- Virginité perpétuelle de Marie
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La virginité perpétuelle de Marie (« toujours vierge ») est une doctrine commune aux catholiques et aux orthodoxes, inscrite dans le symbole de foi de saint Épiphane[1], en 374, et proclamée (comme une "vérité de Foi") pendant le deuxième concile de Constantinople (553)[2].
La doctrine n'est pas reçue par les Églises protestantes, même si les réformateurs acceptent l'idée que Marie fut vierge avant la naissance de Jésus, comme l'indiquent les Évangiles. Elle est admise par la majorité des Pères de l'Église. La mention des « frères et sœurs de Jésus » dans différents passages du Nouveau Testament (par exemple Marc 3:31-32 ou Marc 6:3) est, de ce fait, loin d'être comprise de la même façon par tous les chrétiens (voir Jacques, frère de Jésus).
Il faut distinguer cette doctrine du dogme catholique de celle de l'immaculée conception, selon laquelle Marie a été préservée du péché originel.
Sommaire
Conception virginale de Jésus
Article détaillé : Conception virginale.La conception virginale est la doctrine chrétienne selon laquelle Marie a conçu son fils Jésus tout en restant vierge.
Naissance virginale
L'idée que la virginité de Marie a été préservée lors de la naissance de Jésus vient de l'Évangile de Matthieu, chapitre 1, verset 25, où il est écrit que son mari n'a pas eu des relations sexuelles avec Marie au cours de sa grossesse:
- Mais il ne la connut point jusqu'à ce qu'elle eût enfanté un fils, auquel il donna le nom de Jésus.
Les premiers pères de l'église avait estimé que si Marie n'avait pas eu des relations sexuelles avec un homme, y compris avec son mari, elle était encore vierge au moment de la naissance de Jésus.
Cette conviction a pu également se fonder sur une tradition orale, ainsi que sur le passage d'Isaïe 7 compris ainsi (d'après la traduction grecque des Septante) : "Voici que la Vierge concevra et enfantera un fils", l'utilisation de ces deux verbes insinuant que Marie resta vierge - miraculeusement - tant lors de la conception que lors de l'accouchement.
Les Docteurs de l'Église (voir par exemple S. Bernard, ut infra, et les autres cités par Jean-Paul II dans son discours, en particulier S. Irénée, né en Orient, très important par son ancienneté, et S. Ephrem, très important du fait qu'il est de tradition syriaque, et donc relativement extérieure à l'influence grécquo-latine) considèrent comme une vérité indiscutable et admise par tous dans l'Église que la naissance de Jésus fut miraculeuse et que Marie est restée vierge même pendant cette naissance miraculeuse. Ils font volontiers référence à l'image du tombeau scellé de Jésus, dont il est sorti lors de la résurrection sans briser les scellés. Jean-Paul II a fait à ce sujet un discours le 24 mai 1992 pour le 16° centenaire du Concile de Capoue[3].
La constitution dogmatique Lumen gentium, adoptée par le concile de Vatican II (propre aux catholiques) déclare ainsi :
- « Cette union [de Marie et de Jésus] se manifeste ensuite à la nativité, lorsque la Mère de Dieu, toute joyeuse, montra aux bergers et aux Mages son Fils premier-né, lui qui n'a pas lésé sa virginité, mais l'a consacrée. »
Virginité perpétuelle
La doctrine de la virginité perpétuelle de Marie veut que Marie soit restée vierge après la naissance de Jésus (et jusqu'à sa propre mort). Elle est basée sur les paroles de Jésus sur la croix dans l'Evangile selon Saint Jean (19, 26-27) où Jésus confie sa mère, la Vierge Marie, au disciple Jean. Prenant ce texte à la lettre, elle estime que si Marie avait eu d'autres enfants, ses autres enfants se seraient occupés de leur mère, et Jésus n'aurait pas eu à confier sa mère à Jean.
De plus, considérant que la femme juive, du temps de Jésus, tient son statut social de son mari ou de ses fils, elle estime peu probable que le fameux Jacques, frère du Seigneur, qui était, selon les épîtres de Paul, très scrupuleux des lois juives, au point de chercher la division entre les chrétiens d'origine païenne et d'origine juive pour des questions de pureté, ait manqué au commandement majeur d'honorer son père et sa mère en laissant un étranger (Jean) donner le statut social à sa mère (Marie), si elle l'avait été.
La théologie des christianismes orientaux voit dans ce passage une métaphore de l'Église confiée à Jean.
En effet, Jésus est décrit dans les Évangiles comme ayant des "frères", Jacques, Joset (ou José ou Joseph suivant les manuscrits), Jude, et Simon (ou Siméon), ainsi que des "sœurs" (Mc 6. 3 ; Mt 13. 56). Le débat exégétique est ouvert entre catholiques et protestants sur la nature de cette fraternité.
Origène, dans son Commentaire sur S. Matthieu (vers l'an 248), mentionne expressément la croyance en la virginité perpétuelle de Marie. Comme le souligne Luigi Gambero, "Non seulement Origène n'a aucun doute, mais il semble directement impliquer que c'est une vérité déjà reconnue comme partie intégrante du dépôt de la Foi[4]".
Marie avait-elle fait vœu de virginité ?
De plus, les Docteurs de l'Eglise admettent généralement que Marie avait fait vœu de virginité. En effet, sinon, sa question à l'ange "Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme ?" (ce qui signifie en langage biblique : puisque je n'ai pas de relations sexuelles) n'aurait pas de sens et serait même déplacée. Ainsi S. Augustin, cité et approuvé par S. Thomas (ut infra, Q. 28, art. 4) : "S. Augustin, écrit "A l'annonce faite par l'Ange, Marie répond: 'Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme?'" Ce qu'elle n'aurait certainement pas dit si elle n'avait pas antérieurement consacré à Dieu sa virginité." Toutefois, la phrase "je ne connais pas d'homme" est cohérente avec le fait que Marie était fiancée à ce moment, mais non encore mariée.
Dans une parfaite continuité avec les Pères, S. Bernard de Clairvaux s'exprime ainsi dans son "Sermon à la louange de la Vierge Mère" : "Naître d'une vierge était la seule naissance digne de Dieu ; et donner le jour à Dieu était le seul enfantement qui puisse convenir à une vierge.(...) Il donna donc à la Vierge d'enfanter, lui qui avait déjà inspiré en elle le vœu de virginité et lui avait dispensé par avance cette valeur précieuse qu'est l'humilité.(...) ...elle reçut le don de la virginité (...) vierge de corps, vierge d'esprit, vierge aussi par décision et engagement[5]...".
Thomas d'Aquin, l'auteur de référence spécialement approuvé par l'Église, analyse ce sujet de façon très méthodique dans sa Somme Théologique, IIIa pars, Q. 28, art. 2 à 4 : art. 2 : virginité pendant l'enfantement, art. 3 : virginité après l'enfantement, art. 4 : la question du vœu de virginité (qui est une question différente et indépendante de la précédente). Il conclut à la virginité perpétuelle et au vœu de virginité.
En tout état de cause, même sans un tel vœu, il aurait été inconcevable pour Marie, après avoir bénéficié d'un tel miracle, et d'avoir conçu et enfanté miraculeusement, et en plus d'avoir enfanté un enfant-Dieu, d'avoir vu des troupes d'anges chantant la gloire de Dieu et proclamant "Il vous est né un Sauveur, le Christ Seigneur" (Luc 2, 11-14), difficile donc d'avoir des relations conjugales comme n'importe qui, comme si rien ne s'était passé, comme si ensuite on pouvait laisser tomber cette virginité, préservée par un miracle. Marie en effet, tout comme sa cousine Elisabeth, sont conscientes que cet enfant est Dieu : "D'où me vient que la mère de mon Seigneur vienne à moi ?..." ; "Il sera grand et appelé Fils du Très-Haut" ; "Le Puissant fit pour moi de grandes choses : désormais toutes les générations me diront bienheureuse" (Luc 1).
Les autres Docteurs de l'Église parlent dans le même sens : S. Alphonse de Liguori, Docteur de l'Église, les résume bien dans l'ensemble de ses œuvres sur ce sujet, Marie, sujet qu'il affectionne particulièrement. Il dit par exemple dans Les Gloires de Marie, dans son commentaire pour la fête de la Présentation : "Ce fut alors, comme on le croit, qu'elle fit son vœu de virginité, vœu qui n'avait jamais été fait avant elle, comme le dit l'Abbé Rupert (...)." [6]
Position protestante
Article détaillé : proches de Jésus.Selon les doctrines protestantes, Marie aurait eu, après la naissance de Jésus, des enfants avec Joseph, hypothèse qui n'altère pas la virginité de Marie à la naissance de Jésus.
- Marc 3:32 La foule était assise autour de lui, et on lui dit: Voici, ta mère et tes frères [et tes sœurs] sont dehors et te demandent.
L'Église catholique a maintenu que ces frères étaient en réalité des cousins, le mot « frère » étant en fait utilisé pour parler de relations plus éloignées ; les textes évangéliques se seraient conformés à cet usage, bien qu'ils soient écrits en grec, langue dans laquelle existe un mot pour « cousin » contrairement aux langues sémitiques, ce qui pose problème, mais on retrouve ce même mot frère (αδελφος, adelphos) dans la Bible grecque, la Septante, pour désigner des cousins, des amis, des proches dans des contextes tout à fait différents quant au texte produit par une civilisation judéo-hellénistique, celle d'Alexandrie. Dans les rares cas où est utilisé le mot "frère" pour désigner un proche parent qui n'est pas frère de sang, la précision du degré de parenté (fils de "...") est de mise et se rencontre presque toujours, rendant le texte assez clair quant à la situation des personnages. Il faut encore noter le sens de chacun des passages où il est fait mention des proches du Christ, et de leur traduction logique: ainsi Elisabeth est désignée sans équivoque comme une cousine de Marie. Les sœurs de Jésus, dont on ignore le nom, sont également évoquées dans un sens explicite au vu du contexte où il en est fait mention.
Bien que les Réformateurs protestants notables aient mis en doute de nombreuses doctrines traditionnelles, la doctrine de la virginité perpétuelle de Marie n'en a pas fait partie, au moins dans un premier temps. Martin Luther[7], Ulrich Zwingli, Jean Calvin et John Wesley l'ont tous acceptée. Diarmaid MacCulloch, un historien de la Réforme, a écrit que la raison pour laquelle les réformateurs ont confirmé la virginité perpétuelle de Marie, et pour laquelle ils avaient « un respect et une affection véritables et profonds » envers Marie, était qu'elle était « la garantie de l'Incarnation de Christ », enseignement qui était refusé par les mêmes radicaux qui niaient la virginité perpétuelle de Marie. Cependant, l'absence dans la Bible de déclarations claires confirmant cette doctrine, jointe au principe de la sola scriptura, plaça les références à cette doctrine en dehors du credo de la Réforme et de ses croyances ; il s'y ajouta la tendance à associer la vénération de Marie à l'idolâtrie et le rejet du célibat ecclésiastique. Tout cela conduisit par la suite au refus de cette doctrine dans la plupart des Églises protestantes.
Dans le Coran
Le thème de la virginité perpétuelle est évoqué dans le Coran. La sourate XXI, "Les prophètes", dit en effet au verset 91, au sujet de Marie :
"Nous soufflâmes notre esprit à celle qui a conservé sa virginité; nous la constituâmes, avec son fils, un signe pour l'univers."
Notes et références
- Ancoratus, 119, 5 : le Fils de Dieu “s'est incarné c'est-à-dire a été engendré parfaitement de sainte Marie, la toujours vierge, par le Saint-Esprit”
- qui prononce dans le second anathème: “le Verbe de Dieu, s'étant incarné dans la sainte et glorieuse Mère de Dieu et toujours Vierge Marie est né d'elle.” Voir Denzinger 214 ; cf. Constitution de Paul IV de 1555, Dz. 993 ;
- http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/speeches/1992/may/documents/hf_jp-ii_spe_19920524_concilio-capua_it.html È noto che alcuni Padri della Chiesa stabiliscono un significativo parallelismo tra la generazione di Cristo “ex intacta Virgine e la sua risurrezione ex intacto sepulcro” (cf. S. Efrem, Commentarium in Diatesseron 21, 21: CSCO 145, 232; S. Isodoro Pelusiota, Epist. I, 404; PG 78, 408; S. Proclo di Constantinopoli, Homilia, 33. In s. Apostolorum Thomam, VII, 19-20: “Studi e Testi” 247, p. 241; S. Pietro Crisologo, Sermo 84, 3: CCL 24A, p. 518; S. Cesario di Arles, Sermo 203, 2; CCL 104, p. 818). Voir § 5 et 6 :
- en:Perpetual virginity of Mary, qui donne également une longue liste de références patristiques : Athanase, Epiphane, Hilaire, Didyme, Ambroise, Jérôme, le pape saint Sirice, et d'autres. Voir aussi S. Augustin, serm. 186, 1, PL 38, 999 cité par le CEC (Cath. de l'Eglise Cath.) n° 510 L. Gambero, Mary and the Fathers of the Church trans. T. Buffer (San Francisco: Ignatius, 1991), p. 75. Cité d'après l'article de wikipédia en anglais
- Homélie à la louange de la Vierge Marie, 2,1-2,4, cité dans "la Liturgie des heures", T. 3, mardi de la 20° semaine du temps ordinaire, p. 427 (édition de 1998), d'après Ed. cirstercienne 4 (1966) 21-23.
- http://jesusmarie.free.fr/alphonse_tome7_gloires_de_marie.pdf, page 54-55 et 58
- Articles de Smalkalde : He was conceived, without the cooperation of man, by the Holy Ghost, and was born of the pure, holy [and always] Virgin Mary.
Bibliographie
- Raymond Leopold Bruckberger, op, Marie, mère de Jésus-Christ, Albin Michel, 1991
- Jean Guitton, La Vierge Marie, Aubier, 1949
- Max Thurian, Marie, mère du Seigneur, figure de l'Église, Presses de Taizé, 1970
Voir aussi
Articles connexes
- Mariologie, Vierge Marie
- Conception virginale, Immaculée Conception
- Proches de Jésus
- Protévangile de Jacques
Liens externes
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