Essence et accident

Essence et accident
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Le concept d'essence (du latin essentia, du verbe esse, être, dérivé du grec ousia) désigne en métaphysique la réalité persistante d'un être à travers les modifications de ses accidents. D'un être, on peut dire qu'il est, ou ce qu'il est, ce qui introduit les deux corrélatifs essence et substance. Le premier pose la question du qu'est-ce que pour un être, et permet d'en dégager la nature essentielle et invariante.

Par la suite, on distingue par opposition cette fois, l'essence de l'existence. Selon Jean-Paul Sartre l'existence est la réalisation de l'essence tandis que Platon pense que l'essence précède l'existence.


Sommaire

Le statut ontologique

Les philosophes "réalistes", croyaient que l'essence était séparée des choses, qu'elle les déterminait. Comme par exemple, l'idée de la beauté, en ce qui concerne les belles choses. Ainsi, Platon, voyait l'essence comme "idée", comme eidos, ce qui signifie espèce. Les individus de cette espèce, sont les choses sensibles; ils sont des copies ou des imitations imparfaites des idées. Les idées sont des modèles. Les idées sont pures et éternelles, sont séparées du monde des sens, et sont la réalité authentique.

Platon est un réaliste[1] (ou un idéaliste objectif) : ce réalisme métaphysique consiste à soutenir la thèse de l'existence de formes ou d'archétypes extérieurs et indépendants de nous, archétypes qui servent de modèles aux choses du monde sensible, au devenir. Ce sont ces archétypes qui constituent la réalité de toutes choses, leur essence par quoi nous pouvons les penser, permettant ainsi à la science et la philosophie, d'avoir une assise immuable. La réalité des choses sensibles, est inférieure. Les choses du monde sensible, en perpétuel devenir, participent à ces archétypes ou formes, dont elles reçoivent le nom.(Platon, Parménide, VI, 132-3). L'image est un peu celle d'un moule et des beignets qu'il fabriquerait et dont la similitude suggérerait l'existence[2].

Edmund Husserl propose une fausse idealität de l'essence: l'essence fait l'objet intentionnel: ce qui est vis-à-vis à la conscience (E. Husserl, "Idées directrices pour une phénomenologie pure et une philosophie phénoménologique": 3 et 4).

Théorie de la connaissance

Dans le domaine de la connaissance, cette distinction signifie que l'essence est la condition de possibilité de la définition et du concept, car ce qu'est une chose est pour elle nécessaire et identique à soi. Ainsi, la nécessité est l'objet du discours scientifique. Un cercle dessiné sur un tableau existe en tant que dessin, mais son identité, elle, revient à définir le cercle.

Pour autant, toutes les essences ne se valent pas quand on vient à les connaître en tant que telles, c'est-à-dire en tant que réalité : Platon distingue ainsi réalité sensible et réalité intelligible ou idéelle, la première ne tenant son essence que de la seconde ; mais les secondes échappent à la connaissance commune des hommes, qui manquent donc une part de réalité.

Essence et existence

L'essentialisme assure que l'existence est empirique et ne permet pas de connaître les êtres : c'est le domaine de l'accidentel et du contingent, du multiple et de l'altérité irréductible. À l'inverse, l'existentialisme place l'essence comme le fruit non contingent de l'existence du sujet. Chez Heidegger, l'essence de l'homme consiste à se comprendre en tant qu'être-là, i.e. en tant qu'existence. Dans le premier cas, dont Descartes est un représentant, l'abstraction essentielle de l'existence donne l'essence, et inversement dans le second, comme chez Sartre. L'école anglo-saxonne, autour de Bertrand Russell, estime que l'on ne peut parler d'essence que des objets conçus dans un but, et non dans le cas de produits de la nature. La notion de téléonomie à partir de 1965[3] caractérisera la différence subtile entre une conception initiale (volontariste) telle que l'imaginait le créationnisme et évolution contrainte (stochastique) telle que suggérée par le mécanisme darwinien.

Essence et apparence

L'apparence apparaît comme le contraire de la réalité (res, rei : chose), qui n'est pas dans le domaine de l'idée : en effet, on distingue aisément l'idée, de la chose dont on a une idée. Cette distinction introduit le questionnement métaphysique sur la réalité des apparences, et sur sa pluralité qui s'oppose à l'identité de l'essence.

Éthique

L'essence étant le ce que c'est d'un être, elle en est la structure normative ; en conséquence, pour l'homme, le fait d'être humain impose des règles à l'individu singulier, dont l'individuation contingente est inessentielle et ne fonde donc aucune valeur éthique. L'éthique sera alors pour un homme particulier l'effort de son existence à rejoindre son essence (son être humain).

Théologie

En théologie (voir Thomas d'Aquin), il est admis qu'en Dieu l'essence et l'existence sont une seule et même chose ; Dieu est de par sa propre essence. En revanche, l'essence de l'homme n'implique pas l'existence. L'homme est donc un étant qui tient son existence d'autre chose ; c'est cette relation de dépendance qui fonde le lien religieux de la créature à son créateur....

Tradition

Dans les enseignements de la Tradition, "l'essence est purement émotionnelle. Elle est tout d'abord le résultat des données héréditaires qui précèdent la formation de la personnalité et, plus tard, uniquement celui de l'influence ultérieure des sensations et des sentiments au milieu desquels l'homme vit, se développe. (...) Le centre de gravité de l'essence est le centre émotionnel."[4]

Gnose

Dans le gnosticisme, l'essence correspond à l'âme, que possèdent psychiques et pneumatiques.

Critique

La critique de cette distinction passe habituellement par la négation de l'essence, soit comme réalité, soit comme être intelligible par l'homme. C'est le cas par exemple dans le scepticisme et chez Nietzsche. Cette négation se transforme parfois en nihilisme, puisqu'il n'est plus possible de faire de la réalité un objet intelligible doué de sens et que les valeurs de l'éthique ne trouvent plus aucun fondement certain.

Un argument contre le concept d'essence est que le devenir n'admet aucune réalité stable, car l'idée d'un être immuable est contradictoire, et que ce que l'on nomme essence n'est qu'un agrégat éphémère de forces ou d'atomes.

Conséquence de la négation de l'essence, l'affirmation de la seule existence.

Citations

« Je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser. » (Discours de la Méthode, 4e partie) ~ Descartes

« L'essence, c'est tout ce que la réalité humaine saisit d'elle-même comme ayant été. » (L'Être et le Néant, 1er partie, chap. 1) ~ Sartre

Voir aussi

Liens externes

  • Statut ontologique de l'essence[1]
  • La phénoménologie comme "point de vue"[2]

Notes et références

  • Edmund Husserl, Ideen zu einer reinen Phänomenologie und phänomenologischen Philosophie. Drittes Buch: Die Phänomenologie und die Fundamente der Wissenschaften.Hrsg. Marley Biemel.
  1. au sens qui opposera réalistes et nominalistes au Moyen-Âge. Bertrand Russell fera remarquer qu'au XXe siècle on aurait plutôt permuté ces deux appellations
  2. Le XXe siècle en offrira un écho par l'approche objet en informatique, mais aussi dans l'affirmation d'un monde platonicien réel par le physicien et mathématicien Roger Penrose
  3. Jacques Monod, Le hasard et la nécessité
  4. Gurdjieff parle à ses élèves, p.179-180, Eds. du Rocher

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  • essence — [ esɑ̃s ] n. f. • 1130; lat. philos. essentia I ♦ Philos. Ce qui constitue la nature d un être. 1 ♦ Philos. (opposé à accident) Fond de l être, nature intime des choses. ⇒ nature, substance. L essence des choses. L essence humaine. « Nous ne… …   Encyclopédie Universelle

  • Accident — • The obvious division of things into the stable and the unstable Catholic Encyclopedia. Kevin Knight. 2006. Accident     Accident     † …   Catholic encyclopedia

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