- Vassili Grossman
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Vassili Grossman (12 décembre 1905 ; 15 septembre 1964), en ukrainien Василь Семенович Гроссман, est un écrivain et dissident soviétique.
Sommaire
Biographie
Issue d'une famille d'origine juive assimilée, non croyante et ne parlant pas yiddish, il nait le 12 décembre 1905 à Berdytchiv en Russie impériale (Ukraine). Il étudie à Kiev, puis à Moscou où il écrit ses premiers textes et obtient son diplôme d'ingénieur chimiste en 1929. Il s'installe alors dans la région du Donbass avec sa femme, épousée en 1928. Mais il revient peu de temps après à Moscou et divorce en 1932. Il abandonne son travail d'ingénieur pour se consacrer à l'écriture avec les encouragements de Maxime Gorki.
Lorsque la guerre éclate en URSS en 1941, Vassili Grossman se porte volontaire pour le front. Il devient journaliste dans l'Armée rouge et participe aux principales confrontations avec l'armée allemande. Il est profondément bouleversé par les massacres massifs de civils juifs, en particulier en Ukraine, et commence à réunir des éléments qui donneront plus tard naissance au Livre noir. Il participe activement à la bataille de Stalingrad, et ses récits du front l'amènent au rang de héros soviétique.
Il suit l'Armée rouge dans son offensive vers l'Allemagne. Il est ainsi le premier homme à écrire sur les camps d'extermination nazis en entrant à Treblinka en juillet 1944. Son récit L'enfer de Treblinka (Треблинский ад) servit de témoignage lors du procès de Nuremberg. Il fut aussi le premier journaliste à entrer dans Berlin en 1945. Il apprend que sa mère, restée en Ukraine les premières semaines de l'invasion allemande, a été assassinée à Berditchev avec plusieurs milliers de Juifs soviétiques.
Au retour de la guerre, il prend ses distances avec le régime communisme. Lui qui écrivait des romans dans le courant du réalisme socialiste devient très critique, en particulier sur la personne de Staline et le sort réservé aux minorités. Ses écrits sont dénigrés par la presse officielle et son livre Vie et destin[1] fut saisi par le KGB[2]. En somme, il sera profondément marqué par le complot des blouses blanches qui est pour lui la démonstration du parallèle entre les régimes nazis et soviétiques qui finalement se retrouvent dans l'antisémitisme.
Œuvre littéraire
Grossman est resté marqué par la bataille de Stalingrad. Il y a passé les mois les plus terribles, ses collègues correspondants de guerre repartaient écrire à l'arrière, lui restait au front. « La puissance du malheur était immense », écrit-il dans Pour une juste cause. Dans Vie et destin, il montre que le bonheur est aussi possible dans la terrible bataille : l’îlot de la « Maison 6 bis » regroupe une poignée d'hommes valeureux et chaleureux. Le soldat Serioja et la « radio » Katia s’aiment.
Grossman arrive à la conclusion dans Tout passe (1963) que l’histoire de la Russie a eu le cours inverse de celle de l’Occident : au lieu de rechercher la liberté et la prospérité par la démocratie, la Russie l’a recherchée par la puissance. Le servage de Pierre le Grand est ainsi encore plus brutal sous Lénine. La puissance russe fut ainsi créée sur la force et non sur la liberté.
Vassili Grossman croit que toute forme d'imposition du « bien suprême » à l'humanité se termine en carnage. Il pense que seule la bonté d'un individu à un autre est possible.
Pour une juste cause
Grand roman tolstoïen qui a pour cadre la guerre, il décrit la bataille de Stalingrad. Il fut publié en Union soviétique dans une version largement censurée.
Vie et destin
Article détaillé : Vie et destin.Il s'agit de l'œuvre majeure de Vassili Grossman. Ce roman est la suite (qui peut être lue indépendamment) de Pour une juste cause. L'œuvre est une immense fresque dans le genre de Guerre et paix. Centrée sur la bataille de Stalingrad, elle peint la société soviétique pendant la guerre.
C'est l’année 1962 que Vassili Grossman finit son grand roman. Il en envoie le manuscrit à son éditeur. Celui-ci, effaré, transmet le brûlot au KGB. Quelques jours plus tard, deux officiers en civil se présentent au domicile de l'écrivain. Ils saisissent les copies, les brouillons, et jusqu'aux rubans encreurs des machines à écrire, de peur qu'on puisse s'en servir pour reconstituer le texte. Vassili Grossman proteste, en appelle à Khrouchtchev, puis connaît une période de profonde dépression. Dix-huit mois plus tard, il meurt d'un cancer de l'estomac. Une citation extraite du roman permet de comprendre la réaction des censeurs soviétiques : « Ce qui se jouait, c'était le sort des Kalmouks, des Tatars de Crimée, des Tchétchènes et des Balkares exilés, sur ordre de Staline, en Sibérie et au Kazakhstan, ayant perdu le droit de se souvenir de leur histoire, d'enseigner à leurs enfants dans leur langue maternelle. Ce qui se jouait […] c'était le sort des Juifs, que l'Armée rouge avait sauvés, et sur la tête desquels Staline s'apprêtait à abattre le glaive qu'il avait repris des mains de Hitler, commémorant ainsi le dixième anniversaire de la victoire du peuple à Stalingrad. »[3]
Le roman est donc considéré comme définitivement perdu. Mais en 1970, certains textes inédits de Vassili Grossman apparaissent en Allemagne, apportés par des transfuges soviétiques. En 1980, des brouillons miraculeusement conservés de Vie et destin sont sortis d'URSS grâce à des microfilms d'Andrei Sakharov. Malgré quelques passages manquants, le roman est enfin publié en Suisse la même année. Il fallut attendre la glasnost pour qu'il paraisse en Russie en 1989. « Je ne crois plus au bien, je crois à la bonté. » dit l’un des héros de Vie et destin.
Notes
- Jean Rouaud, "L'humanité en des temps inhumains" in La Nouvelle Revue Française, Le roman du XXe, Paris, Gallimard, février 2011. Voir le texte de
- François Furet, Le Passé d’une illusion. Essai sur l’idée communiste au XXe siècle, Éditions Robert Laffont et Éditions Calmann-Lévy, Paris, 1995 (ISBN 2-7028-1383-6), 580 p.
- Vassili Grossman, Vie et destin, éd. L'âge d'homme, coll. Poche, Paris, 1980.
Œuvres choisies
- Le Livre noir (Черная Книга), écrit en collaboration avec Ilya Ehrenbourg, est un récit complet et chiffré de l'entreprise d'extermination des juifs d'Union soviétique par les Allemands.
- Pour une juste cause (За правое дело).
- Vie et destin (Жизнь и судьба).
- Tout passe (Все течет) est une nouvelle sur le retour dans son pays d'un interné du goulag. Le manuscrit en fut saisi en même temps que celui de Vie et destin.
- La Madone Sixtine est une méditation sur la beauté et le destin ayant comme prétexte le célèbre tableau de Raphaël du musée de Dresde.
- Carnets de guerre. De Moscou à Berlin. Textes choisis et présentés par Antony Beevor et Luba Vinogradova. Traduit de l'anglais et du russe par Catherine Astroff et Jacques Guiod, Calmann-Lévy, 390 p. C'est le terreau de ses deux grands romans sur la guerre.
- La route, Lausanne, Suisse, Éditions L'Âge d'Homme, coll. « Archipel slave », 2010, 240 p. (ISBN 978-2825140031).
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Adaptations théâtrales
- Lettre au fils, traduction d’Alexis Berelowitch dit par Sylvie Caillaud mise en scène de Bernard Martin pour le théâtre du Lamparo.
- La Dernière lettre, traduction d’Alexandre Berelowitch, mise en scène de Frederick Wiseman, dit par Catherine Samie, Studio-Théâtre, 2000, prix de la meilleure comédienne 2000.
- La première mondiale en France de l’adaptation théâtre de Vie et destin par Lev Dodine. Création le 4 février, avec la troupe du théâtre Maly de Saint-Pétersbourg, à la MC93 Bobigny. La troupe a travaillé quatre ans sur le texte.
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