Vicarius Fili Dei

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Nombre de la bête


Papyrus 115, La flêche rouge indique ΧΙΣ (616), le nombre de la bête

D'après l'Apocalypse (13:18), le nombre de la Bête est 666, quoique quelques manuscrits comportent le nombre 616[1] ou 665.

Cette marque, qui permettrait d'identifier la seconde bête de l'Apocalypse, a donné lieu à beaucoup d'interprétations, tant au sens littéral qu'au sens spirituel.

Sommaire

Contexte

Les versets de l'Apocalypse de Jean concernant ce nombre sont les suivants, selon la traduction de la Bible du Semeur[2] :

  • 13:11 Ensuite je vis une autre bête monter de la terre. Elle portait deux cornes semblables à celles d'un agneau, mais elle parlait comme un dragon.
  • 13:12 Cette nouvelle bête exerçait tout le pouvoir de la première bête en sa présence. Elle amenait la terre et ses habitants à adorer la première bête, celle qui avait été guérie de sa blessure mortelle.
  • 13:13 Elle accomplissait des signes miraculeux, faisant tomber le feu du ciel sur la terre à la vue de tout le monde.
  • 13:14 Par les signes miraculeux qu'il lui fut donné d'accomplir au service de la première bête, elle égarait tous les habitants de la terre. Elle leur demandait de faire une image de la bête qui avait été frappée de l'épée et qui était de nouveau vivante.
  • 13:15 Il lui fut même donné d'animer l'image de la bête, et l'image se mit à parler et elle faisait mourir ceux qui refusaient de l'adorer.
  • 13:16 Elle amena tous les hommes, gens du peuple et grands personnages, riches et pauvres, hommes libres et esclaves, à se faire marquer d'un signe sur la main droite ou sur le front.
  • 13:17 Et personne ne pouvait acheter ou vendre sans porter ce signe: soit le nom de la bête, soit le nombre correspondant à son nom.
  • 13:18 C'est ici qu'il faut de la sagesse. Que celui qui a de l'intelligence déchiffre le nombre de la bête. Ce nombre représente le nom d'un homme[3], c'est: six cent soixante-six[4].

Différentes écritures

Article détaillé : Numération grecque.

Le nombre est écrit de différentes façons suivant les manuscrits. Un fragment provenant du site Oxyrhynchus donne, par exemple, une version différente : 616, écrit χιϛ.

Plusieurs traductions, dont la Bible de Jérusalem, parlent de Chiffre de la bête, arguant du fait qu'"en grec comme en hébreu chaque lettre avait une valeur numérique selon sa place dans l'alphabet. Le chiffre d'un nom [étant] le total de ses lettres."[5]

Autres occurrences bibliques

De nombreuses interprétations

Avant de chercher à comprendre ce que signifie ce nombre, il faut bien avoir à l'esprit la différence qui existe entre dénombrement et déchiffrement. La traduction de la Saint Jérôme semble inviter au dénombrement : "C'est ici qu'il faut de la sagesse. Que celui qui a de l'intelligence, compte le nombre de la Bête; car son nombre est le nombre d'un homme, et son nombre est six cent soixante-six"[8].
On trouve aussi le mot nombre dans la Traduction du Monde Nouveau[9], Mais d'autres traductions, comme la Bible de Jérusalem, invitent au déchiffrement. À cette époque, en grec comme en hébreux, chaque lettre a une valeur numérique suivant son rang dans l'alphabet, et le chiffre d'un nom est le total de ses lettres. À partir du calcul du chiffre de ce nombre, plusieurs identifications de la Bête ont été proposées.

L'interprétation historicisante

L'empereur Néron est le nom avec lequel on identifie le plus souvent, du point de vue de la lecture littérale et historique du texte, le chiffre 666[10]. Cependant, une fois que l'on s'enquiert de l'équivalence numérique invoquée habituellement, on reste quelque peu sur sa faim. La forme araméenne ou hébraïque נרון קסר (NeRON QeySaR) donne bien 666, mais pourquoi tout à coup, dans un livre écrit en grec (même si son auteur est fortement imprégné des catégories et expressions sémitiques), faire référence à de l'hébreu ? La forme, sans youd (י) est d'ailleurs problématique. L'encyclopédie Pauly-Wissowa, de 1918, cite une hypothèse plus vraisemblable, si l'on se rappelle que le procédé de l'isopséphie réduite (ou du nombre pythmèn) était bien connu à l'époque de la rédaction de l'Apocalypse. Les trois noms "Néron Claude Auguste" (ΝΕΡΩΝ ΚΛΑΥΔΙΟΣ ΣΕΒΑΣΤΟΣ), abondamment attestés par la numismatique de l'empereur, ont la valeur 666 sur la base suivante:

ΝΕΡΩΝ = 1005 = 6
ΚΛΑΥΔΙΟΣ = 735 = 6
ΣΕΒΑΣΤΟΣ = 978 = 6

On a remarqué en outre que d'autres noms ou titres de l'empereur avaient cette valeur en grec: ΑΥΓΟΥΣΤΟΣ (1644 = 6), transcription grecque du titre latin Augustus (en grec normalement sebastos), ΛΕΥΚΙΟΣ (735 = 6) et ΔΟΜΕΤΙΟΣ (699 = 6), forme grecque de ses deux noms avant son accession au trône impérial[11]. Suétone, dans sa Vie de Néron, rappelle précisément qu'il était l'objet de nombreuses moqueries:

« (2) Au milieu de ces désastres, ce qui étonne, ce qu'on ne saurait trop remarquer, c'est que Néron ne supporta rien avec plus de patience que les satires et les injures, et que jamais il ne montra plus de douceur qu'envers ceux qui le déchiraient dans leurs discours ou dans leurs vers. (3) On afficha ou l'on répandit contre lui beaucoup d'épigrammes grecques et latines telles que celles-ci ... (ch. 39)[12] »

Irénée de Lyon

Dans la seconde moitié du IIe siècle, dans son livre Réfutation de la prétendue gnose au nom menteur, surnommé « Contre les hérésies », le millénariste Irénée de Lyon, qui professe une autorité absolue des Écritures, évoque le chiffre de la bête à plusieurs reprises dans son livre V, Ch. 29, 2. En voici un extrait:

« C'est pourquoi aussi, dans la bête qui doit venir, aura lieu la récapitulation de toute iniquité et de toute tromperie, afin que toute la puissance de l'apostasie, ayant conflué vers elle et s'étant ramassée en elle, soit jetée dans la fournaise de feu. C'est donc à juste titre que le nom de la bête aura le chiffre six cent soixante-six, récapitulant en lui tout le mélange de mal qui se déchaîna avant le déluge par suite de l'apostasie des anges — car Noé avait six cents ans, lorsque le déluge survint sur la terre et anéantit les êtres vivants de la terre à cause de la génération perverse du temps de Noé —, récapitulant aussi toute l'erreur idolâtrique postérieure au déluge et le meurtre des prophètes et le supplice du feu infligé aux justes — car la statue dressée par Nabuchodonosor avait soixante coudées de hauteur et six coudées de largeur, et c'est pour avoir refusé de l'adorer qu'Ananias, Azarias et Misaël furent jetés dans la fournaise de feu, prophétisant par cela même qui leur arrivait l'épreuve du feu que subiront les justes à la fin des temps : toute cette statue a été, en effet, une préfiguration de l'avènement de celui qui prétendra se faire adorer lui seul par tous les hommes sans exception —. Ainsi donc, les six cents ans de Noé, au temps de qui le déluge eut lieu à cause de l'apostasie, et le nombre des coudées de la statue, à cause de laquelle les justes furent jetés dans la fournaise de feu, signifient le chiffre du nom de cet homme en lequel sera récapitulée toute l'apostasie, l'injustice, l'iniquité, la fausse prophétie et la tromperie de six mille ans, à cause de quoi surviendra le déluge de feu...[13] »

Le traité De Monogramma Christi attribué à saint Jérôme

Dans ce traité (Patr. latina. Suppl., II, 287-291), six cent seize (616, écrit χιϛ) serait le nom usurpé par l'Antichrist d'Ap. 13, 18 ("usurpat"). Par isopséphie réduite, 616 donne 13 et 13 est le chiffre du Dieu "Un" (hébreu אחד), que l'on retrouve dans l'épigraphie (grecque !) chrétienne sous la forme ΧΜΓ (643, équivalant à 13 par isopséphie réduite). Ce sigle est parfois lu comme un acrostiche pour Christ Michaël Gabriel, mais l'hypothèse de son équivalence avec le terme hébreu repose sur une attestation assez explicite.[14] Il est fort possible que cette équivalence explique la variante 616 au lieu de 666 dans la tradition manuscrite de Ap. 13, 18.

Autres Interprétations

  • Ce nombre a servi à beaucoup d'interprétations fantaisistes, permettant de suggérer à volonté qu'il désignait par exemple le Pape, ou bien encore Napoléon Bonaparte, démonstration que Tolstoï parodie dans son ouvrage Guerre et Paix[15] ou toute autre personne sur laquelle on désirait jeter le discrédit.
  • Au cours des années 1980, aux États-Unis, la marque Procter & Gamble a modifié son emblème parce qu'une rumeur relayée par des fondamentalistes chrétiens disait qu'il contenait le nombre de la bête[16]

Code-barres

Les code-barres que l'on place sur toutes les marchandises contiennent trois « barres de garde », plus longues que les autres, qui ressemblent en partie aux séquences qui codent un 6, de telle sortent qu'elles forment ensemble 6 6 6. Ainsi serait en oeuvre la prophétie de l'Apocalypses qui prédit qu'à la la fin des Temps, la Bête « fera que personne ne puisse ni acheter ni vendre, si il n'a le caractère, ou le nom, ou le nombre de son nom »[17]. On peut aussi bien y voir l'annonce de la généralisation du paiement électronique. Cette interprétation, qui identifie le développement mondial du commerce à l'Empire du Mal, est volontiers considérée comme relevant des théories du complot[18], dont l'inventeur du code barres se justifie en parlant d'une coïncidence, de la même manière que le fait que les trois éléments de son nom font également 666[19]

Radio-étiquette et Verichip

La droite protestante américaine, s'appuyant sur ce passage, mène une campagne vigoureuse contre les implants à radio-identification, qu'ils considèrent comme l'œuvre de Satan. [20]

De fait, outre atlantique, ce passage est souvent cité par certains opposants religieux aux implants Verichip, qu'ils mettent en parallèle avec la perspective d'une monnaie mondiale unique. L'implant, qui pourrait servir de porte monnaie électronique et de carte d'identité, est identifié par eux comme la marque de la bête[21].

On note également un rapprochement de ce nouveau moyen de paiement potentiel avec la marque de la bête dans le film d'Aaron Russo, America : Freedom to Fascism.

Divers

Notes et référence

  1. Papyrus 115 des Papyri d'Oxyrhynque
  2. Ap 13. 11-18
  3. Commentaire de la Bible du Semeur : Autres traductions: car c'est un chiffre humain ou un chiffre à votre portée.
  4. Commentaire de la Bible du Semeur : Autres traductions: Quelques manuscrits ont: six cent seize.
  5. Bible de Jérusalem, Éd. du Cerf, p.2134 note a)
  6. Esd  2. 13
  7. 1R 10. 14, 2Ch 9. 13
  8. Traduction de Port Royal du texte latin : "Hic sapientia est. Qui habet intellectum, computet numerum bestiae; numerus enim hominis est, et numerus ejus sexcenti sexaginta sex."
  9. Traduction en français, 1987, plus connue sous le nom de traduction des Témoins de Jéhovah. "C'est ici qu'il faut de la sagesse: que celui qui a de l'intelligence calcule le nombre de la bête sauvage (sic), car c'est un nombre d'homme." p. 1527.
  10. Par exemple dans la note de la Bible de Jérusalem sur Ap. 13, 18
  11. Voir A. STRUS, L'isopséphie des abréviations byzantines, Revue biblique, 102 (1995), p. 248, citant l'encyclopédie allemande Pauly-Wissowa. Le surmom hérité de son père, Aenobarbus (Barberousse), se ramène plus difficilement au chiffre 6 (voir ibid.).
  12. (suit le vers auquel il est fait allusion sur la page isopséphie)
  13. Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, Livre V, 29, 2
  14. M. Avi-Yonah, Abbreviations in Greek Inscriptions (Quat. Depart. Ant. Pal. Suppl. to vol. IX), 1940, p. 111: une inscription de 377 de notre ère disant ΕΙΣ ΘΕΟΣ ΧΜΓ ΜΟΝΟΣ; sur ΧΜΓ voir par exemple P. Perdrizet, "Isopséphie", Rev. Et. gr. 17 (1904), 350-360, p. 358-359.
  15. livre III, 1re partie, 19
  16. Rumeurs, Jean-Noël Kapferer
  17. Traduction de Port-Royal, "Et ne quis possit emere, aut vendere, nisi qui habet characterem, aut nomen bestiae, aut numerum nominis ejus." (Vulgate)
  18. Le système entier (CUP) a été conçu par rapport au nombre biblique 666, la marque de la bête et du diable Terry Cook, The Mark of the New World Order, 1996
  19. Voir question 6 dans Q&A « Il n'y a rien de sinistre dans ce fait et ça n'a rien à voir avec le nombre de la bête. C'est simplement une coïncidence comme le fait que mon premier prénom, mon second prénom, mon nom de famille ont tous 6 lettres ».
  20. Article dans Le Monde, Big Brother: Implants "la marque de Satan" pour les évangélistes américains, cité par le site Vox Dei
  21. Par exemple, Katherine Albrecht militante d'une agence religieuse de défense des consommateurs opposée aux radio-étiquettes dans son livre The Spychips Threat: Why Christians Should Resist RFID and Electronic Surveillance, An Easy Sales System or Mark of the Beast? in New-York Times, 31/10/2005 et RFID: Sign of the (End) Times? in Wired, 07/06/2006

Voir aussi

Bibliographie

  • Joan-Pere Pujol, Le nombre de la Bête suivant l’Apocalypse : 666, Nîmes, Lacour, 2006;
  • Léon Gambetta, "Le nombre de la bête et la bête du nombre", Œuvres posthumes de Gambetta, X, 384.

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