur de la sûreté de l'État de l'époque) et d'autres agents[4].

Références


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Affaire de Barraket Essahel de Wikipédia en français (auteurs)

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