- Wihtred de Kent
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Wihtred (v. 670 – 23 avril 725) est roi de Kent de 690 ou 691 environ jusqu'à sa mort. Fils d'Ecgberht Ier et frère d'Eadric, Wihtred monte sur le trône après une période confuse, durant laquelle le Kent est brièvement conquis par Cædwalla de Wessex et soumis à plusieurs conflits dynastiques. Il succède à Oswine, probablement issu d'une autre branche de la famille royale de Kent.
Peu après le début de son règne, Wihtred promulgue un code de lois qui a été préservé dans un manuscrit, le Textus Roffensis. Ces lois prêtent une attention importante aux droits de l'Église et punissent notamment les mariages irréguliers et les cultes païens. Les annales de l'époque ne rapportent que de rares incidents survenus au cours du long règne de Wihtred. À sa mort, en 725, ses trois fils Æthelberht, Eadberht et Ælfric lui succèdent.
Sommaire
Contexte : le Kent dans la tourmente
À la fin du VIIe siècle, l'Angleterre au sud de l'Humber est dominée par le roi Wulfhere de Mercie, qui occupe le trône de la fin des années 650 à 675. Durant la majeure partie de cette période, le roi de Kent est Ecgberht (ou Egbert), qui meurt en 673. Ses deux fils, Eadric et Wihtred, ne sont probablement âgés que de deux ou trois ans à sa mort, et le puissant Wulfhere est leur oncle par alliance, ayant épousé Eormenhild, la sœur d'Ecgberht. Le frère d'Ecgberht, Hlothhere (ou Clotaire), devient roi de Kent, mais seulement un an après la mort de son frère, en 674. Il est possible que Wulfhere se soit opposé à son avènement et ait régné de facto sur le Kent durant cet interrègne d'un an[1].
Devenu adulte, Eadric lève une armée contre son oncle, et Hlothhere meurt de blessures reçues au combat en février 685 ou peut-être 686[2]. Eadric meurt à son tour l'année suivante, et selon Bède le Vénérable, dont l’Histoire ecclésiastique du peuple anglais est une des principales sources pour cette période, le royaume sombre dans le chaos[3]. En 686, Cædwalla de Wessex envahit le Kent et place son frère Mul sur le trône, puis gouverne peut-être directement la région lorsque Mul est tué par ses sujets en 687[4].
Lorsque Cædwalla part pour Rome, en 688, Oswine, probablement soutenu par Æthelred de Mercie, s'empare pour un temps du trône. Oswine perd le pouvoir en 690, mais Swæfheard (fils du roi d'Essex Sebbi le Saint), qui règne sur le Kent depuis un an ou deux, reste en place[5]. Il existe des preuves claires que Swæfheard et Oswine ont régné en même temps, chacun ayant témoigné sur les chartes de l'autre. Oswine semble avoir régné sur la moitié orientale du Kent, traditionnellement attribuée au roi dominant, tandis que Swæfheard règne sur l'ouest du royaume[6].
Un règne paisible
Après cette période confuse, Wihtred devint roi au début des années 690[5]. Bède le décrit comme le roi « légitime », et indique qu'il « libéra la nation de l'invasion étrangère par sa dévotion et sa diligence[3] ». Ce commentaire semble partisan, dans la mesure où Oswine appartenait lui aussi à la famille royale et présentait des droits sur le trône. Le correspondant de Bède pour les affaires du Kent est Albinus, évêque du monastère de saint-Pierre-et-saint-Paul de Cantorbéry (la future abbaye Saint-Augustin), et ce point de vue reflète vraisemblablement l'opinion de cet établissement ecclésiastique[7],[8],[9].
Deux chartes fournissent des éléments permettant de dater l'avènement de Wihtred. L'une, datée d'avril 697, indique que Wihtred est alors dans la sixième année de son règne[C 1], ce qui implique qu'il est monté sur le trône entre avril 691 et avril 692. Une autre charte, datée du 17 juillet 694, est signée lors de sa quatrième année de règne, ce qui situe son avènement entre juillet 690 et juillet 691[C 2]. L'intervalle commun aux deux sources donne une date entre avril et juillet 691 pour son arrivée au pouvoir[N 1]. Une autre estimation est fournie par Bède, qui donne la durée du règne de Wihtred : trente-quatre ans et demi. Wihtred étant mort le 23 avril 725, cela implique qu'il est devenu roi à la fin de l'année 690[10].
Wihtred règne tout d'abord conjointement avec Swæfheard[5]. Dans son récit de l'élection de Beorhtwald au rang d'archevêque de Cantorbéry, en juillet 692, Bède indique que les rois de Kent sont Swæfheard et Wihtred, mais on ne trouve plus de trace de Swæfheard après cette date, et il apparaît qu'en 694, Wihtred est l'unique souverain du Kent[5]. Néanmoins, il est possible que son fils Æthelbert ait été roi associé de la moitié occidentale du Kent sous son règne[11].
On estime que Wihtred a eu trois femmes. La première a pour nom Cynegyth, mais elle semble être morte ou avoir été répudiée assez rapidement, car une charte de 696 nomme Æthelburh comme épouse du roi et co-donatrice de terres. Vers la fin du règne, une nouvelle consort, Wærburh, atteste aux côtés de Wihtred les procédures du synode de Baccanceld, qui s'est tenu vers 716[12].
En 694, Wihtred conclut la paix avec le roi Ina de Wessex, pour mettre un terme à la guerre entamée par Cædwalla, le prédécesseur d'Ina. Wihtred accepte de payer une compensation pour la mort de Mul, mais la somme qu'il verse à Ina est incertaine. La plupart des manuscrits de la Chronique anglo-saxonne indiquent « trente mille », et certains précisent « trente mille livres ». Si les livres correspondent aux sceattas, alors cette somme équivaut au wergild — c'est-à-dire la valeur de la vie d'un homme d'après son rang — d'un roi[13],[14]. Il semble plausible que Wihtred ait également cédé des terres frontalières à Ina dans le cadre de cet accord[15].
Les lois de Wihtred
Le plus ancien code de lois anglo-saxon subsistant, qui date peut-être de 602 ou 603, est celui d'Æthelbert de Kent, mort en 616[16]. Dans les années 670 ou 680, un code est promulgué au nom de Hlothhere et Eadric de Kent. Des lois sont ensuite promulguées par Ina de Wessex et Wihtred lui-même[17].
La datation des codes de lois de Wihtred et d'Ina est quelque peu incertaine, mais il existe des raisons de croire que les lois de Wihtred ont été promulguées le 6 septembre 695[18], tandis que celles d'Ina ont été rédigées en 694 ou peu avant[19]. Peu de temps auparavant, les deux souverains s'étaient mis d'accord sur la compensation pour la mort de Mul, et des éléments prouvent l'existence d'une certaine forme de collaboration entre les deux royaumes dans l'établissement de leurs codes de lois. Outre les dates très proches, une clause apparaît dans une forme presque identique dans les deux codes[N 2]. Un autre signe de cette collaboration est l'usage, par les lois de Wihtred, du terme gesith (employé au Wessex) pour désigner une personne noble en lieu et place du terme kentique eorlcund. Il est possible qu'Ina et Wihtred aient promulgué ces codes de lois pour redorer leur prestige et rétablir l'autorité après des périodes troublées pour les deux royaumes[20].
Les lois de Wihtred sont promulguées à « Berghamstyde », dont on ignore la localisation exacte ; le candidat le plus plausible est Bearsted, près de Maidstone. Ce code concerne avant tout les affaires religieuses : sur ses vingt-huit chapitres, seuls les quatre derniers n'ont pas trait aux affaires ecclésiastiques. La première clause du code libère l'Église de toute taxation. Les clauses suivantes précisent les peines en cas de mariage irrégulier, de paganisme, de travail le jour du sabbat et de rupture du jeûne, entre autres ; elles définissent également comment les membres de chaque classe de la société — le roi, les évêques, les prêtres, les ceorls et les esnes — peuvent se disculper en prêtant serment[21]. L'introduction du code témoigne également de l'importance de l'Église dans le processus législatif : l'archevêque de Cantorbéry Bertwald est présent à l'assemblée qui conçut les décrets, de même que l'évêque Gebmund de Rochester ; et « chaque ordre de l'Église de cette nation parla de la même voix que le peuple loyal[21],[22] ».
Les privilèges accordés à l'Église sont considérables : outre la libération de toute taxation, le serment d'un évêque est « irréfutable », ce qui le place au même niveau que le serment d'un roi, et l'Église reçoit les mêmes compensations que le roi en cas de violence perpétrée sur ses personnes à charge. L'historien Frank Stenton décrit ainsi le pouvoir de l'Église, moins d'un siècle après l'arrivée de la première mission romaine au Kent, comme « quasiment égal à celui du roi même[23] ». Toutefois, la présence de clauses décrivant la peine encourue par tout sujet de Wihtred qui « sacrifie aux démons » montre clairement que même si le christianisme domine, les anciennes croyances païennes de la population sont loin d'avoir disparu[21],[24].
La clause 21 du code indique qu'un ceorl doit trouver trois hommes de son rang pour être ses « oath-helpers » (« assistants de serment »). Un oath-helper doit prêter serment au nom d'un homme accusé, pour le blanchir de tout soupçons. Les lois d'Ina étaient plus strictes sur ce point, obligeant tout individu, quelle que soit sa classe, à avoir une personne de haut rang comme oath-helper. Ces deux lois impliquent un affaiblissement significatif d'un état antérieur où la famille d'un homme était légalement responsable de lui[25].
Mort et succession
À sa mort en 725, Wihtred laisse le Kent à ses trois fils Æthelberht II, Eadberht Ier et Ælfric[10]. La chronologie des règnes devient confuse après Wihtred, dont la mort est le dernier événement concernant le Kent rapporté par Bède. Toutefois, il existe des preuves de l'existence d'un Æthelbert et d'au moins un Eadbert dans les années qui suivent[26]. Après la mort de Wihtred et le départ d'Ina de Wessex pour Rome l'année suivante, Æthelbald de Mercie devient le monarque le plus puissant du sud de l'Angleterre[27].
Annexes
Notes
- Kirby utilise S 18 pour dater l'avènement de Wihtred, tandis que Whitelock utilise S 15. Voir Kirby, p. 123, et Whitelock, p. 361.
- « Si un homme venant de loin ou un étranger traverse le bois en dehors du chemin, et ne crie ni ne joue du cor, il doit être considéré comme un voleur, qui doit être soit tué, soit racheté. » Dans le code de Wihtred, on lit : « Si un homme venant de loin ou un étranger quitte le chemin, et ne crie ni ne joue du cor, il est considéré comme un voleur, qui doit être soit tué, soit racheté. » Voir Whitelock, p. 364 et 366. Cette loi est le chapitre 20 du code d'Ina, et le chapitre 28 de celui de Wihtred. Dans le code d'Ina, on lit :
Texte des chartes en ligne
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Wihtred of Kent » (voir la liste des auteurs)
- Kirby, p. 115.
- Kirby, p. 118.
- Bede, Ecclesiastical History, IV. 26, p. 255.
- Kirby, p. 120-121.
- Kirby, p. 122-123.
- Yorke, p. 32.
- Kirby, p. 53.
- Stenton, p. 182.
- Yorke, p. 25.
- Bede, Ecclesiastical History, V. 23, p. 322-325.
- Yorke, p. 33
- Dictionary of National Biography, 2004. S. E. Kelly, 'Wihtred (d. 725)',
- Swanton, p. 40-41, note 3.
- « Wergild », dans Lapidge, p. 469.
- Kirby, p. 124.
- Whitelock, p. 357.
- Whitelock, p. 327-337.
- Whitelock, p. 361.
- Stenton, p. 72.
- Kirby, p. 125.
- Whitelock, p. 362-364.
- Kirby, p. 2.
- Stenton, p. 62
- Stenton, p. 128.
- Stenton, p. 316-317.
- Yorke, p. 30-31.
- Kirby, p. 131.
Bibliographie
Sources primaires
- (en) Bède le Vénérable (trad. Leo Sherley-Price, rév. R. E. Latham, éd. D. H. Farmer), Ecclesiastical History of the English People, Penguin, Londres, 1991 (ISBN 0-14-044565-X)
- (en) The Anglo-Saxon Chronicle (trad. Michael Swanton), Routledge, New York, 1996 (ISBN 0-415-92129-5)
- (en) Dorothy Whitelock, English Historical Documents v.l. c.500–1042, Eyre and Spottiswoode, Londres, 1968
Sources secondaires
- (en) James Campbell, Eric John, Patrick Wormald, The Anglo-Saxons, Penguin Books, Londres, 1991 (ISBN 0-14-014395-5)
- (en) D. P. Kirby, The Earliest English Kings, Routledge, Londres, 1992 (ISBN 0-415-09086-5)
- (en) Michael Lapidge, The Blackwell Encyclopedia of Anglo-Saxon England, Blackwell Publishing, Oxford, 1999 (ISBN 0-631-22492-0)
- (en) Frank M. Stenton, Anglo-Saxon England, Clarendon Press, Oxford, 1971 (ISBN 0-19-821716-1)
- (en) Barbara Yorke, Kings and Kingdom in Early Anglo-Saxon England, Seaby, Londres, 1990 (ISBN 1-85264-027-8)
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