Accident ferroviaire de Saint-Michel-de-Maurienne

Accident ferroviaire de Saint-Michel-de-Maurienne

L'accident ferroviaire de Saint-Michel-de-Maurienne du 12 décembre 1917 dans les Alpes est le plus grave accident ferroviaire survenu en France. Le déraillement dans la descente de la vallée de la Maurienne d'un train en surcharge rempli de permissionnaires revenant du front italien a fait entre 425 et 700 morts[1],[2].

Sommaire

Contexte

Dans la nuit du 12 au 13 décembre 1917, un train militaire, le train 612, revenait d'Italie, rempli de permissionnaires français qui avaient été envoyés pendant plus d'un mois aider les troupes italiennes à reprendre le terrain perdu lors de la bataille de Caporetto, du 24 octobre. Après avoir franchi le tunnel du Mont-Cenis, il arriva en gare de Modane, où deux wagons supplémentaires furent raccordés. Le train devait conduire les soldats français à Chambéry[1]. De là ils devaient partir rejoindre leurs familles un peu partout en France, pour une permission de 15 jours à l'occasion des fêtes de fin d'année. Le train marqua un arrêt d'une heure à Modane pour laisser passer d'autres trains. La plupart des officiers profitèrent alors de cet arrêt pour quitter le convoi militaire et monter dans l'express Modane-Paris[1],[2].

Le convoi était composé de 19 wagons de fabrication italienne : fourgons de tête et de queue, 15 voitures à bogies, 2 voitures à essieux rajoutées à Modane au convoi (soit 350 mètres et 526 tonnes). Il transportait officiellement quelque 982 « poilus ». Les voitures étaient en bois avec un châssis métallique.

Le train quitta la gare de Modane à 23h 15[1]. Le début de la descente s'effectua normalement, mais à partir du Freney, peu après Modane, le train prit une vitesse excessive qui ne cessa d'augmenter. Il devint bientôt incontrôlable, lancé à la vitesse de 135 km/h, mesurée par l'enregistreur de vitesse de la locomotive. Faute de freins suffisants dans cette descente en forte pente (33 pour mille), il dérailla à 102 km/h peu avant son entrée dans la gare de Saint-Michel-de-Maurienne et les voitures enchevêtrées prirent feu. La vitesse limite autorisée dans cette longue descente était de 40 km/h.

En fait, le convoi transportait sans doute plus de soldats et se trouvait en surcharge pour la pente forte (33 ‰) de la voie entre Modane (1 040 m d'altitude) et Saint-Michel-de-Maurienne (710 m). Il comportait trop de véhicules par rapport à la capacité de freinage de la locomotive. Un tel convoi aurait dû être pris en charge par deux locomotives. Or, la deuxième locomotive prévue avait été réquisitionnée pour un train de munitions par l'officier chargé de la régulation. Le conducteur, l'adjudant Girard[1], qui connaissait la voie avait alors refusé de faire partir le train en raison des risques encourus, mais il y avait été contraint, menacé de représailles par le capitaine Fayolle, commandant du trafic ferroviaire[1]. Le frein à air comprimé ne fonctionnait que sur les trois premières voitures et sept hommes serre-freins (dont deux moururent dans la catastrophe) avaient été répartis sur les véhicules du train pour un freinage manuel au sifflet de la locomotive.

Circonstances

La première voiture dérailla à 102 km/h — sur un (tronçon alors limité à 40 km/h — et l'attelage se rompit à 1 300 mètres seulement de la gare de Saint-Michel-de-Maurienne, juste après avoir franchi le pont-route en fer de la Saussaz, qui enjambe l'Arc. Les véhicules en bois, encastrés les uns dans les autres, prirent rapidement feu à cause des bougies qui avaient été allumées pour éclairer les voitures italiennes équipées pour l'électricité qui ne fonctionnait pas. Le feu fut également attisé par les grenades et les munitions ramenées en cachette par les permissionnaires[réf. nécessaire]. L'incendie ne cessa que le lendemain soir. De plus les wagons accidentés se trouvaient dans une brèche dans le rocher où passe la voie ferrée à cet endroit-là, laissant peu d'échappatoire aux flammes.

Le mécanicien de la locomotive trop occupé sur ses freins défaillants ne remarqua l'absence des voitures qu'à son arrivée à Saint-Jean-de-Maurienne, où il parvint finalement à stopper sa locomotive et son tender. Lui et des soldats écossais attendant leur départ pour Modane (deux divisions britanniques avaient également été envoyées sur le front italien en octobre), ainsi que les employés de chemin de fer des deux gares partirent immédiatement sur le lieu de l'accident pour tenter de porter secours. Leur entreprise fut rendue difficile par le passage escarpé où se trouvait le train accidenté, le brasier des voitures, mais aussi la hauteur des débris superposés. Il est à noter que le chef de gare de La Praz, voyant passer ce train à vitesse folle, avait averti la gare en aval, celle de Saint-Jean de Maurienne, dont le chef de gare retarda le départ d'un train de soldats britanniques. Ce qui évita une nouvelle catastrophe.

Bilan et enquête

Au même titre que l'hôpital militaire de Saint-Jean-de-Maurienne, l'usine de pâtes alimentaires Bozon-Verduraz toute proche du lieu de l'accident fut réquisitionnée et transformée en poste de secours et en chapelle ardente[1].

De l'amas de ferraille, plus de 424 corps furent retirés et officiellement identifiés[1] ; 135 autres corps ne purent l'être[1] ; 37 corps furent également retrouvés le long du ballast et aux abords de la voie, entre La Praz et le pont de fer, soldats ayant sauté du train alors incontrôlable ou expulsés par les soubresauts[1]. Ils furent inhumés dans un terrain communal contigu au cimetière. Seuls 183 hommes présents dans le train auraient répondu à l'appel le 13 décembre au matin[1] et plus d'un centaine d'autres seraient morts dans les hôpitaux de la région ou en y étant transportés dans les quinze jours suivants. Le bilan approcherait donc les 700 morts[2].

Cet accident est resté classé secret militaire pendant de nombreuses années après la fin de la guerre. À l'époque l'armée imposait le silence à la presse française qui ne relata pas ou peu l'accident[1]. Le Figaro y consacra 21 lignes seulement dans son édition du 17 décembre, quatre jours après la catastrophe[1].

Un tribunal est réuni en conseil de guerre pour juger six cheminots de la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM) qui sont acquittés.

En juin 1923, André Maginot, ministre de la Guerre inaugura un monument en hommage aux victimes au cimetière de Saint-Michel-de-Maurienne[2]. En 1961, les restes des victimes furent transférés au cimetière militaire national de Lyon-La Doua[2]. Le 12 décembre 1998, pour le 81e anniversaire de l'accident, une stèle fut inaugurée sur le lieu-dit La Saussaz, non loin du lieu du drame.

Cet accident demeure la plus grande catastrophe ferroviaire survenue en France. C'est aussi le souvenir le plus tragique de la Grande Guerre (1914-1918) dans la région.

Notes et références

  1. a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l et m Jean-Louis Chardans, « “Le train fou de Saint-Michel-de-Maurienne” paru dans la revue Historia, no 311, octobre 1972” cité dans l'article "L’accident ferroviaire de Saint Michel de Maurienne" » sur Blog de la 34e section de la Fédération nationale des Sous-Officiers, Fédération nationale des Sous-Officiers, 1972. Consulté le 8 août 2009
  2. a, b, c, d et e Rédaction du Dauphiné libéré, « 12 décembre 1917 : La plus grande catastrophe ferroviaire de France : le tragique destin des permissionnaires » sur www.ledauphine.com, Le Dauphiné libéré, 2007. Consulté le 8 août 2007

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